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meilleures écoles, doué d'une imagination ardente, nourri des exemples de l'antiquité, sorti d'un volcan révolutionnaire, avide de gloire et de puissance, connaissant à fond l'Apennin où il s'était illustré en 1794, cherchant les obstables pour le plaisir de les vaincre, et mesurant déjà d'un œil assuré les distances qu'il avait à franchir avant de se rendre maître de l'Italie.

A ces avantages pour la guerre d'invasion, Bonaparte réunissait un génie naturel, et des principes positifs, fruits d'une théorie éclairée. D'ailleurs son origine en quelque sorte italienne, lui promettait un parti puissant dans la Péninsule; condition essentielle pour obtenir des succès durables dans cette guerre au-delà des Alpes.

On ne saurait toutefois dissimuler que ces avantages du général républicain dérivaient uniquement de la disposition morale des deux chefs, et que la balance des forces numériques ne fût en faveur des coalisés.

En effet, la force active de l'armée d'Italie n'excédait pas 42 mille hommes; tandis que celle des Alliés en comptait bien 52 mille; Beaulieu à l'extrême droite commandait plus de 30 mille combattants, munis de 124 canons de campagne et de 16 obusiers; Colli se liait à lui avec un corps de 20 à 22 mille Austro-Sardes, chargé de couvrir Ceva et Coni (1). Le reste de l'armée piémontaise, qu'on peut également estimer à 24 mille hommes, gardait toutes les avenues du Dau

(1) Quelques versions nous présentent ce corps comme subordonné à Beaulieu; d'autres affirment qu'il était tout à fait indépendant.

État intérieur

phiné et de la Savoie, depuis l'Argentière jusqu'au MontBlanc, et fournissait des garnisons aux places de l'intérieur. Il était commandé par le prince de Carignan, et opposé à l'armée des Alpes, aux ordres du général Kellermann, dont la force l'égalait à peu de chose près,

La situation politique de l'Italie, déjà exposée au chapide l'Italie. tre précédent, nous dispensera de faire ici une nouvelle énumération des chances qu'elle offrait aux différents partis. La coalisation voyait dans ces contrées de puissants auxiliaires, la France n'y apercevait que des neutres incertains. Gênes surtout se trouvait dans la position la plus pénible; placé au milieu des armées belligérantes, le territoire de cette république était toujours la proie du plus fort; la ville même, semblait devoir appartenir au premier qui croirait de son intérêt de l'occuper, car sa défense ne consistait guère qu'en protestations. Elle avait vu la neutralité de son port violée par les Anglais, à plusieurs reprises, et rien ne pouvait la mettre à l'abri d'un traitement semblable du côté de terre. Déjà elle en était menacée par les demandes de l'envoyé de France, Villars, qui exigeait un emprunt de 20 millions, et la remise des forts de la côte.

Prétentions des Français avec Gênes.

Le directoire, dans la détresse de ses finances, s'était eru fondé à cette demande où il entrevoyait à la fois une réparation et un secours, à l'aide duquel il mettrait son armée en état de vaincre. Salicetti, chargé par le nouveau gouvernement de l'emploi important de commissaire civil et politique, venait d'en adresser la réquisition au doge, et de faire marcher une brigade de l'avant-garde jusqu'à Voltri, pour lui donner plus de poids.

tions du

à Bona

parte.

En prenant les rênes des affaires, le directoire avait donné, Instruccomme nous l'avons déjà dit, ses premiers soins à la réorga- directoire nisation des armées; il n'oublia pas celle d'Italie. Après s'être concerté avec son nouveau général, il lui adressa, le 6 mars, des instructions qu'on ne lira pas sans un vif intérêt ; car elles sont un des documents les plus remarquables de l'histoire de cette guerre (1).

La tâche imposée à cette armée, présentait de grandes difficultés, elle avait à combattre des ennemis supérieurs, mieux pourvus de tout, mieux organisés, et soutenus de l'intérêt de tous les princes d'Italie; sa force active, à la fin de mars, occupait les cantonnements suivants (2).

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Le général Garnier à Roccabiglière et Finestre
La cavalerie aux ordres des généraux Kilmaine et Stengel,
en cantonnement le long de la côte

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3,200

4,000

TOTAL.

42,400

L'artillerie n'était pas nombreuse; elle comptait à peine

(1) Pièces justificatives, no 1.

(2) Ces positions, ainsi que l'organisation des divisions, ne furent que momentanées; on faisait dans ce moment le travail d'embrigadement, qui n'avait pas encore été exécuté à cette armée. Tout fut ainsi changé à l'arrivée du général en chef.

TOM. VIII.

5

60 pièces mal attelées, tandis que l'armée alliée en avait plus de 200.

Deux divisions de réserve, composées de dépôts, de recrues et d'un petit nombre de bons régiments, gardaient la côte jusqu'à Nice et Toulon, servaient de garnisons en s'instruisant, et devaient tenir les divisions actives au complet. On portait leur force à 20 mille hommes environ, mais il faut remarquer que le service important dont elles étaient chargées, n'eût pas permis de les appeler à l'armée avant de les avoir remplacées; et loin qu'on pût se flatter d'en disposer sitôt, tout présageait qu'elles seraient à peine suffisantes pour la garde de Toulon, la surveillance de Marseille, et la répression des troubles qui, des montagnes de la Provence, s'étendaient dans le Gard, la Lozère et l'Ardèche.

Le délabrement de tous les services, les privations de tous genres, paraissaient devoir être un obstacle aux succès de cette armée ; ils en devinrent le premier mobile. Bonaparte, à qui les leçons des grands capitaines de Rome étaient déjà familières, n'avait point laissé échapper cette maxime importante, que la guerre nourrit la guerre (1); il n'ignorait pas

(1) Cette maxime des Romains est fort juste, l'orsqu'on en fait l'application à des armées régulières, proportionnées à la population qui les alimente, également proportionnées aux ressources des nations chez qui elles entrent. Mais elle n'est plus si exacte, lorsqu'il s'agit de ces levées de peuples entiers se précipitant les uns sur les autres; alors la guerre détruit tout, les vainqueurs en souffrent presque autant que les vaincus, surtout quand les expéditions sont lointaines. Nous verrons en effet, dans la suite, quelle mobilité Bonaparte sut donner à ses forces

non plus qu'une masse bien employée, triomphe presque toujours de forces supérieures mal disposées ou mal engagées, et ses espérances embrassaient déjà la conquête de l'Italie.

soins de

Le général en chef arriva à Nice le 27 mars; ses premiers Premiers moments furent consacrés à pourvoir aux besoins qui au- Bonaparte. raient pu nuire à ses opérations, et à prendre connaissance de l'état de ses troupes, ainsi que des positions ennemies. Portant un œil sévère sur les administrations, il leur imprima bientôt toute son activité, assura les différents services, et secondé par le zèle et le crédit d'un banquier-fournisseur, parvint à faire payer aux troupes un à-compte sur leur solde, qui ranima bientôt leur confiance, et les attacha irrévocablement au chef qui savait améliorer leur sort. Ces premières dispositions achevées, il transféra son quartiergénéral à Albenga le 5 avril, puis à Savone le 9; cheminant avec le nombreux train des parcs et tout le personnel des administrations par l'horrible route de la Corniche, sous le feu des canonnières anglaises, il montra dès ce début l'audace qui devait caractériser ses entreprises.

par l'application de ce nouveau système, et quels avantages il en retira contre des adversaires qui subordonnaient leurs opérations à la certitude d'assurer à l'avance pour longtemps la subsistance de leurs troupes. Mais nous aurons aussi à raconter comment, non moins imprudent que Cambyse, et méprisant tous les obstacles, il perdit des armées innombrables pour avoir voulu appliquer à des masses immenses, et à des pays sans ressources, ce qui lui avait réussi avec 60 mille hommes dans les champs fertiles du Milanais, de la Souabe et de l'Autriche.

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