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sens véritable de cette parole.» Boss. « Est-ce | fermés, tant les Romains faisaient bonne garde ainsi qu'il faut parler dans un catéchisme à un pour fermer tous les passages. » ROLL. enfant, afin de lui embrouiller toutes ses idées? >> ID. «Il cherche dans ces passages de quoi embrouiller les esprits, et il n'épargne rien pour vous surprendre. » ID. « Les plaideurs ne manquent pas de former des contestations et des accusations inutiles, et d'embrouiller leur procès d'une infinité d'accessoires qui confondent le principal. » MAL.

A

TRAINER, ENTRAINER. Mener ou faire venir de force.

Trainer exprime l'action ordinaire et à la manière ordinaire : des chevaux traînent une voiture, c'est-à-dire la tirent après eux. Entraîner désigne une action remarquable par l'effort du sujet et la résistance de l'objet, comme est celle d'un fleuve qui emporte quelque chose, non pas après soi, mais en soi, avec soi, dans son cours. « On traîne en prison l'homme que l'on contraint; on y entraîne celui qu'on y emporte, pour ainsi dire, malgré tous ses efforts. L'action de trainer demande sans doute souvent une force qui triomphe d'une résistance; elle est lente quelquefois. L'action d'entrainer demande une grande force qui triomphe de toute résistance; elle a un prompt ou un grand effet. Le ruisseau traîne du sable; le torrent entraîne tout ce qu'il rencontre. Des chevaux traînent un char; le char entraîne les chevaux dans une pente rapide. Vous vous traînez pour arriver à une haute fortune, et d'un faîte glissant le poids de votre fortune vous entraine. » ROUB.

On traîne ce qu'on ne peut pas porter; le simple indique donc le genre d'action. On entraîne ce qui ne veut pas aller; il y a donc bien dans le composé une circonstance remarquable, celle de l'effort, de la violence. Il y a des rivières qui traînent de l'or (ROLL.); les pluies violentes entraînent la bonne terre (ID.). Socrate n'allait jamais au théâtre que quand Alcibiade ou Critias l'y traînait malgré lui (ID.); Arsinoé, reine d'Égypte. après avoir vu massacrer dans ses bras ses deux fils sur l'ordre de Ptolémée Céraunus, fut entraînée hors de la ville et reléguée dans la Samothrace (ID..-Le Tigre traîne de grosses pierres, et les soldats d'Alexandre ayant voulu le traverser ne pouvaient se soutenir qu'à grand'peine à cause de l'impétuosité du courant qui les entraînait (ID.).

FERMER, ENFERMER. Entourer d'une barrière. On ferme et on enferme un parc, un jardin, par exemple, de haies, de murailles ou de fossés.

Mais on les ferme, afin que l'accès n'en soit pas permis au public, afin qu'on n'y passe point; on les enferme, afin qu'ils soient fermés dedans, en sûreté, et à l'abri des voleurs et des animaux dévastateurs. Dans le premier cas, c'est comme si on bouchait une ouverture au moyen d'une porte; et, dans le second, comme si on serrait les objets en question dans un meuble que l'on ferme pour les mieux conserver. On ferme proprement un passage, on enferme des ennemis. « Les Carthaginois n'espéraient pas qu'on pût faire entrer de nouveaux vivres dans la ville où ils étaient en

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Il vaut mieux dire enfermer que fermer une ville de murailles, à moins que ces murailles ne la couvrent qu'en partie et d'un seul côté. « Le roi de Prusse, habile en plus d'un genre, enferma de tous côtés la ville de Dresde. » VOLT. « Une grande muraille ferme la Chine au nord. » ACAD.

Enfermer est encore préférable quand il s'agit d'une manière extraordinaire de fermer. « Les ennemis se sont laissé enfermer entre deux rivières.» ACAD.

LEVER, ENLEVER. Ils expriment tous deux l'action de faire qu'une chose soit portée en haut.

Enlever se distingue de lever tout comme entraîner de traîner, c'est-à-dire par une idée accessoire de force ou de violence, ou bien quelquefois en ce qu'il signifie ne pas faire aller, mais faire venir en haut, emporter en haut avec soi: il y a des oiseaux de proie qui sont de force à enlever des moutons.

Lever et enlever veulent dire aussi ôter une chose qui est sur une autre; mais ce qu'on lève ne tient pas comme ce qu'on enlève : le chirurgien lève un appareil; on lève le couvercle d'une marmite; un rude froissement enlève la peau d'une partie du corps; enlever l'écorce d'un arbre.

PREFIXES EN ET É.

Enlever, élever.

ENLEVER, ÉLEVER. Lever, hausser avec effort et de manière à faire quitter la place.

Le second a rapport au point de départ et à la distance où on en est. Ce n'est pas proprement porter en haut, mais porter plus haut. On élève, mais on n'enlève pas plus ou moins.

PREFIXES EN ET AD. Ennoblir, anoblir.

ENNOBLIR, ANOBLIR. Donner la noblesse ou de la noblesse.

Ce qui est ennobli est devenu noble en luimême, a acquis une noblesse tout intérieure, intrinsèque, essentielle, a gagné en valeur; celui qui est anobli a été ajouté ou agrégé à la classe des nobles, a reçu une distinction tout extérieure qui n'augmente pas la considération due à sa personne elle-même. « Ennoblir exprime un changement d'état moral; anoblir un changement d'état social. Une belle action ennoblit; il y a des charges qui anoblissent. » GUIZ.

« Ces sentiments vous ennoblissent à mes yeux.» ACAD. Nous enrichissons les autres animaux des biens naturels, et les leur renonçons, pour nous honorer et ennoblir des biens acquis. >> MONTAIGN.

N'est-il pas juste que le Verbe de Dieu ayant pris la qualité de serviteur, que l'ayant ennoblie, l'ayant comme divinisée dans sa personne, elle soit honorée parmi nous?» BOURD. « La chair a été ennoblie (en J. C.), et non la divinité dégradée. » Boss. « L'Égypte n'oubliait rien pour polir l'esprit, ennoblir le cœur et fortifier le corps. »ID.

« Que n'ennoblissez-vous votre profession par la vertu qui les orne toutes?» MONTESQ. « La Reynie quitta un si pénible emploi (celui de lieutenant de police de Paris), qu'il avait le premier ennobli par l'équité, la modestie et le désintéressement.» S. S. « Les termes les plus bas, employés à propos, s'ennoblissent. » VOLT.

«Si un roi épouse une fille de basse extraction, elle devient reine; elle est anoblie par le mariage du prince, et sa noblesse passe à sa maison. » Boss. « Les officiers de la garnison furent dignement récompensés, et les soldats furent anoblis leur vie durant. » ID. « Je compte bien sur l'honneur d'être un jour agrégé à la noblesse. Mais. M. Dorimon, un de nos plus riches financiers, vient d'être anobli d'une façon très-singulière. » LES. « Sur deux ou trois citoyens qui s'illustrent par des moyens honnêtes, mille coquins anoblissent tous les jours leur famille. » J. J. « Philippe II fut très-content de l'assassinat (du prince d'Orange): il récompensa la famille de Gérard: il lui accorda des lettres de noblesse pareilles à celles que Charles VII donna à la famille de la Pucelle d'Orléans, lettres par lesquelles le ventre anoblissait. » VOLT.

Ennoblir se dit très-rarement des personnes; anoblir ne se dit que des personnes.

PRÉFIXE PAR.

Courir, parcourir. Venir, parvenir. Faire,

parfaire. Semer, parsemer.

Par, latin per, à travers, marque l'occupation successive de différents points d'un espace placé entre deux termes, et par suite une action faite entièrement, de part en part, d'un bout à l'autre. Si à cette idée on ajoute celle qui résulte du rapport existant toujours entre les mots composés, quels qu'ils soient, et leurs primitifs, on arrivera sans peine à trouver la différence des synonymes suivants.

COURIR, PARCOURIR. Aller, se mouvoir dans un certain espace. Suivant l'Académie, on dit également j'ai couru et parcouru toute la ville; courir et parcourir une carrière.

Mais courir garde sa valeur originelle, suivant laquelle il signifie aller vite et sans s'arrêter; il ne montre pas le sujet passant par les différents points intermédiaires d'un terme à l'autre.-Celui qui court toute la ville la traverse en grande hâte dans un ou deux sens. Celui qui la parcourt fait plus : il ne va point avec cette rapidité, il visite tous les quartiers, s'enquiert et fait des recherches spéciales dans les lieux où il passe.-Dire d'un homme qu'il a couru toute la France, c'est faire entendre qu'il y a peu de lieux en France où il n'ait passé. Celui qui a parcouru toute la France en a exploré toutes les parties plus à loisir, et dans une intention spéciale, scientifique ou artistique.

On ne dit courir une carrière que dans un sens absolu, et quand il ne s'agit de déterminer ni sa durée, ni ses difficultés, ni les événements qui en ont signalé les diverses parties; on commence à parcourir ou on achève de parcourir une car

rière. On parcourt une carrière pénible, dange reuse, semée d'obstacles.

Courir est un mot purement formel, qui n'exprime pas, comme parcourir, un dessein arrêté.— « On parcourt toute la ville pour trouver une personne; on a couru toute la ville sans trouver une personne.» ACAD. Un navigateur parcourt les mers; un aventurier court les mers ou les campagnes. « Sertorius courait les mers, lorsque les Lusitaniens l'invitèrent à se mettre à leur tête. » COND.

VENIR, PARVENIR. Aller, se rendre d'un lieu à un autre.

Venir est le terme ordinaire, général, formel. absolu. Il se joint particulièrement bien aux mots qui déterminent l'époque et le mode de transport: quand et comment viendrez-vous? Parrenir, c'est venir par, à travers, difficilement. lentement, et à quelque chose qu'on se propose plus expressément, à un but. « Pour parvenir à ce but, ils surent parfaitement conserver leurs alliés. » Boss.

Ces deux mots se prennent aussi presque avec les mêmes nuances distinctives dans le sens d'arriver, en parlant des choses. Venir se dit de ce qui arrive d'ordinaire, ou tout au moins de lui-même, sans avoir d'obstacles à surmonter. Après l'hiver vient le printemps. Quand vient le courrier? « Ces rois ont vécu dans une telle mollesse, qu'à peine leur nom est-il venu jusqu'à nous. » Boss. Une chose ne parvient qu'avec plus de peine et malgré des causes qui tendent à l'en empêcher. « La misère des pauvres parvient difficilement à l'oreille des rois. » COND. « C'est hier seulement que votre lettre m'est parvenue je dis parvenue, car ce n'est pas sans peine qu'on s'est déterminé à me l'envoyer. » Dudeff.

FAIRE, PARFAIRE. Exécuter, produire.

Parfaire est complétif; c'est faire d'un bout à l'autre, entièrement; de manière qu'il ne manque rien. Nous disons qu'un ouvrage est fait et parfait. En moins d'une heure, le dépouillement entier de la maison avait été fait et parfait. LES. « Dieu pouvait par un seul trait de sa main, tracer son tableau, le dessiner et le parfaire. »

Boss.

Même différence entre achever et parachever. Affaire entièrement parachevée (S. S.), mariage entièrement parachevé (ID.). « Myrtis vit, avant que de mourir, le parachèvement de son vœu (temple élevé à Vénus). » LAF.

SEMER, PARSEMER. Suivant l'Académie, on dit également semer et parsemer un chemin de fleurs, c'est-à-dire y en répandre.

Mais le composé ajoute au sens du simple l'idée accessoire d'une grande abondance, d'une sorte de profusion, et c'est pourquoi on dit, tout parseme; un banc de pierre tout parsemé de coquilles (VOLT.), une porte toute parsemée de clous d'airain (SCARR.).

Ce sont petits chemins tout parsemés de roses. MOL

Un objet semé de certaines choses a de ces choses, en a quelques-unes. Le caracal a les oreilles semées de quelques poils argentés. BUFF. « Des bords semés d'écueils. » FÉN. « On s'assit sur l'herbe semée de violettes. » ID. - Un

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α

objet parsemé de certaines choses a de ces choses en grande quantité, en est tout couvert. « Les environs étaient parsemés de mille sortes de fleurs qui parfumaient l'air. » LES. « Dans les fleurs, quelle profusion d'or, de perles, de diamants parsemés avec tant d'art sur un fond si fin! » P. A. Voltaire dit en parlant de l'Héraclius de Caldèron : « L'énorme démence de cette pièce n'em-pêche pas qu'elle ne soit semée de plusieurs morceaux éloquents et de quelques traits de la plus grande beauté. » Et ailleurs, au sujet d'un poëme latin intitulé Sarcotis : « On fut surpris du grand nombre de très-beaux vers dont la Sarcotis était parsemée. »

PRÉFIXE PER.

Cette particule initiale est la précédente sous sa forme latine; elle en a tout à fait la signification.

PREFIXES PER ET RE.

Percevoir, recevoir.

PERCEVOIR, RECEVOIR. Recueillir ou toucher des revenus, des droits, des impôts. La racine commune est capere, prendre.

Percevoir représente l'action générale comme composée d'actions partielles par chacune desquelles il faut passer; ce mot donne l'idée de plusieurs operations, de plusieurs démarches successives qu'on est obligé de faire, et, partant, d'un soin particulier, d'une part considérable prise à l'action. Recevoir, rursus capere, c'est toucher ce qui est dû, le prendre des mains de ceux qui se présentent pour l'acquitter. Le percepteur est un homme toujours en mouvement pour faire venir ce qu'on n'est pas pressé d'apporter et pour aller quelquefois le chercher. Le receveur est là simplement qui attend ce qu'on lui apporte et qui vérifie si on lui apporte assez.

PREFIXE PRO.

Moteur, promoteur.

Particule française, latine et grecque, qui, dans ces deux dernières langues, est d'abord préposition et signifie, devant, en avant. Dans les mots composés dont elle fait partie, elle garde le même sens; elle indique l'action de mettre devant, en avant, quelquefois en tirant dehors, et elle a une grande analogie avec l'adverbe grec et latin porro, en avant, au loin proficere, s'avancer, porro facere, agir en avant; prospicere. porro spicere, voir devant soi, dans le lointain.

chose elle-même; ôtez-en le promoteur, vous ne la supprimez pas, vous en empêchez seulement l'accroissement et le progrès. Le moteur est plutôt l'auteur et le soutien essentiel; aussi dit-on souvent le premier moteur. Le promoteur est plutôt celui qui fait croître, valoir ou prospérer, et, au lieu d'être l'auteur lui-même, on l'oppose très-bien à l'auteur. « Il n'est pas le fondateur de cet établissement, l'auteur de cette entreprise, il n'en est que le promoteur. » ACAD. « Saint Augustin est le premier auteur de ce raisonnement; le P. Malebranche en a été le promoteur. » P. A. Le moteur donne la vie; et le promoteur, la vogue.

D'autre part, le moteur peut être caché ou l'âme de choses secrètes, d'une intrigue, d'une conjuration; le promoteur est en évidence, ou il est à la tête de choses qui se produisent, qui paraissent au dehors, qui éclatent.« Il est le moteur secret de ces intrigues. » ACAD. « Il fut le promoteur de la guerre, de cette querelle, de la réforme.» ACAD. - «Oh! si je connaissais ceux qui commandent ces écrits, voici ce que j'oserais dire à ces moteurs cachés.» BEAUM. « On s'obstine à voir en moi un promoteur de bouleversements et de troubles. » J. J.

PREFIXES PRO ET É.

Prononcer, énoncer.

PRONONCER, ÉNONCER. Exprimer ses idées par le discours d'une manière plus ou moins nette.

Pro signifie devant, en avant, en public. On prononce donc comme on profère, comme on proclame, comme on professe, comme on proteste, en public, devant le monde ou devant des auditeurs, hautement. E ou ex signifie hors de et a rapport au point de départ, c'est-à-dire ici à la pensée. On énonce donc en exposant plus ou moins bien ce qu'on a dans l'esprit. Prononcer regarde le dehors, et énoncer le dedans : on prononce clairement, quand on est entendu de toute l'assemblée, de toutes les parties de la salle; on énonce clairement quand on fait bien connaître ce qu'on conçoit. Tel ne sera jamais orateur, parce qu'il a la prononciation mauvaise et l'énonciation confuse. Dans la sentence que j'ai entendu prononcer j'ai mal saisi ce qui était énoncé par le premier article.

PREFIXES PRO ET AD.

Prolonger, allonger. Protester, attester. PROLONGER, ALLONGER. Rendre plus long. Allonger, ad longare, modifier la longueur en y ajoutant. Prolonger est le même mot, sauf la première syllabe pro, du grec nóрpʊ, en avant, au loin; c'est faire aller au delà, pousser en avant. Ces mots, quoique l'un se dise ordinairement des objets et l'autre du temps, sont synonymes et quand on les applique aux choses étendues et quand on les applique à la durée.

MOTEUR, PROMOTEUR. Celui qui donne le mouvement à une chose, celui par qui elle va. Moteur, de movere, mouvoir; promoteur, de pro motere, mouvoir ou pousser en avant, étendre. Le moteur d'une affaire en est l'âme; sans lui elle n'irait point du tout le promoteur en est le 1° Allonger ne se dit que des objets qu'on rend propagateur: sans lui elle ne prendrait ni déve-plus longs. Prolonger est un mot abstrait qui ne loppement ni extension.

se dit que d'une portion de l'étendue qu'on con

Otez le moteur d'une chose, vous supprimez la tinue. On allonge et on ne prolonge pas une table,

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personne peut aussi faire l'action d'allonger, mais c'est sans le vouloir : « Je ne puis éviter d'allonger votre purgatoire, et de vous conjurer de demeurer encore à Rome. » FÉN. Ou bien on allonge par laisser-aller, par négligence, par des délais, en ne faisant rien : « Il éludait, allongeait, usait le temps.... » BEAUM. Au contraire, on prolonge résolûment, par des moyens effectifs et choisis exprès '.

une robe, un fouet; mais on prolonge la vue, I propos de prolonger cette audience. » S. S.- Une une ligne, etc., parce que ce sont choses qu'on ne considère que par rapport à leur étendue. On allonge et on prolonge une galerie: dire qu'on l'allonge, c'est appeler l'attention sur la galerie elle-même qui devient plus longue; dire qu'on la prolonge, c'est appeler l'attention sur son étendue à laquelle on donne une suite. On allonge toutes les choses qui ne sont pas assez longues pour leur destination, et, par exemple, une galerie qui ne peut contenir tous les tableaux qu'on veut y placer; on ne doit se servir de prolonger que quand on ne considère dans la chose que son étendue; on prolonge une galerie, une allée, pour le coup d'œil, suivant le terrain dont on peut disposer. On allonge une ligne à pêcher; on prolonge une ligne mathématique.

La différence est autre entre les substantifs allongement et prolongement. Comme pro signifie en avant, au delà, au dehors, le prolongement est plutôt quelque chose d'excédant, un appendice, une excroissance; au lieu que l'allongement est un simple développement en longueur. L'épine dorsale contient un allongement (FEN.), et la queue, dans les animaux, un prolongement (ACAD.) de la matière cérébrale. « Les huppes ne sont que l'allongement des plumes de la tête; et les longues queues ne consistent que dans le prolongement des plumes de la queue. » BUFF. « Le pédicule de la poire tient à un prolongement du fruit un peu allongé. » J. J. Des animaux sont remarquables par l'allongement de leur museau (BUFF.). « Ces terres des rivages sont très-escarpées dans les lieux de leurs allongements. » J. J.- Le prolongement peut être aussi une extension de la chose, mais une extension telle qu'elle sort ou fait saillie. « Ces appendices qui terminent plusieurs des plumes moyennes des ailes du jaseur ne sont autre chose qu'un prolongement de la côte au delà des barbes. » BUFF. « La poche du pélican est composée de deux peaux : l'extérieure n'est qu'un prolongement de la peau du cou. » ID. « Les rosiers n'ont pas de vrais stipules, mais seulement un prolongement ou appendice de feuille ou une extension du pétiole. » J. J. « Les ornements du plumage des oiseaux ne sont que des prolongements et des excroissances des mêmes plumes plus petites dans le commun des oiseaux. » BUFF.

PROTESTER, ATTESTER. De testis, témoin. Témoigner, déclarer.

Protester, témoigner devant, en avant, c'est faire connaître hautement, ouvertement, publiquement, à la face du ciel, ne pas craindre d'avancer, de mettre au jour ou de produire, de professer, de proclamer. Il se dit surtout en parlant de ce qu'on fait connaître en le tirant de soi en quelque sorte, c'est-à-dire en parlant des sentiments où l'on est. « Vos adversaires protestent par leurs discours, par leurs livres, et par tout ce qu'ils peuvent produire pour témoigner leurs sentiments, qu'ils condamnent cette hérésie de tout leur cœur. « PASC. « Les calvinistes n'en sont pas plus catholiques pour protester qu'ils ne suivent que la parole de Dieu. » P. R. « Je proteste que j'ai beaucoup de respect pour quelques ouvrages de Tertullien. MAL. « Les philosophes protestent et prétendent même d'enseigner la doctrine d'Aristote. » ID.

Attester, témoigner à, c'est faire connaître simplement, sans l'insistance qui caractérise la protestation. Ensuite, on atteste, non pas d'ordinaire ce qu'on tire de soi, ses sentiments, mais ce qu'on apprend à quelqu'un, ce qu'on porte à sa connaissance, c'est-à-dire un fait passé. La protestation est d'un homme qui veut être cru; l'attestation est la déclaration d'un homme d'une autorité plus ou moins grande, qui dit ce qu'il a fait, vu ou entendu.

PREFIXES PRO ET IN.

Prohibition, inhibition.

PROHIBITION, INHIBITION. Termes de législation et de palais qui signifient défense, ou ordre

1. Rallonger, c'est réparer un accourcissement, faire revenir au premier état en allongeant.

Ses griffes, vainement par Pussort accourcies,
Se rallongent déjà, toujours d'encre noircies.
BOIL. sur la Chicane.

sens

Ou bien, comme re marque une nouvelle action, même quelquefois une action adverse, en contraire, c'est allonger une chose par l'addition d'une autre qui n'est pas de même espèce. « Ce qui est allongé ou prolongé est un, ce qui est rallonge est formé de deux choses jointes ensemble,» COND. L'Ac'est allonger itérativement une chose beaucoup trop cadémie donne aussi cette explication. Ou bien enfin, courte. « Rallongez ces étrivières, ces étriers. » ACAD.

2° Quand il s'agit de la durée et que les deux verbes signifient le contraire de l'abréger, allonger désigne une action ordinaire qui peut être produite par les choses comme par les personnes, et un effet ordinaire, qui peut n'aller pas au delà d'une juste mesure; mais prolonger est toujours l'acte d'une personne et un acte volontaire dont l'effet est plus fort, plus marqué, sinon toujours excessif. Les histoires semblent ailonger l'instruction (FÉN.); la rime allonge le discours (ID.); les conseils sous la régence allon- longer et de prolonger, il en diffère d'une manière Quant à proroger, que Girard fait synonyme d'al· geaient les affaires (S. S.). Mais un homme cher- frappante. Il se dit en parlant de la durée et signifie che à prolonger une affaire (FÉN.), cherche les non-seulement une action volontaire ainsi que promoyens de prolonger la guerre (S. S.), ou compte longer, mais un acte légal, une décision de l'autode prolonger une négociation (ID.). « Je lui rerité proroger une loi, une dispense, le terme acprésentai combien étaient dangereuses les pas-jurisprudence comme abroger et déroger, qui sont de cordé pour l'exécution d'un traité. C'est un terme de sions et les altercations qui allongeraient cette la même famille; c'était déjà en latin le caractère de affaire en l'obscurcissant.... Et je ne jugeai pas à rogare, leur primitif.

plutôt précaution que protection, prévoyance que providence.

MÉDITER, PRÉMÉDITER. Chercher avec réflexion les moyens d'exécuter une chose.

Ces deux mots supposent, mais le second plus particulièrement, que c'est d'avance qu'on se livre à cette recherche. Préméditer d'avance (BEAUM.) est un pléonasme. Méditer un discours, c'est appliquer sa pensée à trouver ce qu'on doit dire. On prémédite un discours, quand on craint de ne pouvoir l'improviser et de rester court au moment de parler. Dans l'Amphitryon de Molière, Sosie dit:

de ne point faire certaines choses. Ils ont pour radical commun habere, avoir, tenir. Prohiber, c'est tenir en avant, au loin, soit la personne qui serait tentée de faire la chose, soit la chose elle-même. Inhiber, c'est avoir en, tenir en dedans la personne, la retenir, l'arrêter. Si bien que la prohibition empêche plutôt de commencer, et l'inhibition de continuer; l'une, ce qu'on pourrait faire, ce qui peut-être au fond serait légitime; l'autre, ce qui se fait irrégulièrement, ce qui a cours contrairement à l'ordre établi. Ce qui n'est pas prohibé est approuvé ou autorisé; ce qui n'est pas inhibé est reçu, se pratique légalement. La culture du tabac, le commerce du sel, la fabrication privée de la poudre à canon, l'introduction de certaines marchan- « Cicéron paraît se borner à vouloir que l'auteur dises, le divorce, l'application de certaines dé-prémédite les figures et les principales exprescouvertes fatales, sont prohibés. Il est fait des sions de son discours. » FÉN. inhibitions à celui qui a frappé un citoyen, pâturé dans son champ, attenté à son honneur, bâti sur son terrain, de continuer, de récidiver, en vertu d'un droit établi, d'une loi existante; on ne dira pas dans ces cas-là prohibition, parce qu'il s'agit d'arrêter le cours d'une chose déjà défendue, et que l'inhibition ne se fait qu'en conséquence d'une défense précédente.

En un mot, la prohibition élève une barrière, met une certaine distance entre les choses et les personnes; c'est une œuvre de prévoyance, un acte réglementaire, d'administration ou de police. L'inhibition surprend les personnes en train de faire les choses, et les retient, leur met un frein; c'est un terme de chancellerie exprimant un acte qui est essentiellement du ressort de la justice et a pour but d'arrêter le progrès du mal, la pratique des choses défendues.

Il me faudrait, pour l'ambassade,
Quelque discours prémédité.

On médite un projet quelconque, et ce mot ne signifie guère autre chose sinon le fait de concevoir l'idée de ce projet et d'en occuper son esprit; on prémédite celui qui demande qu'on fasse naître ou qu'on saisisse plus ou moins longtemps à l'avance les circonstances favorables, qu'à leur égard on se tienne prêt ou sur ses gardes. On est toujours coupable de méditer un crime, mais plus coupable encore de le préméditer, car cela prouve qu'on l'envisage et qu'on s'y prépare de sang-froid plus ou moins longtemps auparavant, et c'est une circonstance aggravante que cette plus grande participation de la volonté. « Un insensé vient d'écrire que la Saint-Barthélemy n'avait point été préméditée. » VOLT.

« Quand on demandait à César quelle mort il trouvait la plus souhaitable : la moins préméditée, répondit-il, et la plus courte. » MONTAIGN. « Le hasard en apparence, mais un hasard en effet bien ménagé et bien prémédité, fait ces prétendues rencontres qui sont de vrais rendez-vous. » BOURD.

Quand on ne veut pas permettre, on emploie la prohibition : « Dans cette monarchie les prohibitions et les permissions ne pouvaient être que passagères. » COND. Quand on ne ferme pas les yeux sur le mal et qu'on veut y mettre un terme, La différence est la même entre les deux exon emploie l'inhibition. Sous Louis XV, le parle- pressions se munir et se prémunir, qui veulent ment mécontent avait plusieurs fois cessé de ren- dire, se fortifier, prendre des mesures, se pourdre la justice. « Le roi vint au parlement lire un voir de choses nécessaires à la défense. On se édit, où il fit les plus expresses inhibitions d'in-munit dans le péril de manière qu'on est en sûterrompre, sous quelque prétexte que ce pût être, reté. « Dans les maux violents, la nature se rele service ordinaire. » VOLT. Dans une ordon-cueille tout entière, le cœur se munit de toute sa nance synodale ayant pour but de mettre fin à des abus, Bossuet a fait très-expresses inhibitions aux merciers, boulangers et autres, d'étaler leurs marchandises les jours de fêtes et patrons des églises, dans les cimetières et sous les portiques des églises. »

PRÉFIXE PRÉ.

Méditer, préméditer. Se munir, se prémunir. Supposer, présupposer. Tendre à, prétendre à.

constance. » FLÉCH. On se prémunit avant le danger, par précaution, de manière à n'être pas surpris quand le mal arrivera, s'il doit arriver. « Ce temps de l'Eglise est représenté très au long comme celui qui allait venir, et contre lequel par conséquent les fidèles avaient besoin d'être le plus prémunis. » Boss. Au cœur de l'hiver, le voyageur se munit d'un manteau; en toute autre saison, il se prémunit d'un manteau, de peur que le temps ne devienne froid.

SUPPOSER, PRÉSUPPOSER. Admettre quelque chose comme vrai sans vérification, sans s'en être

D'abord on présuppose par avance, et ce mot regarde toujours l'avenir; on dirait bien, au contraire, à une personne qui a commis une faute: je suppose qu'on vous a mal conseillé.

Cette particule initiale, formée de la préposi-assuré. tion latine præ, a quelque analogie avec la précédente pour le sens comme pour la forme. Elle peut se rendre par, d'avance, auparavant, par devant, dans la partie antérieure. En général, et à la différence de pro, elle est comparative, et plus relative au temps qu'à l'espace; elle marque

Ensuite, supposer devant être considéré comme un radical simple à l'égard de présupposer, il

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