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Les inventions dés hommes vont en avançant de siècle en siècle. La bonté et la malice du monde en général reste la même.

Qu'on s'imagine un nombre d'hommes dans les chaînes et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voyent leur propre condition dans celle de leurs semblables, et se regardant, les uns les autres, avec douleur et sans espérance, attendent leur tour. C'est l'image de la condition des hommes.

3) MAXIMES DES JÉSUITES SUR L'AMBITION, L'ENVIE, LES ÉQUIVOQUES ET LES RÉSTRICTIONS MENTALES 1).

Cela est assez commode, mon Père2) Et n'est-ce pas encore, continua-t-il, une doctrine bien douce pour les avares, de dire, comme fait Escobar3): Je sais que les riches ne pèchent point mortellement, quand ils ne donnent point l'aumône de leur superflu dans les grandes nécessités des pauvres. En vérité, lui dis-je, si cela est, je vois bien que je ne me connois guères en péchés. Pour vous le montrer encore mieux, me dit-il, ne pensez-vous pas que la bonne opinion de soimême, et la complaisance qu'on a pour ses ouvrages, est un péché des plus dangereux? Et ne serez-vous pas bien surpris, si je vous fais voir, qu'encore même que cette bonne opinion. soit sans fondement, c'est si peu un péché, que c'est au contraire un don de Dieu? Est-il possible, mon Père? Oui, ditil, et c'est ce que nous a appris notre grand Père Garasse1) dans son livre françois intitulé: Somme des vérités capitales de la Religion. C'est en effet, dit-il, de la justice commutative, que tout travail honnéte soit récompensé ou de louange ou de satisfaction. Quand les bons esprits font un ouvrage excellent, ils sont justement récompensés par les louanges pu

1) Lettre IX. 2) Wir erinnern bei diesem Bruchstück, dafs Pascal vorgiebt, als unterrichte ihn ein Jesuit in der berüch tigten Moral seines Ordens. Kurz vorher war die Rede davon gewesen, wie man, auf jesuitische Art mit leichter Mühe, undächtig und ehrsüchtig seyn könne. 3) Pascal meint den spanischen Jesuiten Anton Escobar mit dem Beinamen M endoza. gestorben 1669 im 80sten Jahre seines Alters. Man hat von ihm mehrere theologische und moralische Schriften, als Théologie morale, Lyon 1663, 7 Vol. fol. etc., in welchen seine laxen, von Pascal verspotteten, moralischen Vorschriften und seine erbärmliche Kasuisterei enthalten sind. 4) François Garasse, geb. zu Angoulème 1585, gest. 1631, ein Jesuit, der vielerlei geschrieben hat.

bliques. Mais quand un pauvre esprit travaille beaucoup pour ne rien faire qui vaille, et qu'il ne peut ainsi obtenir des louanges publiques, afin que son travail ne demeure sans récom pense, Dieu lui en donne une satisfaction personnelle, qu'on ne peut lui envier sans une injustice plus que barbare. C'est ainsi que Dieu, qui est juste, donne aux grenouilles de la sa◄ tisfaction de leur chant.

Voilà, lui dis-je, de belles décisions en faveur de la vanité, de l'ambition et de l'avarice. Et l'envie, mon Père, sera-t-elle, plus difficile à excuser? Ceci est délicat, dit le Père. Il faut user de la distinction du Père Bauny") dans sa Somme des péchés. Car son sentiment est, que l'envie du bien spirituel du prochain est mortelle, mais que l'envie du bien temporel n'est que vénielle. Et par quelle raison, mon Père? Ecoutezla, me dit-il. Car le bien qui se trouve és) choses temporelles, est si mince et de si peu de conséquence pour le ciel.. qu'il est de nulle considération devant Dieu et ses Saints. Mais, mon Père, si ce bien est si mince et de si petite considération, comment permettez-vous de tuer les hommes pour le conserver? Vous prenez mal les choses, dit le Père: on vous dit que le bien est de nulle considération devant Dieu, mais non pas devant les hommes.

Cela suffit pour ce sujet; et je veux maintenant vous parler des facilités que nous avons apportées pour faire éviter les péchés dans les conversations et dans les intrigues du monde. Une chose des plus embarrassantes qui s'y trouve, est d'éviter le mensonge, et sur-tout quand on voudroit bien faire accroire une chose fausse. C'est à quoi sert admirablement notre doctrine des équivoques, par laquelle il est permis d'user de termes ambigus, en les faisant entendre dans un autre sens qu'on ne les entend soi-même. Je sais cela, mon Père, lui dis-je. Nous l'avons tant publié, continua-t-il, qu'à la fin tout le monde en est instruit. Mais savez-vous bien comment il faut faire quand on ne trouve point de mots équivoques? Non, mon Père. Je m'en doutois bien, dit-il, cela est nouveau: c'est la doctrine des restrictions mentales. Sanchez la donne au même lieu"): On peut jurer, dit-il, qu'on n'a pas fait

5) Bauny, auch ein Jesuit. 9) ès veraltet, statt en les oder dans les. 9) Thomas Sanchez, geb. zu Cordova 1551 und gest. zu Grenada im Jahr 1610. Man hat von diesem Jesuiten mehrere Werke, unter denen viele kasuistische sind. Pascal citirt in unsrer Stelle den 21en Theil der Opp. moralia dieses Schriftstellers.

une chose, quoiqu'on l'ait faite effectivement, en entendant en soi-même qu'on ne l'a pas faite un certain jour, ou avant qu'on fút né, ou en sousentendant quelqu'autre circonstance pareille, sans que les paroles dont on se sert, ayent aucun sens qui le puisse faire connoître. Et cela est fort commode en beaucoup de rencontres, et toujours très-juste quand cela est nécessaire et utile pour la santé, l'honneur ou le bien.

Comment, mon Père, et n'est-ce pas là un mensonge, et même un parjure? Non, dit le Père. Sanchez le prouve au même lieu, et notre Filiutius), parce, dit-il, que c'est l'intention qui règle la qualité de l'action. Et il y donne encore un autre moyen plus sûr d'éviter le mensonge. C'est qu'après avoir dit tout haut, je jure que je n'ai point fait cela, on ajoute tout bas, aujourd'hui: ou qu'après avoir dit tout haut, je jure on dise tout bàs, que je dis, et que l'on continue ensuite tout haut, que je n'ai point fait cela. Vous voyez bien que c'est dire la vérité. Je l'avoue, lui dis-je, mais nous trouverions peut-être que c'est dire la vérité tout bas, et un mensonge tout haut: outre que je craindrois que bien des gens n'eussent pas assez de présence d'esprit pour se servir de ces méthodes. Nos Pères, dit-il, ont enseigné au même lieu, en faveur de ceux qui ne sauroient pas user de ces restrictions, qu'il leur suffit, pour ne point mentir, de dire simplement qu'ils n'ont point fait ce qu'ils ont fait, pourvu qu'ils ayent en général l'intention de donner à leurs discours le sens qu'un habile homme y donneroit.

Dites la vérité, il vous est arrivé bien des fois d'être embarrassé, manque de cette connoissance.? Quelquefois, lui disje. Et n'avouerez-vous pas de même, continua-t-il, qu'il seroit souvent bien commode d'être dispensé en conscience de tenir de certaines paroles qu'on donne? Ce seroit, 'lui dis-je, mon Père, la plus grande commodité du monde! Ecoutez donc Escobar, qui donne cette règle générale: Les promesses n'obligent point, quand on n'a point l'intention de s'obliger en les faisant. Or il n'arrive guères qu'on ait cette intention, à moins qu'on ne les confirme par serment ou par contract: de sorte que quand on dit simplement, je le ferai, on entend qu'on le fera si l'on ne change de volonté; car on ne veut pas se priver par-là de sa liberté. Il en donne d'autres que vous y

8) Gleichfalls ein Jesuit, dessen mehrmals in den Briefen Pascal's gedacht wird.

pouvez voir vous-même, et il dit à la fin, que tout cela est pris de Molina) et de nos autres auteurs, et ainsi on n'en peut pas douter.

O mon père, lui dis-je, je ne savois pas que la direction d'intention eût la force de rendre les promesses utiles. Vous voyez, dit le Père, que voilà une grande facilité pour le commerce du monde.

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ROCHEFOUCAULD.

FRANÇOIS DUC DE ROCHEFOUCAULD ET PRINCE DE MARSILLAC, 1603 geboren, gehörte zu den geistreichsten Personen seiner Zeit. Seine Jugend brachte er in Kriegsdiensten zu, und fand besonders während der Unruhen der Fronde*), woran er auf Anstiften seiner Freundin, der Her— zogin von Longueville, Theil nahm, Gelegenheit, Beweise von Tapferkeit zu geben. In der Schlacht von Saint-Antoine (einer Vorstadt von Paris) erhielt er cinen Musketenschufs, der ihn auf einige Zeit seines Gesichts beraubte. Nach Beilegung dieser Unruhen lebte er ganz der Freundschaft und den Musen. Sein Haus in Paris war der Sammelplatz der schönen Geister seiner Zeit. Er starb 1680. Man het von ihm 1) Mémoires de la régence d'Anne d'Autriche, à Amsterdam (Trévoux) 1713, 2 Vol. in 12. ein mit der Energie des Tacitus entworfenes Gemälde gedachter bürgerlichen Unruhen. 2) Pensées, maximes et réflexions, eine seit ihrer ersten

9) Ludwig Molina, ein 1600 zu Madrid gestorbener Jesuit, der gleichfalls viel geschrieben hat. Man muss ihn nicht

mit Michael Molinos verwechseln.

*) Anna von Oestreich, Mutter Ludwig's XIV, machte sich aus einer eingeschränkten Vormünderin ihres Sohnes zur unumschränkten Regentin, und den Kardinal Mazarin, einen Ausländer, zum Premierminister. Hierüber mifsvergnügt vereinigten sich die Prinzen von Geblüt, Condé, Conti, der Herzog von Longueville und mehrere andere Girofse, nebst einem ansehnlichen Theile des Volks, gegen den Hof, und die Unruhen brachen auf Veranlassung der durch die Kriege Ludwig's XIII verursachten Unordnung in den Finanzen in einen Bürgerkrieg aus, der bis 1654 dauerte. Turenne stritt auf Seiten des Hofes gegen die Fronde (so hiefs die Verbindung der Mifsvergnügten) und trieb sie zu Paaren.

Erscheinung sehr oft gedruckte Schrift voll feiner und treffender Bemerkungen, die eine innige Bekanntschaft mit dem menschlichen Herzen verrathen. Unsere Sprache besitzt dies berühmte Werk in einer guten Uebersetzung: De la Rochefoucauld's Sätze aus der höhern Welt- und Menschenkunde, Französisch und Deutsch von Friedrich Schulz, Breslau 1798, 8. Rochefoucauld's sämmtliche Werke sind 1797 zu Paris unter dem Titel erschienen: Maximes et œuvres complètes de François Duc de la Rochefoucauld, 2 Bände in 8 bei Didot. Eine schätzbare Abhandlung über ihn, betitelt: Notice sur le caractère et les écrits du Duc de la Rochefoucauld, steht im ersten Theile der Mélanges de Littérature publiés par J. B. Suard, 1 Vol. Paris 1803. Eine dreifache Prachtausgabe seiner Maximes hat Bodoni 1812 zu Paris veranstaltet, in fol. und 4.

PENSÉES ET MAXIMES.

Quand les vices nous quittent, nous nous flattons de la croyance, que c'est nous qui les quittons.

L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu. Les défauts de l'âme sont comme les blessures du corps: quelque soin qu'on prenne de les guérir, la cicatrice paroît toujours, et elles sont à tout moment en danger de se rouvrir.

Le désir de paroître habile, empêche souvent de le devenir. La vertu n'iroit pas si loin, si la vanité ne lui tenoit compagnie.

Celui qui croit pouvoir trouver en soi-même de quoi se passer de tout le monde, se trompe fort; mais célui, qui croit qu'on ne peut se passer de lui, se trompe encore davantage.

La folie nous suit dans tous les temps de la vie. Si quelqu'un paroît sage, c'est seulement parce que ses folies sont proportionnées à son âge et à sa fortune.

On donne plus aisément des bornes à sa reconnoissance qu'à ses espérances et qu'à ses désirs.

L'orgueil ne veut pas devoir, et l'amour-propre ne veut pas payer.

Il n'est pas si dangereux de faire du mal à la plupart des hommes, que de leur faire trop de bien.

Il y a peu de choses impossibles par elles-mêmes, et l'application pour les faire réussir nous manque plus que les moyens. La gravité est un mystère du corps, inventé pour cacher

les défauts de l'esprit.

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