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celle des intéressantes et dramatiques sectatrices du vice que nos tribunaux vont chercher dans les classes inférieures, et l'autre immoralité poudrée, fardée, éclatante, rayonnante, empourprée, des altières suzeraines du moyen-âge, j'opterais pour les suzeraines.

Je ne suis donc nullement convaincu que le vice soit le partage exclusif d'une caste. O témérité inouïe, dans une époque pareille! Je ne pense pas que tout le crime soit l'apanage de ces classes si méprisées! C'est une opinion vraiment téméraire, je ne l'ignore pas et j'en conviens.

Permettez-nous cependant de conserver notre vénération pour une aristocratie, celle de la beauté; permettez-nous de faire observer aussi que c'est surtout parmi les grandes races saxonnes et teutoniques, en Allemagne et en Angleterre, que se trouvent les grands modèles de la beauté.

Admirez, par exemple, ce portrait de femme; les salons d'Almack en ont admiré l'original.

Sur cette physionomie si gracieuse et si noble, vous ne retrouvez pas le type saxon, mais le vieux type écossais. C'est bien la beauté du Nord, un mélange de dignité fière, de mélancolie et de caprice.

En effet, les ancêtres paternels de lady Graham, aujourd'hui femme de lord Graham, ami de lord Grey, long-temps ministre, et qui marche à la tête des whigs réformateurs modérés ; les ancêtres de cette beauté, que Walter Scott aurait placée parmi ses héroïnes, ont leur généalogie et leur écusson seigneurial, qui se rapporte aux vieilles traditions du comté de Stirling. Elle est née Callander de Craigforth. Pendant le règne de Jacques VI d'Écosse, un Callander dont le père avait été porteétendard du roi, porta les armes sur le continent, et s'y fit remarquer par ses prouesses; le roi, en montant sur le trône d'Angleterre, lui fit, en récompense de ses bons services, un don assez considérable pour qu'il agrandît et embellît ses propriétés de Craigforth. Le grand-père de lady Graham, John Callander, se distingua par la supériorité de son esprit et la variété de ses talens. Il est auteur de plusieurs travaux estimés sur les Poésies du roi Jacques V, et sur le Paradis perdu de Milton. Il épousa une Livingstane, et reçut du père de sa femme, sir James Livingstane, fils de sir James Campbell

d'Ardkinglass, le titre et les armoiries des Campbell, avec le domaine d'Ardkinglass. Ce titre et ces propriétés échurent au neveu de sir James Livingstane, fils de M. Callander, qui, en 1797, épousa la plus jeune sœur de la marquise d'Antrim, lady Élisabeth Macdonnell. Il eut d'elle cinq enfans, entre autres Caroline Sheridan, qui épousa le fils du célèbre Sheridan, et lady Frances, dont nous donnons ici le portrait. Elle épousa, en 1819, lord Graham ou Grœme, représentant de la vieille race des Grœme, dont le nom historique remonte jusqu'à l'année 404 de l'ère chré tienne.

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Vers les premiers mois de l'année 1832, j'habitais une ville dų midi assez proche de Marseille, quoique nous eussions l'honneur de posséder un évêque, une cour royale et un préfet.[Le préfet était un excellent homme, et monsieur son fils un jeune homme encore plus parfait, s'il était possible. Il n'était bruit parmi le beau monde du département que des graces et de l'exquise intelligence de ce dandy, fleur et modèle de tous les dan dies administrés ou non. Les femmes avaient l'habitude de s'évanouir quand il parlaît littérature. S'il ouvrait la bouche sur la politique, c'était bien pis encore: de l'enthousiasme on tom bait dans les convulsions. Dieu cependant qui ne veut pas qu'aucun triomphe humain soit complet, ne lui accordait avec cette profusion que la louange d'un parti. Tout ce qui comptait parmi les verts carlistes ou parmi les républicains écarlates, censurait hautement ce qu'ils appelaient son vice, tout en se complaisant d'ailleurs à reconnaître le faisceau de ses éminentes! qualités. Telle était d'ailleurs la frénésie de ce jeune homme en ces matières, que nous ne le connaissions guère entre nous que sous cette espèce de sobriquet: notre ami le juste-milieub zliati

Mais peut-être la foule préoccupée des ces qualités extérieu-) res, de ses nobles manières, de ses beaux chevaux, denses Į beaux habits, ne lui tenait-elle pas suffisamment compte du èœur le plus abondant en candeur et en génerosité que le ciel eût jamais créé. M. Anacharsis poussait quelquefois l'abnégation jusqu'à la niaiserie. Je vous demande pardon pour ce qui est du nom

Lui-même il en était souvent fort embarrassé, et regrettait vivement que feu sa marraine eût été une si étrange femme. Tant y a qu'il était le coq de la province, chéri, fêté, juste-milieu à outrance, et par impossible plus chevaleresque encore. Je ne sais si je vous ai dit que nous étions fort liés.

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Un matin, enveloppé de sa robe de chambre et les pieds dans de magnifiques pantoufles, il lisait avec admiration le Journal des Débats. Il était grandement question alors de révolutions el de propagandes. La France s'agitait au dedans, et les pays d'alentour frémissaient comme frémissent toutes les maisons autour d'un volcan. Les Belges avaient contrefait la révolution de juillet. Les Italiens en avaient improvisé une semblable, mais par malheur elle n'avait pas obtenu le même succès; c'était à recommencer. Mais en attendant, chassés par le vainquieur, les révoltés inondaient la France et venaient nous demander asile. L'auteur doit prendre ici des réserves, sans lesquelles il ne lui serait pas possible de continuer cette histoire. Nous n'avons pas à juger dans ces pages le fait immense que nous signalons, et ceci n'est écrit nullement pour porter atteinte à l'honneur et au courage qu'ont déployés les vaincus dans cette lutte. Personne plus que nous ne vénère cette colossale Italie, aïeule de la moitié de l'univers civilisé, patrie de Dante et de César. Mais les proscrits italiens conviendront euxmêmes que de faux frères se glissèrent à cette époque dans leurs rangs, misérables qui prévoyaient la commisération qui devait s'attacher à cette grande infortune, et se disposaient à l'exploiter.

Notre ami le juste-milieu lisait donc son premier Paris, lorsque le valet attaché à son service entra dans sa chambre et lui annonça la visite d'un étranger. On fit entrer. L'inconnu, après s'être assis, commença en ces termes :

* Monsieur, je suis un proscrit, j'ai échappé aux coups de fusils des Autrichiens et aux coups de hache de Charles-Albert; prince et bourreau de Turin, et me voilà. Vous êtes juste-milieu, je suis républicain.

Qu'importe ! monsieur, je suis homme avant d'être partisan. Vous avez besoin de moi, continuez.

#Monsieur, je m'attendais à cette noble réponse. La loyauté de votre caractère m'a été vantée, et déjà je m'aperçois qu'on

ne m'a point trompé. Monsieur, un ordre impitoyable du ministère de l'intérieur me défend de séjourner sur ces côtes, sans doute parce qu'elles regardent l'Italie, ma chère Italie, la seule chose qui ne soit chère ici-bas! J'ai perdu ma mère pendant l'insurrection. Je serais seul, s'il ne me restait encore l'Italie. Or ce qui fait que le ministre veut m'éloigner de cette ville, est précisément ce qui m'y pousse, monsieur. Je veux respirer un peu de ce vent qui a peut-être passé sur mon sol natal.

- Il suffit, monsieur. J'obtiendrai du préfet que vous restiez ici.

Voilà comme eut lieu la première entrevue. Huit jours après, M. Carlo Luz..... se présenta de nouveau à notre féal ami le juste-milieu.

- Monsieur, lui dit-il, vous êtes juste-milieu, je suis républicain. Mes affaires sont bien dérangées, et si ce n'était insignement abuser de votre complaisance, je vous prierais, monsieur et ami, de me prêter un billet de 500 francs. Il vous serait rendu mardi prochain.

Ce mardi n'a pas encore montré son visage. Telle fut la seconde visite. A la troisième, le proscrit renoua ainsi:

Mon cher Anacharsis, quoique je m'efforce d'atteindre au comble difficile des vertus romaines, vertus indispensables à tout bon patriote, je dois vous confesser que je me suis laissé ensorceler par une beauté, qui fait à la fois mon malheur et mon bonheur.

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Je croyais que vous ne deviez plus aimer que l'Italie? C'était une innocente raillerie du pauvre Anacharsis. M. Carlo Luz... sourit, et en homme habitué à se tirer d'affaire :

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C'est qu'elle est aussi charmante que l'Italie!

Mais que puis-je, soit pour elle, soit pour vous?

Elle veut chanter au concert qui se donnera dans six jours. C'est la plus belle voix du monde. Vos amis tiennent les deux seuls journaux qui existent ici. Vous êtes juste-milieu, je suis républicain. Obtenez d'eux qu'ils la couronnent de toutes les fleurs de leur talent. Jamais éloge n'aura été plus mérité. Mais c'est qu'elle cbante!... Mme Malibran pâlirait de l'entendre. J'ai calculé qu'avec cette voix elle pourrait gagner 100,000 francs par an, et ces éloges la décideront peut-être à ne pas laisser oisive une mine aussi riche. Elle a un imbécille de mari, bon

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