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des magiciens, sans compter que ce mot a plus encore de rapport à l'action que son synonyme, et représente les cérémonies et les pratiques faites pour produire l'enchantement.

fet, le résultat, que représente dépeuplement | tôt par dérision, en parlant de la prétendue science dans cette phrase de Saint-Simon: «Quand un roi a un premier ministre, il ignore les fautes, les choix indignes et ce qui en résulte, la misère et les cris des sujets, la ruine, le dépeuplement. » Au surplus, il se peut que ces deux mots diffèrent aussi en ce que dépeuplement entre plutôt dans le langage commun, parce que sa terminaison est toute française et qu'il est formé d'un verbe français, dépeupler; tandis que dépopulation a une terminaison toute latine et est formé d'un verbe latin, depopulari.

A propos des mots prosternation et prosternement, l'Académie commet une erreur semblable, et l'on peut faire de ses définitions la même critique. « Un souverain est-il payé de ses peines par toutes les prosternations des courtisans?» LABR. « Il eut peine à se reconnaître et à se relever de ce prosternement où il était. » S. S.

Il faut que la ressemblance entre ion et ment soit bien grande, car beaucoup de mots à présent terminés en ion l'ont été d'abord en ment seulement ou en ment et en ion tout à la fois. Ainsi on a dit pressement (NICOD) avant de dire pression, et c'est un mot dont nous connaissons deux exemples dans Bossuet. Epurement (Boss., BUFF.) paraît aussi antérieur à épuration. Élèvement s'est dit en même temps qu'élévation; il s'en trouve des exemples dans Pascal et jusque dans Massillon. — De plus, il arrive quelquefois à nos meilleurs écrivains de terminer en ment les substantifs dont la désinence ordinaire est ion, soit qu'ils y soient entraînés par l'analogie seule, soit qu'ils aient le sentiment d'une nuance particulière à ment et qui n'est point du tout rendue par ion. Ainsi, au lieu de dévastation, Condillac a employé dévastement; et, au lieu de perversion, de

Les bases verbales auxquelles s'ajoute ment sont toutes françaises, ainsi que cette terminaison elle-même; et, au contraire, la terminaison ion est d'origine latine et s'ajoute toujours à des radicaux latins. De là résulte une différence sou-subversion et de submersion, Voltaire a dit pervent importante entre les substantifs en ment et leurs synonymes en ion : les uns sont du langage commun ou du langage des arts; les autres appartiennent au style noble, figuré, ou bien ce sont des termes didactiques, de science ou de spéculation.

vertissement, subvertissement et submergement, qui manquent dans les dictionnaires.

Pour nous, nous pensons que les deux formes devraient être permises et usitées, attendu que chacune modifie l'idée à sa manière. On peut s'en assurer encore par l'examen des exemples qui viennent d'être cités.

attire à soi notre cœur. » Boss.

Ainsi, repoussement ne se dit qu'en langage ordinaire, d'une arme à feu qui, pour être trop char- La pression cause le pressement; le pressement gée, repousse celui qui la tire; répulsion est un est l'état de la chose qui a subi la pression. Vous terme de physique. - Isolement est communé-exercez sur cet objet une pression trop forte; le ment usité pour désigner l'état d'une personne pressement éprouvé par cet objet l'a tout endomisolée, et isolation est un terme de physique qui magé. La pression se considère pendant, et le signifie l'action d'isoler les corps qu'on veut élec-pressement après. D'ailleurs, pourquoi prestriser. Convertissement n'est guère d'usage sion ne signifierait-il pas, comme renonciation et qu'en matière d'affaires ou de fabrique de mon- sensation, une action plus saillante, c'est-à-dire naie; tandis que conversion s'emploie en juris- extérieure et physique, tandis que pressement, prudence, en logique, en médecine, dans la théo- comme renoncement et sentiment, se dirait d'un rie militaire et en matière de religion et de acte intérieur, de l'âme et de ce qui en dépend? morale. Fléchissement est plus commun que « Notre Dieu entre avec nous en société, s'égale flexion dans les cas où ils se disent des mêmes et se mesure avec nous par les tendresses de son choses; mais, de plus, flexion est un terme d'ana-amour, par les pressements de sa miséricorde, qui tomie. On dit également, réfléchissement et réflexion de la lumière, de la voix, du son; mais, L'épuration est une opération par laquelle on en langage de science, en physique, on se servira donne aux choses la qualité que signifie épureplutôt de réflexion, qui, d'ailleurs, est seul noble, ment. L'épuration se fait avec plus ou moins de et s'emploie seul au figuré. Renouvellement est | lenteur; l'épurement est plus ou moins parfait. de tous les styles, même de la conversation; ré- Agis, roi de Lacedémonė, entreprit l'épuration novation ne se dit guère que dans le langage de des mœurs de ses sujets; c'est qu'en effet l'épurel'Écriture ou de l'Eglise, dans le langage du pa- ment des mœurs pouvait seul faire refleurir sa lais ou dans celui de la littérature: la rénovation patrie corrompue. Ensuite, épurement paraît de l'homme intérieur par la grâce, la rénovation mieux convenir aussi, non pas au figuré en géd'un titre. Dans le public imbu d'une saine lit-néral, mais quand on parle de l'âme et de son térature, ce ne sera jamais à l'élite des bons es- perfectionnement. « La croix est la vraie épreuve prits que l'on risquera de déplaire par d'heureuses de la foi, le vrai fondement de l'espérance, le innovations, par des rénovations utiles. » MARM.-parfait épurement de la charité. » Boss. Desséchement exprime, dans le langage commun, Mêmes différences entre élévation et élèvement. ce qu'exprime dessiccation en termes de chimie On parvient à l'élévation; on se trouve dans l'élèou de botanique. Il en est de même de mouve-vement. L'un montre la personne ou la chose pasment à l'égard de motion: ce dernier est un sant par divers degrés; l'autre la fait voir en terme didactique. Enchantement signifie la possession du rang qu'elle occupe. On travaille à même chose qu'incantation, l'action d'enchanter; l'élévation d'un mur dont l'élèvement me nuira seulement, incantation étant tout latin se dit plu- beaucoup, parce qu'il me privera d'air et de lu

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cœur.

TERMINAISON IVE.

TERMINAISONS IVE ET ION.

Devastation, dévastement. Lorsque l'ennemi Imaginative, imagination. Négative, négation;

affirmative, affirmation. Correctif, correction.

La terminaison ive se trouve ajoutée à des ad

minaison adjective if, ive, dérive du latin vis. force, puissance, faculté, C'est donc aussi ce que doivent signifier les noms en ive, tandis que leurs synonymes en ion marqueront l'action présente. quelque chose d'actuel.

est dans un pays, la campagne est en proie à la dévastation, et le dévastement est l'état de la campagne après la retraite de l'ennemi. La dé-jectifs féminins pris substantivement. Or, la terrastation cesse et disparait aussitôt que le dévastateur s'éloigne; le dévastement reste et marque la trace laissée par le passage du dévastateur. Quelle dévastation! c'est-à-dire, comme on dévaste! avec quelle furie! Quel dévastement! c'està-dire, comme le pays a été dévasté! que de ruines! Les Athéniens, pendant la guerre du Peloponnèse, voyaient du haut de leurs remparts L'imaginative est la faculté qui a la puissance la dévastation de leurs champs; et, plus d'un d'imaginer; l'imagination, la faculté qui imasiècle après, ils se ressentaient encore du dévas-gine. Dans l'une, la faculté est considérée par tement de leurs champs.

IMAGINATIVE, IMAGINATION. Faculté d'ima

giner.

rapport à ce qu'elle peut; dans l'autre, par rapport à ce qu'elle fait, si bien même que par imagination on entend quelquefois la chose imaginée. Ensuite, et conformément encore à la valeur de sa désinence, l'imaginative signifie toujours la faculté d'imaginer, en tant que force ou puis

tion la désigne aussi comme représentant, embellissant ou grossissant ce qui est, les objets.

L'usage est aujourd'hui de n'employer imaginative que familièrement, pour exprimer le talent des expédients.

J'ai bien joué moi-même un tour des plus adroits.
Quand je veux, j'ai l'imaginative

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La perversion est d'un homme qui va se pervertissant; le pervertissement est d'un homme perverti, et la perversité d'un homme pervers. Les deux premiers, les seuls à considérer ici, désignent un changement de bien en mal; mais perversion le montre se produisant, dans son dé-sance, en tant qu'elle crée ou invente; l'imaginaveloppement, et pervertissement le représente comme produit ou effectué, comme un résultat. << Prétendre que la secte chrétienne n'est que le pervertissement de la religion naturelle. » VOLT. L'idée des sorciers et des possédés est un pervertissement de la raison. » ID. - Peut-être aussi perversion a-t-il plus de rapport à l'extérieur, aux actions proprement dites, et pervertissement à l'intérieur, à la partie de l'homme dont les actions sont des actes, c'est-à-dire quelque chose qui éclate et qui frappe moins; en sorte qu'on dirait, en parlant de la conduite d'un libertin Voyez jusqu'à quel point il porte la perversion; et en ayant égard à son caractère seul: On ne saurait rien ajouter au pervertissement de son âme. La subversion est une espèce de crise dont le subvertissement est le résultat. La subversion met et le subvertissement montre les choses sens dessus dessous. « Le gouvernement de France était, sous Charles IX, parvenu à cet excès de subvertissement que deux mille soldats du pape étaient un secours utile. » VOLT.

Submersion présente à l'esprit l'image d'une scene: il peint les vagues qui s'approchent, qui gagnent, envahissent et finissent par engloutir. Submergement est tout abstrait: il signifie le fait accompli. Dieu voyant le pervertissement des hommes, vengea l'abandon de son culte par une submersion effroyable : le submergement de la terre fut fatale à l'espèce humaine, parce qu'il rendit la nature moins forte et moins vigoureuse, et qu'il affaiblit la première constitution de l'univers. La submersion de l'Égypte est due aux inondations du Nil; et le submergement de ce pays fait sa fertilité.

On pourrait citer encore d'autres exemples et les distinguer de même. Ainsi on trouve abrégement pour abréviation dans la Logique de PortRoyal, et Beaumarchais a dit protégement pour protection, annulement pour annulation, tergitersement pour tergiversation.

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Aussi bonne, en effet, que personne qui vive. MOL. NÉGATIVE, NÉGATION; AFFIRMATIVE, AFFIRMATION. Ces mots rappellent l'idée marquée par le verbe d'où ils dérivent, savoir les deux premiers, celle de nier (negare); les deux autres, celle d'affirmer.

La négation est l'action de nier; la négative est une proposition qui a la propriété, la vertu de nier. Une négation est plus ou moins fréquente, une négative plus ou moins forte. Le fait de nier est plus présent, plus direct, plus pur dans le premier de ces mots que dans le second; aussi marque-t-il un acte de l'esprit dont la négative ne présente que le reflet. C'est la négation qui denne à la négative la propriété exprimée par cette dernière. Non, ne, ni, sont également appelées des négations et des négatives: des négations, parce qu'elles représentent un certain acte de l'esprit ; des négatives quand on a égard à leur valeur grammaticale.

Primitivement, négation et affirmation sont des termes de philosophie ou plutôt de psychologie; négative et affirmative, des termes de logique. Tout jugement se réduit à une affirmation ou à une négation; dans les disputes les uns soutiennent l'affirmative, les autres la négative; et la logique enseigne aux argumentants dans quels cas ils doivent prendre l'une ou l'autre.

CORRECTIF et CORRECTION, qui tous deux signifient un changement ou un adoucissement à quelque chose de trop grand ou de trop fort, de trop rude, diffèrent de même.

Le dernier donne l'idée d'un remède eu égard à l'effet qu'il produit, et le premier fait concevoir

ce remède par rapport à la vertu qu'il a de pro- | Armure est donc un nom collectif, et n'a guère duire cet effet. La correction tempère, le correctif de rapport de synonymie avec arme, qu'autant est propre à tempérer; l'une s'applique à un mal | que ce dernier se prend au pluriel. actuel et tend à le corriger actuellement; l'autre A quoi il faut ajouter avec Girard qu'armure s'applique à un mal possible et tend à prémunir signifie exclusivement les armes défensives, parce contre ce danger. Un critique téméraire adoucit que sans doute ce sont celles dans lesquelles se par des corrections ce que ses répréhensions ont | montre et l'on considère davantage le travail, la d'excessif (Boss.); un auteur se sert de correctifs façon, l'art et l'habileté de l'armurier. On revêt de peur qu'on ne prenne ses paroles dans un sens son armure, et l'on prend ses armes. faux ou exagéré (FÉN.).

TERMINAISON URE.

Arme, armure. Tissu, tissure. Seing, signature.
Tour, tournure. Temps, température. Bord,
bordure. Joint, jointure. Entaille, entaillure.
Teinte, teinture.

TISSU, TISSURE. Liaison de fils formant une étoffe.

Le tissu est l'objet en lui-même, l'étoffe, la toile, le tout formé par l'entrelacement de différents fils, l'ouvrage tissu, avec sa longueur, sa largeur et ses qualités intrinsèques, comme d'être de soie, de laine, de cheveux, rouge ou vert. La tissure désigne la façon, la manière dont a été fait le tissu par le tisseur ou le tisserand, la qualité de la fabrication, résultant de la main-d'œuvre; elle est lâche ou serrée, égale ou inégale. « Les lits des sauvages sont d'un tissu de coton. » MONTAIGN. « Tous nos efforts ne peuvent seulement arriver à représenter la tissure de la chétive araignée. » ID. « Je n'aime point de tissure où les liaisons et les coutures paraissent. >> ID. - On peut dire que la tissure d'un tissu est telle ou telle suivant le plus ou le moins d'habileté de l'ouvrier.

Les substantifs en ure sont à base verbale : les uns se forment de l'impératif français, comme tournure, tissure; les autres du supin latin, comme signature de signatum, texture de textum. A la différence de leurs synonymes sans terminaisons significatives et la plupart à base nominale, ils marquent donc un rapport à une action. C'est en quoi ils ressemblent aux substantifs en ion et en ment. Mais ils ne sont pas relatifs, comme ces derniers, à l'action elle-même; ils se rapportent au résultat, et c'est pourquoi Butet les appelle des résultatifs. Ainsi, tandis que les noms à terminaisons indifférentes signifient la chose d'une manière absolue et en elle-même, les noms en ure la montrent comme étant l'effet, le produit, le résultat d'une action marquée par le verbe radical, et comme ayant, par suite de cette action, des qualités extrinsèques et indépendan-au figuré, pour exprimer la façon dont les choses tes de sa nature, une forme, une manière d'être, une disposition, un arrangement, une façon, survenus en elle et y ayant été mis par un agent ou un ouvrier.

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Le devant d'une maison est une expression qui signifie d'une manière abstraite la partie antérieure de la maison; et la devanture est un terme d'art qui représente tous les ouvrages de menuiserie, de serrurerie, etc., qui se trouvent dans cette partie. La terminaison ure, dit Roubaud, désigne si bien un résultat, qu'elle sert souvent à exprimer un ensemble, un tout formé de la réunion, de l'assemblage de plusieurs choses du même genre. Ainsi, la mâture est l'ensemble des mâts, la ferrure la totalité du fer employé dans un ouvrage, la parure l'ensemble des ornements qui servent à parer, la figure l'ensemble et le résultat des traits du visage. » De même la toiture est tout ce qui sert à couvrir une maison, et le toit n'en est qu'une partie, celle qui est exposée à l'air et à l'eau.

ARME, ARMURE. Instrument pour se défendre. Arme exprime la chose en elle-même, indépendamment d'un travail subi antérieurement, lequel est toujours rappelé par armure : dans le danger, on se fait une arme et non une armure, d'une pierre ou d'un bâton.

Ensuite, « l'armure, dit fort bien Roubaud, est l'ensemble des armes d'un guerrier, » ce sont les armes artistement agencées et formant un tout.

Au figuré, le tissu d'un discours, c'est l'ordre des idées, le discours lui-même divisé et disposé de telle manière; la tissure est l'arrangement, la forme seule on saisit, on expose le tissu d'un discours, et on en admire la tissure. C'est ainsi que ce qu'on regarde dans le contexte d'un écrit, c'est le sens; et dans la contexture, l'art.- Du reste,

sont comme tissées, tissure ne se dit guère: on se sert proprement des mots texture et contexture.

SEING, SIGNATURE. Le nom de quelqu'un, écrit par lui-même au bas d'une lettre, d'une promesse, d'un contrat ou d'un acte quelconque, pour le certifier, le confirmer ou le rendre valable.

Le seing exprime la chose d'une manière abso lue ou par rapport à la nature de cette chose; la signature la désigne d'une manière relative ou par rapport à la personne qui appose le seing. Le seing n'a pas toujours été le nom de la personne, mais un signe quelconque une tache d'encre, imprimée avec la paume de la main sur un acte public, était le seing ordinaire des empereurs ottomans. A l'époque où on croyait aux sorciers, on s'imaginait que le diable appliquait une marque à toutes ses favorites, « et que le sceau du diable était un petit seing (signum) qui rendait la peau insensible. » VOLT.

Ducange pense que le mot seing vient du signe de la croix qu'on apposait autrefois au bas des actes avec la signature, comme un symbole du serment qu'on faisait de les observer. Aujourd'hui, votre nom est votre seing, et votre seing est votre signature, quand on le considère par rapport à vous, en tant que vous l'écrivez et à la manière dont vous l'écrivez. Deux frères ont le même seing et peuvent avoir des signatures bien differentes; c'est ainsi que deux écrits peuvent être les mêmes sans être de la même écriture. Le seing or

dinaire et commun des rois d'Espagne est Io, el | lifiera d'hable (VOLT.), ou d'originale (LAH.). On Rè, moi, le Roi. L'écriture distingue la signature particulière de chacun d'eux.

Le seing est le type, l'idéal, la manière générale de signer. Saint-Charles Borromée examinait lui-même les pièces qu'on jouait à Milan, il les munissait de son approbation et de son seing. » VOLT. La signature est le seing effectif ou réalisé : peut-être existe-t-il encore de ces pièces au bas desquelles se lit la signature du saint archevêque de Milan.

Mettez au bas d'un écrit un nom imaginaire, votre seing est faux; c'est un déguisement qui consiste à ne pas signer son nom : mettez-y le nom de quelqu'un, votre signature est fausse, vous commettez la fraude qui consiste à signer du nom d'autrui.

Enfin, signature, à la différence de seing, rappelle si bien l'action de signer, qu'il signifie quelquefois la cérémonie, le soin, la formalité, avec lesquels cette action se fait, et qu'il indique plutôt un acte public, authentique et revêtu de formalités, qu'un acte privé, simple, ordinaire. Ajoutez une autre différence : la désinence ure étant commune et peu relevée, le mot signature a moins de noblesse que son synonyme. « L'auguste seing de Votre Majesté. » LES.

Adorez, a-t-il dit, l'ordre de votre maître, De son auguste seing reconnaissez les traits. RAC. De même on dit des écritures dans un sens plus vulgaire que des écrits. « A présent que j'ai un maudit procès pour mes dimes, et que je fais des écritures, je ne peux guère faire d'écrits. » VOLT. TOUR, TOURNURE. Ces mots se disent tous deux, au figuré, des affaires, de l'esprit et du style, pour en marquer la manière d'être, l'état, la tendance, la disposition.

Tour est absolu, et tournure relatif : le tour poétique, une tournure poétique : on ne dit point le tour, mais seulement la tournure de quelqu'un (VOLT., J. J.), pour sa manière d'écrire. Il faut dire aussi la tournure, et non le tour d'une réponse particulière (LAH., J. J.).

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Le tour se considère en lui-même, idéalement, à priori; tour est un terme du langage didactique. « Il y a un tour à donner à tout.» MONTESQ. « L'AntiMachiarel est dangereux par le tour malin qu'on peut donner à plus d'une expression. » VOLT. Chaque style a un cercle de mots, de tours et de figures qui lui conviennent. » MARM. « Le retranchement des articles et des pronoms donne à la phrase un tour plus vif. » LAH.- La tournure rappelle le travail, l'opération, la manière de quelqu'un qui a tourné; tournure est un terme de critique. « Nous avons imaginé avec Cramer une tournure pour que le parlement ne soit point fâché. VOLT. « Je crois la tournure des premiers actes meilleure de cette seconde cuvée. » ID. « Vous trouvez à tout moment dans Labruyère cette tournure trainante.... » MARM. « Voltaire a su ôter à ces vérités générales, par la vivacité des tournures, ce qu'elles ont d'abstrait et de sentencieux. » LAH.

α

Il y a un tour oriental (LAH.), des tours oratoires (BUFF.); mais en parlant d'une tournure employée effectivement par quelqu'un, on la qua

SYN. FRANÇ.

admire en lui-même un tour heureux; mais dans une tournure heureuse c'est l'auteur qu'on admire. De là il suit que tournure exprime une disposition, une forme plus particulière, plus spéciale, ou même un tour propre à une seule personne. « Les auteurs grecs ont tous des tournures et des constructions qu'ils affectionnent, et quand on passe d'un auteur à l'autre, il faut faire une sorte d'apprentissage des tours de phrase qui sont fami

liers à chacun. » LAH.

« Vous direz plutôt un tour de phrase, et la tournure du style. Avec la plupart des tours ordinaires à la prose, la poésie a ses tournures, sa tournure particulière et distinctive : les poëtes, avec les mêmes tours, ont quelquefois leur tournure propre et un caractère particulier. Les formes ordinaires de la langue ne sont que des tours; mais j'appellerais plutôt tournures ces tours singuliers qui, contraires aux formes communes, et même aux règles ou de l'analogie ou de la grammaire, mais reçus, servent, par leur singularité même et leur désordre grammatical, à donner plus de force à la couleur, plus de mouvement à la passion, plus de philosophie à l'arrangement des idées, plus de grâce à l'expression. Quel est votre aveuglement ! Voilà un tour français et vulgaire. Quel aveuglement est le vôtre! Voilà une tournure singulière empruntée de l'italien. » ROUB.— « Au bruit de Neptune est une de ces tournures figurées qui distinguent si heureusement la poésie de la prose. » LAH. « Expressions, tournures, mouvements, tout dans Bossuet lui appartient. » ID.

D

D

TEMPS, TEMPÉRATURE. Tous deux signifient l'état de l'atmosphère sous le rapport de la chaleur et de l'humidité.

Temps est absolu, et température relatif. Aussi dit-on le temps ou un temps, sans rien ajouter : le temps est ou il fait un temps chaud ou froid, agréable ou rude. Température demande toujours qu'on détermine par rapport à quoi on l'entend la température de l'air, la température de tel climat est chaude ou froide, agréable ou rude.

Ensuite, la température est, par rapport au lieu dont il est question, quelque chose de réglé, qui règne pendant toute une saison; au lieu que le temps est quelque chose d'indéterminé aussi quant à sa durée, qui d'ordinaire est plus courte.

BORD, BORDURE. Extrémités de certaines choses, comme tableaux, vases, etc.

Bordure ne se dit que du bord qui a été travaillé d'une certaine façon par la main de l'homme. On dit, les bords, et non la bordure ou les bordures de la mer. Les bords d'un ruisseau peuvent être couverts d'une bordure de fleurs. Les bords sont naturels, et non pas artificiels comme la bordure; ils ne sont point comme elles ajoutés à l'objet, ils en font partie.

JOINT, JOINTURE. L'endroit où deux choses se joignent.

Joint exprime cette idée sans aucun accessoire; jointure y ajoute celui d'arrangement, d'agencement des parties jointes. On appellera joint l'intervalle qui est entre deux pierres superposées. parce qu'il n'y a là aucune complication, aucun

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ENTAILLE, ENTAILLURE. Coupure avec enlèvement de parties.

L'entaille est simple, faite en ligne droite. Il n'en est pas de même de l'entaillure. Ce dernier mot, du reste, se dit plutôt en termes d'arts et métiers. Un coup de sabre produit une entaille, et non pas une entaillure.

TEINTE, TEINTURE. Ils se disent tous deux en parlant d'une qualité que l'on ne possède que superficiellement.

La teinte se considère absolument et dans le sujet; la teinture apparaît comme un résultat. Il y a dans les paroles d'une personne une teinte de malice, de mélancolie, c'est-à-dire un peu de ces qualités; on a quelque teinture de philosophie, de physique, de belles-lettres, c'est-à-dire qu'on en est un peu teint, qu'on les a un peu étudiées, un peu apprises. « On ne peut taxer Cicéron de la moindre teinte de superstition et de crédulité. » LAH. « L'esprit prend, malgré qu'il en ait, la teinture des choses auxquelles il s'applique. VOLT.

α

D

vement, enjolivure. Élargissement, élargissure Emboitement, emboîture.

Les substantifs en ure étant à base verbale, ainsi que les substantifs en ment, se rapportent comme eux à l'action signifiée par le verbe radical. Mais, au lieu de marquer l'action elle-même comme ces derniers, ils en marquent le résultat; au lieu d'exprimer qu'une action se fait et la manière dont elle se fait, ils expriment l'état qui provient de l'action; ils sont plutôt passifs qu'actifs, plutôt relatifs à l'effet, à sa qualité, qu'à l'action et à l'agent.

Une seconde différence, non moins essentielle, tient à ce que la modification représentée par ure comme étant subie par un objet, est presque toujours le résultat du travail de l'art, d'une opération manuelle de l'homme. Lors même que les deux synonymes désignent un état, un résultat ou un effet, celui qui se termine en ment se distingue toujours de l'autre. en ce qu'il est plus relevé, plus noble et s'emploie fréquemment au figuré, tandis qu'on se sert presque exclusivement du substantif en ure en termes d'art et en parlant de choses faites à la main. «La terminaison ure, dit Roubaud à ce sujet, est très-connue dans la langue des arts. »

ENCHAÎNEMENT, ENCHAÎNURE. Liaison de choses qui, dépendantes les unes des autres, forment une chaîne ou une sorte de chaîne.

Beauzée et Roubaud n'ont pas eu grand'peine à trouver que le premier de ces deux mots ne se dit qu'au figuré des objets physiquement ou métaphysiquement dépendants les uns des autres, et le second que dans le sens propre des ouvrages de l'art dont les parties sont effectivement attachées par une chaîne; de sorte que des causes, des idées, des malheurs et autres objets qui conduisent successivement de l'un à l'autre, forment un enchainement, et des anneaux, des fils, des cordons et autres objets semblables, entrelacés les uns dans les autres, forment une enchaînure. Le Dictionnaire de l'Académie leur présentait cette distinction toute faite.

Il en est de même au physique. Les objets ont telle teinte. « La méléchryse offre la teinte rougeâtre du miel. » BUFF. « Il y a quelques spaths qui ont des teintes d'un rouge ou d'un jaune léger; Cependant Roubaud avait trop de sagacité pour il y a des basaltes d'une teinte jaunâtre et comme ne pas entrevoir et appliquer à ces deux mots la rouillés. » ID. « Le front du petit-gris est mêlé première règle ci-dessus établie. « Ment, ajouted'une légère teinte de roux. » ID. - Mais si on re-t-il, employé substantivement, désigne la cause, présente la teinte comme un résultat, si on indique d'où elle vient aux objets, elle doit être nommée teinture. « Les diamants colorés tirent leur teinture du sol qui les produit.» BUFF. « La terre d'ombre est une terre bitumineuse à laquelle le fer a donné une forte teinture de brun. ID. « La substance des cailloux rouges opaques a reçu sa teinture par des parties métalliques plus grossières que les agates. » ID. « On ne peut guère attribuer cette teinture noire des coqs nègres qu'aux aliments que les oiseaux trouvent dans cette île. » ID.

l'action, ce par quoi la chose est telle : ure dėsigne particulièrement l'effet de cette cause, le résultat de cette action, ce qui est produit dans la chose même. Les rapports que les sciences ont entre elles forment leur enchaînement; ils les enchaînent ensemble: la disposition même des anneaux qui entrent les uns dans les autres est leur enchainure; c'est l'état de la chose enchaînée. » DÉCHIREMENT, DÉCHIRURE. Action de déchirer ou résultat de cette action.

Mais le premier marque plutôt l'action, et le second le résultat; si bien que la déchirure est l'effet du déchirement, l'état dans lequel l'action TERMINAISONS MENT ET URE. de déchirer a mis la chose. C'est ainsi que la Enchainement, enchaînure. Déchirement, déchi- froissure est l'effet du froissement. Le déchirerure. Brisement, brisure. Enfoncement, enfon- ment des habits était, parmi les Juifs, une marcure. Poliment, polissure. Plissement, plissure. que de douleur et d'indignation; on a une déchiLigament, ligature. Parement, parure. Enjoli-rure et non un déchirement à son habit.

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