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homme mêlé à la tourbe des cou coupables faire des péchés de leurs crimes et se livrer au jeûne pour per au bagne; cet homme sait toutes les sciences, cet homme peut parler leur langue maternelle à tous les étrangers qui viennent visiter le couvent et faire dire à tous: Ce religieux est mon compatriote! et cependant cet homme n'a pas de patrie connue. Enseveli dans un couvent français, il a été l'ennemi le plus acharné de la France: en 1806 il commandait un corps franc autrichien; après la paix de Tilsitt, il allait en Espagne dans le seul pays qui résistât encore à Napoléon; l'Espagne vaincue, il allait en Angleterre demander de l'argent et des hommes pour se battre encore contre la Panadédié des la France, et cet homme a ouvrages à Napoléon et pleure quand on lui parle rle de sa mort. Cet anachorète, voué à la pauvreté, a a étonné Londres de son faste, Londres, la ville où l'or pèse à peine un peu plus que l'argent en France; ce ce reclus volontaire s'est enfermé quinze jours dans une maison de campagne, et pour échapper à la poursuite des shérifs qui voulaient l'arrêter pour dettes, il y a soutenu un siége en règle après avoir a arboré au pignon de sa de sa maison un drapeau portant la vieille devise anglaise: My house is my castle. Cet homme, voué à la méditation, a passé qu ans dans le château de Vincennes comme un

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quatre p

des partisans politiques les plus ardens et les plus dangereux de l'époque. Cet er mite, mortifié sous la bure, a écrit des pages brûlantes

d'amour.

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Quand on le on le connaît, on retrouve aisément tout cela sous la robe du trappiste; quand on ne le connaît pas, il vous lais laisse une vague impression de grandeur déchue, qui vous le fait regarder avec respect et presque avec crainte. p Jusisivos on zollo : 9laiq La dernière fois que je le vis, c'était en en faisant ma tournée départementale, et la manière dont il s'offrità moi m'est demeurée dans la mémoire comme un de ces tableaux que l'imagination se plaît à créer et qui surprennent leur grace, sans toutefois persuader de leur réalité. J'étais dans la commune d'A..... ef j'avais à me rendre chez le marquis d'A..... vieux seigneur de ce pays dont il porte le nom, et qui en est devenu le maire en avoir été le suzerain. J'avais eu l'occasion de voir M.

par

et

reapres

d'A....... ub en plusieurs circonstances, et, quelle que fût sa hauteur aristocratique envers les premiers magistrats du département, je

savais que j'étais trop jeune et trop peu de chose près de lui, univers pour qu'il ne fût pas poli envers moi.

ན་

fracas, Cu
d'un autre
utre côté, c'était

qui se

J'étais par une des petites portes du parc pour gagner le château, et je suivais une longue et haute allée de tilleuls, bordée de chaque côté d'une épaisse charmille. Bientôt, et en approchant du château, j'entendis des rires légers et joyeux mélaient à une vive et élégante musique. C'étaient d'un côté des voix douces de jeunes filles, riant sans éclats, joyeuses sans ait la facilité rapide d'un maître babile, la coquetterie d'un musicien qui joue avec la musique qu'il joue. Peu à peu, le rhythme se dessina mieux à mon oreille, et je reconnus des airs de danse; bientôt j'aperçus 15 à travers une des fenêtres entr'ouvert 'ouvertes, de blanches robes et des visages roses qui se mêlaient doucement avec une grace précieuse et un abandon reteni retenu. Je m'approchai tout-à-fait, et je vis enfin s SUD ou huit jolies personnes dansant, le sourire aux lèvres, le visage rayonnant, comme d'un bonheur volé volé et inattendu, et au fond de ce groupe gracieux le le grave et sérieux trappiste, assis au piano la tête haute sur sur son capuchon rejeté en arrière, regardant mélancoliquement cette joie d'enfans, à laquelle on voyait que son ame n'assistait Lait que dans 1 le passé. Il y avait dans le regard du ven du vénérable père G.... toute oute l'histoire d'un cœur qui a ru au bonheur venu du bonheur venu du monde et donné par les anges de la terre, et qui, déçu et trompé, laisse croire comme il a cru, encourage la foi qu'il a perdue, et se dit tous bas: Enfans, jeunes! heureux, soyez heureux!

soyez

raison: les jeunes
filles

six

ne comprenaient rien de cette vivante leçon d'avenir; elles ne s'occupaient point de cette existence si forte et si vivace, cachée sous le rude habit de trapelles ne souriaient qu'à l'idée de danser, elles, jeunes et Buffes, aux accords d'un r religieux voué à la pénitence.

Je m'étais appuyé à l'angle de la fenêtre pour contempler ce singulier tableau. J'y étais depuis quelques minutes, lorsque

l'une

ne d'elles m'aperçut, et poussa un cri, en me montrant du doigt à ses compagnes, qui s'enfuirent comme épouvantées d'avoir été surprises en faute. Le père G.... rejeta vivement son capuchon sur sa tête. Le marquis d'A....., qui était dans un coin du safon, s'avança rapidement vers moi, et me demanda assez sèchement le but de ma visite. Je le lui expliquai. Malgré sa poli

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tesse, il me semblait très contrarié de ce que j'avais, vu et en même temps fort embarrassé de me faire querelle de ma curiosité et de m'avertir par cela même de l'importance qu'il attachait à ce petit événement. Enfin l'humeur l'emporta, et il me dit, en me conduisant dans son cabinet pour prendre les mesures nécessaires à l'exécution des ordres dont j'étais porteur:

- Vous avez été témoin d'une excellente scène à ajouter à tous les récits absurdes qu'on fait parmi les libéraux contre les religieux de la Trappe; c'est une belle occasion de les ridiculiser: à votre âge et avec votre opinion, vous n'y manquerez pas.

Je regardai M. le marquis d'A....., et lui répondis aussi sèchement qu'il m'avait parlé :

--

- Monsieur, j'ai dîné il y a quinze jours avec le père G..... et à son côté. M. de B...., abbé de la Trappe, était à ce dîner, et n'a pas manqué aux règles d'abstinence qu'il a juréés. Quant au père G....., il a résisté à toutes les séductions culinaires des deux premiers services; mais au dessert, une assiette de macarons l'a si violemment tenté, qu'il l'a versée dans le girón de sa robe, et que, pendant toute la fin du dîner, il l'a gobée, gobée, c'est le mot, comme un écolier qui trompe son maître. Ceci, si j'avais voulu en faire des gorges chaudes, eût été plus drôle à raconter que ce que j'ai vu aujourd'hui. Il y a une minute, il n'y a que moi qui le savais; maintenant nous sommes deux; permettez-moi de croire que je n'ai pas fait une indiscrétion en vous le racontant.

- Vraiment, me dit le marquis d'A............. en riant; une assiette de macarons tout entière !...

Il secouala tête, et reprit d'un ton hypocritement moqueur: - Le pauvre homme!

Huit jours après, tout le département savait l'affaire des maca

rons.

De tous les priviléges, celui auquel l'aristocratie tient le plus c'est celui de se moquer de la religion et de ses élus. Elle ne les défend que contre la bourgeoisie et le menu peuple. Aujourd'hui, la noblesse fait pour le clergé ce qu'elle osait autrefois pour sa livrée, quand elle bâtonnait ses laquais et faisait bâtonner le bourgeois qui les trouvait insolens.

Cependant, comme je passai la journée dans la commune, je

revis le père G....., qui me demanda si j'y coucherais: je lui répondis que non, et qu'à la nuit tombante je gagnerais la commune voisine pour aller chez M. M......, le père d'un de mes collègues. Il me dit que nous partirions ensemble, attendu qu'il était en quête et qu'il avait affaire du côté où je me rendais.

En effet, le soir venu, nous partîmes tous deux, moi chargé de mes papiers dans une espèce de sac de cuir, lui la besace sur l'épaule. Notre conversation, d'abord fort indifférente, prit un caractère assez intéressant en se rattachant aux choses dont nous faisions rencontre. Il me nommait presque toutes les maisons que nous rencontrions, chacune avec les haines qu'elle enferme jusqu'au jour de quelque collision; car en ce pays les opinions discutent la cartouche à la dent et le fusil à la main ; dans ce pays beaucoup de familles peuvent dire en mettant le nez à la fenêtre: «Voilà celui qui a tué mon père, mon frère, mon ami. » J'écoutais avec religion le père G....., lorsque, au coin d'un chemin, il s'arrêta pour prier un moment au pied d'une croix qui s'y trouvait. Quand sa prière fut achevée, je lui demandai si, comme c'est l'habitude en Bretagne, cette croix n'avait pas été élevée à cette place parce qu'on y avait commis un meurtre.na K

* Non, me dit-il; un homme a été tué à cette place, mais Ce n'est pas par un meurtre, comme vous l'entendez. Il est tombé dans un combat, après avoir tué plusieurs soldats en se défendant.4. STILL1 As

- Quel était cet homme? lui dis-je.

C'était Moustache...!

-Un chouan, je crois ?

**Qui, me dit-il; une des natures les plus originales que j'aie jamais rencontrées, le mélange le plus inconcevable de la supériorité individuelle et de l'infériorité apprise et accoutumée.

– Je ne vous comprends guère, mon père...

→ Moustache était un piqueur de M. de Pout ........... Dans - la première guerre de chouannerie, il se distingua par un courage si persévérant, une intelligence si forte, une capacité si peu commune, qu'il devint bientôt un chef de bande redoutable sous les ordres de son maître. Du fond de son exil, Louis XVIII récompensa ce brave serviteur par un brevet de colonel et uné croix de Saint-Louis. Lorsque ce pays fut pacifié par Napoléon,

Moustache demeura au service de son maître, el de piqueur devint cocher de M. de Pout... Cela dura jusqu'en 1814. A cette époque, et quand le cocher eût pu faire valoir ses titres de colonel et de chevalier de Saint-Louis, il les garda dans sa poche et voulut rester cocher. M. de Pout....... ne prétendit pas lui faire un bonheur autre que celui qui allait aux habitudes de Moustache, et le garda à son service. 1815 vint, et vous le savez, la chouannerie recommença. M. de Pout...... était déjà trop vieux pour s'y mêler, mais ses deux jeunes fils prirent les armes. Ce fut alors que Moustache exhuma de dessous la paille de da litière de ses chevaux son brevet et ses croix. En peu de jours l'audace de ses entreprises et l'activité qu'il montra lui confére rent son grade de colonel, mieux encore que le brevet de Louis XVIII. Ses deux jeunes maîtres servaient sous ses ordres.

Certes, c'était quelque chose de curieux que ce serviteur commandant militairement et avec une rigidité extrême aux déux jeunes gens qu'il servait la veille mais le contraste était sphis frappant que vous ne pensez. Tant que c'était l'heure de marcher ou de combattre, il était à la tête de sa bande. Chacun des fils de M. de Pout... recevait les ordres souverains de Moustache, qui ne souffrait pas de réplique et qui leur distribuait l'éloge du le blâme avec une supériorité qui se faisait parfaitement res pecter. Aux moindres fautes contre la discipline qu'il avait établie, il punissait ces jeunes gens comme il eût fait du der nier paysan. Cela durait tant que le chef avait à prévenir un danger, à éviter un ruse, à poser une embuscade ou à soutenir un combat ; mais dès que le moment du repos était venu pour tous, lorsque le colonel et ses deux jeunes officiers étaient enfermés dans quelque obscure chaumière, Moustache redeve nait l'attentif et dévoué serviteur du château; il faisait le lit de ses maîtres, il nettoyait leurs habits, prenait soin de leurs chevaux, décrottait leurs bottes, et ne se couchait que lorsqu'il leur avait procuré tout le confortable possible dans une chau mière. Le lendemain matin le colonel recommençait, et le soir le cocher. Enfin, surpris seul à cette place même, Moustaché a été cloué à cet arbre d'un scoup de balonnette qui lui a été donné par un sergent dont il avait presque mis en fuite le détachement. 2b bl 29112200 46 17647WF 3 - 329 1386) Ce récit du père G... nous avait conduits au milieu d'une

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