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Boileau dit, en parlant d'auteurs en courroux : | gnait m'encourager, au lieu de me rabêtir, comme
Vous les verrez bientôt, féconds en impostures,
Amasser contre vous des volumes d'injures.

<< Mithridate fuit de ses Etats, et ramassant dans
son chemin ce qu'il trouve de barbares, il parut
dans le Bosphore. » MONTESQ. Dans le premier
exemple, amasser rappelle l'idée pure du radical,
celle d'une grande quantité; dans le second, ra-
masser rappelle l'idée des efforts de Mithridate
pour réunir sous ses drapeaux des barbares dis-
persés. « En Égypte, faute de bois, on ramasse
soigneusement les excréments de tous les ani-
maux.» BUFF. « Il s'applique à ramasser tout ce
que les anciens ont dit de plus curieux sur cette
matière. ACAD. Les mêmes caractères dis-
tinctifs sont peut-être encore plus visibles dans
les substantifs amas et ramas.

Amasser de l'argent, c'est en acquérir, s'en former une certaine somme; en ramasser, c'est en recueillir ou en amasser péniblement ou de toutes parts. « Pleinœuf entra dans les vivres et les hôpitaux des armées où il amassa tant de trésors.... Les trésors immenses que sa femme ramassa de toutes parts fut le moindre mal qu'elle fit. » S. S.

POSER, REPOSER. Etre appuyé, porter sur quelque chose.

Reposer est augmentatif et marque plus particulièrement la solidité. Poser se borne à indiquer l'objet qui sert d'appui. « L'esprit de Dieu était porté sur les eaux, ou posait sur elles. >> Boss. Une colonne pose sur son piédestal, et repose sur ses fondements. Une poutre pose sur une traverse, et repose sur le mur.

il fait toujours?» VOLT. « M. de Richelieu l'entendit un moment autrefois (un acteur), et n'en jugea pas très-favorablement. Ce pauvre homme en fut tout rabéti.» ID.

Forte comme elle l'est, l'action de rabétir ne peut être faite que par les personnes. Mais on dit très-bien des choses qu'elles abétissent.« Trop et trop peu d'instruction abétissent l'esprit. PASC. « Cela vous fera croire et vous abêtira. » ID. CONCILIER, RÉCONCILIER. Faire que des choses opposées cessent de l'être, aillent bien ensemble.

Réconcilier ne suppose pas seulement opposition, mais lutte, mais guerre ouverte, tendance réciproque à se renverser, et c'est pourquoi primitivement ce mot ne se dit bien qu'en parlant des personnes. C'est en les personnifiant et en les considérant comme des ennemis que l'on dit réconcilier la morale et la politique, le théâtre avec la religion. «< Imaginer une morale de bon goût, qui réconcilie J. C. avec Bélial. » MASS. « Réconcilier l'ambition avec la volupté, la grandeur avec l'affabilité, la vérité avec les préjugés et les passions. » ID. « Un Néron, un Domitien: leur attirer de la gloire, réconcilier l'honneur avec eux, c'est une entreprise impossible. » Boss.

LÂCHER, RELÂCHER. Détendre, desserrer quelque chose, ou bien, laisser aller, laisser échapper quelqu'un, un prisonnier.

On lâche ce qui est tendu; on relâche ce qui est trop ou très-tendu. Relâcher, c'est réparer un excès, rétablir une chose en la lachant un peu; c'est, non pas détruire, mais seulement diminuer la tension. Quand on lâche la bride, elle flotte; quand on lache prise ou pied, quand on lâche un coup de fusil, toute tension, toute action cesse ; mais, quand on relâche une corde, elle est seulement moins tendue.

Au figuré, comme on veut exprimer généralement la solidité, la force, le crédit qu'une chose tient d'une autre, on préfère reposer: telle vérité repose sur tel principe. Cependant Montesquieu a dit que la grande distinction de la puissance ecclésiastique et de la puissance séculière est la En parlant des prisonniers qu'on laisse aller, base sur laquelle pose la tranquillité des peu-les lâcher, c'est leur donner la liberté; les relâ– ples; c'est qu'il a voulu faire connaître simplement ce qui assure cette tranquillité, plutôt qu'exprimer avec quelle solidité elle se trouve maintenue et garantie.

ABÈTIR, RABÈTIR. Rendre ou devenir bête, stupide.

Rabétir indique une action plus forte, de la résistance à vaincre dans le sujet. Un maître abétit l'enfant qui lui est confié, quand il laisse ses facultés se développer sans direction; il le rabêtit, si, toutes les fois que la raison de l'enfant fait quelques progrès, il en comprime, en déprave, en interrompt l'exercice naturel. D'une part, les dispositions ne peuvent prospérer, faute d'être placées dans des circonstances favorables; de l'autre, elles sont combattues et repoussées aussitôt qu'elles prennent quelque développement. On abétit peu à peu, lentement, par une action insensible. « Un jésuite m'enquinauda; je fus novice, on m'abétit pendant deux ans, et ensuite on me fit régenter.» VOLT. On rabétit en relançant, en rabrouant dans l'occasion toutes les fois qu'on essaye de montrer de l'esprit. « A qui confierai-je mes faiblesses (les faibles tragédies de sa vieillesse) plutôt qu'à mon doyen, s'il dai

cher, c'est la leur rendre. Lâcher marque sim-
plement qu'on ne les retient plus, et relâcher
qu'on les rétablit dans un état où ils étaient, et
dans lequel ils rentrent. On lâche un oiseau qui
a toujours vécu en cage, et on relâche celui
qu'on avait pris et privé de sa liberté.
CONFORTER, RÉCONFORTER. Fortifier, cor-
roborer.

Ce qui réconforte donne plus de force, produit un effet plus considérable que ce qui conforte simplement. Ou bien ce qui réconforte rétablit des forces qu'on avait perdues. Le vin conforte l'estomac; et, quand par le travail on s'est affaibli l'estomac, le vin le réconforte. — « Le flairement réjouit le cerveau, le délecte et conforte. » CHARR« Je me réconforte dans mes disgrâces en buvant de meilleur vin que le bon homme Loth. » VOLT

α

« Le Seigneur sera auprès de moi, dans moi pour me seconder et me conforter.» BOURD. « Je lui dis que son état ne devait pas lui faire de peine, et je me mis doucement à le réconforter. » S. S. ÉCHAPPER, RÉCHAPPER. Se sauver de quelque péril.

Réchapper ne se dit qu'en parlant d'un grand péril et presque toujours d'un cas de mort. « Je

α

me dédis de ma parole si tu réchappes,» dit Géronte à Scapin à qui il pardonne et qu'on croit blessé mortellement. « Notre chat est réchappé depuis peu d'un saut qu'il fit du haut de la maison dans la rue. MOL. On échappe, au contraire, à toute sorte de dangers. Les compagnons d'Ulysse furent changés en animaux par Circé; le seul Ulysse en échappa, dit Lafontaine.

On dit ordinairement réchapper d'une maladie, d'une maladie mortelle. On aura tort néanmoins de vouloir avec Bouhours réduire le mot à cette unique application : il convient toutes les fois qu'il s'agit d'un péril de mort. « Clovis, étant dans un grand danger à la bataille de Tolbiac, fit vou, dit-on, de se faire chrétien s'il en réchappait.» VOLT.

LEVER, RELEVER. Mettre haut ou plus haut, ou simplement dans une position verticale.

Relever marque un rétablissement, le rétablissement de l'état antérieur convenable ou naturel. On relève ses bas qui tombent; on relève la tête quand on l'a trop baissée ou trop inclinée, tandis qu'on lère la tête pour contempler le ciel, par exemple. On lève un enfant qu'on met sur pied au lieu de le laisser couché, seconde position naturelle pour lui comme la première; on le relève lorsqu'il tombe. On lève un pont-levis; dire qu'on le relève, ce serait supposer que sa destination n'est pas d'être abaissé.

TROUSSER, RETROUSSER. Replier, relever. Retrousser, c'est trousser beaucoup, relever bien haut ou avec vivacité. « Un palefrenier tenant don Quichotte serré entre ses bras, quelques pages retroussèrent sa chemise jusque sur sa tête et lui appliquèrent plus de mille claques. »

LES.

Mais, en outre, retrousser marquant une action plus forte que l'ordinaire, se dit seul aussi des choses qu'on n'a pas coutume de trousser, comme la moustache, les cheveux, le chapeau, les manches.

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D'autre part, trousser est pour l'habituel, et retrousser pour les cas particuliers et remarquables. « Je savais trousser ma soutane et mon manteau de façon que je laissais voir ma jambe.» LES. M. de Nantes parut la soutane retroussée sous le bras gauche et l'épée nue à la main droite. SEV. - Les robes de nos Indiennes, inventées pour être troussées, marquent un génie bien supérieur. » VOLT. « Dans la fameuse procession de la Ligue on vit le prieur des chartreux, suivi de tous ses moines, l'habit retroussé, un casque en tête.» ID. - On dit un nez retroussé, la queue retroussée d'un chien, parce que ce n'est pas l'ordinaire de ces choses d'être tournées ainsi. Il y a une sorte de perdrix qui retrousse la queue en courant. » BUFF.

TIRER, RETIRER. Oter, ou faire sortir une personne de quelque endroit, l'éloigner de quelque chose.

Retirer marque un rétablissement, indique que l'on avait été mis dans une position où l'on ne doit plus rester. On retire un enfant du collège, une garnison d'une place, des papiers de chez un avoué, et on le fait par précaution, avec soin. On dira, au contraire, sans ces idées accessoires:

on ne saurait tirer cet homme de son cabinet; on l'a tiré de la charrue pour le mettre à cette place éminente. On tire un homme d'un danger quelconque; on le retire d'un grand péril dans lequel il est beaucoup engagé, ou dans lequel on l'a mis soi-même. « Si Dieu a livré les gentils à l'aveuglement de leur cœur, s'ensuit-il qu'il y livre encore les églises qu'il en a retirées avec tant de soin?» Boss. Si les dangers sont de peu d'importance, on se sert de tirer seulement : tirer d'inquiétude, de souci, d'erreur. Tirer un homme de prison, c'est l'en faire sortir; l'en retirer marque plus de soin, plus d'empressement et aussi plus de difficultés. « Après avoir fait tant d'efforts pour retirer J. C. des mains de ses ennemis, Pilate enfin le livre aux Juifs.» BOURD.

Tirer et retirer signifient aussi tous deux, recueillir, en parlant du profit ou des avantages qui reviennent d'une place, d'une propriété, etc. Retirer marque un calcul antérieur, quelque chose de prévu, des avantages qu'on s'était proposés, et tirer est dépouillé de cette nuance. On retire de forts intérêts de l'argent que l'on place, et l'on tire de grands services d'un ami, une grande instruction de l'histoire, beaucoup de fruit de ses fautes. Théotime: «S'imaginer cela, c'est priver le Créateur de la gloire qu'il tirera éternellement de ses créatures. » Ariste : « Comment, Théotime? Est-ce que Dieu a créé le monde à cause de la gloire qu'il en devait retirer ? » MAL.

TENIR, RETENIR. Faire demeurer en un certain état.

Retenir suppose ou un danger ou de la résistance, et par conséquent dans le sujet de l'action plus d'effort. On tient l'échelle à celui qui monte, de peur d'accident; on retient l'échelle qui branle ou qui va tomber. On tient dans l'obéissance un peuple qu'on gouverne paisiblement; on retient dans l'obéissance celui qui remue, qui fait effort pour secouer le joug. « Des lois simplement écrites et en petit nombre tenaient les peuples dans le devoir.» Boss. « Les Espagnols désespérant de retenir les nations vaincues dans la fidélité, prirent le parti de les exterminer. » MONTESQ. « On craignait que les Crétois et les Tarentins ne combattissent les uns contre les autres; on avait bien de la peine à les retenir au dedans du camp, où ils étaient gardés de près. FÉN.

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ÉLEVÉ et RELEVÉ sont des épithètes également applicables à plusieurs choses dont elles servent à exprimer la grandeur ou la noblesse: condition, fonctions, expressions élevées, ou relevées; emploi, esprit, sentiments élevés ou relevés.

Mais relevé est par rapport à élevé un superlatif, il marque un degré de plus d'élévation, il approche plus de sublime. « On ne peut disconvenir que J. C. n'eût un esprit très-grand et très-relevé.» PASC. « Sofal est le phénix des esprits relevés. » BOIL. « Le ministère des âmes est celui de tous le plus délicat et le plus sublime; et ils se croient nés pour un emploi si relevé, si difficile!» LABR. « Ce langage si relevé et si sublime. » BOURD. « Ce qu'il y a dans le christianisme de plus sublime et de plus relevé. » ID. « La sainteté de Marie, cette sainteté sublime et relevée. » ID. « Alors le ton

sera non-seulement élevé, mais sublime. » BUFF. A la place d'élevé, dans ce dernier exemple, relevé serait visiblement impropre. — Quelquefois même relevé annonce ou est tout près d'annoncer un excès. Ne cherchons pas toujours des points de méditation si relevés et si subtils.» BOURD. « Le mystère de la Trinité est ce qu'il y a de plus relevé et de plus difficile à croire. » ID. « Cela est peut-être un peu relevé; mais tâchons de le rendre sensible par un exemple. » Boss. « Expressions abstraites et relevées, telles que sont à peu près celles des mystiques. » RAC.

D'autre part, relevé est parfois relatif à un état de bassesse d'où on a été tiré, ou bien d'où on s'est tiré. On naît dans une condition élevée; dans une condition relevée on est un parvenu, à part ce que ce dernier mot a de défavorable. « Voyez-vous, dirait-on, cette madame la mar- | quise? C'est la fille de M. Jourdain. Elle n'a pas toujours été si relevée que la voilà; et ses deux grands-pères vendaient du drap auprès de la porte Saint-Innocent. » MOL.

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Mêmes différences entre les verbes élever et relever pris dans le sens de louer ou de vanter. | Relever est augmentatif, quelquefois même exagératif, par rapport au simple élever; aussi l'emploie-t-on plus fréquemment. Quand une décision nous est favorable, on n'a point de termes assez forts pour en relever la sagesse et l'équité. BOURD. D'autres fois l'action de relever suppose un état d'abaissement d'où on est tiré par cette action. « Nous laissons languir la gloire de Dieu et ne daignons relever son nom ni son ouvrage.» LAF.- Du reste, élever, dans cette acception, est plus rare sans doute, mais non pas inusité, comme on pourrait le croire d'après les dictionnaires. « La charité du Samaritain mérite les plus grands éloges, et nous ne pouvons assez l'élever.» BOURD. Simonide avait entrepris

L'éloge d'un athlète....

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« La folle éloquence du siècle, quand elle veut élever quelque généreux conquérant, dit qu'il a parcouru les provinces, moins par ses pas que par ses victoires. » Boss.

Les couples de synonymes qui n'ont d'autre élément de différence que l'initiale re sont trèsnombreux. Nous en avons multiplié, mais non pas épuisé les exemples. En voici d'autres qu'on aurait pu tout aussi bien citer.

Coin et recoin signifient un endroit retiré; mais le second enchérit sur le premier, c'en est un augmentatif: le recoin est plus retiré, plus écarté que le coin. « Il n'y a coin et recoin où l'on n'ait cherché. » ACAD.

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La différence est la même entre pli et repli: le repli est un pli doublé. Que si pli se prend aussi quelquefois au figuré dans le sens de recoin, c'est toujours avec et avant repli pour marquer un premier degré ou un degré plus faible: sonder les plis et les replis du cœur (ACAD.) Dans son dernier jugement, Dieu démêlera tous les plis et tous les replis de nos âmes. » BOURD.

Ce qui est recourbé est plusieurs fois courbé, ou courbé en rond de manière à former plusieurs courbes, comme une crosse; ou bien ce qui est recourbé est courbé dans le sens contraire à une première courbure : « Les défenses de ce sanglier sont courbées et recourbées à peu près comme les cornes d'un taureau. » BUFF.

Rechercher marque plus de soin, plus de zèle, plus d'ardeur que chercher. « Je n'eusse pas eu la peine de rechercher avec tant de soin la source de tous les défauts de raisonnement. » Pasc. « Votre ami ne voyait point la vérité, parce qu'il ne la cherchait pas; mais il l'a reconnue, parce qu'il l'a désirée; et il l'a reconnue avec plaisir, s'il l'a recherchée avec empressement. » MAL. On cherche quelquefois sans le savoir; on recherche toujours expressément : « On croit rechercher la gloire de Dieu, en cherchant, en effet, la sienne. » PASC. Rechercher peut même aller jusqu'à marquer un excès: rechercher l'esprit. « Les bons auteurs n'ont de l'esprit qu'autant qu'il en faut, et ne le recherchent jamais. » VOLT. Recherché signifie affecté.

D

Recéler, c'est, de même, celer, c'est-à-dire cacher ou taire, avec soin, de manière à échapper à tous les regards : « Le pécheur couvre soigneusement tous les vestiges de son crime, il recèle profondément ses desseins.» Boss.

On dit faire repaître un cheval plutôt que le faire paître, quand on le considère comme ayant besoin de se refaire ou de réparer ses forces par la nourriture.

Accommodement et raccommodement désignent des actes qui ont pour effet de faire cesser la division entre des personnes. Mais raccommodement exprime un retour, un rapprochement; en sorte que le raccommodement a lieu entre personnes précédemment unies par les liens de la parenté ou de l'amitié. « Partout des brus et des bellesmères, des maris et des femmes, des divorces, des ruptures et de mauvais raccommodements. » LABR. « Raccommodement entre le père et le fils.» S. S. L'accommodement ne se rapporte pas ainsi à un état antérieur de liaison; il s'opère entre personnes qui sont en procès et qui avant cela étaient étrangères et indifférentes l'une à l'autre. Les personnes raccommodées redeviennent amies; les personnes accommodées cessent d'être en contestation.

PRÉFIXE CON.

Plainte, complainte. Texture, contexture. Sacrer, consacrer. Répondre, correspondre. Plaire, complaire. Prendre, comprendre. Cession, concession. Se fier, se confier. Tenir, contenir.

En passant du latin au français, les mots éprouvent dans leur terminaison une altération plus

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ou moins profonde; mais leur partie initiale de- | viennent entre les mots des différences qui ne le meure invariable. Ainsi, notre adjectif conforme sont pas moins. Le sens de con, sous ce rapport, reproduit de tout point le latin conformis d'où il mérite donc un plus long examen. Cette préposiest tiré, si ce n'est qu'il se termine un peu diffé- tion annonce que le sujet fait plusieurs choses, remment. C'est pourquoi, en ce qui concerne la ou qu'il fait une chose entièrement, ou une chose valeur absolue ou comparative des préfixes, plus compliquée, qui demande qu'on la tienne, qu'on encore que relativement à celle des désinences l'envisage de tous les côtés, qu'on s'occupe de de notre langue, on peut tirer du latin des in- ses différentes parties, qu'on les arrange; et par structions sûres et concluantes. Sans doute tous conséquent le mot qu'elle commence suppose les mots latins commençant par con, com, col, dans l'agent plus de soin, plus d'effort, et une cor, n'ont pas en français d'analogues qui les re-intention plus expresse, plus particulière. En la présentent avec exactitude sous le rapport lexique, et le français, de son côté, a des mots de cette initiale qui lui sont propres. Néanmoins, cette initiale a le même sens dans les deux langues, et son emploi dans l'une ne peut manquer d'éclairer son emploi dans l'autre.

Autre remarque préliminaire indispensable. Quand deux synonymes de même radical et de même terminaison ont des particules initiales différentes. c'est dans la valeur comparative de celles-ci qu'il faut chercher la différence. Mais si l'un des deux n'a point de préfixe, est un radical pur, le radical mème qui sert à former le second, tel, par exemple, que prendre relativement à comprendre, ils different déjà en ce que le mot radical exprime l'idée commune d'une manière simple, absolue, rigoureuse, indépendamment de toute modification. Ainsi, en latin, par signifie égal, mathématiquement, à la rigueur, il regarde la quantité; compar signifie la même chose, mais d'une manière affaiblie, approximative, et en parlant du degré ou de la qualité. C'est aussi le rapport qui existe entre plures et complures: le premier se prend à la lettre, arithmétiquement, pour signifier plus d'un. Le second n'emporte pas une aussi grande détermination, c'est l'équivalent vague et peu précis de plusieurs. Pareillement dans nos mots compère, commère, confrère, le sens des primitifs père, mère, frère a considérablement varié.

La particule initiale latine et française, con, com, co, col, cor, vient de la préposition latine cum, qui signifie avec. Dans les mots composés où elle entre, son rôle consiste à marquer pluralité, multiplicité, complexité, totalité; elle est collective, cumulative, amplificative. Comme les mots au commencement desquels elle se trouve sont presque tous des verbes ou des noms verbaux, elle exprime réunion, agrégation, assemblage, soit dans le sujet qui agit, soit dans la chose qui est faite. Ainsi, en latin, comprobare, c'est approuver plusieurs à la fois, ou approuver entièrement; conticere, c'est se taire tous ensemble, ou garder un profond silence; conquirere, c'est chercher ensemble, ou chercher plusieurs choses; contueri signifie, ou que plusieurs voient à la fois, ou qu'un seul voit à la fois plusieurs choses; il en est de même de compilare, qui sert à indiquer un pillage multiple, eu égard aux personnes qui le commettent ou aux choses sur lesquelles il s'exerce.

De ces deux manières d'indiquer pluralité la plus importante, synonymiquement parlant, est la seconde, parce qu'elle s'aperçoit plus difficilement et a des conséquences subtiles, d'où pro

tin, par exemple, vallis est une vallée comprise entre deux montagnes seulement; convallis, une vallée formée par plusieurs montagnes, qui enferment un espace de tous les côtés; urere, c'est brûler; operire, couvrir; memorare, rapporter; stringere, serrer en tirant; formare et fingere, donner une forme; servare, sauver : mais comburere, c'est brûler entièrement; cooperire, couvrir de tous les côtés; commemorare, rapporter longuement, avec détail, complaisance, ostentation; constringere, c'est lier de tous côtés, enchaîner; conformare, disposer, ajuster; confingere, feindre; conservare, conserver, protéger, veiller au salut.

Quelquefois la pluralité dont con est le signe revient à la réciprocité, ou donne l'idée de partage; confabulari, c'est conter à tour de rôle, s'entretenir; consalutare, se saluer l'un l'autre, s'entre-saluer; par, comme pair, dans nombre pair, se conçoit bien solitairement, compar sup pose toujours rapport mutuel entre deux choses ou deux personnes; le cognomen est, non pas le nom propre, mais le nom commun, celui qu'on partage avec toutes les personnes de sa famille; celui qu'on avertit, qui monetur, fait part de l'avertissement à un autre, commonet.

PLAINTE, COMPLAINTE. Action de se plaindre ou son résultat, expression d'une douleur vraie ou feinte.

Le plainte consiste en un simple cri, en un sanglot, ou en quelques mots; elle a lieu pour quelque chose de passager. « Mon Dieu, mon Dieu! pourquoi m'avez-vous délaissé? Ce n'est pas ici une plainte comme on la peut faire dans l'approche d'un grand mal. » Boss. « Nous entendimes dans une petite maison d'une rue écartée quelques plaintes mêlées de beaucoup de sanglots. Nous demandons ce que c'est, etc. » MOL. << Le chien lèche cette main qui vient de le frapper; il ne lui oppose que la plainte, et la désarme enfin par la patience et la soumission. » BUFF.La complainte est une suite ou un composé de plaintes, une plainte détaillée, continue; c'est le fait d'une personne qui se lamente sans cesse, une plainte importune, fatigante, à cause de sa lon. gueur même. Au sujet d'un petit-neveu de Pierre Corneille fort dépensier, Voltaire, qui se plaignait continuellement de son inconduite et demandait de l'argent pour payer ses dettes, écrit å M. d'Argental : « Pardon, encore une fois, de ma complainte. » De même Laharpe, après avoir cité de longs reproches d'un anonyme contre l'Art poétique de Boileau, ajoute: « Il faut respirer un moment après cette complainte lamentable. »

D'ailleurs, la plainte échappe, est arrachée par

la douleur, au lieu que la complainte est arrangée à dessein pour attirer sur soi l'attention. L'histoire vante Marius d'avoir subi une opération douloureuse sans pousser aucune plainte : un client ennuyeux vous harcèle de ses complaintes. Ce double caractère explique pourquoi complainte signifie particulièrement une chanson, ou un cantique populaire dont l'auteur déplore, en style de Jérémie, les malheurs d'un personnage ou ceux de ses victimes. La complainte est presque une jérémiade (voy. ces deux mots).

Voilà-t-il pas de vos jérémiades,

De vos regrets, de vos complaintes fades. VOLT. TEXTURE, CONTEXTURE. Façon, état de ce qui est tissu, au figuré.

SACRER, CONSACRER. Donner par certaines cérémonies religieuses un caractère de sainteté, qui met avec Dieu dans un rapport intime.

Sacrer est absolu et n'a rapport qu'à une seule chose ou à une seule personne qu'il fait considérer en soi; consacrer est relatif et ajoute à l'idée de la personne ou de la chose celle de sa destination ultérieure, de ce à quoi elle appartient ou doit servir désormais; c'est pour ainsi dire un mot à double face. La personne qu'on a sacrée a telle qualité en soi; la personne qu'on a consacrée a telle qualité par rapport à la Divinité.

Par le sacre on devient inviolable; par la consécration on est voué entièrement à Dieu et à son culte. On dit d'une hostie qu'elle est sacrée, on

, et

très-ancien sacramentaire manuscrit de l'église de Reims porte que l'archevêque, en consacrant un évêque, lui donnait une hostie formée et sacrée, tout entière. » Boss. On sacre plutôt un prélat, e on consacre un prêtre; le prélat appartenait déjà spécialement à Dieu, puisqu'il était ordonné, mais il n'en était pas ainsi du prêtre avant qu'il eût reçu la prêtrise. « Le jour que j'ai été consacré prêtre est le samedi de la Passion; le jour de mon sacre est celui de Saint-Matthieu.» Boss.

La contexture annonce plus de complication, l'appelle le pain sacré; mais un prêtre ou un reliun assemblage, une multiplicité de fils qui s'en-gieux est consacré, c'est-à-dire voué à Dieu. << Le chaînent les uns aux autres, s'entrelacent, s'entremêlent, se croisent dans tous les sens. Texture indique l'ordre des parties dans un seul sens: « La texture de la topaze de Saxe est lamelleuse. BUFF. La contexture désigne plutôt la manière dont les parties sont entre elles dans toutes les directions: « Cet auteur distingue quatre espèces de ponces qui diffèrent entre elles par la contexture, et par la disposition des pores. » BUFF.- - « Nous ne pouvons arriver à nous représenter le nid du moindre oiselet, sa contexture, sa beauté; non pas (même) la tissure de la chétive araignée. » MONTAIGN. A la place de tissure mettez texture, son quasi-équivalent, cet exemple exprimera parfaitement la différence en question. On dira mieux la texture du bois, des tendons, parce qu'ils se composent de fibres rapprochées, mais allant toutes dans la direction longitudinale; et la contexture des os, du tissu cellulaire, parce que leurs parties se rencontrent et se pénètrent dans divers sens et de différentes manières.

En parlant des ouvrages de l'esprit, contexture convient seul pour marquer la liaison de leurs parties, quand elle est compliquée, opérée avec habileté ou confusion. « On ne se lasse pas de rendre justice à l'artificieuse et fine contexture des tragédies de Racine, les seules, peut-être, qui aient été bien ourdies d'un bout à l'autre de puis Eschyle.» VOLT. Contexture signifie plus particulièrement un mélange. « Est-ce la différente contexture des nombres et leur mélange qui est la cause de cela?» MARM. « Des contextures de phrases enchevêtrées ou prolongées. » ID. - On dit bien la texture d'une période (MARM.); une période est quelque chose de peu étendu et de peu complexe. Mais on doit dire la contexture d'un poëme (VOLT., MARM.), d'une intrigue de tragédie (MARM.). Pour être orateur, il ne suffit pas de se distinguer par la texture de la période, il faut aussi se montrer habile dans la contexture de tout le discours. La texture d'une scène de tragédie importe moins que la contexture de la tragédie entière.

Le contexte est l'ensemble du texte, ce qui résulte de la liaison et de la comparaison de ses parties. « On voit par le contexte mème des trois avertissements de Vauvenargues, que lui seul a pu les rédiger ainsi. » LAH.

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On sacre simplement : ce mot ne veut pas de complément indirect; mais on consacre à Dieu, ou bien prêtre, comme dit Bossuet dans l'exemple précédent, ou bien pontife, comme on le voit dans celui-ci de Rollin : « Séthon, au lieu de s'acquitter des fonctions d'un roi, affectait celles d'un prêtre, s'étant fait consacrer lui-même souverain pontife de Vulcain. »

RÉPONDRE, CORRESPONDRE. Avoir du rapport.

Correspondre suppose réciprocité. Quand une chose correspond à une autre, celle-ci répond également à la première et sous le même point de vue. On correspond à un sentiment par un sentiment de même nature. « Et la fille correspondelle fort à votre amour?» MOL. « Le plaisir que j'ai de correspondre à la bienveillance dont vous m'honorez. » J. J. « Leçons très-sages sur la manière dont je devais correspondre aux bontés qu'on avait pour moi. » ID. Répondre, au contraire, ne marque ni réciprocité, ni homogénéité entre les choses comparées. A l'amour de Dieu je corresponds réciproquement par quelque chose de semblable. Mais A tous les attributs de Dieu, excepté l'amour, je réponds par quelque chose de différent, à sa souveraineté par ma dépendance, à sa justice par ma crainte.... » BOURD. « Vous verrez si l'ajustement qui accompagne sa figure y répond comme il faut. » MOL. « A ce livre ils en substitueront un autre qui réponde mieux à leurs vues. » J. J. « Ses forces ne répondent pas à son zèle. » MASS.

Ensuite, il y a plus d'intimité entre les choses qui se correspondent, qu'entre les choses dont l'une répond à l'autre. Rigoureusement, la correspondance est détaillée, embrasse toutes les parties, elle équivaut à une coïncidence. « Je suppose, dit Fénelon, un corps capable par ses dimensions de correspondre à une superficie ca

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