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identiques, étant formés tous deux de bis, deux fois, et de saccus, sac, et voulant dire sac double, sac à deux poches, à deux fonds. Sous le rapport synonymique, ils se distinguent par les deux circonstances suivantes.

L'autre différence, et la principale, tient à ce que la syllabe initiale de besace ne reproduit pas comme celle de bissac, sous sa forme latine, l'adverbe d'où elles proviennent l'une et l'autre. De là résulte, en effet, pour besace un défaut partiLe mot besace est du genre féminin, et bissac culier de noblesse. « Le gueux, le mendiant, a du masculin: caractère important, à défaut d'au- une besace; il la porte sur ses épaules, un bout tre, car il fait que le premier de ces termes dé- par devant, l'autre par derrière, et il y met ce signe une chose plus grande et le second une qu'on lui donne, même tout ce qu'il a : c'est son chose plus petite, comme Trévoux le remarque trésor. Le paysan, l'ouvrier pauvre, a un bissac; expressément; il explique aussi pourquoi la besace il le porte en voyage, en course, sur lui ou étant toujours de toile, conformément à l'idée gé-sur une monture, et il y a mis des provisions, nérique, bissac, plus propre à signifier l'espèce, des hardes, etc. : c'est son équipage. » Roup. représente quelquefois une besace de cuir ou de Diogène portait une besace; Sancho Pança (LES.) quelque autre matière. « Lamela, déguisé en ermite avait un bissac. Au figuré, besace, plutôt encore et chargé d'une grande besace, alla pour la pre- que bissac, est pris pour signe et attribut de la mière fois quêter dans la ville de Cuença. » LES. misère et de la mendicité : être réduit à la besace.

III. SYNONYMES QUI ONT LE MÊME RADICAL ET DONT LES DIFFÉRENCES DÉPENDENT DE LA VALEUR DES TERMINAISONS.

4° SUBSTANTIFS. TERMINAISON MENT.

terminaison toute française. A-t-il néanmoins quelque rapport au latin mentum ? Dérive-t-il seul, ou ainsi que mentum, de l'ablatif latin mente, de mens, âme, esprit, pensée, force, Paye, payement. Rayon, rayonnement. Bond, action, comme le veulent plusieurs philologues? bondissement. Bouillon, bouillonnement. Rai-Il se peut; mais, quoi qu'il en soit, il y aurait son, raisonnement. Rabais, rabaissement. Aboi, imprudence à faire dépendre d'une étymologie aboiement. Sac, saccagement. Perfection, per incertaine et controversée le sens de cette termifectionnement. Frisson, frissonnement. Atta-naison et la nuance d'idée particulière aux subche, attachement. Rále, ralement. Manque, stantifs où elle se trouve. Il vaut mieux à cet manquement. Règle, règlement. Relâche, relaégard consulter l'usage, chercher à lire dans la chement. Ménage, ménagement. Habit, habillement. Os, ossement. Abandon, abandonne-du discours ils ont plus d'affinité, et enfin mettre composition de ces substantifs avec quelle partie

ment. Etc.

à profit les observations partielles des synonymistes sur la valeur de cette désinence.

L'étymologie et partant la valeur propre de cette désinence ne sont point faciles à trouver. Il Or, ment indique l'action du verbe contenu est vrai que plusieurs des substantifs qu'elle ter-dans le substantif qu'il sert à composer, la mise mine sont traduits de mots latins terminés en men- à exécution, l'application actuele de l'idée signitum, comme monument, ornement, document, de fiée par le radical. Il résulte de là une opposition monumentum, ornamentum, documentum. Mais sensible, lorsque ce radical se trouve d'un côté, rapporter ment à mentum, c'est simplement recu- et le substantif en ment, de l'autre, quelque synoler la difficulté, car la signification précise de la nymie qu'il semble y avoir entre eux. désinence latine ne nous est pas mieux connue que celle de la française. D'ailleurs, on ne saurait conclure de l'une à l'autre, parce que tous les substantifs de notre langue en ment, qui se trouvent avoir des synonymes de même radical, mais autrement terminés, n'ont pas de correspondants en latin, sont tous français, ayant été formés par l'adjonction de ment à une racine française elle-même tels sont payement, rayonnement, attachement, rálement, abandonnement. Sur ce point donc le latin ne peut fournir aucune lumière.

Ment, dans les noms où nous le considérons et devons uniquement le considérer ici, est une

Ainsi, la paye est la chose, le payement est cette chose réalisée : c'est, d'une part, le salaire qu'on donne à un employé; de l'autre, l'action de le donner : on reçoit la paye, on fait le payement; on demande quelque délai pour un payement.

De même rayon et bond se prennent objectivement, tandis que rayonnement et bondissement ont un rapport marqué à l'agent et à l'opération de cet agent; le rayonnement est le développement de la puissance de produire des rayons, comme le bondissement, suivant la définition qu'en donne Condillac, est l'action par laquelle on fait des bonds. On dit bien, franchir un espace d'un bond, parce que ce dernier mot se considère 1. Roubaud reconnaît aussi plus de grandeur à la objectivement et par rapport à la nature de la besace; mais il en donne une raison singulière que chose; et, d'un autre côté, on dit, c'est un bonM. Guizot aurait dû retrancher. C'est que la termi-dissement perpétuel, la chose étant considérée ici naison ace est augmentative. Or, comment peut-elle l'être sans que la terminaison ac le soit aussi? Et si, dans besace, ace forme la terminaison, be n'étant pas essentiel, il restera pour radical du mot la seule lettres. En vérité, c'est trop peu.

pendant qu'elle s'effectue. On caractérise d'une manière abstraite l'allure générale de certains animaux en disant qu'ils vont par sauts et par bonds; mais si on décrit cette allure comme effec

tive, comme ayant ou comme ayant eu lieu, et | de telle ou telle manière, bondissement est le terme qu'on doit préférer. « Les secousses des montagnes et des collines, ébranlées par un violent tremblement de terre, sont fidèlement représentées par les bondissements d'un troupeau. » LAH.

« Quand l'artère est piquée, dit Bossuet, on voit saillir le sang comme par bouillons. » Et, à quelques lignes de là, il ajoute : « Ce n'est pas toujours la trop grande quantité de sang, mais c'est souvent son bouillonnement qui le fait sortir des veines et qui cause le saignement de nez. » Bouillon exprime une chose, et bouillonnement une action on donne à un liquide deux ou trois bouillons (P. R.); il se fait, dans les plantes, lorsqu'elles absorbent les sucs, comme un bouillonnement intercadent (MONTESQ.).

César s'étant emparé de Gomphi, on trouva dans une maison les cadavres de vingt vieillards qui s'étaient volontairement donné la mort : « La crainte des maux affreux qui accompagnent le sac d'une ville prise d'assaut avait opéré ce funeste désespoir. » ROLL. « Mardonius entra dans Athènes, brûla et démolit tout ce qui avait échappé au saccagement de l'année précédente. » ID. - a Parmi les esclaves d'Orosmane il s'était trouvé un enfant, pris autrefois au sac de Césarée. » VOLT. « Il s'éleva, après la mort de César, une opinion assez commune que le monde allait finir. Les horribles guerres des triumvirs, leurs proscriptions, le saccagement des trois parties de la terre alors connues, ne contribuèrent pas peu à fortifier cette idée chez les fanatiques. » ID. Le substantif en ment a donc un caractère verbal, qui manque à son synonyme sans terminai

Raison désigne une faculté dont raisonnement | son: l'un exprime comme un fait, comme ayant exprime l'exercice, l'usage bon ou mauvais.

Raisonner est l'emploi de toute ma maison,
Et le raisonnement en bannit la raison.
(Chrysale dans les Femmes savantes.) MOL.

lieu, ce que l'autre signifie comme étant, comme une chose de telle nature, ayant telles qualités. C'est qu'en effet, quoique le premier ait le second pour radical, il ne le reçoit qu'après qu'il a passé

Il y a des philosophes qui ont le talent d'ob-par un verbe correspondant dont il a subi l'inscurcir la raison par le raisonnement. » P. A. Dans un autre sens, la raison est une preuve qu'on allègue, et le raisonnement en est le développement, l'application, c'est la manière dont on la présente. Il y a bien de la différence entre une raison solide et un raisonnement solide. « Nous lui demandons des raisons ou du moins des raisonnements. J. J. « Elle va tenir tête aux plus profonds docteurs de Salamanque, et jamais ses raisonnements ne céderont à leurs raisons. » LES. a Le rabais, dit Roubaud, est produit par le rabaissement ordonné; et ce dernier mot marque la force employée et l'acte de puissance émané pour produire le rabais : l'édit ordonne le rabais sement, et opère le rabais. »

fluence. Ainsi, saccagement vient de saccager, habillement d'habiller, ébattment de s'ébattre, élancement de s'élancer, frissonnement de frissonner, etc.; au lieu que leurs synonymes, qui en dernière analyse sont aussi leurs radicaux, ne dérivent pas du verbe, lui sont, au contraire, antérieurs et ont servi à le composer, si bien que de sac on a fait saccager, d'habit habiller, et ainsi des autres. Or, puisque les substantifs terminés en ment ont, quant à leur formation, plus de ressemblance avec les verbes correspondants que leurs synonymes, ils doivent en avoir et il est tout simple qu'ils en aient davantage aussi quant à leur sens.

Un autre caractère distinctif des noms termiDe son côté, Laveaux caractérise ainsi les sy- nés en ment, c'est que, marquant la chose pennonymes aboi et aboiement, qui expriment tous dant qu'elle se fait, ils l'expriment d'une manière deux le cri du chien. « Aboi se dit particulière- relative et incomplète, comme un fait passager, ment en parlant de la qualité naturelle du cri du tandis que leurs synonymes sans terminaisons chien un chien qui a l'aboi rude, aigre, per- significatives la désignent comme absolue et acheçant; un aboi effrayant. Aboiement se dit plutôt vée. « Le perfectionnement, dit Condillac, est le des cris mêmes de longs aboiements, des aboie-progrès vers la perfection, et la perfection est ments continuels. On dit faites cesser les aboie-l'état d'une chose parfaite. » L'homme tend à la ments de ce chien, et non pas faites cesser son aboi ou ses abois. »

paravant, mais non pas absolument parfaite.
« Le relâchement, dit Beauzée, ne tire pas tou-
jours à si grande conséquence que le relâche, et
on peut se le permettre quelquefois jusqu'à un
certain point, quand on n'a pas le loisir de se
donner entièrement reldche. »

perfection par la voie du perfectionnement. On donne ou l'on reçoit un brevet de perfectionneLe mot sac signifie une sorte de fait; le mot ment et non de perfection, parce que la chose saccagement dépeint un événement ou la réalisa- pour laquelle on récompense ou l'on est récomtion de ce fait. Au milieu des agitations des guer-pensé se trouve être un peu plus parfaite qu'aures civiles, la maison de Montaigne, comme il le dit lui-même, resta vierge de sang et de sac; on dit, pour indiquer une époque, au sac de telle ville; Virgile a pris de Pisandre l'aventure de Sinon et le sac de Troie (MARM.). Mais s'agit-il de raconter, de mettre sous les yeux ce qui a eu lieu, saccagement est le mot propre. « Quintilien a fait une ample description du saccagement d'une ville. » MARM. « Les Mexicains avaient été épouvantés par le supplice de leur roi et par le saccagement de leur ville. » ID. « Dès lors la licence, le meurtre et le saccagement furent sans frein. >> LD. « Le saccagement de Rome par les troupes de Charles Quint en 1527. » VOLT.

Laveaux dit, en parlant du tremblement de la peau appelé frisson et frissonnement : « Si ses différentes causes sont de nature à se renouveler, à subsister et à produire les mêmes effets pendant un temps considérable, sans interruption, ce mouvement extraordinaire de la peau est le frisson proprement dit; si elles ne sont qu'instantanées ou qu'elles ne se fassent sentir que par interval

les, la convulsion de la peau est appelée frisson- fait des attaches. Considérez bien les hommes, nement, comme par diminutif. » Condillac est vous verrez qu'ils sont plutôt conduits par leurs aussi de cet avis « Le frissonnement, dit-il, attaches que par leurs attachements: nous vivons marque une agitation plus légère que le frisson.» comme on vit, et non comme nous voudrions On éprouve un grand frisson: Alexandre s'étant vivre. Un des grands malheurs du vice, c'est que baigné dans le Cydnus « se sentit saisi d'un fris- l'attache en reste encore après que l'attachement son si grand, qu'on crut qu'il allait mourir. >> a cessé vous ne l'aimez plus; mais vous y tenez ROLL. Mais on éprouve une espèce de frissonne-encore par mille liens que vous n'avez pas la force ment: « La maîtresse des pensionnaires ne put de rompre.» voir la petite Perrier défigurée comme elle était sans une espèce de frissonnement mêlé de compassion.» RAC.

Et cette même différence Condillac l'établit entre saccagement et sac, en disant que « le saccagement n'emporte pas l'idée d'une si grande destruction. >>

La paye est un payement réglé, établi, de tous les jours; le payement est une paye accidentelle. Les soldats ont une paye; un ouvrier, qui a fait une seule journée, demande son payement.

Dans l'espèce des cailles, les accouplements sont fréquents, mais on ne voit pas un seul couple.» BUFF.

S'il pouvait rester encore quelques doutes sur la réalité de cette double différence, il suffirait pour les dissiper de faire connaître la manière dont nos devanciers distinguent les synonymes du genre de ceux dont il s'agit ici. Nous rapporterons avec quelque étendue tous leurs articles, afin de nous prévaloir de leur accord, de faire comprendre notre pensée par des développements, et de montrer que ces distinctions, si subtiles et si métaphysiques, ne sont pourtant pas toujours sans conséquence et indifférentes pour l'application.

ATTACHE, ATTACHEMENT. Ce qui fait qu'on tient aux choses, qu'on y est affectionné. On trouve presque également dans nos meilleurs écrivains attache ou attachement à la vie, aux richesses, aux honneurs, à la religion, aux vérités, etc.

Girard a bien senti que le mot d'attache exprime quelque chose de plus absolu, de plus fort que celui d'attachement. « Le mot d'attache, ditil, convient mieux lorsqu'il est question d'une passion moins approuvée ou poussée à l'excès on dit de l'attache, qu'elle est forte, et de l'attachement, qu'il est sincère. >>

De son côté, Roubaud a tout aussi bien caractérisé ces deux expressions, mais en les prenant sous un autre point de vue. Attache, suivant lui, est objectif, et attachement subjectif. On a de l'attache aux choses qui attachent, et de l'attachement pour les choses auxquelles on s'attache; de sorte que la particule ment donne au mot qu'elle termine un rapport à l'agent, aux dispositions et à l'opération de cet agent.

« Attache, dit-il, est ce qui attache, un lien; attachement, ce par quoi on est attaché, une liaison. Attachement désigne un sentiment. L'attache vient de quelque cause que ce soit; l'attachement vient du cœur. On tient à l'objet pour lequel on a de l'attache; on aime celui pour qui on a de l'attachement. Le hasard, l'intérêt, l'habitude, les convenances forment les attaches; la nature forme les attachements. On a des attachements; l'on se

L'attachement part de nous: l'attache dépend des choses, c'est une espèce de sort ou de charme. « Etre collé au vice d'une attache naturelle. » MONTAIGN. « Cette femme d'esprit avait accoutumé les savants à ne pouvoir se passer de son attache. » S. S. Rollin cite deux statues de Lysippe très-remarquables: l'une dont Tibère était charmé ou épris et qu'il dut pourtant rendre à la place publique, quelque attache qu'il eût à ce chefd'oeuvre; l'autre, représentant Alexandre, dont Néron faisait grand cas et pour laquelle il avait un attachement particulier.

RÅLE, RÂLEMENT. Ces mots imitent le son rauque ou enroué qui sort de la gorge lorsque la respiration est embarrassée, dans l'agonie surtout. Le rale marque l'espèce de son qui sort de la poitrine d'un malade à l'agonie; le ralement exprime le râler. Un moribond a le rále, et il est en proie au râlement.

C'est la différence indiquée encore par Roubaud. « Râle, dit-il, exprime le bruit qu'on fait en râlant; et rálement marque la crise qui fait qu'on râle, qui donne le râle. Un agonisant a le rale; et vous voyez la poitrine oppressée, la gorge embarrassée, la respiration troublée par le rálement. » C'est-à-dire, en termes généraux, que le rále se considère passivement, objectivement ou par rapport à la nature de la chose; et le rålement activement, subjectivement ou par rapport à la chose se réalisant.

MANQUE, MANQUEMENT. Action de ne pas tenir ce qu'on doit.

Nous ne pouvons mieux faire ici que de citer simplement les paroles de Roubaud. « Comme on dit manquement, on dit aussi manque de foi. Manque exprime la nature, l'espèce de la chose, d'une manière générale manquement exprime l'action ou l'omission par laquelle on est coupable de ce manque. On dit le manque de foi, et un manquement de foi. » — On dit aussi, et avec les mêmes nuances d'idées, un manque et un manquement de respect et de parole.

Le manque est le manquement en soi, idéal; le manquement est le manque effectif ou effectué. Quoi! le manque de foi vous semble pardonnable!

CORN.

Quand Pompée voit que le roi d'Egypte n'envoie au-devant de lui qu'un esquif,

Il soupçonne aussitôt nn manquement de foi. In. Sur ce dernier vers, Voltaire remarque que manquement n'est plus d'usage, et qu'aujourd'hui nous disons manque. C'est une erreur dont nous empruntons la preuve à Voltaire lui-même, car il dit dans ces mêmes Commentaires sur Corneille : « Acomat, dans Bajazet, ne conseille qu'un simple manquement de parole à une femme ambitieuse et criminelle. »

<Dans tout l'Orient, c'est un manque de respect que de se découvrir la tête.» VOLT. Une personne envers qui on aura manqué de respect, reprochera, punira ou pardonnera ce manquement de respect.

RÈGLE, RÈGLEMENT. Ce qui sert à conduire, à diriger.

occupé de Dieu si on le pouvait. Il n'y a point de péché à donner quelquefois du relâchement à cette douce occupation quand elle vient à trop échauffer la tête. » Boss.

MÉNAGE, MÉNAGEMENT. Action d'en user modérément, d'y aller doucement.

Ces deux mots ne paraissent guère synonymes; Girard, et après lui Condillac, ont aperçu ce car le ménage consiste à ménager ses richesses, qu'il y a d'absolu, de général. de strictement ses revenus, et le ménagement à ménager les obligatoire dans la règic, et ce que le mot règle-hommes, à se conduire envers eux avec égard et

ment exprime de relatif, de particulier, de variable et d'arbitraire.

sans brusquerie: l'un touche à l'économie, l'autre à la politesse ou à la politique.

Mais, considérant l'une et l'autre expression comme signifiant économie, épargne, Girard les distingue conformément à la règle ci-dessus établie. Suivant lui, le ménage est quelque chose de constant, d'habituel, et regarde le domestique, le train ordinaire de la maison; le ménagement est plus particulier, plus accidentel et regarde la conduite des affaires : l'un empêche de se trouver court dans le besoin, l'autre fait qu'on n'est jamais dérangé.

Voici l'article de Girard. « La règle regarde proprement les choses qu'on doit faire; et le règlement, la manière dont on les doit faire. Il entre dans l'idée de l'une quelque chose qui tient plus du droit naturel; et dans l'idée de l'autre, quelque chose qui tient plus du droit positif. » Le règlement est relatif au fait de l'établir: on fait des règlements; et à la personne qui l'établit: les règlements d'Auguste (MONTESQ.), les règlements des jésuites pour les habits des femmes (PASC.). D'ailleurs le ménage est absolu, et le ménageD'autre part, Condillac s'exprime ainsi : « Re-ment relatif : on ne dit pas le ménage, mais le gle et règlement se disent des mœurs. Mais les règles s'étendent à toutes les actions; elles veillent jusque sur les plus indifférentes, et déterminent ce qu'on doit faire chaque jour. Les règlements corrigent les abus et déterminent plus ce qu'on doit éviter que ce qu'on doit faire. Les règles sont plus générales, on les donne à tout un corps; on ne prescrit des règlements que pour ceux qui s'écartent des règles. »

RELÂCHE, RELÂCHEMENT. Interruption, intermission, discontinuation d'un premier état.

ménagement de quelque chose. « Des méditations sérieuses, des conversations honnêtes, une nourriture modérée, un sage ménagement de ses forces, rendent l'homme maître de lui-même. Boss. « Le mot d'économie s'entend plutôt du sage ménagement de ce qu'on a que des moyens d'acquérir ce que l'on n'a pas. » J. J.

HABIT, HABILLEMENT. Ce que les hommes mettent sur leur corps.

Habillement, comme le remarque justement l'Académie, se dit quelquefois, surtout en termes d'administration, de l'action d'habiller, de pourvoir d'habits: capitaine d'habillement; dépenses d'habillement; un peu avant la représentation, chaque acteur s'occupe de son habillement.

Mais il peut aussi se prendre d'une manière ob

C'est avec raison que Beauzée trouve dans le reldche quelque chose de plus absolu, de plus général, de plus constant que dans le relâchement. Mais ensuite il affirme, de concert avec Girard, que relâchement s'emploie plutôt en mauvaise part pour signifier une faute, une cessation d'aus-jective et passive, ainsi qu'habit, pour ce dont on térité ou de zèle, ou la diminution de l'activité dans le travail ou dans quelque exercice; au lieu que relâche exprime simplement le fait de la cessation du travail. Qu'est-ce à dire, si ce n'est que relâche ne marque pas, comme relachement, un rapport à l'agent, à son action et à la faute qu'il commet en la faisant?

α

est vêtu. Or, même alors il conserve un certain rapport à l'action marquée par le verbe, et c'est ce qui fait dire à Girard « qu'outre l'essentiel de vêtir, il renferme dans son idée un rapport à la forme, à la façon dont on est vêtu. L'habillement est une manière d'habit ou la manière dont une personne s'habille. » (Voy. Vêtement, habit, habillement, accoutrement.)

OS, OSSEMENT. Ce sont, dans les animaux, des parties solides qui servent à attacher et à soutenir toutes les autres parties. ⚫

Relâche exprime le fait du repos d'une manière passive, objective, et relâchement d'une manière active et subjective. Celui-ci désigne le repos en tant qu'on le réalise, qu'on se le donne, et par conséquent est seul propre à marquer celui qu'on se donne à tort. Un mal laisse ou donne du reld-à-dire dans le corps et faisant partie de l'animal che; on tombe dans le relâchement.

Le relâche est une chose; on en a ou on en donne le relâchement est un fait, une manière de se conduire, une faute on accuse quelqu'un de relâchement (VOLT.). On souffre ou une chose a lieu sans relâche; on a le mérite de faire quelque chose sans relâchement; c'est-à-dire sans se relâcher. Les chartreux étaient consacrés sans relâchement au jeûne, au silence, à la prière, à la solitude.» VOLT.- Une personne qui souffre a ou n'a pas un moment de relâche (Sév.). « Il y aurait du péché à ne vouloir pas être toujours

Os exprime la chose à son état naturel, c'est

vivant. Ossement la représente dans un état ultėrieur, telle qu'elle est devenue par suite d'une action qu'elle a subie, par suite de la désorganisation. Les ossements sont des espèces d'os, des os modifiés, des os desséchés et dépouillés de chair et de tout ce qui sert à les unir. C'est ainsi que les ferrements sont des choses de fer, résultant d'actions subies par le fer. Ossements fossiles. « En Egypte, on mettait le crâne ou un autre ossement sous son lit, pour voir en songe l'ombre d'un mort. » VOLT... Un champ couvert d'ossements. » LAH. « Les ossements des saints.» BOURD.

crites:

Ils veulent acheter crédit et dignités

« Des ossements infects et desséchés. » ID. « Des | celui des phénomènes. Molière dit des hypoconcrétions pierreuses moulées sur des ossements d'animaux. » BUFF. « Dirons-nous aux ossements de nos pères levez-vous et venez avec nous dans une terre étrangère? » VOLT.

Mais dans leur état primitif et normal, c'està-dire sous l'empire de la vie et remplissant leur destination respective dans le corps de l'animal, les os ne quittent jamais ce nom pour celui d'ossements. La croissance des os. « Le propre des os est de tenir le corps en état et de lui servir d'appui. « Boss.

ABANDON, ABANDONNEMENT. L'idée de se séparer d'une chose ou d'une personne est commune à, ces deux mots.

Quoique le plus souvent passif et signifiant l'état d'une personne ou d'une chose abandonnée, abandon se prend quelquefois aussi comme abandonnement pour l'action d'abandonner; mais il marque cette action comme moins spontanée, moins volontaire, il est moins relatif au mérite ou au défaut de l'agent. Faire l'abandon de ses biens à quelqu'un, c'est les lui laisser; lui en faire l'abandonnement, c'est lui en faire don de son plein gré, les lui livrer.

|

A prix de faux clins d'oeil et d'élans affectés.

Il venait de dire, en racontant la manière dont
Tartufe se montra à Orgon :

Il faisait des soupirs, de grands élancements.
J. J. Rousseau et Voltaire ont aussi employé le
mot élancement dans cette acception toute relative
et phénoménale. « Je trouvais en moi un certain
élancement de cœur vers une sorte de jouissance
inconnue. » J. J. « Dès qu'il existe quelque chose,
il est démontré que quelque chose est de toute
éternité : cette vérité sublime est devenue triviale;
tel a été de nos jours l'élancement de l'esprit hu-
main malgré les efforts faits pour nous abrutir. »
VOLT.

α

Dans le langage du palais, où il s'agit de qualifier des actes plutôt que de raconter des faits ou des actions, on se sert du mot bris pour exprimer la rupture faite avec violence d'un scellé ou d'une porte fermée; hors de là, brisement convient seul. « Que nous dit cet auteur du brisement des images et des autels? Il croit satisfaire à tout en disant que le prince ne put arrêter ces désordres. » Boss. « Rien n'est plus marqué dans les prophètes que la destruction des temples de Babylone et le brisement de ses idoles. » ID. « Ces reflets colorés sont produits par le brisement des rayons de lumière mille fois réfléchis. » BUFF. Le trépas est une chose :

Chercher un beau trépas (CORN., Rac.).

Réciproquement, abandonnement s'emploie quelquefois dans le sens passif d'abandon, pour signifier l'état d'une personne ou d'une chose abandonnée. Alors, suivant Laveaux, « abandon semble désigner un état actuel, et abandonnement un état habituel et permanent. Un homme qui perd toute sa fortune perd ordinairement ses amis et se trouve dans l'abandon; un malheureux dénué | I.e trépassement est un événement : « T'as été au de toute espèce de ressources et qui est abandonné | trépassement d'un chat, t'as la vue trouble. » depuis longtemps est dans l'abandonnement. » MOL. Mais nous n'hésitons pas à le déclarer au nom de l'usage et de l'analogie tirée des exemples précédents, c'est précisément le contraire qui est vrai. On languit, on meurt dans un extrême abandon (BOURD.), dans un abandon général (BOURD., VOLT.) ou universel (Boss., MASS.) Mais on est laissé dans un triste (BOURD.), dans un funeste (ID.), dans un étrange (Boss.) abandonnement.

TERMINAISON ION.

Réforme, réformation. Acte, action. Salut, salutation. Taxe, taxation. Don, donation. Indice, indication. Emoi, émotion. Progrès, progression. Concept, conception. Conteste, contestation. Corps, corporation. Fabrique, fabrication.

Les substantifs français terminés en tion, sion, ssion, sont tous traduits de mots latins qui leur correspondent toujours exactement pour la forme, et presque toujours exactement pour le sens. Ainsi action vient d'actio, réformation de reformatio, salutation de salutatio, progression de pro

On peut varier les exemples; au lieu de consulter les synonymistes, on peut s'en rapporter à l'emploi que font des mots nos écrivains les plus | justement estimés; on arrivera toujours à trouver dans le sens du mot simple quelque chose d'objectif ou d'absolu qui tient à ce qu'il est purement nominal et à terminaison insignifiante, tandis que le composé, étant verbal et doué d'une dési-gressio, aspersion d'aspersio. Or les désinences nence significative, se montrera, au contraire, subjectif et relatif. Une science a plus ou moins d'avance sur une autre; c'est une qualité qu'elle possède on travaille à son avancement ou au fait de son avancement. Change ne s'emploie dans une acception analogue à celle de changement que dans deux phrases où il est caractéristique, gagner ou perdre au change: changement se dit dans le narratif, pour exprimer qu'un fait a ou a eu lieu. On paye tant pour la décharge, et on opère le déchargement d'un bateau. Le mot élan détermine, caractérise un genre ou une sorte de mouvement de l'âme dont le mot élancement dépeint, expose, fait voir la réalisation: l'un est pour l'ordre des idées, l'autre pour

|

latines tio, sio, ssio, terminent les substantifs dont la base est un supin en tum, sum ou ssum; en sorte que reformatio dérive de reformatum, aspersio d'aspersum, progressio de progressum. De là vient que, dans l'une ou l'autre langue, les substantifs de cette espèce désignent l'action de faire ce qui est exprimé par le verbe correspondant. Et cette seule remarque suffit pour faire découvrir les différences qui peuvent exister entre les noms français terminés en tion, sion ou ssion. et leurs synonymes dont la désinence est ou n'est pas significative. Nous ne les supposons ici en rapport qu'avec des synonymes à terminaisons indifférentes.

Les substantifs en ion ont un sens fort analogue

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