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Conditions requises pour l'existence
de l'hypothèque.

Pour que le droit d'hypothèque puisse valablemen se constituer, il faut: 1° une créance que vient garantir l'hypothèque; 2° un objet sur lequel porte l'hypothèque.

SECTION IT. - De la créance garantie par l'hypothèque

Comme nous venons de le dire, l'hypothèque étant un droit accessoire, ne peut se concevoir que s'il existe un droit principal auquel elle vient s'adjoindre et qui est sa cause.

Toute obligation, quel que soit son objet, sa nature ou sa modalité, peut, en règle générale, et sauf de rares exceptions, recevoir la garantie d'une hypothèque. C'est ce que dit Marcien en termes aussi généraux que possible (1). « Il faut savoir qu'on peut peut hypothéquer une chose pour toute sorte d'obligation, soit qu'il s'agisse d'un prêt d'argent, d'une dot, d'une vente, d'un louage, d'un mandat; soit que l'obligation soit pure, à terme ou sous condition, soit que l'hypothèque soit donnée pour un contrat qui se forme actuellement, ou pour un contrat déjà formé. On peut aussi la constituer pour une obligation future. Elle peut être donnée non-seulement pour toute la somme à payer, mais même pour une partie seulement. Elle a lieu soit pour une obligation civile, soit pour une obligation prétorienne, soit pour une obliga(1) Loi 5, princ., D., XX, 1.

tion seulement naturelle. Mais la chose hypothéquée pour une obligation conditionnelle n'est engagée qu'autant que la condition s'accomplit.

Cette loi, rédigée en termes extrêmement compréhensifs, montre bien que l'hypothèque peut s'adjoindre à toute sorte d'obligation, et l'examen détaillé des obligations au point de vue de leur cause, de leur objet, de leur source, de leur nature, de leurs modalités nous confirmera dans cette solution.

La cause de l'obligation peut varier, mais du moment qu'il y a obligation, il est possible de la garantir par une hypothèque. Marcien l'indique nettement: Sive mutua pecunia datur, sive dos, sive emptio vel venditio contrahatur, vel etiam locatio et conductio, vel mandatum. Peu importe donc le motif pour lequel est née l'obligation.

L'objet de l'obligation peut être de dare, de facere, de præstare. Ce sera le plus souvent l'obligation de dare et surtout celle qui a pour objet la remise d'une somme d'argent, qui sera garantie par l'hypothèque; mais rien n'empêche qu'il en soit de même pour l'obligation de facere et celle de præstare (1). Toutes aboutissent au cas d'inexecution à des dommages intérêts, et sous la procédure formulaire il faut remarquer que la nouvelle créance issue de la litis contestatio aboutit le plus souvent à une condamnation pécuniaire.

La source de l'obligation contrat, quasi-contrat, délit ou quasi-delit importe peu, dans tous les cas, du moment que l'obligation existe, le créancier a intérêt à en assurer l'exécution par une garantie.

Au point de vue de leur nature, les obligations sont civiles, prétoriennes, ou naturelles. Les deux premières classes engendrent une action et donnent naissance à une véritable dette conforme à la dé1) Loi 9, § 1, D., XIII, 7.

finition donnée par la loi 108, D, L. 16, debitor intelligitur is a quo invito exigi pecunia potest, il est donc incontestable qu'elles peuvent être garanties par une hypothèque. Mais pour les obligations naturelles la question pourrait faire difficulté. L'exécution de l'obligation naturelle ne peut être poursuivie par voie d'action; elle n'offre donc pas le caractère exigé par la loi 108, en outre Ulpien (1) dit qu'elle n'engendre pas d'obligation, il semble donc impossible qu'elle puisse être garantie par une hypothèque. Mais si l'obligation naturelle est privée des avantages de l'obligation civile ou prétorienne, si elle n'engendre qu'une exception et ne peut exposer celui qui l'a contractée à une poursuite judiciaire, il faut néanmoins remarquer qu'elle n'est pas dénuée d'effets, et même qu'elle produit des conséquences importantes, elle crée notamment entre les parties un vinculum æquitatis comme dit Papinien (2) et elle fait obstacle à la condictio indebiti, lorsque le montant de la dette a été acquitté. Ces effets de l'obligation naturelle paraissent suffisants pour justifier la décision de Marcien disant que l'hypothèque peut avoir lieu pour une obligation vel tantum naturalis.

Il a été soutenu que l'hypothèque constituée pour la garantie d'une obligation naturelle, ne conférait au créancier qu'un simple droit de rétention, et par conséquent qu'elle serait illusoire, si la possession n'était jointe au pacte d'hypothèque. Cette opinion nous paraît devoir être repoussée. Les textes envisagent dans notre cas l'hypothèque comme une véritable hypothèque produisant tous les effets de l'hypothèque ordinaire, et Gauïs (3) dit

(1) Loi 7, § 4, D., II, 14.

(2) Loi 95, § 4, D., XLVI, 3.

(3) Loi 27 pr., D., IX, 4.

nullum

pignus est cujus persecutio negatur », donc de deux choses l'une ou l'hypothèque ne peut garantir l'obligation naturelle, ou, si elle est possible, elle offre les caractères ordinaires de l'hypothèque.

Le type des obligations naturelles n'est pas unique en droit romain, on en rencontre diverses sortes qui doivent être examinées successivement.

Certaines obligations naturelle résultent d'une régénérescence d'une obligation civile (1). C'est ainsi que le créancier lié par une stipulation, tenant à encourir la minima capitis deminutio est libéré civilement, mais demeure tenu naturellement, cela suffit à la persistance de l'hypothèque. De même, quand un créancier par suite d'une plus petitio a épuisé son droit, le débiteur qui n'a pas payé demeure tenu d'une obligation naturelle.

Une obligation naturelle peut prendre naissance aussi à la suite de l'inobservation des formes requises pour constituer une obligation civile, par exemple lorsqu'une stipulation étant nécessaire à la naissance de l'obligation, les parties se sont bornées à faire un simple pacte. Dans ce cas, l'obligation naturelle qui en résulte est susceptible d'hypothèque, cela est indiqué, quant au pacte d'intérêt, par les lois 5, § 2 et 101, g 1, D. XLVI, 3, et il n'y a pas de raison pour le limiter à ce pacte.

L'incapacité d'un contractant peut dans certains cas donner naissance à une obligation naturelle, alors que les formes requises par la loi étant observées l'obligation serait civile, si elle était contractée entre personnes capables. L'emprunt fait par un fils de famille en violation du sénatus-consulte Macédonien n'engendre à la charge de celui-ci qu'une dette naturelle; peut-on la garantir par une hypothèque?

(1) Loi 14, § 1, D., XX, 1.

La question est tranchée pour la fidéjussion par la loi 9. 83, D. XIV. 6, et la solution qu'elle donne doit s'appliquer à l'hypothèque. comme l'indique la loi 2, D. XX, 3. La loi 9, 3, fait une distinction entre le cas où le fidejusseur a un recours contre le fils et celui où ce dernier agit animo donandi. Dans le premier cas, le fils est fondé à invoquer le sénatus-consulte et à opposer l'exception; dans le second cas au contraire l'exception lui est refusée. Cette solution doit être transportée de la fidéjussion à la matière de l'hypothèque, comme le veut la loi 2, D. XX, 3, et avec cette distinction, on peut dire qu'en principe l'hypothèque est valable.

Dans une hypothèse que l'on a la coutume de rapprocher, celle du sénatus-consulte Velléien interdisant à la femme l'intercessio pour autrui, il faut voir quel sera le sort de l'hypothèque consentie par un tiers pour garantir l'intercessio de la femme. L'exception donnée par le sénatus-consulte ne laisse subsister aucune obligation même naturelle (1). Totam obligationem senatus improbat, il n'y a donc pas de place pour l'hypothèque, à qui fera défaut la condition essentielle de son existence: une obligation principale. Du reste il faut remarquer la différence des motifs qui ont amené ces deux sénatus-consultes. Le Velléien est conçu dans un but de protection pour les femmes et leurs garants, tandis que le Macédonien est dirigé contre les usuriers et ceux qui par leur appui poussent les fils de famille à la ruine. Il était naturel de déclarer tenus les garants des fils de famille quand ils n'avaient pas de recours à exercer.

L'obligation contractée par le fils de famille envers le père pourrait être garantie par une hypothèque, en

(1) Loi 16, § 1, D., XVI, 1.

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