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vais emploi des troupes du général Laborde, qui aurait dû être appelé plutôt à prendre part aux opérations sur la Kintzig, afin de donner ainsi à Moreau la faculté de disposer de son centre, au moment où il pouvait porter les coups les plus décisifs à l'ennemi. Si on avait adopté ce parti, et qu'après un premier succès, on eût rabattu une partie des forces de la droite sur le corps de bataille, on aurait fait le meilleur emploi possible de ces masses. Cette nécesssité où le général français se trouva de faire un détachement si considérable, était un désavantage notable, dont son adversaire, au reste, ne sut pas profiter, quoiqu'il n'eût ni pont à couvrir, ni le moindre intérêt à suivre une ligne divergente. En effet, si les corps de Froelich et de Condé, au lieu de se jeter sur leur gauche, vers le haut Danube, avaient su se diriger concentriquement sur l'Archiduc, en descendant la vallée de la Nagold, cette diversion de l'aile de Férino eût employé un tiers de l'armée française sur un point tout à fait secondaire, et lui serait devenue funeste, si la totalité des forces ennemies, concentrée vers le Necker, eût livré une bataille décisive au général Moreau.

Au surplus, la droite des Français s'étendit beaucoup trop après son arrivée à Tuttlingen, et il est sans exemple qu'une armée de 70 mille hommes, voulant envahir un pays défendu par des forces égales, se morcelle sur une ligne, depuis les frontières de Suisse, jusques vers Donawerth. Ce système semblait d'autant plus dangereux, que le général Férino déboucha dès le 23 juillet sur le Danube, bien avant le reste de l'armée, qui n'y arriva que le 8 août. La marche de sa droite jusques vers Bregentz, fut sans doute occasionnée par

les ordres du directoire, qui prescrivit à Moreau de détacher 15 mille hommes sur Brixen; faute inouïe dans l'état respectif des partis, et à peine excusable si l'armée du Rhin n'eût formé qu'une masse avec celle de Jourdan. Nous reviendrons sur cette singulière manœuvre lorsque nous rendrons compte des revers qui signalèrent la seconde période de cette campagne; il est temps de suivre l'armée de Sámbre-et-Meuse jusqu'aux confins de la Bohème où elle s'avançait en même temps que celle du Rhin atteignit le Lech.

CHAPITRE LX.

Positions des

L'armée de Sambre-et-Meuse, favorisée par le passage de l'armée du Rhin à Kehl, reprend l'offensive, s'empare de Wurtzbourg, et s'avance jusqu'à Amberg.

L'armée de Sambre-et-Meuse retirée en partie au-delà du Rhin, vers Cologne, et en partie dans le camp retranché de Dusseldorf, n'attendait que l'avis du passage de Moreau, pour reprendre ses projets offensifs. Profitant du départ des troupes que les succès de l'armée du Rhin forcèrent l'Archiduc à détacher, elle se disposa à franchir de nouveau ce fleuve. Nous avons vu, en effet, que ce prince, à la nouvelle du Autrichiens. passage de Kehl, de crainte d'être coupé de la ligne importante du Danube, était parti le 25 juin avec un corps de 20 à 25 mille hommes, pour se porter en toute hâte au secours du général Latour, laissant une forte garnison dans Mayence et une armée de 28 mille fantassins et 10 mille chevaux, pour couvrir le Mein. Le comte de Wartensleben qui la commandait, reçut l'ordre d'éviter tout engagement sérieux avec les forces supérieures de Jourdan.

Après le départ de l'Archiduc, cette armée du Bas-Rhin resta disséminée dans les positions ci-après : le corps de ba

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taille, fort d'environ 14 mille hommes, campa à Neukirch (1), derrière la Nister, sur le plateau où se réunissent les routes de Siegburg, Siegen, Limbourg et Wetzlar; l'avant-garde, aux ordres de Kray, comptant 5 mille fantassins et 3 mille chevaux, occupait, par une brigade, la montagne de KaltenEiche; le reste de la division tenait Deken, Hausen, Hassel et Erpel. Le général Staader commandait 7 mille hommes d'infanterie et 1,500 chevaux, répartis depuis Lahnstein jusqu'à Erlich; le gros de ce corps, sous le général Finck, surveillait Neuwied. Enfin, la réserve de grenadiers et de grosse cavalerie faisant 4 mille hommes d'infanterie et 3,200 chevaux, était campée à Idstein, aux ordres de Werneck. Chaque militaire sera à même de sentir les inconvénients de cette singulière position. La distance qu'il y avait entre le corps de bataille et les avant-gardes, était si grande, que celles-ci n'en recevaient aucun soutien; la réserve se trouvait à trois ou quatre marches du corps principal, ce qui la rendait à peu près inutile; enfin des divisions entières étaient dispersées en postes de hussards. Cependant les axiomes de guerre les plus connus démontrent, que le moyen d'empêcher le passage d'un fleuve est d'en surveiller le cours avec des patrouilles et des piquets seulement; tandis que l'armée doit rester réunie dans la position stratégique la plus convenable, pour être prête à marcher sur-le-champ au point menacé.

(1) La planche V indique trois villages de ce nom, l'un est sur la Nister, l'autre sur l'Elz près de Weilbourg, le troisième derière la Sieg; c'est du premier dont il est question.

Kléber

s'avance

Jourdan avait formé le projet de repasser le Rhin vers sur la Sieg. Neuwied; pour faciliter cette opération, son aile gauche, toujours commandée par Kléber, partit de Dusseldorf le 27 juin, et s'avança sur la Sieg, afin d'attirer de ce côté toute l'attention de l'ennemi. La division Grenier, campée à une lieue et demie de Cologne, vint passer le Rhin sur le pont volant de cette ville, et fut mise sous les ordres du même général. Le 30, les trois divisions de l'aile gauche se portèrent sur la Sieg, qu'elles franchirent avec facilité, Kray n'ayant laissé pour l'observer que des détachements de cavalerie légère. Cette aile prit position le même jour en avant de la rivière, la droite au village de Plées, et la gauche aux montagnes; elle séjourna les 1er et 2 juillet, pour attendre des vivres: la réserve sous les ordres de Bonnard vint aussi s'y réunir.

Jourdan passe le

Rhin à

Neuwied.

Cependant le général Jourdan, qui se trouvait à Coblentz, avait fait rassembler sur deux points toutes les embarcations qu'on avait pu se procurer. Les divisions Poncet, Bernadotte et Championnet étaient à proximité. Dans la nuit du2 juillet, toutes les troupes se rapprochèrent en silence des points indiqués pour le passage du fleuve. Le corps de Finck, composé de six bataillons, était le seul dont on eût à craindre l'opposition pour le premier moment. Le général Staader seulement, avec quelques autres bataillons, était en mesure de le soutenir vers la fin de la journée. Néanmoins, comme leurs forces réunies paraissaient suffisantes pour s'opposer à des débarquements successifs, et peu considérables, le succès de l'opération semblait dépendre de la possibilité d'effectuer le premier transport sans être découvert.

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