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diffus et obscur, vint à Paris, et persuada de jeunes docteurs et quelques vieilles femmes. Les jésuites demandèrent à Rome la condamnation du livre de Jansénius, comme une suite de celle de Baïus, et l'obtinrent en 1641; mais, à Paris, la faculté de théologie, et tout ce qui se mêlait de raisonner, fut partagé. Il ne paraît pas qu'il y ait beaucoup à gagner à penser avec Jansénius que Dieu commande des choses impossibles; cela n'est ni philosophique, ni consolant mais le plaisir secret d'ètre d'un parti, la haine que s'attiiaent les

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jésuites, l'envie de se distinguer, et l'inquiétude d'esprit, formèrent une secte. La faculté condamna cinq propositions de Jansénius, à la pluralité des voix. Ces cinq propositions étaient extraites du livre très fidèlement quant au sens, mais non pas quant aux propres paroles. Soixante docteurs appelèrent au parlement comme d'abus, et la chambre des vacations ordonna que les parties comparaîtraient.

Les parties ne comparurent point; mais, d'un côté, un docteur, nommé Habert, soulevait les esprits contre Jansénius; de l'autre, le fameux Arnauld, disciple de Saint-Cyran, défendait le jansénisme avec l'impétuosité de son

éloquence. Il haïssait les jésuites, encore plus qu'il n'aimait la grâce efficace; et il était encore plus haï d'eux, comme né d'un père qui, s'étant donné au barreau, avait violemment plaidé pour l'université contre leur établissement. Ses parents s'étaient acquis beaucoup de considération dans la robe et dans

LE CHEMIN DU CIEL.

(Estampe populaire du parti janséniste: la route du Paradis à. droite pour les élus; la route de l'enfer à gauche pour les jésuites et leurs amis.)

l'épée. Son génie, et les circonstances. où il se trouva, le déterminèrent à la guerre de plume, et à se faire chef de parti, espèce d'ambition devant qui toutes les autres disparaissent. Il combattit contre les jésuites et contre les réformés, jusqu'à l'âge de quatre-vingts ans. On a de lui cent quatre volumes, dont presque aucun n'est aujourd'hui au rang de ces bons livres classiques qui honorent le siècle de Louis XIV, et qui sont à la bibliothèque des nations.

Tous ses ouvrages eurent une grande vogue dans son temps, et par la réputation de l'auteur, et par la chaleur des disputes. Cette chaleur s'est attiédie; les livres ont été oubliés. Il n'est resté

que ce qui appartenait simplement à la raison, sa Géométrie, la Grammaire raisonnée, la Logique, auxquelles il eut beaucoup de part. Personne n'était né avec un esprit plus philosophique; mais sa philosophie fut corrompue en lui par la faction qui l'entraîna, et qui plongea soixante ans, dans de misérables disputes de l'école, et

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dans les malheurs attachés à l'opiniâtreté, un esprit fait pour éclairer les

hommes.

L'université étant partagée sur ces cinq fameuses propositions, les évêques le furent aussi. Quatre-vingt-huit évêques de France écrivirent en corps à Innocent X, pour le prier de décider; et onze autres écrivirent pour le prier de n'en rien faire. Innocent X jugea; il condamna chacune des cinq proposi

tions à part; mais toujours sans

citer les pages dont elles étaient tirées, ni ce qui les précédait et ce qui les suivait.

Cette omission, qu'on n'aurait pas faite dans une affaire civile au moindre des tribunaux, fut faite et par la Sorbonne, et par les jansénistes, et par les jésuites, et par le souverain pontife. Le fond des cinq propositions condamnées est évidemment dans Jansénius. Il n'y a qu'à ouvrir le troisième tome, à la page 138, édition de Paris, 1641; on y lira mot à

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mot:

« Tout cela démontre pleinement et évidemment qu'il n'est rien de plus certain et de plus fondamental dans la doctrine de saint Augustin, qu'il y a certains commandements impossibles, non seulement aux infidèles,

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(D'après le portrait de Velasco conservé en Angleterre, gravé par Green.)

aux aveugles, aux endurcis, mais aux fidèles et aux justes, malgré leurs volontés et leurs efforts, selon les forces qu'ils ont ; et que la grâce, qui peut rendre ces

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La paix semblait rendue à l'Église de France : mais les jansénistes écrivirent tant de lettres, on cita tant saint Augustin, on fit agir tant de femmes, qu'après la bulle acceptée il y eut plus de jansénistes que jamais.

Un prêtre de Saint-Sulpice s'avisa de refuser l'absolution à M. de Liancourt, parcequ'on disait qu'il ne croyait pas que les cinq propositions fussent dans Jansénius, et qu'il avait dans sa maison des hérétiques. Ce fut un nouveau

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LA DEROUTE ET CONFUSION DES JANSENISTES PAR LE PAPE, LA RELIGION, ET LOUIS XIV.

(D'après un Almanach de 1653.)

scandale, un nouveau sujet d'écrits. Le docteur Arnauld se signala, et dans une nouvelle lettre à un duc et pair, ou réel ou imaginaire, il soutint que les propositions de Jansénius condamnées n'étaient pas dans Jansénius, mais qu'elles se trouvaient dans saint Augustin, et dans plusieurs pères. Il ajouta que « saint Pierre était un juste à qui la grâce, sans laquelle on ne peut rien, avait manqué ».

Il est vrai que saint Augustin et saint Jean Chrysostome avaient dit la même chose; mais les conjonctures, qui changent tout, rendirent Arnauld coupable. On disait qu'il fallait mettre de l'eau dans le vin des saints pères;

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