Parisiens, tout cela engage un grand nombre THEIERE DE CUIVRE ROUCE. (Collection de M. Edmond Guérin.) On s'est plaint de ne plus voir à la cour autant de hauteur dans les esprits qu'autrefois. Il n'y a plus en effet de petits tyrans, comme du temps de la Fronde, et sous Louis XIII, et dans les siècles précédents; mais la véritable grandeur s'est retrouvée dans cette foule de noblesse, si longtemps avilie à servir auparavant des sujets trop puissants. On voit des gentilshommes, des citoyens qui se seraient crus honorés autrefois d'ètre domestiques de ces seigneurs, devenus leurs égaux, et très souvent leurs supérieurs dans le service mi Paris; mais il faut se souvenir qu'Athènes a été égale à l'Empire romain dans toutes les choses qui ne tirent pas leur prix de la force et de la puissance. Il faut encore songer que, s'il n'y a rien aujourd'hui dans le monde tel que l'ancienne Rome et qu'Auguste, cependant toute l'Europe ensemble est très supérieure à tout l'Empire romain. Il n'y avait du temps d'Auguste qu'une seule nation, et il y en a aujourd'hui plusieurs, policées, guerrières, éclairées, LA GLOIRE DE PARIS ET LA SPLENDEUR DE SES BOURGEOIS SOUS LE REGNE DE LOUIS XIV. qui possèdent des arts que les Grecs et les Romains ignorèrent; et de ces nations, il n'y en a aucune qui ait eu plus d'éclat en tout genre, depuis environ un siècle, que la nation formée en quelque sorte par Louis XIV. Ce tableau brillant de Paris, de la France et de la bourgeoisie parisienne, qui est bien la peinture la plus exacte des mœurs du xvII° siècle, rappelle la satire de Labruyère: « Les empereurs romains n'ont jamais triomphé à Rome si mollement, si commodément ni si sûrement même, contre le vent, la pluie, la poudre et le soleil que le bourgeois sait à Paris se faire mener par toute la ville. Quelle distance de cet usage à la mule de leurs ancêtres! Ils ne savaient point encore se priver du nécessaire pour avoir le superflu, ni préférer le faste aux choses utiles. On ne les voyait pas s'éclairer avec des bougies et se chauffer à un petit feu. La cire était pour l'autel et pour le Louvre. Ils ne sortaient point d'un mauvais diner pour monter dans leur carrosse; ils se persuadaient que l'homme avait des jambes pour marcher, et ils marchaient. Ils se conservaient propres quand il faisait sec, et, dans un temps humide, ils gàtaient leurs chaussures, aussi peu embarrassés de franchir les rues et les carrefours que le chasseur de traverser un guéret ou le soldat de se mouiller dans une tranchée. « On n'avait pas encore imaginé d'atteler deux hommes à une litière; il y avait même plusieurs magistrats qui allaient à pied à la chambre ou aux enquêtes, d'aussi bonne gràce qu'Auguste autrefois allait de son pied au Capitole. L'étain, dans ce temps, brillait sur les tables et sur les buffets, comme le fer et le cuivre dans les foyers; l'argent et l'or étaient dans les coffres. Les femmes se faisaient servir par des femmes; on mettait celles-ci jusqu'à la cuisine. Les beaux noms de gouverneurs et de gouvernantes n'étaient pas inconnus à nos pères ils savaient à qui l'on confiait les enfants des rois et des plus grands princes; mais ils partageaient le service de leurs domestiques avec leurs enfants, contents de veiller eux-mêmes immédiatement à leur éducation. Ils comptaient en toutes choses avec eux-mêmes leur dépense était proportionnée à leur recette; leurs livrées, leurs équipages, leurs meubles, leur table, leur maison de la ville et de la campagne, tout était mesuré sur leurs rentes et sur leur condition. Il y avait entre eux des distinctions extérieures qui empèchaient qu'on ne prît la femme du praticien pour celle du magistrat, et le roturier ou le simple valet pour le gentilhomme. Moins appliqués à dissiper ou à grossir leur patrimoine qu'à le maintenir, ils le laissaient entier à leurs héritiers, et passaient ainsi d'une vie modérée à une mort tranquille. Ils ne disaient point: Le siècle est dur, la misère est grande, l'argent est rare; ils en avaient moins que nous, et en avaient assez, plus riches par leur économie et par leur modestie que de leurs revenus et de leurs domaines. Enfin l'on était alors pénétré de cette maxime, que ce qui est dans les grands splendeur, somptuosité, magnificence, est dissipation, folie, ineptie, dans le particulier. >> Labruyère fait des occupations des Parisiennes et des Parisiens une critique aussi sévère que de leur luxe. Il n'admire pas, comme fait Voltaire sans réserve, leurs promenades en des endroits réglés par la mode, leurs conversations. Ces réserves ont leur prix, de la part surtout d'un tel observateur, et les preuves qu'il en donne en ont plus encore pour l'histoire des mœurs. « De la ville: « L'on se donne à Paris, sans se parler, comme un rendez-vous public, mais fort exact, tous les soirs, au Cours ou aux Tuileries, pour se regarder au visage et se désapprouver les uns les autres. « L'on ne peut se passer de ce même monde que l'on n'aime point, et dont l'on se moque. « L'on s'attend au passage réciproquement dans une promenade publique; l'on y passe en revue l'un devant l'autre carrosse, chevaux, livrées, armoiries, rien n'échappe aux yeux, tout est curieusement ou malignement observé; et, selon le plus ou le moins de l'équipage, ou l'on respecte les personnes, ou on les dédaigne. ÉCRAN EN TAPISSERIE DU XVIIE SIÈCLE. (Collection du Mobilier National. Fontainebleau). « Dans ces lieux d'un concours général, où les femmes se rassemblent pour montrer une belle étoffe, et pour recueillir le fruit de leur toilette, on ne se promène pas avec une compagne par la nécessité de la conversation; on se joint ensemble pour se rassurer sur le théâtre, s'apprivoiser avec le public, et se raffermir contre la critique ; c'est là précisément qu'on se parle sans se rien dire, ou plutôt qu'on parle pour les passants, pour ceux mêmes en faveur de qui on |