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à celui des substantifs en ment, c'est-à-dire qu'ils | mente, impétueuse; on dit, le feu, la chaleur de marquent comme eux la manifestation actuelle de l'action; une action d'éclat. Les actes ne sont l'idée exprimée par le radical et un certain rap- susceptibles que d'être comptés ou caractérisés port à l'agent et à son opération. En d'autres par leur nature. On dit un acte, divers actes termes, ils sont essentiellement actifs et subjec- d'une telle espèce; la répétition des actes d'avatifs: subjectifs, en ce sens qu'ils appellent l'atten- rice décèle l'avare; nous appelons fou celui qui tion sur le sujet qui agit et sur son mode d'ac- fait plusieurs actes de folie. tion. Il n'en est pas de même de leurs synonymes Un second caractère, remarqué par les synoà terminaison indifférente : ceux-ci se distinguent | nymistes Girard et Condillac, consiste dans la par un caractère manifeste de passivité et d'objec- | subjectivité de l'action et l'objectivité de l'acte. tivité : ils expriment l'effet produit par l'action, Le mot d'action, dit Girard, a plus de rapport la nature de cet effet, et non sa manifestation à la puissance qui agit, et celui d'acte en a daprésente. Cette différence renferme à elle seule vantage à l'effet produit par cette puissance. toutes celles qui peuvent se trouver entre les sy- Et Condillac : « Dans le mot action, il semble nonymes dont il s'agit ici. La règle est donc sus- que l'esprit se borne à considérer l'effet comme ceptible de développements; mais comme ces provenant de sa cause; et dans le mot acte, il développements seraient, à notre sens, divers semble considérer l'effet relativement à l'objet suivant les divers synonymes, il convient de auquel il se rapporte. On dira donc les actions laisser cette règle dans toute sa généralité et de de la volonté, et, au contraire, ce choix est un passer immédiatement à l'application. acte de la volonté. Dans la première phrase, les actions ne sont considérées que dans la volonté: dans la seconde, l'acte est relatif à ce qu'on choisit. On caractérise l'action en caractérisant le mode d'agir de l'agent; on dit : une action vertueuse, généreuse, équitable, magnanime. On caractérise l'acte en disant ce qu'il est essentiellement en lui-même ou dans sa nature, un acte de vertu, de générosité, d'équité, de magnanimité. La morale en action rapporte des actions vertueuses; les traités de morale determinent les actes de vertu, de méchanceté, de justice. Une action généreuse ou d'éclat nous intéresse tout d'abord en faveur de celui qui l'a faite; dans un acte de vertu, c'est l'acte lui-même que nous con

RÉFORME, RÉFORMATION. L'idée commune à ces deux mots est celle d'un rétablissement dans l'ancienne forme ou dans une meilleure forme.

« La réformation, dit Beauzée, est l'opération qui procure ce rétablissement; la réforme en est le résultat ou le rétablissement même. »

C'est aussi la distinction qu'établit Girard. « La réformation, dit-il, est l'action de réformer; la réforme en est l'effet. Dans le temps de la réformation, on travaille à mettre en règle, et l'on cherche les moyens de remédier aux abus; dans le temps de la réforme, on est réglé et les abus sont corrigés. Il arrive quelquefois que la réforme d'une chose dure moins que le temps qu'on a mis à sa réformation. »

sidérons avant tout.

Un troisième caractère consiste en ce que l'action, bien que le plus souvent subjective, c'està-dire relative à l'agent et à son mode d'agir, ne se dit point des opérations intimes de nos facul

La réforme est un état, la réformation est un événement qui le prépare: on vit dans la réforme; la réformation a ébranlé la puissance pontificale. La réforme est une chose, une chose bonne ou mauvaise, à désirer ou inopportune; on l'ac-tés, apparemment parce que ces opérations ne cueille ou on la repousse. Une réforme salutaire (D'AG.). « On vit les courtisans de Denys courir au-devant de la réforme, proscrire le luxe de leurs tables. BARTH. La réformation est un fait, la réalisation de la réforme. Travailler à la réformation des mœurs (BOURD.), à la réformation du genre humain (BARTH.), de l'astronomie (ROLL.), à une œuvre de réformation (Boss.); plein de zèle pour la réformation des abus (FEN.); au temps de la réformation (VOLT.); les siècles qui ont suivi la réformation (Boss.).

sont point considérées comme des manifestations ou des déploiements visibles de force. << Nos actions sont nos œuvres proprement dites, dit Roubaud; nos actes ne sont que des opérations de nos facultés. Nous faisons des artes de foi, d'espérance, de charité; ces actes ne sont que des émissions, des déclarations, des aveux de nos sentiments, et non pas des actions. Nous péchons par pensée, par parole, par action. La pensée n'est qu'un acte, et l'action est une œuvre; l'action entraîne l'acte; l'acte ne nécessite pas l'action prise dans ce nouveau sens. »

Ou bien encore réforme, étant objectif, signifie les réformés, les protestants, tandis que réfor- En style judiciaire, acte exprime quelque chose mation, par la raison contraire, se dit de leurs d'objectif, une pièce ou un écrit constatant une entreprises. « C'est par là que s'accomplira la convention; et action, un événement, une pourréformation, jusqu'ici trop faiblement commen-suite, un procès. C'est aussi un événement que cée; la réforme fera souffrir tous ces maux à des chrétiens. Boss.

ACTE, ACTION. Tous deux donnent l'idée d'une force déployée dans la vue d'atteindre certain but.

Mais l'action est la manifestation de la puissance, et l'acte en est l'effet manifesté. a Par l'action, dit Roubaud, la puissance se réduit en acte. L'action, étant une manifestation, est susceptible de divers degrés elle est vive, véhé

marque l'action dramatique, tandis que les actes désignent les parties principales de la pièce considérée en elle-même et comme œuvre littéraire.

SALUT, SALUTATION. Démonstration extérieure par laquelle on témoigne aux personnes de l'intérêt, de la bienveillance, de la considération ou quelque autre sentiment semblable.

Le salut est le signe ordinaire pris pour l'action de saluer; c'est une démonstration extérieure

et commune de civilité, d'amitié, de respect, faite aux personnes qu'on rencontre, qu'on aborde, qu'on visite. La salutation est relative à l'agent qui salue et à son mode d'action; elle indique la manière dont l'action de saluer est faite dans telles circonstances. Un homme ne fait pas la même salutation qu'un autre en faisant le même salut. « La salutation, dit Roubaud, dont nous empruntons ici les idées, est le salut particulier tel qu'on le fait dans telle occasion, surtout avec des marques très-apparentes de respect ou d'empressement. Vous trouveriez peut-être dans les différents saluts des divers peuples des traits particuliers de caractère. Des salutations particulières vous tirerez peut-être quelquefois des inductions sur le caractère, l'éducation, les affections présentes des personnes. » C'est afin de marquer aux gens à qui l'on écrit qu'on éprouve pour eux des sentiments tout particuliers de respect ou d'affection, qu'on leur présente, à la fin de ses lettres, ses salutations respectueuses, affectueuses ou amicales.

chose; dans la donation, c'est la manière ou le fait un don est plus ou moins précieux; la donation est légale ou illégale, conditionnelle, pure et simple, etc. On fait acte de donation. INDICE, INDICATION. Ce qui indique, ce qui donne à connaître quelque chose et qui est une espèce de signe.

L'indice est par lui-même et naturellement dans l'objet; l'indication est l'œuvre d'une personne qui fait l'action d'indiquer. Les terrains fournissent des indices, et les minéralogistes qui les ont visités des indications des mines qui s'y trouvent (BUFF.). Un indice trompeur est tel en lui-même qu'il fait croire à ce qui est faux; une indication trompeuse vient de quelqu'un qui a voulu induire en erreur.

ÉMOI, ÉMOTION. Agitation produite dans l'esprit.

L'émoi est un sentiment, un état de l'âme; l'émotion est une passion, un mouvement de l'âme: on est en émoi, et l'on éprouve ou l'on excite une émotion ou des émotions. L'émotion est difficile à cacher; c'est par elle que se détermine et se manifeste l'émoi.

PROGRES, PROGRESSION. On dit également,

humain, pour marquer les pas qu'il fait dans la voie des ameliorations et du perfectionnement.

Le salut est tel habituellement, selon la règle qui le détermine. « Un ambassadeur a la même garde, les mêmes saluts et les mêmes honneurs qu'un général d'armée. » S. S. « Le salut est réci-au figuré, le progrès et la progression de l'esprit proque entre les pairs et les présidents. » ID. Louis XIV était admirable à recevoir différemment les saluts à la tête des lignes, à l'armée et aux revues. ID. La salutation est telle de la part d'une personne particulière et dans une occasion particulière. « Ils passèrent leur chemin avec une salutation froide. » S. S. Il fallut m'avancer hors de ma loge, et, par une humble salutation, répondre à cette faveur du public. » MARM.

D'ailleurs le salut est une chose; on le rend ou on le refuse la salutation est un fait, un événement. « A la voix de Marie et à sa salutation, l'enfant d'Elisabeth tressaillit dans son sein.» Boss. « Les deux reines mirent pied à terre, et, après les salutations, elles montèrent toutes deux dans une même calèche. >> S. S.

Enfin les saluts sont moins démonstratifs, consistent moins en actions, en mines et en grimaces. «Mettre toute la morale en simagrées, et ne connaître d'autre humanité que les salutations et les révérences. » J. J. « De tous côtés on m'adresse de petits saluts imperceptibles, de doux sourires d'amitié. » MARM.

TAXE, TAXATION. L'idée commune à ces deux mots est celle de la détermination établie de quelque valeur pécuniaire.

Taxe se prend objectivement pour cette valeur même ou pour le règlement qui la détermine; taxation signifie l'opération de la tare, et, au pluriel, certains avantages pécuniaires alloués aux employés qui s'occupent de cette opération. Ces distinctions de Beauzée s'accordent donc bien avec la règle générale.

DON, DONATION. Ce qu'on donne, ce dont on transmet la propriété à un autre.

Le don est considéré en lui-même dans l'objet qui le constitue; la donation est relative à la facon dont on donne; c'est ce qui se donne par acte public, d'une manière expresse, notoire et solennelle. Ce qui importe dans le don, c'est la

Le progrès est le résultat de cet avancement. de la progression; la progression est l'action d'avancer, laquelle amène le progrès: on constate le progrès ou les progrès de l'esprit humain. et on le suit dans sa progression. La malice des hommes alla toujours croissant depuis la création jusqu'au déluge: cette progression ne fut pas un progrès. La progression est de fait ou effective, et se considère quant à la production; le progrès est un résultat, et se considère quant à l'idée : la progression est lente ou rapide; le progrès est plus ou moins grand, plus ou moins avantageux. « Les glacières des Alpes prennent un accroissement constant: cette progression est prouvée par des forêts de mélèzes qui ont été absorbées par les glaces; mais les pluies, les vents et les chaleurs, plus actifs dans certaines années, détrui sent les progrès des années précédentes. » BUFF. « La progression du mouvement de déclinaison de l'aimant est plus qu'irrégulière; le progrès de ce mouvement en 205 ans a été de 33 degrés 30 minutes. » ID.

CONCEPT, CONCEPTION. Idée, notion, vue de l'esprit.

Le concept est tout objectif et tout passif; il ne reçoit de qualification qu'en raison de son essence, de sa nature: le concept du triangle enferme les idées de trois côtés et de trois angles. La conception est relative à l'esprit qui conçoit et à la manière dont il conçoit; elle est vive, hardie, originale, plaisante.

CONTESTE, CONTESTATION. Défaut d'accord. Conteste exprime ce défaut quant à l'idée, et contestation l'exprime quant au fait. Une chose nous appartient sans conteste (MOL., BEAUM.), c'est-à-dire sans contestation possible, incontestablement. Une chose, une proposition, est reçue sans contestation (MAL.), c'est-à-dire sans qu'il

s'élève effectivement aucune dispute, d'une ma- | la salutation au salut, l'action à l'acte, l'émotion nière incontestée.

à l'émoi. Cependant, lorsque les deux terminaisons ment et ion, se trouvant à la fin d'un même radical, servent à composer deux substantifs synonymes, l'une exprime plutôt la réalisation, et l'autre la manifestation de l'idée commune. Quoique, relativement aux substantifs sans terminaisons significatives, ment se distingue aussi par son rapport à l'action, il se trouve posséder ce caractere moins essentiellement que la désinence ion ou bien il désigne une action moins exté

Un acte est exempt de conteste (BEAUM.), n'est point sujet à conteste (In.), est hors de tout conteste (In.); il ne peut donner lieu à aucune contestation. Mais la contestation est effective; ce n'est point à la simple possibilité et au droit qu'elle se rapporte; elle ne se considère pas avant, mais pendant; elle désigne une manifestation, un fait on conteste actuellement sur ce qui est en contestation. CORPS. CORPORATION. Réunion de personnes rieure, moins visible, moins saillante et moins vivant d'après des règles communes.

Corporation n'existe point avec ce sens en latin, et la valeur précise de ce mot est d'autant plus difficile à déterminer qu'il n'y a point de verbe correspondant d'où l'on puisse le faire venir. La corporation est, ce semble, un corps qui se forme, qui est en train de se constituer, qui n'est soumis qu'à des règles peu nombreuses, et dont l'existence est précaire; mais le corps est constitué, reconnu, il existe par lui-même. « Les peuples sont unis, et la nation est une; la nation est le corps, et les peuples sont des espèces de corporations nationales. » ROUB. Voltaire, parlant de l'établissement des templiers et des hospitaliers, distingue de même societé et association : « Quand la société générale est bien gouvernée, dit-il, on ne fait guère d'associations particulières. D

-

FABRIQUE, FABRICATION. Ces deux mots se disent également en parlant de la manière dont les choses sont fabriquées.

La fabrique exprime le résultat, les qualités inhérentes à ces choses; la fabrication est relative à l'opération de fabriquer et aux procédés qu'on y emploie. Une étoffe est de bonne fabrique, et la fabrication en est soignée.

forte; ou bien il prend assez volontiers la signification objective et exprime la simple réalité, le résultat, l'effet, l'état, alors que la désinence ion représente l'action seule.

Ce dernier caractère est confirmé par le genre des substantifs en ment: ils sont tous du masculin, et propres par conséquent à exprimer quelque chose de précis, un fait, un résultat, quelque chose de fait, d'arrêté, d'achevé; au lieu que leurs synonymes en ion, étant tous du féminin, marquent naturellement quelque chose de plus vague et de plus indéterminé, c'est-à-dire une action ou une chose qui est en train de se faire.

Cette tendance ou cette aptitude de ment à marquer le passif, l'état, la chose face, est prouvée par la grande analogie de cette désinence avec la désinence ure, dont telle est effectivement la valeur plusieurs substantifs de même radical deux à deux, et terminés, les uns en ment, les autres en ure, se ressemblent tellement pour le sens (voy. la terminaison ure et les synonymes qui s'y rapportent), qu'on ne peut les distinguer que par leur plus ou moins de noblesse; tant il est difficile de rattacher à la terminaison des uns et à celle des autres une nuance d'idée particulière. Et ce rapport entre les deux terminaisons ment et D'autre part, lorsque fabrique signifie comme ure n'est pas sans conséquence, il s'en faut bien, fabrication l'action de fabriquer, il ne se dit sur le sens des substantifs en ment: il leur donne qu'en général, et non pas relativement à un fait souvent relativement aux substantifs en ion une particulier qui ait eu lieu. « J'ai reçu du ciel, dit position analogue à celle des substantifs qui n'ont Scapin, un génie assez beau pour toutes les fa- pas de terminaison significative à l'égard des subbriques de ces gentillesses d'esprit appelées four-stantifs qui en ont une, telle que ment, ion, ure, beries. MOL. « La fabrique des esprits animaux se commence par le cœur. » Boss. Mais Voltaire a dit et dû dire : « La fonte et la fabrication du veau d'or en vingt-quatre heures est un prodige.»

TERMINAISONS ION ET MENT.

Renonciation, renoncement. Sensation, sentiment. Dissension, dissentiment. Violation, violement. Rénovation, renouvellement. Fondation, fondement. Fraction, fragment. Section, segment. Prolongation, prolongement. Dépopulation, dépeuplement. Prosternation, prosternement. Répulsion, repoussement. Etc.

Il y a cela de commun entre les terminaisons ment et ion, que les substantifs auxquels elles sont jointes, étant comparés avec des synonymes à terminaisons indifférentes, paraissent également marqués d'activité et de subjectivité, c'est-à-dire ont rapport à une action, à un agent et à son mode d'agir. De sorte que le râlement, par exemple, est au rale, et l'aboiement à l'aboi, comme

age, etc.

RENONCIATION, RENONCEMENT. La désappropriation est l'effet de l'un et de l'autre.

Mais l'un marque une action extérieure, et l'autre un acte intérieur. « La renonciation, dit Condillac, se fait aux choses auxquelles on a droit, et le renoncement se fait aux choses pour lesquelles on a de l'attachement.»

La renonciation est un acte public, solennel, une déclaration de désistement. « Henri II (d'Angleterre) renonça solennellement à tous les droits de la monarchie qu'il avait soutenus contre Becket. Les Anglais condamnent cette renonciation.» VOLT. « Il en coûta à ce malheureux prince (Christiern III) une renonciation expresse aux couronnes de Danemark, de Suède et de Norvége. » VERT. « Quand un Génevois veut quitter tout à fait sa patrie pour aller s'établir en pays étranger.... Il est vrai qu'ordinairement cette renonciation n'est pas solennelle. » J. J. « Ce traitė ne devait avoir son entier accomplissement que lorsque les deux rois auraient envoyé à Bruges,

à un certain jour marqué, les lettres de renon-
ciation réciproque. » Boss. «Madame Guyon a
souscrit à la condamnation de ses ouvrages:
moyennant cela et la renonciation à son direc-
teur, avec quelques autres choses conformes à sa
déclaration faite entre mes mains, on l'a reçue aux
sacrements. >> ID. Mais le renoncement est une
vertu intérieure, un détachement de cœur et d'af-
fection. « La plupart des préceptes de Jésus-Christ
ont pour objets des vertus intérieures, l'amour
des ennemis, le détachement des biens du monde,
le renoncement aux satisfactions humaines. » NIC.
« La circoncision du cœur, c'est le retranchement
de tout le sensible, et le renoncement entier à
soi-même.» Boss. « Ce renoncement de cœur, ce
mépris de tout ce qui passe, recommandé à cha-
cun de nous dans l'Evangile. » MASS. « La vie
chrétienne est une vie de renoncement et de sa-
crifice. >> ID. << Les poésies qu'Ausone avait faites
avant son renoncement aux muses profanes. » ROLL
« Le quatrième acte de justice, qui doit être le
plus fréquent, est la renonciation à l'alliance du
peuple dont on a à se plaindre. » MONTESQ.
L'État subsiste indépendamment de l'amour pour
la patrie, du désir de la vraie gloire, du renonce-
ment à soi-même, et de toutes ces vertus hé-
roïques que nous trouvons dans les anciens. » ID.
On dit renonciation à une succession (ACAD.),
à une province qu'on cède (Boss.), à une cou-
ronne (VERT.), etc.; on dit renoncement aux plai-
sirs (ACAD., MAL., COND.), aux honneurs et à la
vanité (ACAD.), à ses volontés, à ses inclinations
naturelles, aux douceurs et à la tranquillité de la
vie (BOURD.).

«

au fait propre de sentir. « Suivant Descartes, les bêtes sont de pures machines qui ont toujours les organes du sentiment pour n'éprouver jamais la moindre sensation. » VOLT.

D'autre part, sensation signifiant une action se dira des affections passagères qui ne durent point. On dit bien, produire une sensation de frayeur; on ne dirait point, produire une sensation d'aversion. Une sensation de plaisir, de joie, de douleur, n'est point un sentiment de plaisir, de joie, de douleur. L'une est instantanée, rapide, superficielle, et considérée par rapport à sa cause, à sa production ou à sa vivacité; l'autre est plus intime et plutôt considérée sous le point de vue de sa durée et de son intensité. On dit bien une sensation de douleur, mais non une sensation de souffrance.

Considéré d'une manière plus générale, le mot sensation, conformément à son sens fondamental et primitif, ne peut se dire que des affections de l'âme résultant d'une action réelle. Il est presque exclusivement déterminé à signifier les impresSions produites sur nos sens par les objets extérieurs, et qui sont suivies dans notre intelligence d'idées relatives à ces objets. Au contraire, sentiment exprime toutes les affections que l'âme éprouve en tant que raisonnable, dont l'origine est, non pas dans une action réelle et extérieure, mais dans des idées abstraites, et à la suite desquelles nous ne recevons aucune idée. Ainsi, presque toutes nos idées sensibles ont été précédées de sensations. Les plaisirs que nous éprouvons après avoir compris un problème, une énigme, une découverte, ou conçu la moralité d'une action, Beauzée propose la même distinction. « Renon-ou aperçu la beauté d'un objet d'art, sont des ciation, dit-il, est un terme d'affaires et de jurisprudence; c'est l'abandon volontaire des droits que l'on avait ou que l'on prétendait avoir sur quelque chose. Renoncement est un terme de spiritualité et de morale chrétienne; c'est le détachement des choses de ce monde et de l'amourpropre.»-Toutefois, et quoi qu'en dise Beauzée, la renonciation étant extérieure, peut n'être qu'extérieure, c'est-à-dire, à la différence du renoncement, forcée et non pas volontaire. « Les Colonne prétendaient que la renonciation du pape Célestin V était nulle, parce qu'elle lui avait été arrachée. » COND. Voltaire traite de « renonciation imposée par la force » celle du prince Alexis, fils du czar Pierre Ier, au trône de Russie. SENSATION, SENTIMENT. Ces deux mots ex priment une impression faite sur l'âme, qui en modifie l'état en mieux ou en pis et devient un mobile pour sa volonté.

Mais l'un est plus relatif au fait même de l'impression, à la cause qui le produit; l'autre, à l'état où l'âme se trouve à la suite. En agissant sur nos sens, les objets nous causent des sensations agréables ou désagréables; notre âme éprouve alors un sentiment de plaisir ou de peine. Un orateur véhément, parlant sur un sujet terrible, produit sur son auditoire une sensation de frayeur, et chacun des auditeurs éprouve ou conçoit un sentiment de frayeur.

Ou bien le sentiment, au lieu d'être quelque chose de postérieur, est quelque chose d'antérieur

sentiments, et ces mouvements de l'âme ne sont pour nous l'occasion d'aucune connaissance. Maine de Biran (Rapport du physique et du moral, p. 133), a parfaitement fait cette distinction, et l'usage de la langue la confirme. On subit des sensations; on conçoit des sentiments. On éprouve, on reçoit des sensations; on a et on entretient des sentiments. Sur ce point les synonymistes Girard

et Roubaud sont arrivés au même résultat.

DISSENSION, DISSENTIMENT. Ils donnent tous deux l'idée d'une différence de sentiments, d'opinions.

Mais la dissension est plus violente que le dissentiment; c'est le dissentiment qui se manifeste au dehors, qui éclate; c'est une querelle, une émeute. Une ville est en proie à la dissension quand ses habitants sont divisés en plusieurs factions qui se disputent le pouvoir ou les droits politiques. Il y a dissentiment entre deux savants qui ont sur un point des opinions différentes.

VIOLATION, VIOLEMENT. Ils expriment l'infraction d'un devoir.

Violation est un terme nouveau, quoiqu'il soit seul dans Nicod et que nous en connaissions un exemple de Bossuet: il ne se trouve dans le Dictionnaire de l'Académie qu'à partir de 1762. On a d'abord employé violement seul, et aujourd'hui nous ne disons plus guère que violation. Violement n'a cependant pas disparu et ne doit pas disparaître tout à fait; car il a une nuance spéciale.

Violation se dit d'une infraction extérieure, qui

Laveaux ajoute avec l'Académie qu'il est passé en usage d'objectiver aussi les fondations et de les prendre pour les fondements eux-mêmes. «En ce sens, dit-il, fondement est préférable. » Pas toujours faire les fondations vaut mieux que poser les fondements, quand on veut rappeler tous les travaux qui entrent dans cette opération, comme ceux qui consistent à creuser la terre, à en retirer les déblais, à rassembler et à employer les matériaux; et c'est à cause de ce rapport spécial à l'action que fondation ne se dit point au figuré comme fondement.

se fait sentir au dehors et appelle la répression; ce mot est relatif aux lois sociales. Le violement marque une infraction intérieure, pour ainsi dire, qui n'est point portée à la connaissance du magistrat; c'est une violation de la loi divine ou de la loi morale. Ce qui est violation au regard de la société est violement au regard de Dieu et de la conscience. Violation, comme renonciation, est un terme de jurisprudence; et violement, comme renoncement, un terme de morale et sur tout de morale chrétienne. La violation est un délit; le violement est un péché ou une faute contre le devoir. « Des violements de la charité. » Les fondements se considèrent en eux-mêmes PASC. « Le violement des préceptes de l'Eglise, le tels qu'ils sont; les fondations rappellent l'action violement du sabbat. » MASS. «Saint Pierre vengea de fonder, le fondateur et son talent. « Un archipar la mort d'Ananias et de Saphira le violement tecte avisé proportionne de telle sorte le fondement de l'unité des fidèles. » Boss. « La première ré- avec l'édifice, qu'on mesure et qu'on découvre volte de la créature contre son Dieu a été la déjà l'étendue et l'ordre de tout le palais, en transgression et le violement de la loi. » BOURD. voyant la profondeur, les alignements, la solidité « Je préfèrerai mon mal particulier, plutôt que de des fondations. » Boss. La solidité des fondations faire un plus grand mal au genre humain par le n'est point du tout celle des fondements: elle réviolement des lois qui en assurent la tranquil-sulte de la manière dont on sait bâtir, et non lité. » D'AG. pas de la nature des matériaux, de la largeur ou D'autre part, la violation étant tout exté- de la profondeur du mur. « Il s'en faut beaucoup rieure, se réduisant au fait, à la manifestation, | que les fondations de la plupart de nos maisons sans rapport à l'intérieur et aux dispositions, soient aussi solides que l'étaient les grands chepeut très-bien, à la différence du violement, ne mins dans le voisinage de Rome. » VOLT. pas provenir d'un agent moral. « Si les montagnes étaient supposées avoir porté des mers, ce serait une violation des lois de la gravitation et de l'hydrostatique. » VOLT. '.

RÉNOVATION, RENOUVELLEMENT. Rétablissement d'une chose dans son premier état.

« Rénovation marque plus l'action de la cause qui renouvelle; renouvellement, l'état de la chose

renouvelée. » COND.

FRACTION, FRAGMENT; SECTION, SEGMENT. Primitivement fraction signifie l'action de faire un fragment, et section l'action de faire un segment. Fragment est un morceau de quelque chose qui a été fracassé (fractus). Pour avoir un segment dans un cercle, on fait une section, c'est-à-dire qu'on retranche une partie du cercle au moyen de la corde. « Les grains de cette grêle avaient la figure des segments d'une boule divisée en

coupent au centre à angles droits. » DESC.

On assiste à une rénovation de vœux; la réno-huit parties égales par trois sections qui s'entreration des vœux de telle personne s'est faite de telle manière, dans telles circonstances. Par le renouvellement des vœux l'âme reçoit une nouvelle force pour persévérer dans la piété.

Rénovation annonce plutôt une célébration; une cérémonie, une fête. Il existe de Bossuet un tout petit traité ayant pour titre : Rénovation de l'entrée dans la sainte religion. Il commence par ces mots : « Il faut la célébrer tous les ans dans des transports de joie. FONDATION, FONDEMENT. Action de poser le soutien d'un édifice ou ce qui résulte de cette action.

D

Condillac et Laveaux sont d'accord sur le carac

tère actif et subjectif du premier de ces mots, et sur le caractère de passivité et d'objectivité du second. « Fondement se dit de la partie d'un mur enfermée dans la terre jusqu'au rez-de-chaussée; fondation est l'action de poser les fondements. » Lav. « Le fondement est la masse de pierre qui supporte ou supportera le bâtiment, et la fondation est le travail nécessaire pour asseoir les fondements. C'est pourquoi on dit, faire les fondations et poser les fondements. » COND.

4. Viol se trouve défini par le Dictionnaire de l'Académie et les autres d'une manière si distincte, que chercher, comme l'a fait Beauzée, à le séparer de violation et de violement serait un soin superflu.

Cette différence se retrouve, d'une manière plus ou moins apparente, dans tous les sens dérivés. Fragment et segment signifient toujours des objets; fraction et section indiquent des divisions, quelque chose d'idéal et d'abstrait, qui rappelle une opération faite sur des objets. Un livre se compose de fragments, comme qui dirait de segments et il se divise en sections. — De même, prolongation donne l'idée d'une addition à quelque chose d'idéal, le temps; et prolongement exprime une addition à quelque chose de matériel, comme un chemin, un mur, une galerie.

DÉPOPULATION, DÉPEUPLEMENT. L'Académie définit le premier de ces mots, l'état d'un pays dépeuplé; et le second, l'action de dépeupler un pays ou l'état d'un pays dépeuplé.

Mais si l'un des deux convient mieux pour exprimer l'action. c'est assurément le premier; de sorte que l'on dirait plutôt prendre part à la dépopulation qu'au dépeuplement d'un pays. Et quand tous deux marqueraient l'état, dépopulation serait toujours relatif à l'action qui a produit cet état. « Le czar Pierre a contribué à la dépopulation de ses États. » VOLT. La dépopulation augmente (VOLT.), continue (MONTESQ.) tous les jours. a Il plut du sang, dit Lafontaine, et cette image lui paraît encore faible pour exprimer la dépopulation. » MARM. Mais c'est seulement l'ef

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