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tellement visibles, qu'il faut nécessairement que | que vous êtes, et regardez les bêtes dont vous

la véritable religion nous enseigne qu'il y a en lui quelque grand principe de grandeur, et en même temps quelque grand principe de misère. Car il faut que la véritable religion connoisse à fond notre nature; c'est-à-dire, qu'elle connoisse tout ce qu'elle a de grand et tout ce qu'elle a de misérable, et la raison de l'un et de l'autre. Il faut encore qu'elle nous rende raison des étonnantes contrariétés qui s'y rencontrent. S'il y a un seul principe de tout, une seule fin de tout, il faut que la vraie religion nous enseigne à n'adorer que lui et à n'aimer que lui. Mais comme nous nous trouvons dans l'impuissance d'adorer ce que nous ne connoissons pas, et d'aimer autre chose que nous, il faut que la religion, qui instruit de ces devoirs, nous instruise aussi de cette impuissance, et qu'elle nous en apprenne les remèdes.

Il faut, pour rendre l'homme heureux, qu'elle lui montre qu'il y a un Dieu; qu'on est obligé de l'aimer; que notre véritable félicité est d'être à lui, et notre unique mal d'être séparés de lui; qu'elle nous apprenne que nous sommes pleins de ténèbres qui nous empêchent de le connoître et de l'aimer; et qu'ainsi, nos devoirs nous obligeant d'aimer Dieu, et notre concupiscence nous en détournant, nous sommes pleins d'injustice. Il faut qu'elle nous rende raison de l'opposition que nous avons à Dieu et à notre propre bien; il faut qu'elle nous en enseigne les remèdes, et les moyens d'obtenir ces remèdes. Qu'on examine sur cela toutes les religions du monde, et qu'on voie s'il y en a une autre que la chrétienne qui y satisfasse.

Sera-ce celle qu'enseignoient les philosophes, qui nous proposent pour tout bien un bien qui est en nous? Est-ce là le vrai bien? Ont-ils trouvé le remède à nos maux? Est-ce avoir guéri la présomption de l'homme, que de l'avoir égalé à Dieu? Et ceux qui nous ont égalés aux bètes, et qui nous ont donné les plaisirs de la terre pour tout bien, ont-ils apporté le remède à nos concupiscences? Levez vos yeux vers Dieu, disent les uns voyez celui auquel vous ressemblez, et qui vous a fait pour l'adorer; vous pouvez vous rendre semblable à lui; la sagesse vous y égalera, si vous voulez la suivre. Et les autres disent: Baissez vos yeux vers la terre, chétif ver

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êtes le compagnon.

Que deviendra donc l'homme? Sera-t-il égal à Dieu ou aux bêtes? Quelle effroyable distance! Que serons-nous donc? Quelle religion nous enseignera à guérir l'orgueil et la concupiscence? Quelle religion nous enseignera notre bien, nos devoirs, les foiblesses qui nous en détournent, les remèdes qui peuvent les guérir, et le moyen d'obtenir ces remèdes? Voyons ce que nous dit sur cela la sagesse de Dieu, qui nous parle dans la religion chrétienne.

C'est en vain, ô homme! que vous cherchez dans vous-même le remède à vos misères. Toutes vos lumières ne peuvent arriver qu'à connoitre que ce n'est point en vous que vous trouverez ni la vérité ni le bien. Les philosophes vous l'ont promis, ils n'ont pu le faire'. Ils ne savent ni quel est votre véritable bien, ni quel est votre véritable état. Comment auroient-ils donné des remèdes à vos maux, puisqu'ils ne les ont pas seulement connus? Vos maladies principales sont l'orgueil, qui vous soustrait à Dieu, et la concupiscence, qui vous attache à la terre; et ils n'ont fait autre chose qu'entretenir au moins une de ces maladies. S'ils vous ont donné Dieu pour objet, ce n'a été que pour exercer votre orgueil. Ils vous ont fait penser que vous lui êtes semblable par votre nature. Et ceux qui ont vu la vanité de cette prétention vous ont jeté dans l'autre précipice, en vous faisant entendre que votre nature étoit pareille à celle des bêtes, et vous ont porté à chercher votre bien dans les concupiscences, qui sont le partage des animaux. Ce n'est pas là le moyen de vous instruire de vos injustices. N'attendez donc ni vérité, ni consolation des hommes. Je suis celle qui vous ai formé, et qui puis seule vous apprendre qui vous êtes. Mais vous n'êtes plus maintenant en l'état où je vous ai formé. J'ai créé l'homme, saint, innocent, parfait; je l'ai rempli de lumière et d'intelligence; je lui ai communiqué ma gloire et mes merveilles. L'œil de l'homme voyoit alors la majesté de Dieu. Il n'étoit pas dans les ténèbres qui l'aveuglent, ni dans la mortalité et dans les misères qui l'affligent. Mais il n'a pu soutenir tant de gloire sans tomber dans la présomption. Il a

'C'est-à-dire, n'ont pu trouver la vérité à l'aide des lumières de la raison.

que le mensonge : incapables d'ignorer absolument, et de savoir certainement ; tant il est manifeste que nous avons été dans un degré de perfection dont nous sommes malheureusement tombés!

voulu se rendre centre de lui-même, et indépen- | sentons une image de la vérité, et ne possédons dant de mon secours. Il s'est soustrait à ma domination; et s'égalant à moi par le desir de trouver sa félicité en lui-même, je l'ai abandonné à lui; et révoltant toutes les créatures qui lui étoient soumises, je les lui ai rendues ennemies: en sorte qu'aujourd'hui l'homme est devenu semblable aux bêtes, et dans un tel éloignement de moi, qu'à peine lui reste-t-il quelque lumière confuse de son auteur, tant toutes ses connoissances ont été éteintes ou troublées! Les sens, indépendants de la raison, et souvent maîtres de la raison, l'ont emporté à la recherche des plaisirs. Toutes les créatures ou l'affligent, ou le tentent, et dominent sur lui, ou en le soumettant par leur force, ou en le charmant par leurs douceurs: ce qui est encore une domination plus terrible et plus impérieuse.

Voilà l'état où les hommes sont aujourd'hui. Il leur reste quelque instinct puissant du bonheur de leur première nature, et ils sont plongés dans les misères de leur aveuglement et de leur concupiscence, qui est devenue leur seconde

nature.

II.

De ces principes que je vous ouvre, vous pouvez reconnoître la cause de tant de contrariétés qui ont étonné tous les hommes, et qui les ont partagés. Observez maintenant tous les mouvepartagés. Observez maintenant tous les mouve ments de grandeur et de gloire que le sentiment de tant de misères ne peut étouffer, et voyez s'il ne faut pas que la cause en soit une autre nature.

III.

Connoissez donc, superbe, quel paradoxe vous êtes à vous-même. Humiliez-vous, raison impuissante; taisez-vous, nature imbécile; apprenez que l'homme passe infiniment l'homme, et entendez de votre maître votre condition véritable, que vous ignorez.

Car enfin, si l'homme n'avoit jamais été corrompu, il jouiroit de la vérité et de la félicité avec assurance. Et si l'homme n'avoit jamais été que corrompu, il n'auroit aucune idée, ni de la vérité, ni de la béatitude. Mais malheureux que nous sommes, et plus que s'il n'y avoit aucune grandeur dans notre condition, nous avons une idée du bonheur, et ne pouvons y arriver; nous

Qu'est-ce donc que nous crie cette avidité et cette impuissance, sinon qu'il y a eu autrefois en l'homme un véritable bonheur, dont il ne lui reste maintenant que la marque et la trace toute vide, qu'il essaie inutilement de remplir de tout ce qui l'environne, en cherchant dans les choses absentes le secours qu'il n'obtient pas des présentes, et que les unes et les autres sont incapables de lui donner, parceque ce gouffre infini ne peut être rempli que par un objet infini et immuable?

IV.

Chose étonnante cependant, que le mystère le plus éloigné de notre connoissance, qui est celui de la transmission du péché originel, soit une chose dans laquelle nous ne pouvons avoir aucune connoissance de nous-mêmes! Car il est sans doute qu'il n'y a rien qui choque plus notre raison que de dire que le péché du premier homme ait rendu coupables ceux qui, étant si éloignés de cette source, semblent incapables d'y participer. Cet écoulement ne nous paroît très injuste: car qu'y a-t-il de plus contraire aux pas seulement impossible, il nous semble même règles de notre misérable justice que de damner éternellement un enfant incapable de volonté, pour un péché où il paroît avoir eu si peu de part, qu'il est commis six mille ans avant qu'il fût en être? Certainement rien ne nous heurte plus rudement que cette doctrine; et cependant, sans ce mystère, le plus incompréhensible de tous, nous sommes incompréhensibles à nousmêmes. Le noeud de notre condition prend ses retours et ses plis dans cet abyme. De sorte que l'homme est plus inconcevable sans ce mystère que ce mystère n'est inconcevable à l'homme.

Le péché originel est une folie devant les hommes; mais on le donne pour tel. On ne doit donc pas reprocher le défaut de raison en cette doctrine, puisqu'on ne prétend pas que la raison puisse y atteindre. Mais cette folie est plus sage que toute la sagesse des hommes : Quod stultum est Dei, sapientius est hominibus. (I. Cor., 1,25.)

Car, sans cela, que dira-t-on qu'est l'homme? | vanité, mais c'étoit en se précipitant dans le Tout son état dépend de ce point imperceptible. désespoir.

Et comment s'en fût-il aperçu par sa raison, puisque c'est une chose au-dessus de sa raison; et que sa raison, bien loin de l'inventer par ses voies, s'en éloigne quand on le lui présente?

V.

Ces deux états d'innocence et de corruption étant ouverts, il est impossible que nous ne les reconnoissions pas. Suivons nos mouvements, observons-nous nous-mêmes, et voyons si nous n'y trouverons pas les caractères vivants de ces deux natures. Tant de contradictions se trouve roient-elles dans un sujet simple?

Cette duplicité de l'homme est si visible, qu'il y en a qui ont pensé que nous avions deux ames: un sujet simple leur paroissant incapable de telles et si soudaines variétés, d'une présomption démesurée à un horrible abattement de

cœur.

Ainsi toutes ces contrariétés, qui sembloient devoir le plus éloigner les hommes de la connoissance d'une religion, sont ce qui doit plus tôt les conduire à la véritable.

Pour moi, j'avoue qu'aussitôt que la religion chrétienne découvre ce principe, que la nature des hommes est corrompue et déchue de Dieu, cela ouvre les yeux à voir par-tout le caractère de cette vérité : car la nature est telle, qu'elle marque par-tout un Dieu perdu, et dans l'homme,

et hors de l'homme.

Sans ces divines connoissances, qu'ont pu faire les hommes, sinon, ou s'élever dans le sentiment intérieur qui leur reste de leur grandeur passée, ou s'abattre dans la vue de leur foiblesse présente? Car, ne voyant pas la vérité entière, ils n'ont pu arriver à une parfaite vertu. Les uns, considérant la nature comme interrompue, les autres comme irréparable, ils n'ont pu fuir, ou l'orgueil, ou la paresse, qui sont les deux sources de tous les vices; puisqu'ils ne pouvoient, sinon, ou s'y abandonner par lâcheté, ou en sortir par l'orgueil. Car s'ils connoissoient l'excellence de l'homme, ils en ignoroient la corruption; de sorte qu'ils évitoient bien la paresse, mais ils se perdoient dans l'orgueil. Et s'ils reconnoissoient l'infirmité de la nature, ils en ignoroient la dignité; de sorte qu'ils pouvoient bien éviter la

De là viennent les diverses sectes des stoïciens et des épicuriens, des dogmatistes et des académiciens, etc. La seule religion chrétienne a pu guérir ces deux vices, non pas en chassant l'un et l'autre par la sagesse de la terre, mais en chassant l'un et l'autre par la simplicité de l'Évangile. Carelle apprend aux justes, qu'elle élève jusqu'à la participation de la Divinité même, qu'en ce sublime état ils portent encore la source de toute la corruption, qui les rend, durant toute la vie, sujets à l'erreur, à la misère, à la mort, au péché ; et elle crie aux plus impies qu'ils sont capables de la grace de leur Rédempteur. Ainsi, donnant à trembler à ceux qu'elle justifie, et consolant ceux qu'elle condamne, elle tempère avec tant de justesse la crainte avec l'espérance, par cette double capacité qui est commune à tous, et de la grace et du péché, qu'elle abaisse infiniment plus que la seule raison ne peut faire, mais sans désespérer; et qu'elle élève infiniment plus que l'orgueil de la nature, mais sans enfler: faisant bien voir par-là qu'étant seule exempte d'erreur et de vice, il n'appartient qu'à elle, et d'instruire, et de corriger les hommes.

VI.

ni la nature de son péché, ni la transmission qui Nous ne concevons ni l'état glorieux d'Adam, s'en est faite en nous. Ce sont choses qui se sont passées dans un état de nature tout différent du Ainsi tout cela nous est inutile à savoir pour sornôtre, et qui passent notre capacité présente. tir de nos misères; et tout ce qu'il nous importe de connoître, c'est que par Adam nous sommes rachetés par Jésus-Christ; et c'est de quoi nous misérables, corrompus, séparés de Dieu, mais avons des preuves admirables sur la terre.

VII.

Le christianisme est étrange! Il ordonne à l'homme de reconnoître qu'il est vil, et même abominable; et il lui ordonne en même temps de vouloir être semblable à Dieu. Sans un tel contre-poids, cette élévation le rendroit horriblement vain, ou cet abaissement le rendroit horriblement abject.

La misère porte au désespoir : la grandeur | sont capables d'être unis à Dieu, n'est autre chose inspire la présomption.

VIII.

L'incarnation montre à l'homme la grandeur de sa misère, par la grandeur du remède qu'il a fallu.

IX.

On ne trouve pas dans la religion chrétienne un abaissement qui nous rende incapables du bien, ni une sainteté exempte du mal. Il n'y a point de doctrine plus propre à l'homme que celle-là, qui l'instruit de sa double capacité de recevoir et de perdre la grace, à cause du double péril où il est toujours exposé, de désespoir ou d'orgueil.

X.

Les philosophes ne prescrivoient point des sentiments proportionnés aux deux états. Ils inspiroient des mouvements de grandeur pure, et ce n'est pas l'état de l'homme. Ils inspiroient des mouvements de bassesse pure, et c'est aussi peu l'état de l'homme. Il faut des mouvements de bassesse, non d'une bassesse de nature, mais de pénitence; non pour y demeurer, mais pour aller à la grandeur. Il faut des mouvements de grandeur, mais d'une grandeur qui vienne de la grace, et non du mérite, et après avoir passé par la bassesse.

XI.

Nul n'est heureux comme un vrai chrétien, ni raisonnable, ni vertueux, ni aimable. Avec combien peu d'orgueil un chrétien se croit-il unià Dieu! avec combien peu d'abjection s'égalet-il aux vers de la terre!

Qui peut donc refuser à ces célestes lumières de les croire et de les adorer? Car n'est-il pas plus clair que le jour que nous sentons en nousmêmes des caractères ineffaçables d'excellence? Et n'est-il pas aussi véritable que nous éprouvons à toute heure les effets de notre déplorable condition? Que nous crie donc ce chaos et cette confusion monstrueuse, sinon la vérité de ces deux états, avec une voix si puissante, qu'il est impossible d'y résister?

XII.

que la vue de leur bassesse. Mais s'ils l'ont bien sincère, qu'ils la suivent aussi loin que moi, et qu'ils reconnoissent que cette bassesse est telle en effet, que nous sommes par nous-mêmes incapables de connoître si sa miséricorde ne peut pas nous rendre capables de lui. Car je voudrois bien savoir d'où cette créature, qui se reconnoît si foible, a le droit de mesurer la miséricorde de Dieu, et d'y mettre les bornes que sa fantaisie lui suggère. L'homme sait si peu ce que c'est que Dieu, qu'il ne sait pas ce qu'il est lui-même ; et tout troublé de la vue de son propre état, il ose dire que Dieu ne peut pas le rendre capable de sa communication! Mais je voudrois lui demander si Dieu demande autre chose de lui, sinon qu'il l'aime et le connoisse; et pourquoi il croit que Dieu ne peut se rendre connoissable et aimable à lui, puisqu'il est naturellement capable d'amour et de reconnoissance. Car il est sans doute qu'il connoît au moins qu'il est, et qu'il aime quelque chose. Donc s'il voit quelque chose dans les ténèbres où il est, et s'il trouve quelque sujet d'amour parmi les choses de la terre, pourquoi, si Dieu lui donne quelques rayons de son essence, ne sera-t-il pas capable de le connoître et de l'aimer en la manière qu'il lui plaira de se communiquer à lui? Il y a donc sans doute une présomption insupportable dans ces sortes de raisonnements, quoiqu'ils paroissent fondés sur une humilité apparente, qui n'est ni sincère, ni raisonnable, si elle ne nous fait confesser que, ne sachant de nous-mêmes qui nous sommes, nous ne pouvons l'apprendre que de Dieu.

ARTICLE VI.

Soumission et usage de la raison.

I.

La dernière démarche de la raison, c'est de connoître qu'il y a une infinité de choses qui la surpassent. Elle est bien foible si elle ne va jusque-là. Il faut savoir douter où il faut, assurer où il faut, se soumettre où il faut. Qui ne fait ainsi, n'entend pas la force de la raison. Il y en a qui pèchent contre ces trois principes, ou en assurant tout comme démonstratif, manque de

Ce qui détourne les hommes de croire qu'ils se connoître en démonstrations; ou en doutant

de tout, manque de savoir où il faut se soumettre; | disgrace. Elle consiste à connoître qu'il y a une opposition invincible entre Dieu et nous; et que, sans un médiateur, il ne peut y avoir de com

ou en se soumettant en tout, manque de savoir où il faut juger.

II.

Si on soumet tout à la raison, notre religion n'aura rien de mystérieux ni de surnaturel. Si on choque les principes de la raison, notre religion sera absurde et ridicule.

La raison, dit saint Augustin, ne se soumettroit jamais, si elle ne jugeoit qu'il y a des occasions où elle doit se soumettre. Il est donc juste qu'elle se soumette quand elle juge qu'elle doit se soumettre; et qu'elle ne se soumette pas, quand elle juge avec fondement qu'elle ne doit pas le faire mais il faut prendre garde à ne pas se tromper.

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Ceux qui croient sans avoir examiné les preuves de la religion, croient parcequ'ils ont une

La piété est différente de la superstition. Pous-disposition intérieure toute sainte, et que ce ser la piété jusqu'à la superstition, c'est la détruire. Les hérétiques nous reprochent cette soutruire. Les hérétiques nous reprochent cette soumission superstitieuse. C'est faire ce qu'ils nous reprochent, que d'exiger cette soumission dans les choses qui ne sont pas matière de soumission. Il n'y a rien de si conforme à la raison que le désaveu de la raison dans les choses qui sont de foi, et rien de si contraire à la raison que le désaveu de la raison dans les choses qui ne sont pas de foi. Ce sont deux excès également dangereux, d'exclure la raison, de n'admettre la raison.

IV.

que

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Si j'avois vu un miracle, disent quelques gens, je me convertirois. Ils ne parleroient pas ainsi, s'ils savoient ce que c'est que conversion. Ils s'imaginent qu'il ne faut pour cela que reconnoître qu'il y a un Dieu, et que l'adoration consiste à lui tenir de certains discours, tels àpeu-près que les païens en faisoient à leurs idoles. La conversion véritable consiste à s'anéantir devant cet Être souverain qu'on a irrité tant de fois, et qui peut nous perdre légitimement à toute heure; à reconnoître qu'on ne peut rien sans lui, et qu'on n'a rien mérité de lui que sa

qu'ils entendent dire de notre religion y est con-
veulent aimer que lui; ils ne veulent haïr qu'eux-
forme. Ils sentent qu'un Dieu les a faits. Ils ne
mêmes. Ils sentent qu'ils n'en ont pas la force;
qu'ils sont incapables d'aller à Dieu; et que, si
Dieu ne vient à eux, ils ne peuvent avoir aucune
communication avec lui. Et ils entendent dire
dans notre religion qu'il ne faut aimer que Dieu,
et ne haïr que soi-même : mais qu'étant tous
corrompus et incapables de Dieu, Dieu s'est fait
homme s'unir à nous. Il n'en faut
pour
da-
pas
vantage pour persuader des hommes qui ont
cette disposition dans le cœur, et cette connois-
sance de leur devoir et de leur incapacité.

VIII.

Ceux que nous voyons chrétiens sans la connoissance des prophéties et des preuves, ne laissent pas d'en juger aussi bien que ceux qui ont cette connoissance. Ils en jugent par le cœur comme les autres en jugent par l'esprit. C'est Dieu lui-même qui les incline à croire; et ainsi ils sont très efficacement persuadés.

J'avoue bien qu'un de ces chrétiens qui croient sans preuves n'aura peut-être pas de quoi convaincre un infidèle qui en dira autant de soi. Mais ceux qui savent les preuves de la religion prouveront sans difficulté que ce fidèle est véritablement inspiré de Dieu, quoiqu'il ne pût le prouver lui-même.

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