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MORALISTES

FRANÇOIS.

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204

MORALISTES 223

FRANÇOIS.

PENSÉES DE BLAISE PASCAL;

RÉFLEXIONS, SENTENCES ET MAXIMES DE LA ROCHEFOUCAULD,

SUIVIES D'UNE RÉFUTATION PAR M. L. AIMÉ - - MARTIN;

CARACTÈRES DE LA BRUYÈRE;

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PENSÉES DE PASCAL.

VIE DE B. PASCAL,

ÉCRITE

PAR Mme PÉRIER, SA Soeur.

Mon frère naquit à Clermont, le 19 juin de l'année 1623. Mon père s'appeloit Etienne Pascal, président en la Cour des Aides, et ma mère Antoinette Begon. Dès que mon frère fut en âge qu'on lui pût parler, il donna des marques d'un esprit extraordinaire par les petites reparties qu'il faisoit fort à propos, mais encore plus par les questions qu'il faisoit sur la nature des choses, qui surprenoient tout le monde. Ce commencement, qui donnoit de belles espérances, ne se démentit jamais; car à mesure qu'il croissoit il augmentoit toujours en force de raisonnement, en sorte qu'il étoit toujours beaucoup au-dessus de son âge.

Cependant ma mère étant morte dès l'année 1626, que mon frère n'avoit que trois ans, mon père se voyant seul s'appliqua plus fortement au soin de sa famille, et comme il n'avoit point d'autres fils que celui-là, cette qualité de fils unique et les grandes marques d'esprit qu'il reconnut dans cet enfant lui donnèrent une si grande affection pour lui, qu'il ne put se résoudre à commettre son éducation à un autre, et se résolut dès-lors à l'instruire lui-même, comme il a fait; mon frère n'ayant jamais entré dans aucun college et n'ayant jamais eu d'autre maître que mon père.

En l'année 1634, mon père se retira à Paris, nous y mena tous, et y établit sa demeure. Mon frère, qui n'avoit que huit ans, reçut un grand avantage de cette retraite, dans le dessein que mon père avoit de l'élever; car il est sans doute qu'il n'auroit pas pu en prendre le même soin dans la province, où l'exercice de sa charge et les compagnies continuelles qui abordoient chez lui l'auroient beaucoup détourné mais il étoit à Paris dans une entière liberté; il s'y appliqua tout entier, et il eut tout le succès que purent avoir les soins d'un père aussi intelligent et aussi affectionné qu'on le puisse être.

Sa principale maxime dans cette éducation étoit de tenir toujours cet enfant au-dessus de son ouvrage, et ce fut par cette raison qu'il ne voulut point commencer à lui apprendre le latin qu'il n'eût douze ans, afin qu'il le fit avec plus de facilité.

Pendant cet intervalle, il ne le laissoit pas inutile, car il l'entretenoit de toutes les choses dont il le voyoit capable. Il lui faisoit voir en général ce que c'étoit que les langues; il lui montroit comme on les avoit réduites en grammaires sous de certaines règles; que ces règles avoient encore des exceptions qu'on avoit eu soin de remarquer; et qu'ainsi l'on avoit trouvé le moyen par là de rendre toutes les langues communicables d'un pays en un autre.

Cette idée générale lui débrouilloit l'esprit et lui faisoit voir la raison des règles de la grammaire, de sorte que, quand il vint à l'apprendre, il savoit pourquoi il le faisoit, et il s'appliquoit précisément aux choses à quoi il falloit le plus d'application.

Après ces connoissances, mon père lui en donna d'autres; il lui parloit souvent des effets extraordinaires de la nature, comme de la poudre à canon, et d'autres choses qui surprennent quand on les considère. Mon frère prenoit grand plaisir à cet entretien, mais il vouloit savoir la raison de toutes choses; et comme elles ne sont pas toutes connues, lorsque mon père ne les disoit pas, ou qu'il disoit celles qu'on allègue d'ordinaire, qui ne sont proprement que des défaites, cela ne le contentoit pas : car il a toujours eu une netteté d'esprit admirable pour discerner le faux; et on peut dire que toujours et en toutes choses la vérité a été le seul objet de son esprit, puisque jamais rien ne l'a pu satisfaire que sa connoissance. Ainsi dès son enfance il ne pouvoit se rendre qu'à ce qui lui paroissoit vrai évidemment; de sorte que, quand on ne lui disoit pas de bonnes raisons, il en cherchoit lui-même, et quand il s'étoit attaché à quelque chose, il ne la quittoit point qu'il n'en eût trouvé quelqu'une qui le pût satisfaire. Une fois entre autres quelqu'un ayant frappé à table un plat de faïence avec un couteau, il prit garde que cela rendoit un grand son, mais qu'aussitôt qu'on eut mis la main dessus, cela l'arrêta. Il voulut en même temps en savoir la cause, et cette expérience le porta

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