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Dans un tel état de choses, il ne restait au directoire qu'à ramener la victoire sous les drapeaux républicains; car une riche moisson de lauriers était seule capable de tourner l'effervescence de la nation contre les ennemis extérieurs, et de la dédommager en quelque façon du régime arbitraire sous lequel il se voyait forcé de la tenir.

la Vendée.

Déjà il trouvait dans le succès de ses armes en Vendée, un Affaires de puissant contre-poids aux embarras qui l'assiégeaient. On a vu au chapitre LI, qu'éclairé par Hoche et par Chérin, il avait arrêté le 28 décembre la réunion des trois armées de l'Ouest, et mis en état de siége les départements voisins; cette sage résolution, appuyée par les troupes d'élite venues des Pyrénées, eut un succès d'autant plus certain, qu'à linstant même la dissension redoubla parmi les royalistes. Les tristes résultats des expéditions de Quiberon et de l'île Dieu, avaient relâché tous les liens de l'association bretonne, et substitué à son état-major vingt cotteries dirigeantes, plus avides des faveurs du comte d'Artois que jalouses de justifier sa confiance.

Aussi adroit qu'intrépide, le vainqueur de Quiberon s'attachait à protéger le clergé, dont il connaissait l'influence, et à gagner insensiblement les petits propriétaires et les fermiers, en leur garantissant sûreté et protection. D'une autre part, il calmait l'animosité des officiers de l'armée royale, en promettant à ceux qui se soumettraient, une retraite facile hors des frontières, ou un séjour tranquille dans l'intérieur.

Isolant par ses colonnes l'armée du centre de celle de Charette, Hoche semblait s'appliquer, sinon à le prendre, du

Sages

mesures de

Hoche.

Dernier ef

fort de Charette.

moins à le mettre dans l'impossibilité de continuer la guerre. Déjà même la plupart de ses officiers, désespérant de soutenir plus longtemps une lutte si inégale, réclamaient à grands cris la paix, et faisaient circuler des mémoires pour en prouver la nécessité. Charette répondit avec indignation à leurs vœux, et piquant leur point d'honneur par d'amers reproches, les décida à mourir, puisqu'il n'était plus en leur pouvoir de triompher.

Ils ne tardèrent pas effectivement à payer de la vie, un acharnement désormais sans but honorable et certain; car on ne saurait trop le répéter, c'était une frénésie bien plus qu'un attachement religieux et raisonné aux anciennes institutions qui leur avait remis les armes à la main.

1

Battu en rase campagne, et victorieux quand il tombait sur des camps isolés, comme ceux de l'Oye et des QuatreChemins; Charette résolut enfin à tenter un dernier effort, et rassembla le 28 décembre sur le plateau de la Roullière les hommes de sa circonscription en état de porter les armes. Son projet était d'attaquer le général Travot, dont les colonnes infatigables le menaçaient de plus près.

Soit que le général républicain eût vent de son approche, soit qu'il eût conçu lui-même un projet d'attaque, les deux partis se rencontrèrent au passage de la Vie. Les royalistes, surpris et saisis d'une terreur panique, sont culbutés, et perdent en un instant leur artillerie, leur parc de munitions, le drapeau sacré, et une foule des plus déterminés ; en sorte que Charette eut peine à rallier 1,200 hommes des 5 mille qu'il était parvenu à mener au combat. Un peu déconcerté de cet échec, il se dirige vers la Sèvre, dans l'espoir d'exciter les

habitants de l'Anjou à quelque diversion en sa faveur; et, afin Il cherche à joindre d'ôter à Stofflet tout prétexte de rester dans l'inaction, il lui Stofflet. conduit un convoi de munitions, récemment venu d'Angleterre. Arrivé devant Preuille, il réussit à en chasser un détachement républicain: lorsque Travot parti du Poiré découvre ses traces, et l'attaque inopinément dans ce bourg, où il se croyait en sûreté.

Les débris de son corps, débordés et menacés de toutes parts, sont forcés de se faire jour, et ne regagnent la Boulogne qu'avec la plus grande peine. Presque abandonné, Charette dépêche alors des officiers en Angleterre pour solliciter des secours, et cherche à tromper l'activité du général Gratien, en entamant des pourparlers: Couëtus, chargé d'une mission auprès de ce dernier, est arrêté par une patrouille, et reconnu pour avoir commandé la surprise du camp des Quatre-Chemins ; il est fusillé, et cette rigueur, peut-être imprudente, prolonge l'animosité des royalistes; chacun ne songe plus qu'à vendre chèrement sa vie, et renonce à un rapprochement que Charette leur démontre comme impos

sible.

reprend

Sur ces entrefaites, Stofflet se disposait à reprendre les Stofflet armes; soit qu'il n'ait pu résister aux instances du comte les armes. d'Artois, ou que les colonnes de Hoche, en resserrant peu à peu l'Anjou, l'eussent averti du sort qui lui était réservé, s'il laissait accabler Charette. Ses espérances ne furent qu'imparfaitement remplies; l'Anjou habitué aux douceurs de la paix, ne soupirait que pour son maintien, et à peine put-il rassembler un millier d'hommes: cette levée de boucliers d'autant plus inconsidérée qu'on l'annonça d'avance par des procla

Il est

prévenu par

mations, attira sur la tête de Stofflet l'orage qu'il voulait con

jurer.

A peine Hoche fut-il de retour de Paris à son armée, qu'il Hoche, pris arrêta un plan d'opérations, pour déjouer les tentatives reet fusillé. naissantes des royalistes de la Vendée et de la Bretagne.

Comme les points les plus menacés sont en Anjou, il se dé-
termine à frapper les premiers coups sur la rive gauche de
la Loire. A cet effet, il ne laisse en Bretagne que les forces
absolument nécessaires pour garder les points militaires de la
côte et de la presqu'île du Cotentin; puis il dirige vers les
ponts de Nantes et de Cé toutes les troupes disponibles. Prêt
à fondre sur Stofflet; il réponde d'abord à ses proclamations
incendiaires avec un mélange de dignité et d'énergie, puis se
porte avec une division à Chemillé par
des marches forcées
à travers des chemins défoncés et des torrents débordés; en
même temps, d'autres colonnes pénètrent de tous côtés en
Anjou, et rendent le rassemblement des bandes impossibles.
Prévenu à Chemillé, Stofflet s'empare d'Argenton-le-Châ-
teau; mais il est bientôt forcé de se dérober aux poursuites
des généraux Spithal et Crublier: différentes colonnes tra-
quent ses divisionnaires, isolés comme lui, et réduits à l'es-
corte de quelques affidés. Bernier désespérant d'une cause
qu'il n'avait embrassée que par ambition, et comptant se rac-
commoder avec le parti républicain, vendit, dit-on, la tête
de Stofflet, en l'attirant, sous prétexte de conférer avec lui,
dans la ferme de Pégrimaud. Là, au lieu de trouver son con-
seil, il fut investi, garrotté et conduit à Angers, où il reçut la
mort avec autant de courage qu'il en avait montré durant
sa vie.

Malgré cet heureux prélude, la haine déguisée sous le voile du patriotisme, s'attacha sur les traces de Hoche. Les autorités civiles, dont il avait restreint le pouvoir, les réfugiés de la Vendée, au gré desquels il ne terminait pas assez tôt la guerre, le dénoncèrent également ; mais le directoire méprisant ces vaines clameurs, l'engagea à redoubler de zèle, en accordant à sa conduite les éloges qu'elle méritait. Ces témoignages honorables de la satisfaction du gouvernement ne furent point perdus; le général, sûr de son approbation, persista dans son système de modération et de fermeté. Depuis longtemps, il avait vainement offert à Charette un sauf-conduit pour la Suisse ou l'Angleterre. Le général Gratien, en le poursuivant sans relâche, lui renouvela cette offre par le curé Guesdon. Lassés de périls sans objet, de fatigues sans résultats, et d'une vie vagabonde qui avait épuisé leur résignation et leurs forces, la plupart de ses officiers le conjuraient de passer à Londres, sauf à revenir en temps plus opportun. Charette seul opposant les intentions du Roi, aux prières de ses compagnons, ne leur répondit que par l'ordre d'un rassemblement général.

Ses adversaires ne lui laissèrent pas le temps de l'effec

tuer. Le général Lefranc, distingué par sa conduite dans les attaques de la vallée de Bastan (1), dissipa la division de Le Moëlle, et cet officier, l'un des meilleurs de l'armée royale, tomba percé de coups dans la mêlée. De son côté, Travot assaillit Charette lui-même à la Begaudière, et culbuta sa

Hoche

poursuit Charette à outrance.

Travot le

bat à la Be

gaudière.

(1) Chapitre XLII.

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