Page images
PDF
EPUB

U

Quand on est obligé d'user de quelques railleries, l'esprit de pieté porte à ne les employer que contre les erreurs.» PASC.

USER, EMPLOYER, SE SERVIR. Ces trois | ployé ces soins, ces plaisirs, ces artifices à cortermes sont définis de même par l'Académie, rompre des cœurs? » ID. faire usage de. C'est là en effet leur signification commune, qui serait ainsi parfaitement indiquée, si usage ne dérivait d'user. On dit en parlant des mots, du temps, d'une autorité, de la raison, qu'on en use, qu'on les emploie et qu'on s'en sert. Bien ou mal user et se servir d'une chose, l'employer bien ou mal.

D

[ocr errors]
[ocr errors]

Employer et se servir ne marquent rien de moral, d'habituel et d'absolu. Par là, ils different nettement d'user. Ils ne sont guère moins distincts l'un de l'autre.

User vient du latin uti, usum, dont le sens est Employer, d'implicare, plier dans, engager le même. C'est pourquoi il se dit particulière- dans, c'est appliquer, donner une destination. Se ment bien en termes de droit et de morale, et servir, c'est tirer un service, une aide. A l'u emporte l'idée de droit ou de devoir. User d'un s'attache plutôt l'idée de matière, et à l'autre droit (VOLT.), d'une permission (ID.), de ri- celle d'instrument. On emploie de l'étoffe (ACAD.), gueur (MoL.), d'indulgence (PASc.), de circon- du bois, de la pierre (ID.), de l'or (VOLT.), en les spection (ACAD.), de représailles (VOLT.); user impliquant, en les faisant entrer comme matière sobrement (ACAD.), modérément (J. J.); toutes dans certains ouvrages; on emploie de même de locutions dans lesquelles user convient seul. l'argent, son bien, une partie de son revenu, un « User de la grandeur avec modération, des ri- terrain (ACAD.) en les appliquant ou en les affecchesses avec miséricorde, de la vie avec un géné- tant à tel ou tel objet. Et on emploie plus ou reux mépris. » FLECH. Ensuite, user rappelle moins de toutes ces choses, peu ou beaucoup, usage, c'est-à-dire exprime une coutume, quel- assez ou trop. Mais on dira plutôt se servir d'inque chose d'habituel, seul caractère distinctif struments (Boss.), de la règle et du compas attribué à user par Leroy et Condillac. User d'un (ACAD.), de lunettes (VOLT.), de la boussole (IL), certain régime (ACAD.). « Voyez de quel pain de certaines armes ((MONTESQ.), d'une certaine usent les pauvres. » BOURD. « Usez-vous de beau- méthode (PASC., COND.), des signes du langage coup de vin? >> PASC.« Ulysse entre dans le bain. | (COND.). « Un homme aura employé ses soins à Il n'en avait pas usé depuis longtemps. FÉN. réveiller mille faits injurieux et calomnieux, il Auguste voulait qu'on usát de répétitions fré- | se sera servi de la plume pour les tracer sur le quentes plutôt que d'être obscur. » ID. « L'on papier. BOURD. De cette première différence doit user de termes qui soient propres. LABR. s'ensuit une seconde, qui est bien remarquable, Si vous étiez parmi des gens qui en usent ordi- c'est qu'on emploie ce qu'on a et qu'on se sert de nairement (de tabac), leur discours et leur ma- quelque chose d'étranger : la matière est quelque nière vous engageraient peu à peu à vous en chose qui est sous notre main, à notre disposiservir, et l'usage vous y assujettirait comme les tion, et un instrument, tout comme un serviautres.» MAL. « Mithridate pensa que Lucullus teur, est quelque chose d'autre que nous apuserait de sa réserve et de sa circonspection or- pelons à notre secours. On emploie tout son esdinaire.... Lucullus vainquit deux grands et prit, tout son art, toute son industrie, tous ses puissants rois par deux voies tout opposées. Il soins, toute son éloquence (ACAD.), tous ses efa la gloire d'avoir su employer, soit une lenteur forts (PASC.), sa puissance et son étude (ID.), pour agissante, soit une audace qui écarte le danger arriver à quelque but. On se sert des meubles, en le prévenant. » ROLL. Enfin, user est ab- des chevaux, de l'argent ou du crédit (ACAD.) des solu et ne comporte pas les déterminations. On autres, de leur faiblesse, ou de l'amitié qu'ils dira bien en général et d'une manière toute for- ont pour nous (MOL.); on se sert d'un ennemi melle, c'est-à-dire sans avoir égard à la nature pour en vaincre un autre : c'est ainsi que les Roou au genre de la chose dont il s'agit, user de re- mains se servirent d'Euménès et de Massinisse mèdes, d'artifice, de violence. Mais si on veut pour subjuguer Philippe et Antiochus. » MONspécifier, user ne sera pas le mot propre. « Les TESQ. « Les Carthaginois se servaient de troupes Lapons usent de quelques remèdes.... La seconde étrangères, et les Romains employaient les manière d'employer le fromage pour les maux leurs.» ID. Enfin, employer se dit plutôt pour extérieurs ou intérieurs est de.... » REGN. « Qui l'ordinaire; et se servir, par rapport à une ocsait si vous n'employez pas pour me séduire une casion, dans un cas difficile. On emploie des adresse mieux entendue? Mais non, vous n'êtes moyens connus et communs, on emploie les pas capable d'user d'artifice avec moi. » J. J. mêmes mots que tout le monde, et à la manière « Comme pécheurs, nous avons perdu le droit de tout le monde on se sert d'un expedient d'user des créatures, et de les faire servir même (ACAD.) ou d'une invention (BOURD.) pour sortir à nos besoins, loin de les employer à nos plai- d'embarras, et on se sert de termes étranges : sirs. » MASS. « Vous me demandez si user d'un « Si quelques poëtes se sont servis d'heur, c'est tel artifice de parure est un crime? Mais n'en par la contrainte de la mesure. » LABR. On emavez-vous jamais abusé? N'avez-vous jamais em- ploie le temps à telle ou telle chose; on se sert

:

[merged small][ocr errors]

le la conjoncture (ACAD.), de l'occasion, comme on se sert de la fortune (MONTESQ.).

Bien user du temps, des mots, de l'autorité, de sa raison, c'est n'en point abuser, c'est en faire un usage légitime, conforme au devoir; les bien employer, c'est en faire une juste application, donner à chaque objet ce qu'il lui en faut et autant qu'il lui en faut, comme bien employer une matière, c'est la consacrer à ce à quoi elle est propre, et en fournir une quantité suffisante;

VAINCRE, DÉFAIRE, BATTRE des ennemis, en termes d'art militaire. Remporter sur eux un avantage.

s'en bien servir, c'est, dans une circonstance, en tirer tout le parti possible, comme se bien servir d'un instrument ou d'un serviteur, c'est lui faire produire tout le secours qu'on en peut attendre.

Avec user, le mot bien se prend dans son sens moral; avec employer, il marque une convenance entre la chose appliquée et ce à quoi on l'applique; avec se servir, il désigne l'habileté avec laquelle on sait profiter d'une certaine aide et suppléer ainsi à ses propres forces.

V

fuite et sans se pouvoir rallier, fut assommé par les paysans. » VERT. Mais défaire signifie aussi détruire, mettre en pièces et hors de service, et, en conséquence, des armées défaites sont souvent des armées entièrement dissipées, rendues incapables de se rallier et de tenir davantage la campagne. « Enfin Pyrrhus fut défait par le consul Curius, et repassa en Epire. » Boss. « César et Antoine défirent Brutus et Cassius; la liberté expira avec eux. » ID. Jean ne doutait pas qu'il ne défit tout à fait l'armée ennemie. ID. « Si Néron n'eût défait Asdrubal, avant qu'il pût se joindre à son frère, tout était perdu. » FÉN.

ע

Avant la bataille de Cannes, deux consuls avec leurs armées avaient été entièrement défaits. La république se trouvait sans soldats et sans chefs. » ROLL. « La flotte pouvait être facilement défaite et détruite. » ID. & L'arrière-garde de Charlemagne fut défaite à Roncevaux. » VOLT.

Vaincre, vincere, d'où dérivent vainqueur, victoire et victorieux, se distingue de ses synonymes en ce qu'il est seul immédiatement traduit d'un mot latin ayant la signification commune aux trois verbes dont il est ici question. De là lui vient un caractère de noblesse tout particulier qui le rend propre à être employé dans le grand et à réveiller l'idée de gloire et de triomphe. « Préférer le bonheur de n'avoir plus d'ennemis à la gloire de les vaincre. » MASS. « Les alliés se retirèrent sous les murs de Maëstricht après avoir été vaincus, et laissèrent à Louis XV la gloire d'une seconde victoire. » VOLT. « Par le fameux combat des Horaces et des Curiaces, Albe fut vaincue et ruinée. » Boss. « Ce fut alors que le cardinal de Sion employa toute son éloquence, et remplit tellement les Suisses de la gloire qu'ils Battre, c'est seulement se montrer le plus fort, remporteraient à vaincre, sans le secours de avoir le dessus, maltraiter, faire éprouver des leurs alliés, toutes les forces de France, avec pertes plus ou moins considérables. On peut dire leur roi à la tête, qu'ils se résolurent au combat. »battre, mais non pas vaincre, ni défaire, un simple ID. «Passer sous le joug, cérémonie ignomi- détachement, parce que l'idée caractéristique de nieuse par laquelle les vainqueurs semblaient at-battre n'est ni celle de gloire, ni celle de coup tacher une honte éternelle à la disgrâce des décisif porté à l'ennemi ou de grand désordre vaincus. » VERT. « Au lieu de répondre à l'accu-apporté dans ses rangs, et de dispersion, de sation intentée contre lui, Scipion dit: Allons au ruine, lesquelles supposent l'une et l'autre toute Capitole remercier les dieux de ce qu'en un jour une armée ou un grand corps de troupes, mais semblable à celui-ci, je vainquis Annibal et les uniquement l'idée de supériorité de force, d'une Carthaginois. » FÉN. « Combien Henri IV distrait part, et celle de désavantage et d'affaiblissement, par ses amours, perdit de belles occasions de de l'autre. « Othon était assez fort pour battre vaincre ses ennemis! » ID. « Alexandre (ne re- les Hongrois, non pas assez pour les poursuivre cherchant que la gloire) parcourut des royaumes et les détruire. » VOLT. « Les ennemis supérieurs immenses pour les rendre à leurs rois après les peuvent vous battre et entrer en France. » FÉN., avoir vaincus. » ID. Il aurait voulu, pour sa << Le grand Gustave, qui manquait de tout, eut gloire, être mort après avoir vaincu Darius (ID.). d'abord besoin de l'argent de la France; mais << Sėsostris revint chargé des dépouilles des peu- dans la suite il battit les Bavarois et les impéples vaincus, et couvert de gloire. » ROLL. riaux; il releva le parti protestant dans toute l'Allemagne. »ID. Déjocès, quoique battu par les Assyriens, laissa son royaume en état de s'accroître sous ses successeurs. Boss. Le roi de Hongrie dit aux Français qu'il espérait battre l'avant-garde des Turcs sans beaucoup de peine, qu'ensuite ils attaqueraient tous ensemble le corps de bataille, et le déferaient aisément après le premier désordre. » ID. « Virginius, ravi de voir Sergius battu, refusa à ses propres officiers d'envoyer des troupes pour le dégager. » VERT. « On parle d'une espèce de victoire

D

Défaire, c'est rompre, désorganiser une armée disposée en bataille, confondre les rangs, y mettre tout pêle-mêle ; ce qui suppose des troupes réglées et ordonnées suivant un certain plan. Lesdiguières défit ces armées réglées. » VOLT. « Alexandre défit Darius en trois batailles rangées.» Boss. « Les armées romaines, quoique défaites et rompues, combattaient et se ralliaient jusqu'à la dernière extrémité. » ID. « Les Gaulois furent défaits; il en périt un grand nombre sur le champ de batale, et le reste, dispersé par la

du maréchal de Créqui. Il a battu les Allemands. » SÉV.

VAINCRE, SURMONTER, DOMPTER, RÉDUIRE, TRIOMPHER. Combattre avec succès contre quelqu'un ou quelque chose qui nous est opposé ou qui nous résiste.

D

et son empire abattu. Boss. Il a une fèrecité d'humeur qu'il est impossible de dompter, » ACAD.

farouches, et ensuite vaincre des homme à roces, indociles, d'un naturel fier, indépen intraitable. « L'homme a opposé les animau animaux, subjuguant les uns par adresse, d tant les autres par la force. BUFF. Sy on jamais de la sorte pour dresser un chev Vaincre suppose l'emploi de la force contre la Est-ce à force de coups qu'on le dompte? » L force, un combat contre un ennemi qui se dé- « J'ai dompté la fougue impétueuse de ma ja fend; surmonter suppose l'emploi de la force nesse.» VOLT. « Saint Ambroise dompta la fer contre quelque chose d'élevé qu'on rencontre en de Théodose. » BOURD. « Constantin dompts & son chemin et qui empêche d'avancer. On dira fières nations. » ID. « Moise ne crut pas pour bien vaincre une difficulté, la difficulté pouvant mieux dompter ni mieux soumettre à l'empire & consister en ce que la personne ou la chose atta- Dieu ces esprits fiers et indociles.» ID. « Not? quée ne cède pas, mais riposte, repousse l'atta- vainqueur (le démon) devait avoir la tête écraque; mais on dit proprement surmonter un obs-sée, c'est-à-dire devait voir son orgueil dompté. tacle. « Les soldats de Turenne ne trouvent point de difficultés qu'ils ne vainquent, point d'obstacles qu'ils ne surmontent. » FLÉCH. « J'approche du terme de ma carrière. Toutes les grandes dif- Réduire, de reducere, ramener, faire revenir. ficultés sont vaincues, tous les grands obstacles c'est vaincre des rebelles ou des révoltés. « L'Esont surmontés. » J. J. « Les maitres de l'art, gyte se révolta... Xerxès marcha contre les Egypqui par une étude longue et assidue en ont vaincu tiens, qu'il réduisit. » COND. Bunus, esclave les difficultés et connu les finesses, dédaignent lui-même, souleva les esclaves en Sicile; et il de revenir sur leurs pas pour faciliter la voie aux fallut employer à les réduire toute la puissance autres; ou peut-être frappés encore de la multi-romaine. » Boss. « Louis XI combattit avec le tude et de la nature des obstacles qu'ils ont duc de Bourgogne contre les Liégeois qu'il lui surmontés, ils redoutent le travail qui serait né-avait soulevés, et qu'il se vit forcé à l'aider à récessaire pour les aplanir. » D'AL. « Dans Tan- duire. » S. S.- Ou bien, réduire, par sa particule crède, Voltaire a vaincu les plus étonnantes dif-initiale qui est itérative, marque la peine qu'on ficultés que jamais un poëte tragique ait eues à | combattre, et il s'est élevé d'autant plus haut, qu'il lui avait fallu, pour prendre son essor, partir de plus loin et surmonter plus d'obstacles. » LAH. On ne peut vaincre que ce qui est actif, que ce qui réagit; on surmonte ce qui est inerte ou passif. « Vous avez eu tant de passions à vaincre, tant d'obstacles à surmonter. » MASS. « Si la grâce peut vaincre l'inclination, elle surmontera Triompher, c'est remporter une grande vicaussi l'habitude. » Boss. « Avec ce principe, les toire, un glorieux avantage. « Jésus-Christ expifactieux n'auront plus à raincre les remords de rant sur la croix triomphe par sa croix même la conscience, et ils ne penseront plus qu'à sur- du prince du monde, dompte par sa croix l'ormonter les obstacles du dehors. » PASC. Courage gueil du monde. » BOURD. « Qu'y avait-il de plus invincible (ACAD.), attrait invincible (Mass.); beau qu'un empire où le vrai Dieu triomphai de barrière insurmontable (ACAD.), mal insurmon- l'idolâtrie; et l'empire même des Césars n'était-il table (MAL.), travaux insurmontables (MONTESQ.). pas une vaine pompe, à comparaison de celui-ci?» Vaincre un désir (J. J.), ses passions (MAL.), sa Boss. « Quand, séduit par ta maitresse, tu sus colère, son amour, son ambition (ACAD.); sur-triompher à la fois de tes désirs et des siens, monter sa crainte (FEN.), sa douleur (ID.), sa n'étais-tu qu'un homme? » J. J. timidité (J. J.), sa nonchalance (Boss.), un éloignement ou un dégoût (P. R.), l'inertie de quelqu'un (J. J.), la peine que l'on éprouve à se rendre attentif (MAL.). D'un autre côté, l'action de vaincre produit la victoire, c'est-à-dire un avantage complet et définitif; au lieu que l'action de surmonter se borne quelquefois à un succès momentané ou partiel. « On voit continuellement les Romains dans les histoires, quoique surmontés dans le commencement par le nombre ou par l'ardeur des ennemis, arracher enfin la victoire de leurs mains. » MONTESQ. « Les corps bruts ne peuvent opposer à la volonté de l'homme qu'une lourde résistance et qu'une inflexible dureté, que sa main sait toujours surmonter et vaincre en les faisant agir les uns contre les autres. BUFF.

D

Dompter signifie d'abord vaincre des animaux

a, les efforts qu'on est obligé de faire pour vaincre ou pour dompter. « Vous me direz que dans une maison on a bien de la peine à réduire des esprits difficiles et portés au libertinage. » BOURD. «Rome était aux mains avec les Samnites, et avait une peine extrême à les réduire. » Boss. « La difficulté que Darius avait eue à réduire les villes grecques. » COND.

VALEUR, PRIX. Mérite ou excellence des choses qui les fait désirer et rechercher. Une chose est d'une grande valeur ou d'un grand priz, de peu de valeur ou de peu de prix; elle perd de sa valeur ou de son priz; connaître la taleur ou le prix des choses.

Valeur, du latin valere, avoir force ou pouvoir, être bon ou propre à, servir à, exprime l'utilité dont les choses peuvent être, les services qu'on en peut tirer. Priz, latin pretium, ce qu'on paye d'une chose, ce qu'on la vend, marque l'estime qu'on fait des choses, leur valeur effective, reconnue, leur valeur dans l'opinion. « Les actions les plus saintes, faites dans l'etat de péché mortel, ne sont d'aucune valeur pour l'éternité, ni d'aucun prix devant Dieu. » BOURD.

« De deux choses celle qui est d'une plus grande valeur vaut mieux, celle qui est d'un

lus grand prix vaut plus. » GIR. L'une est aeilleure, plus estimable; l'autre est plus estinée, plus demandée, plus chère.

• Quel jugement porteront vos élèves du vrai nérite des arts et de la véritable valeur des choses, quand ils verront partout le prix de fantaisie en contradiction avec le prix tiré de l'utilité réelle, et que plus la chose coûte moins elle vaut? J. J. La valeur est donc le prix tiré de l'utilité réelle, ce que vaut la chose en elle-même; le prix est la valeur de fantaisie, ou de convention, ce qu'elle coûte ou vaut en fait. Le prix peut être au-dessus ou au-dessous de la valeur, et il ne faut pas toujours juger de la valeur par le prix. « L'or et l'argent ont été établis, par une convention générale, pour être le prix de toutes les marchandises et un gage de leur valeur. » MONESQ. « La différence de la valeur réelle des biens des proscrits et du prix de l'adjudication était souvent énorme. » ROLL. « Nous vendrons notre liberté à vil prix, parce que nous sommes incapables d'en connaître la valeur.» COND. « Dès que nous avons besoin d'une chose, elle a de la valeur; elle en a par cela seul, et avant qu'il soit question de faire un échange. Au contraire, ce n'est que dans nos échanges qu'elle a un prix, et son prix est l'estime que nous faisons de sa valeur, lorsque, dans l'échange, nous la comparons avec la valeur d'une autre. » ID.

cenaires (J. J.). « Prodicus gagna beaucoup d'argent au métier de sophiste. Il allait de ville en ville faire parade de son éloquence, et, quoiqu'il le fît d'une façon mercenaire, il ne laissa pas de recevoir de grands honneurs. » ROLL.

Vénal est préférable lorsqu'on considère la personne ou la chose relativement à l'achat ou à l'acquisition qu'on en fait, et mercenaire quand il est question de l'opération de cette personne ou de cette chose. « Pourquoi ne pas dire un mot de l'argent avec lequel les envieux de saint Cyrille achetèrent des langues vénales pour le calomnier auprès de l'empereur?» Boss. « Les vices des princes ne trouvent autour d'eux que des yeux favorables et des langues mercenaires.» MASS. Une plume vénale est à la discrétion du premier qui voudra la payer; un auteur mercenaire est actuellement aux gages d'un certain homme ou d'une certaine société. « Le puissant se croit en droit de faire exercer ses vengeances par les plumes vénales, qui mettent leurs bassesses à l'enchère. » BEAUM. « Le P. Daniel et l'abbé de Camps écrivirent l'un contre l'autre, et l'auteur mercenaire et menteur fut battu par l'abbé qui aimait la vérité. » S. S. L'homme vénal est corruptible; le mercenaire est effectivement au service de quelqu'un. « Thémistocle comprit que la république était perdue si l'on nommait pour général Epicyde, dont l'âme vénale donnait tout Valeur enchérit sur prix, puisque celui-ci dé- lieu de craindre qu'il ne fût point à l'épreuve de signe quelque chose d'effectif, de variable, d'ar-l'or des Perses. » ROLL. « Un grand empire n'est 2bitraire, et non pas quelque chose d'esssentiel. « Ces actions ont devant Dieu leur prix et leur valeur. » BOURD. « Le prix et la valeur des œuvres chrétiennes provient de la grâce sanctifiante. Boss. Les pauvres, à qui nous donnons nos richesses, les rehaussent de prix jusqu'à une valeur infinie. » ID.

I

༢ ལ་ ༤

[ocr errors]

VÉNAL, MERCENAIRE. Qui agit ou parle pour de l'argent, parce qu'il est payé.

Vénal, à vendre ou en vente, exprime une capacité; mercenaire, qui travaille pour une récompense ou un salaire, signifie proprement un métier, une qualité en exercice. Vénal se rapporte plutôt aux sentiments, aux dispositions; et mercenaire aux actions, à la conduite. « Des avocats ont fait de l'éloquence un art mercenaire. Le public a méprisé ces âmes vénales. » D'AG. « La plus libre et la plus noble de toutes les professions devient la plus servile et la plus mercenaire. Que peut-on attendre de ces âmes vénales qui, pour un vil intérêt, vendent publiquement leur réputation et trafiquent de leur gloire?» ID. Un orateur a l'âme vénale, et il ne sort de sa bouche mercenaire que des mensonges. « Eschine avait une âme vénale, et il était au nombre des orateurs à gages que Philippe soudoyait.» LAH. Le seul éloge digne d'un roi est celui qui se fait entendre, non par la bouche mercenaire d'un orateur, mais par la voix d'un peuple libre. » J. J. C'est surtout à l'âme que vénal s'applique; mercenaire se dit non-seulement d'un art et de la bouche, mais aussi des mains et de l'action prêter ses mains mercenaires pour asservir son pays (VOLT.); une mère qui ne nourrit pas son enfant le confie à des mains mer

servi que par des âmes mercenaires auxquelles il donne toujours plus qu'il ne peut, et qui ne se croient jamais assez payées. » COND.

D

Une autre différence remarquable, c'est que vénal indique un plus grand défaut. L'homme vénal, ou qui se vend, est esclave, ne s'appartient plus, s'est prostitué. « Les flatteurs, âmes vénales et prostituées.» Boss. L'homme mercenaire travaille pour son profit, comme le journalier, au lieu de le faire gratuitement. Un juge qui n'est pas intègre est un juge inique et vénal (MARM.); des hommes toujours occupés de leurs intérêts sont des âmes mercenaires (BOURD.). C'était une éloquence vénale que celle des orateurs de la Grèce, vendus à Philippe de Macédoine; Bourdaloue et Fénelon appellent mercenaire l'éloquence des prédicateurs qui font de beaux mais de vains discours, uniquement en vue de la récompense, pour établir leur crédit et leur réputation.

VÉNÉNEUX, VENIMEUX. Qui a du venin, une sorte de suc malfaisant dont la communication peut tuer.

Vénéneux, latin venenosus, de venenum, poison, venin, veut dire plein de venin. Venimeux n'a pas exactement le même sens; ce qui est venimeux est plein de ce qui envenime, ou est propre à envenimer, c'est-à-dire à porter et à introduire son venin; en sorte que venimeux répond au latin venenifer ou veneficus. Le venin est dans la chose vénéneuse, dont ce mot marque la qualité : le venin est versé par la chose venimeuse, dont ce mot désigne l'action. Le corps vénéneux ne communique son venin que par l'usage qu'on en fait; l'insecte venimeux communique le sien

par l'atteinte qu'il porte. L'aspic a un organe particulier rempli d'une humeur vénéneuse; la morsure de l'aspic est venimeuse. Une langue qui répand ou distille le venin s'appelle, non pas vénéneuse, mais venimeuse; on dit de même les traits venimeux de la médisance (MASS.).

difficile à vérifier et à constater dans lers. toire. » D'AL. « Tout étant ainsi avéré, et juri-, quement constaté, on mène les deux coupabiaz, For-l'Évêque. » VOLT. «Il faut s'en tenir & faits publics et constatés.» ID. Un consel 2 mines fut établi pour constater si les exploitating En général, vénéneux se dit spécialement des donneraient plus de profit qu'elles ne coûterie: plantes, et venimeux des animaux. Cela doit de dépense. » ID. Aratus accusé demana être. Les plantes renferment seulement en elles qu'on n'omît aucun des moyens usités et present des principes mortels ou malins, il faut en éviter pour constater un fait avant que de porter l'afie i l'usage; tandis que les animaux piquent, mor- au conseil public. » ROLL. « Il ajoutait que dan dent et déposent le venin dans la plaie. « C'est la quinzaine on devait donner une seconde sune observation du célèbre Linnée, que les plan- présentation du Devin, qui constaterait aux year tes vénéneuses ont une couleur livide et un aspect de tout le public le plein succès de la pe repoussant. Elle peut s'étendre au règne animal. | mière. » J. J. Tous les animaux venimeux ou féroces ont dans l'oeil quelque chose qui inspire l'aversion ou la crainte. JOUFFROY, traduction de Reid.

Toutefois, on peut se servir de venimeux en parlant d'une plante considérée comme développant actuellement sa propriété délétère, et de vénéneux en parlant d'un animal qui a du venin mais qui, en vertu de n'importe quelle circonstance, ne le communique pas. Leurs flèches sont trempées dans le suc de certaines herbes venimeuses, dont le poison est mortel. » FEN. « Ces marécages, couverts de plantes aquatiques et fétides, ne nourrissent que des insectes vénéneux, et servent de repaire aux animaux immondes.> BUFF.

VÉRIFIER, AVÉRER, CONSTATER. S'assurer de la certitude d'une chose.

VERSER, RÉPANDRE. Faire sortir et transporter une liqueur hors du vase qui la contient C'est ce que verser exprime simplement. pandre ajoute à cette idée celle de ce que devient la liqueur déplacée: elle s'etend, s'étale, se disperse. Verser marque effusion, et répandre diffusion. On verse en bas; on repand de tous les côtés. « Si vous supposez que tous les hommes sont pauvres, en vain le ciel terse sur la terre ses influences, les fleuves en vain l'arrosent et répandent dans les diverses contrées la fertilité et l'abondance.» LABR. Ce que vous versez reste en corps, en amas, après l'action, ou est dirigé sur un seul point; ce que vous répandes se trouve, après l'action, éparpillé, disséminé, jeté çà et là. Aussi dit-on verser du vin dans un verre; et à un homme qui porte un vase plein, prenez

On verse à dessein; on répand plutôt sans le vouloir; l'eau ne se verse pas elle-même, mais elle se répand ou elle repand, a Ceux qui ont affaire de la lumière d'une lampe ont soin d'y verser de l'huile.» ROLL. Si la femme de celui qui boit dans cette coupe est infidele, tout le vin répand à terre. » LAF.

Vérifier et avérer ont même radical. Mais véri-garde de répandre. fier signifie proprement reconnaître si une chose ou qu'une chose est véritable; et avérer, reconnaître si une chose ou qu'une chose est vraie. Vérifier s'applique à une allégation, à une assertion, à un récit; avérer, à une chose considérée en soi, indépendamment de nous, de notre croyance et de nos discours. Une accusation est vérifiée (LAH.), c'est-à-dire trouvée exacte, fidèle; Au figuré, répandre s'applique seul à plusieurs un crime est avéré (RAC.), c'est-à-dire trouvé choses non liquides, qu'on ne se représente pas effectif ou réel. On dit d'une parole (BOURD.), comme découlant et tombant d'un vase perché d'une prédiction (ROLL.), d'un calcul (VOLT.), ou incliné (versus), mais comme s'étendant en d'un oracle (BOURD.), qu'ils sont vérifiés ; et d'une tous sens, en différents points, en diferents dette (Boss., VOLT.), d'une qualité ou d'un dé- lieux, en différents temps, idée totalement etranfaut (Mass., LAF.), d'un miracle (BOURD.), qu'ils gère au mot verser. Répandre ses émissaires de sont avérés. Vous vérifiez un rapport; vous avé- tous côtés; répandre partout la terreur; le soleil rez un fait. L'écriture et la signature d'un billet répand la lumière; une fleur répand de doux étant vérifiées, reconnues conformes à la main parfums dans la campagne; un géneral répand du souscripteur, l'obligation est avérée, la conses troupes dans tous les villages des environs. viction de sa valeur est établie. L'action de véri-On répand au loin une doctrine, une opinion, fier a pour effet de montrer qu'il n'y a point eu une hérésie, un bruit, une nouvelle; un auteur tromperie; et l'action d'avérer fait voir que la répand dans son ouvrage des principes, des chose est, que ce n'est point une chose en l'air, maximes, de la clarté, de l'agrément, de l'enune imagination. « Elle me dit que son cœur lui jouement, etc. « Télémaque répandait sur le battait aussi par la frayeur de tomber; c'était corps de Pisistrate des fleurs à pleines mains; il presque une invitation de vérifier la chose. »J. J. y ajoutait des parfums exquis, et versait des Et j'ai su par mes yeux averer aujourd'hui larmes amères. » FEN. « Les calamités horribles, Le commerce secret de ma femme et de lui. MoL. dont cette religion a inondé si longtemps tous Constater, s'assurer qu'une chose conste ou est les pays où elle est parvenue, m'affligent et me constante, veut dire vérifier ou avérer d'une font verser des larmes; mais les horreurs infermanière authentique et solide. Un fait constaténales, qu'elle a répandues dans les trois royauest devenu notoire par suite d'une enquête formelle. « Les anecdotes de la vie privée des gens de lettres sont quelquefois ce qu'il y a de plus

D

mes, déchirent mes entrailles. » VOLT.

Lorsque les deux verbes se disent des mêmes choses, verser signifie les faire couler ou tomber

« PreviousContinue »