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mot hypothèque лóбx, emprunté à la législation grecque.

Mais est-ce là le seul emprunt que les jurisconsultes Romains ont fait aux Grecs, et ne faut-il pas dire, avec certains auteurs, qu'ils leur ont emprunté l'institution elle-même de l'hypothèque? Nous ne le pensons pas. En effet, aux considérations que nous avons développées plus haut sur l'origine de l'hypothèque, on peut joindre celle-ci : Si les Romains avaient été chercher à Athènes l'institution de l'hypothèque, ils l'auraient prise telle quelle, c'est-à-dire avec le caractère de publicité qu'elle y avait. Or, jamais les Romains n'ont pratiqué la publicité de l'hypothèque, et cette remarque suffirait seule à prouver que c'est une institution née sur le sol Italique.

L'hypothèque a Rome est donc issue du perfectionnement de la théorie des sûretés réelles, sans avoir emprunté à l'étranger autre chose que son nom.

L'hypothèque, généralisée par l'action quasi servienne, et conférant au créancier un droit réel sans désaisir le débiteur de la possession de la chose, est un progrès sur le pignus. Avec ce nouveau procédé de garantie, le créancier acquiert une sûreté complète, sans que le débiteur perde la jouissance de sa chose et épuise en une seule opération tout son crédit. Elle ne fit néanmoins pas disparaître le pignus ; elle le fortifia, au contraire, et l'action nouvelle, engendrée par la convention d'hypothèque en faveur du créancier non nanti, appartint a fortiori au créancier gagiste en possession. Le pacte de gage non accompagné de tradition fut assimilé au pacte d'hypothèque (1), et les termes devenant à peu près synonymes, Marcien peut dire: Inter pignus et hypothecam tantum nominis sonus differt (2). Cela, il est vrai, n'était pas absolument

(1) Loi 1, princ., D., XIII, 7.

(2) Loi 5, 21, D., XX, 1.

exact, car en fait le mot pignus continuait à désigner le gage avec possession, tandis que l'on se servait du mot hypothèque dans le cas où le débiteur conservait la possession de la chose; mais cela n'influait en rien sur la nature du droit réel qui était la même dans les deux cas (1).

Si l'on examine les résultats de l'hypothèque, on voit qu'elle a sur la fiducia et sur le pignus l'avantage de laisser au débiteur la possession de sa chose et la possibilité d'offrir ce même objet, comme sureté, successivement à plusieurs créanciers. Mais dans la pratique, c'est cet avantage même qui préjudicia aux possesseurs des fonds et amena l'anéantissement de leur crédit: le prêteur ne sachant pas si la chose était déjà hypothéquée, refusait le prêt. Le législateur romain n'avait pas compris que le capital n'accourt en abondance pour se constituer sur hypothèques, que si la position légale du créancier est réglée d'une manière ferme et visible. Il n'avait pas découvert les bases du rang, et n'avait pas su créer pour le créancier hypothécaire un avantage égal à celui que lui offrait la possession dans le pignus.

Notre intention n'est pas de recommencer le procès de la législation hypothécaire romaine si souvent fait déjà, mais nous devons indiquer rapidement les raisons qui ont fait d'une construction théorique, irréprochable, un si mauvais instrument de crédit.

Le grand vice du système hypothécaire romain, est de faire aux tiers une situation fâcheuse par le défaut de publicité et de spécialité. Les hypothèques pouvant être générales, du moment que le débiteur avait un créancier hypothécaire, si faible que soit la créance garantie, il n'avait plus un seul fonds de libre, et son crédit subissait une atteinte hors de proportion avec

(1) Maynz, Cours de droit romain, t. I, § 240; 3. édit., p. 760.

la diminution de valeur de ses biens. En peu de temps presque tous les fonds se trouvaient engagés pour une valeur inconnue, vague, indéterminée, et le crédit était absolument déprécié. On a dit que les Romains avaient le plus détestable système hypothécaire qui se puisse imaginer. La raison peut s'en trouver dans l'ignorance où étaient les Romains des vraies notions du crédit. Dans la matière de l'hypothèque, il y a deux choses bien distinctes d'une part, la théorie juridique de l'hypothèque, et d'autre part la mise en œuvre de cette théorie ou le régime hypothécaire qui ne peut se baser que sur la publicité. Les Romains ont bien traité la partie juridique de l'hypothèque, mais leur ignorance des règles du crédit a été cause des vices du régime hypothécaire. Le capitaliste n'a de garantie pour le placement de son argent que s'il sait pour combien est déjà grevé le fonds qui veut emprunter. Le législateur a donc le devoir d'édicter des dispositions, permettant à tout intéressé de prendre connaissance de l'état réel des fonds, mais il n'existe dans le droit Romain que des moyens insuffisants pour arriver à ce but.

La législation grecque sans être irréprochable sur ce point offrait cependant moins d'inconvénients. La constitution de l'hypothèque était entourée de certaines mesures de publicité, la convention était signée de témoins, déposée aux mains d'un banquier, et peut-être transcrite sur un registre public, au moins pour les hypothèques sur les immeubles (1). En outre quand le créancier n'était pas mis en possession de l'héritage hypothéqué, il y plaçait des marques destinées à faire connaitre aux tiers que ce fonds était engagé, ces marques consistant en poteaux ou colonnes étaient appelées for.

Il semble résulter d'un passage de Demosthène, (1) Jourdan, De l'hypothèque, p. 148.

πрos pαivinπov (1) que l'apposition de ces marques de publicité était une condition de validité de l'hypothèque. Le client de Demosthène voulant savoir si le fonds de Cythère appartenant à Phénippe était hypothéqué, s'était transporté sur ce fonds et n'y ayant pas trouvé dopo avait sommé Phénippe d'en montrer. Celui-ci n'ayant pû le faire, Demosthène disait qu'il ne pouvait plus prétendre à l'existence d'aucune hypothèque sur ce fonds (2). Il est vrai que l'on dit généralement que la validité de l'hypothèque était indépendante de ces op. On peut, en effet, concevoir que la fragilité de ces moyens de publicité ne permettait pas d'y attacher un effet aussi considérable que l'existence même de l'hypothèque. Les textes peuvent être invoqués à l'appui de cette opinion, car le débiteur pouvait faire disparaitre cest sans supprimer le gage « ἅς νῦν αὐτοὺς ἀποστερεῖ καὶ τοὺς ὅρους ἀνέσπακεν » (Démosthène, роs Tuolεov. Edition Voemel, 1188-3). Le but de ces marques était d'assurer la preuve, et c'est à cela que Démosthène fait allusion, quand il dit que Timothée, arrachant les poteaux, a volé l'argent de ses créanciers.

Ces pot avaient en outre pour but d'empêcher l'acheteur de prétendre qu'il ne connaissait pas les hypothèques (3).

Ce moyen de publicité qu'employaient les Grecs était il est vrai, bien primitif, mais encore pouvait-il rendre des services; les Romains n'ont jamais rien connu de pareil.

Toutefois certains auteurs ont prétendu que les Romains avaient pratiqué l'usage des pot. Les textes cités en faveur de cette opinion (4), outre qu'ils ne mentiounent expressément ni le gage, ni l'hypo(1) Edition Vomel. 1040, 15.

(2) Loyseau, De l'action hypothécaire, liv. III, ch. I, § 21. (3) Dernburg, Das Pfandrecht, 1, p. 71.

(4) Loi 22, 82, D,, XLIII, 24 et loi 20, D., XLVII, 10.

thèque, peuvent très bien s'expliquer, sans qu'on y voie des applications d'un régime de publicité hypothécaire: le premier relate des incidents préliminaires d'un débat sur la possession entre deux revendiquants d'un immeuble, et le second prévoit l'apposition de scellés sur un immeuble, en l'absence du propriétaire, et sans le consentement de l'autorité compétente. Le titre 17 du livre II au Code, et les Novelles XVII ch. 15, et CLXIV, præfatio, qui sont aussi invoqués s'appliquent aux saisies et non aux hypothèques.

Le droit romain chercha à suppléer à la publicité par des mesures répressives, il obligea le débiteur qui constituait une hypothèque, à déclarer s'il y avait déjà des hypothèques sur le bien engagé (1); l'absence de cette déclaration était punie des peines du stellionnat, sauf toutefois si les hypothèques antérieures étaient tout à fait minimes (2). Cette menace d'une peine n'eut guère plus d'effet pratique qu'une loi de l'empereur Léon (3), d'après laquelle on devait donner la préférence aux hypothèques constituées par des actes publics, sur les hypothèques constituées privatim. Malgré ces mesures, les droits des créanciers hypothécaires demeurèrent incertains.

Puis le manque de toute forme à l'observation de laquelle on put lier la validité de l'hypothèque, amena dans ses conséquences à faire abstraction, dans des cas particuliers, de la convention comme cause génératrice de l'hypothèque. On ajouta à certaines obligations un gage sur les choses du débiteur, et on en arriva ainsi à la notion de l'hypothèque tacite, qui augmente la confusion d'autant plus que dans ces cas le gage accordé s'étend à tous les biens du débiteur.

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