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planète de la lune; aucun homme, avant lui, n'avait mieux examiné le ciel. Parmi les grands hommes que cet âge a produits, nul ne fait mieux voir que ce siècle peut être appelé celui de Louis XIV. Hevelius

LA GÉOMÉTRIE. (Buste en marbre de Legros. Musée du Louvre.)

perdit par un incendie une immense bibliothèque : le monarque de France gratifia l'astronome de Dantzick d'un présent fort au-dessus de sa perte.

Mercator, dans le Holstein, fut, en géométrie, le précurseur de Newton; les Bernoulli, en Suisse, ont été les dignes disciples de ce grand homme. Leibnitz passa quelque temps pour son rival.

Ce fameux Leibnitz naquit à Leipsick; il mourut en sage à Hanovre, adorant un dieu comme Newton, sans consulter les hommes. C'était peut-être le savant le plus universel de l'Europe: historien infatigable

dans ses

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recherches, jurisconsulte profond, éclairant l'étude du droit par la philosophie, tout étrangère qu'elle paraît à cette étude; métaphysicien assez délié pour vouloir réconcilier la théologie avec la métaphysique; poète latin même, et enfin mathématicien assez bon pour disputer au grand Newton l'invention du calcul de l'infini, et pour faire douter quelque temps entre Newton et lui.

C'était alors le bel âge de la géométrie les mathématiciens s'envoyaient souvent des défis, c'est-à-dire des problèmes à résoudre, à peu près comme on dit que les anciens rois de l'Égypte et de l'Asie s'envoyaient réciproquement des énigmes à deviner. Les problèmes que se proposaient les géomètres étaient plus diffi

JEAN LOCKE.

(D'après le portrait de Kneller, gravé par de Vertue.)

ciles que ces énigmes; il n'y en eut aucun qui demeuràt sans solution en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en France. Jamais la correspondance entre les philosophes ne fut plus universelle; Leibnitz servait à l'animer. On a vu une république littéraire établie insensiblement dans l'Europe, malgré les guerres, et malgré les religions différentes. Toutes les sciences, tous les arts, ont reçu ainsi des secours mutuels; les académies ont formé cette république. L'Italie

LEIBNITZ.

(D'après une gravure contemporaine sans nom d'auteur.)

et la Russie ont été unies par les lettres. L'Anglais, l'Allemand, le Français, allaient étudier à Leyde. Le célèbre médecin Boerhave était consulté à la fois par le pape et par le czar. Ses plus grands élèves ont attiré ainsi les étrangers, et sont devenus en quelque sorte les médecins des nations; les véritables savants dans chaque genre ont resserré les liens de cette grande société des esprits, répandue partout, et partout indépendante. Cette correspondance dure encore; elle est une des consolations des maux que l'ambition et la politique répardent sur la terre.

L'Italie, dans ce siècle, a conservé son ancienne gloire, quoiqu'elle n'ait eu ni de nouveaux Tasses, ni de nouveaux Raphaëls:

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c'est assez de les avoir produits une fois. Les Chiabrera, et ensuite les Zappi, les Filicaia, ont fait voir que la délicatesse est toujours le partage de cette nation. La Mérope de Maffei, et les ouvrages dramatiques de Metastasio, sont de beaux monuments du siècle.

L'étude de la vraie physique, établie par Galilée, s'est toujours soutenue, malgré les contradictions d'une ancienne philosophie trop consacrée. Les Cassini, les Viviani, les Manfredi, les Bianchini, les Zanotti, et tant d'autres ont répandu sur l'Italie la même lumière qui éclairait les autres pays; et, quoique les principaux rayons de cette lumière vinssent de l'Angleterre, les

écoles italiennes n'en ont point enfin détourné les yeux. Tous les genres de littérature ont été cultivés dans cette ancienne patrie des arts, autant qu'ailleurs, excepté dans les matières où la liberté de penser donne plus d'essor à l'esprit chez d'autres nations. Ce siècle surtout a mieux connu l'antiquité que les précédents. L'Italie fournit plus de monuments que toute l'Europe ensemble; et plus on a déterré de ces monuments, plus la science s'est étendue. On doit ces progrès à quel

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ques sages, à quelques génies répandus en petit nombre dans quelques parties de l'Europe, presque tous longtemps obscurs, et souvent persécutés : ils ont éclairé et consolé la terre pendant que les guerres la désolaient. On peut trouver ailleurs des listes de tous ceux qui ont illustré l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie. Un étranger serait peut-être trop peu propre à apprécier le mérite de tous ces hommes illustres. Il suffit ici d'avoir fait voir que, dans le siècle passé, les hommes ont acquis plus de lumières, d'un bout de l'Europe à l'autre, que dans tous les âges précédents.

Ce tableau des progrès de

PHILLIPPE SYDENHAM A 24 ANS.

(D'après le portrait de Hoese, gravé par Smitt.)

l'esprit humain dans toute l'Europe au temps de Louis XIV complète, sans la contredire, l'idée que Voltaire s'était faite du Grand Siècle, le plus grand depuis celui de Léon X. Avant la publication de son livre, l'auteur eut l'occasion de s'en expliquer avec un Anglais de ses amis, lord Hervey, qui lui reprochait d'avoir rapporté à Louis XIV toutes les gloires de son époque. Ses explications justifient et commentent sa pensée :

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Soyez un peu moins fâché contre moi de ce que j'appelle le siècle dernier le Siècle de Louis XIV. Je sais bien que Louis XIV n'a pas eu l'honneur d'être

SCIPION MAFFEI.

(D'après le dessin et l'estampe de Marcus Pitteri.)

le maître, ni le bienfaiteur d'un Bayle, d'un Newton, d'un Halley, d'un Addison, d'un Dryden; mais dans le siècle qu'on nomme de Léon X, ce pape Léon X avait-il tout fait? N'y avait-il pas d'autres princes qui contribuèrent à polir et à éclairer le genre humain? Cependant le nom de Léon X a prévalu parce qu'il encouragea les arts plus qu'aucun autre. Eh! quel roi à donc en cela rendu plus de services à l'humanité? Quel roi a répandu plus de bienfaits, a marqué plus de goût? Nommez-moi un souverain qui ait attiré chez lui plus d'étrangers habiles. Les bons auteurs de Louis XIV n'ontils pas été vos modèles? Quel prince ne tâchait pas d'imiter Louis XIV ?.... »

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C'est par l'éclat qu'il a eu en France que le Grand Siècle a mérité dans l'Europe même la place que l'histoire lui assigne.

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