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aimer. Il se fit toujours un honneur de résister à ce monarque dans toutes les occasions; et depuis mème, en 1689, il s'unit avec les alliés contre le roi Jacques, parce que Louis XIV protégeait ce prince: de sorte qu'alors on dit que, pour mettre fin aux troubles de l'Europe et de l'Église, il fallait que le roi Jacques se fit huguenot, et le pape catholique.

Cependant l'assemblée du clergé de 1681 ct 1682, d'une voix unanime, se

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LOUIS XIV PROTÈGE LE CATHOLICISME EN ACCUEILLANT LE ROI JACQUES A VERSAILLES. (D'après une estampe hollandaise de la collection Hennin.)

déclare pour le roi. Il s'agissait encore d'une autre petite querelle devenue importante l'élection d'un prieuré, dans un faubourg de Paris, commettait ensemble le roi et le pape. Le pontife romain avait cassé une ordonnance de l'archevêque de Paris, et annulé sa nomination à ce prieuré. Le parlement avait jugé le procédé de Rome abusif. Le pape avait ordonné par une bulle que l'inquisition fit brûler l'arrêt du parlement, et le parlement avait ordonné la suppression de la bulle. Ces combats sont depuis longtemps les effets ordinaires et inévitables de cet ancien mélange de la liberté naturelle de se gou

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fut autant une concession de la part du clergé, qui se relâchait de ses prétentions, par reconnaissance pour son protecteur, qu'un aveu formel du droit absolu de la couronne.

L'assemblée se justifia auprès du pape par une lettre dans laquelle on trouve un passage qui seul devrait servir de règle éternelle dans toutes les disputes c'est « qu'il vaut mieux sacrifier quelque chose de ses droits que de troubler la paix ». Le roi, l'Eglise gallicane, les parlements furent contents. Les jansénistes écrivirent quelques libelles. Le pape fut inflexible: il cassa par un bref toutes les résolutions de l'assemblée, et manda aux évêques de se rétracter. Il y avait là de quoi séparer à jamais l'Église de France de celle de Rome. On avait parlé, sous le cardinal de Richelieu et sous Mazarin, de faire un patriarche. Le vœu de tous les magistrats était qu'on ne payât plus à Rome le tribut des annates; que Rome ne nommât plus, pendant six mois de l'année, aux bénéfices de Bretagne; que les évêques de France ne s'appelassent plus évêques par la permission du saint-siège. Si le roi l'avait voulu, il n'avait qu'à dire un mot il était maître de l'assemblée du clergé, et il avait pour lui la nation. Rome eût tout perdu par l'inflexibilité d'un pontife vertueux, qui, seul de tous les papes de ce siècle, ne savait pas s'accommoder aux temps; mais il y a d'anciennes bornes qu'on ne remue pas sans de violentes secousses. Il fallait de plus grands intérêts, de plus grandes passions, et plus d'effervescence dans les esprits, pour rompre tout d'un coup avec Rome; et il était bien difficile de

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LES DROITS DE RÉGALE.

(D'après une estampe de Lepautre.)

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faire cette scission, tandis qu'on voulait extirper le
calvinisme. On crut même faire un coup
hardi lorsqu'on publia les quatre fameuses
décisions de la même assemblée du clergé,
en 1682, dont voici la substance :

1. Dieu n'a donné à Pierre et à ses successeurs aucune puissance, ni directe, ni indirecte, sur les choses temporelles.

L'Église gallicane approuve le

concile de Constance, qui déclare les conciles généraux supérieurs au pape dans le spirituel.

3. Les règles, les usages, les pratiques

BÉNITIER DE BRONZE

reçus dans le royaume et dans l'Église QUI AURAIT SERVI A LOUIS XIV (XVIIE SIÈCLE) gallicane doivent demeurer inébranlables.

Chambre du Roi (Château de Versailles.)

4. Les décisions du pape en matière de foi ne sont sûres qu'après que

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l'Église les a acceptées.

Tous les tribunaux et toutes les facultés de théologie enregistrèrent ces quatre propositions dans toute leur étendue; et il fut défendu par un édit de rien enseigner jamais de contraire. Cette fermeté fut regardée à Rome comme un attentat de rebelles, et par tous les protestants de l'Europe comme un faible effort d'une Église née libre qui ne rompait que quatre chaînons de ses fers.

Ces quatre maximes furent d'abord soutenues avec enthousiasme dans la nation, ensuite avec moins de vivacité. Sur la fin du règne de Louis XIV, elles commencèrent à devenir problé

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matiques; et le cardinal de Fleury les fit depuis désavouer, en partie, par une assemblée du clergé, sans que ce désaveu causât le moindre bruit, parce que les esprits n'étaient pas alors échauffés, et que, dans le ministère du cardinal de Fleury, rien n'eut de l'éclat. Elles ont repris enfin une grande vigueur.

Cependant Innocent XI s'aigrit plus que jamais il refusa des bulles à tous les évêques et à tous les abbés commendataires que le roi nomma, de sorte qu'à la mort de ce pape, en 1689, il y avait vingt-neuf diocèses en France dépourvus d'évêques. Ces prélats n'en touchaient pas moins leurs revenus; mais ils n'osaient se faire sacrer, ni faire les fonctions épiscopales. L'idée de créer un patriarche se renouvela. La querelle des franchises des ambassadeurs à Rome, qui acheva d'envenimer les plaies, fit penser qu'enfin le temps était venu d'établir en France une Église catholique-apostolique, qui ne serait point romaine. Le procureur-général de Harlai et l'avocat-général Talon le firent assez entendre quand ils appelèrent comme d'abus, en 1687, de la bulle contre les franchises, et qu'ils éclatèrent contre l'opiniâtreté du pape, qui laissait tant d'églises sans pasteurs; mais jamais le roi ne voulut consentir à cette démarche, qui était plus aisée qu'elle ne paraissait hardie.

La cause d'Innocent XI devint cependant la cause du saint-siège. Les quatre propositions du clergé de France attaquaient le fantôme de l'infaillibilité (qu'on ne croit pas à Rome, mais qu'on y soutient), et le pouvoir réel attaché à ce fantôme. Alexandre VIII et Innocent XII suivirent les traces du fier Odescalchi, quoique d'une manière moins dure: ils confirmèrent la condamnation portée contre l'assemblée du clergé ; ils refusèrent les bulles aux êvêques; enfin ils en firent trop, parce que Louis XIV n'en avait pas fait assez. Les évêques, lassés de n'être que nommés par le roi, et de se voir sans fonctions, demandèrent à la cour de France la permission d'apaiser la cour de Rome.

Le roi, dont la fermeté était fatiguée, le permit. Chacun d'eux écrivit séparément qu'il «< était douloureusement affligé des procédés de l'assemblée »; chacun déclare dans sa lettre qu'il ne reçoit point comme décidé ce qu'on y a décidé, ni comme ordonné ce qu'on y a ordonné. Pignatelli (Innocent XII), plus conciliant qu'Odescalchi, se contenta de cette démarche. Les quatre propositions n'en furent pas moins enseignées en France de temps en temps; mais ces armes se rouillèrent quand on ne combattit plus, et la dispute resta couverte d'un voile sans être décidée, comme il arrive presque toujours dans in État qui n'a pas sur ces matières des principes invariables et reconnus. Ainsi, tantôt on s'élève contre Rome, tantôt on lui cède, sui

vant les caractères de ceux qui gouvernent, et suivant les intérêts particuliers de ceux par qui les principaux de l'État sont gouvernés.

Louis XIV d'ailleurs n'eut point d'autre démêlé ecclésiastique avec Rome, et n'essuya aucune opposition du clergé dans les affaires temporelles.

Sous lui ce clergé devint respectable par une décence ignorée dans la barbarie des deux premières races, dans le temps encore plus barbare du gouvernement féodal, absolument incon

nue pendant les guerres civiles et dans les agitations du règne de Louis XIII, et surtout pendant la Fronde, à quelques exceptions près, qu'il faut toujours faire dans les vices comme dans les vertus qui dominent.

Ce fut alors seulement que l'on commença à dessiller les yeux du peuple sur les superstitions qu'il mêle toujours à sa religion. Il fut permis, malgré le parlement d'Aix, et malgré les carmes, de savoir que Lazare et Magdeleine n'étaient point venus en Provence. Les bénédictins ne purent faire croire que Denys l'Areopagite eût gouverné l'Église de Paris. Les saints supposés, les faux miracles, les fausses reliques, commencèrent à être décriés. La saine raison qui éclairait les philosophes pénétrait partout, mais lentement et avec difficulté.

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VASE D'AUTEL.

(Collection du Baron Jérôme Pichon.)

L'évêque de Châlons-sur-Marne, Gaston-Louis de Noailles, frère du cardinal, eut une piété assez éclairée pour enlever en 1702, et faire jeter une relique conservée précieusement depuis plusieurs siècles dans l'église de Notre-Dame, et adorée sous le nom du nombril de Jésus-Christ. Tout Châlons murmura contre l'évêque. Présidents, conseillers, gens du roi, trésoriers de France, marchands, notables, chanoines, curés, protestèrent unanimement, par un acte juridique, contre l'entreprise de l'évêque, réclamant le saint nombril, et alléguant la robe de Jésus-Christ conservée à Argenteuil, son mouchoir à Turin et à Laon, un des clous de la croix à Saint-Denis, et tant d'autres reliques que l'on conserve et que l'on

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