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ESSAI SUR LE BARREAU GREC, ROMAIN, ET FRANÇOIS &c.

SECOND EXTRAIT. (*)

L

a feconde partie de cet Effai regarde le Barreau romain. L'Auteur commence par faire connoître à fes lecteurs, quelle fut depuis la fondation de Rome, la forme des jugements dans toutes les causes. Avant Céfar, c'étoit le peuple qui décidoit les plus importantes. Le fénat, les prêteurs, les cenfeurs même ne jugeoient que provifoirement. Le forum étoit, à proprement parler, la lice des plaideurs. Les orateurs, élevés dans la tribune, n'étoient point affujettis à parler pendant un espace de

temps dé

figné;

(*) Le premier extrait fe trouve dans le VI, volume de notre Journal, pag. 128. & fuivantes.

figné; & leur nombre dans une caufe n'étoit pas fixé. Un orateur pouvoit à fon gré fe livrer à l'impétuofité de fon génie, à la chaleur de fon imagination. S'il remuoit la populace, fon but étoit rempli; & des acclamations universelles, des battements de mains redoublés lui annonçoient fa victoire. Alors l'accufation des personnages conftitués en dignité, les factions des puiffants, les difcuffions des familles illuftres, & les altercations continuelles du fénat & du peuple, fourniffoient les plus grands fujets à l'éloquence. Elle étoit la porte des honneurs. Elle y maintenoit avec éclat ceux qu'elle y avoit élevés... Les premiers de la république & les Empereurs eux-mêmes briguoient alors un rang parmi les orateurs. Depuis Céfar, le pouvoir du peuple fut limité; la forme judiciaire ne fut plus la même; les tribunaux fe multiplierent; la majefté & la folemnité des jugements s'anéantirent en quelque forte; le nom d'orateur ne fut plus ufité: on lui fubftitua celui d'avocat.

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L'objet

L'objet des recherches de l'Auteur à ce fujer eft de faire appercevoir les causes des progrès & de la décadence de l'éloquence chez les Romains. Nous nous fommes attachés, dans le premier extrait de cet ouvrage, aux jugements que l'Auteur y porte des orateurs Grecs. Nous nous reftraindrons de même, dans celuici, à ce qu'il dit des orateurs Romains.

Les orateurs précéderent à Rome les jurifconfultes. Dès le commencement qu'elle fut établie;

Proculus harangue les Romains pour leur annoncer l'apothéofe de Romulus; Horace défend fon fils devant le peuple;

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Ménénius- Agrippa ramene la commune retirée fur le mont Aventin; Numitor, oncle de Virginie, prend fa défense au tribunal d'Appius;

Le poëte Ennius appelle Céthégus la moëlle de la perfuafion.

Enfin, Caton l'ancien, joignant la connoiffance du droit à la facilité de s'exprimer, commence à exercer fur fes

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concitoyens l'empire de la parole. On trouve dans fes harangues de la vigueur & du feu; mais on y voit en même temps une forte de rudeffe & d'afpérité..

Les deux Gracques furent doués du plus beau naturel & du génie le plus décidé à la grande éloquence. Il ne manqua au fecond que d'être venu dans le fiecle de Cicéron, pour égaler ce Prince des orateurs. Ses difcours refpirent l'enthousiasme de la liberté & l'amour des mœurs antiques. On y defireroit un peu moins de féchéreffe, un peu plus d'art. C'est une ftatue d'un beau marbre: elle n'eft pas achevée; mais c'eft une ébauche de Phydias.

Marc-Antoine & Craffus regnerent enfuite fur le Barreau. Un feul trait fuffira pour faire connoître le premier. Rome nageoit dans le fang Marius & Cinna vengeoient impitoyablement l'intérêt de leur parti. Ces deux cruels généraux envoyerent maffacrer Marc-Antoine. L'ordre reçu, leurs affreux fatellites fe précipitent dans la retraite de

cet

cet homme célebre. Le fer eft levé. Mais fon difcours, plein d'une affurance pathétique, reprime leur férocité, les calme, les adoucit. Ils laiffent tomber à à fes pieds les armes qu'ils venoient plonger dans fon fein. Craffus, émule de Marc-Antoine, étoit le plus grand ju rifconfulte de tous les orateurs.

Une auffi brillante aurore annonçoit un beau jour. Les fanglantes querelles de. Marius & de Sylla retarderent fa naiffance. Mais lorfqu'après ces violents orages le calme eut reparu, on vit tous ces héros, qui venoient de conquérir le monde, fe difputer à qui lui donneroit des loix. Quel champ pour l'éloquence! Pompée fit admirer fes heureufes difpofitions;

Caton, fa mâle. gravité;

Brutus, fon auftere concifion;
Callidius, fa fubtilité;

Céfar porta dans la tribune la fupériorité qu'il eut à la tête des armées; Hortenfius triompha dans la prononciation. Elle s'allioit avec fa compofition H 6

élé

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