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l'œil s'égare dans un vafte défert, où il n'apperçoit que du fable, & de loin en loin quelques palmiers folitaires. Symmaque lui-même qui eut tant de réputation fous Théodose, ne lui paroît auprès de Cicéron, tout au plus, que ce qu'un vieillard atténué, fans fuc, & fans couleur, feroit près d'un homme à la fleur de fon âge, brillant de force & de fanté.

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CUVRES DE BOILEAU DESPRÉAUX, nouvelle édition &c.

SECOND EXTRAIT. (*)

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n a vu dans le précédent extrait, que cette nouvelle édition des Euvres de Boileau a été faite principalement d'après celle de Mr. de St. Marc. Les obfervations critiques de ce commentateur font dignes de fixer toute l'attention des Le&eurs." Elles annoncent un littérateur éclairé, judicieux, & plein de goût. En voici quelques-unes des plus importantes.

I. Sur l'Enthousiasme. L'enthoufiafme, tel qu'on le conçoit ordinairement, est une agitation violen

te,

(*) Voyez le premier extrait dans le VI. volume de ce Journal pag. 89 & suivantes.

te, qui ne laiffe point l'efprit maître de lui-même. L'efprit alors eft dans la dépendance abfolue d'une forte de délire, qui ne lui permet pas de voir les idées dans ce qu'on appelle leur ordre naturel. Elles se préfentent à lui, comme au hazard, en foule, pêle-mêle. L'une le frappe plus; l'autre le frappe moins; le tout, conformément au caractere de la paffion, ou des paffions qui caufent fon délire. Toutes les fois qu'on veut repréfenter un pareil état de l'efprit, on manqueroit fon but, en fuivant un certain ordre méthodique, l'ordre logique,, l'ordre progreffif du raisonnement.

Mais toutes les paffions ne font pas également turbulentes: la même paffion ne l'eft pas toujours au même degré les mouvements de l'une font plus tumultueux; ceux des autres le font moins: il en eft qui ne caufent qu'une douce agitation; il en est auffi qui ne produisent qu'un véritable calme.

Que de fortes différentes d'enthoufiaf me! Il en faut reconnoître autant qu'il y a

de

de manieres dont l'efprit ou l'ame peut être mis hors de fon affiette naturelle.

Donnons le nom d'affiette naturelle de l'efprit à toute fituation, quelle qu'elle foit, qui ne l'empêche point de fuivre l'ordre progreffif du raisonnement.

Il n'y a peut-être point d'inftant, où l'ame foit uniquement occupée de fentir. Peut-être n'eft-elle jamais fans raisonner: peut-être même raifonner & fentir ne different-ils pas autant qu'on le pense. I eft certain du moins, que toute paffion raifonne à fa maniere; qu'elle a par conféquent fa méthode propre; & qu'il réfulte auffi des différentes combinaisons de paffions une méthode particuliere à chacune de ces combinaifons. Il est encore plus certain, que les paffions, qui répandent le calme dans l'ame, ne dérangent point cet ordre progreffif du raisonnement, auquel feul on a donné, mal à propos, le nom d'ordre naturel des idées.

Par conféquent, il y a des cas, où l'enthoufiafme atteint le but de l'art,

&

.

& imite parfaitement la nature, en rempliffant un plan méthodique, en fuivant l'ordre du raisonnement, en allant du principe à la conféquence. C'est à la fituation de l'ame à fervir de regle.

Mais hors les occafions, où l'efprit eft comme entiérement hors de foi, le manque de liaisons ne peut jamais s'étendre jusqu'à mettre de fuite des idées qui foient oppofées, ou dont le rapport ne foit pas fenfible.

Banniffons l'ordre de raifonnement, toutes les fois qu'il peut nuire au feu que la fituation doit allumer; mais n'uniffons point deux idées, qui, n'étant pas oppofées, foient féparées par un nombre d'idées intermédiaires trop grand pour pouvoir être fuppléé fur le champ par un lecteur médiocrement attentif. Il faut être rapide quand le cas l'exige; il n'eft jamais permis d'être obfcur. Les liaisons qu'on peut négliger impunément, ce font les liaisons de mots, les liaisons grammaticales.

C'eft,

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