Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

En vous remerciant. Mais vous êtes trop sensible; vous pardonnez trop aux faux raisonnements en faveur de quelque éloquence. D'où vient que quelque chose est, et qu'il ne se peut pas faire que le rien soit, si ce n'est parceque l'être vaut mieux que le rien?

Voilà un franc discours de Platon. Le rien n'est pas, parcequ'il est contradictoire que le rien soit; parcequ'on ne peut admettre la contradiction dans les termes. Il s'agit bien là du meilleur! On est toujours dans ces hauteurs à côté d'un abyme. Je vous embrasse, je vous aime autant que je vous admire.

LETTRE IV.

VOLTAIRE.

A Versailles, le 7 janvier 1745.

I

Le dernier ouvrage que vous avez bien voulu m'envoyer, monsieur, est une nouvelle preuve de votre grand goût dans un siècle où tout me semble un peu petit, et où le faux belesprit s'est mis à la place du génie.

leau et sur Molière. Je conviendrois sans doute que Molière est inégal dans ses vers; mais je ne conviendrois pas qu'il ait choisi des personnes et des sujets trop bas. Les ridicules fins et déliés dont vous parlez ne sont agréables que pour un petit nombre d'esprits déliés. Il faut au public des traits plus marqués. De plus, ces ridicules si délicats ne peuvent guère fournir des personnages de théâtre. Un défaut presque imperceptible n'est guère plaisant. Il faut des ridicules forts, des impertinences dans lesquelles il entre de la passion, qui soient propres à l'intrigue; il faut un joueur, un avare, un jaloux, etc. Je suis d'autant plus frappé de cette vérité, que je suis actuellement occupé d'une fête pour le mariage de M. le Dauphin, dans laquelle il entre une comédie; et je m'aperçois plus que jamais que ce délié, ce fin, ce délicat, qui font le charme de la conversation, ne conviennent guère au théâtre. C'est cette fète qui m'empêche d'entrer avec vous, monsieur, dans un plus long détail, et de vous soumettre mes idées; mais rien ne m'empêche de sentir le plaisir que me donnent les vôtres.

Je ne prêterai à personne le dernier manuscrit que vous avez eu la bonté de me confier. Je ne puis refuser le premier à une personne digne d'en être touchée. La singularité frappante de cet ouvrage, en faisant des admirateurs, a fait nécessairement des indiscrets. L'ouvrage a couru; il est tombé entre les mains de M. de La Bruère, qui, n'en connoissant pas l'auteur, a voulu, dit-on, en enrichir son Mercure. Ce monsieur de La Bruère est un homme de mérite et de goût. Il faudra que vous lui pardonniez, Iln'aura pas toujours de pareils présents à faire au public. J'ai voulu en arrêter l'impression, Je crois que si on s'est servi du terme d'in-mais on m'a dit qu'il n'en étoit plus temps. stinct pour caractériser La Fontaine, ce mot Avalez, je vous prie, ce petit dégoût, si vous instinct signifioit génie. Le caractère de ce bon haïssez la gloire. homme étoit si simple, que dans la conversation il n'étoit guère au-dessus des animaux qu'il faisoit parler; mais, comme poëte, il avoit un instinct divin, et d'autant plus instinct, qu'il n'avoit que ce talent. L'abeille est admirable, mais c'est dans sa ruche; hors de là l'abeille n'est qu'une mouche.

J'aurois bien des choses à vous dire sur Boi-
Réflexions critiques sur quelques poëtes.

Votre état me touche à mesure que je vois les productions de votre esprit, si vrai, si naturel, si facile et quelquefois si sublime. Qu'il serve à vous consoler, comme il servira à me charmer. Conservez-moi une amitié que vous devez à celle que vous m'avez inspirée.

Adieu, monsieur, je vous embrasse tendrement.

VOLTAIRE.

[ocr errors]

LETTRE V.

Ce samedi au soir, 12 mai 1746.

J'ai apporté à Paris, monsieur, la lettre que je vous avois écrite à Versailles. Elle ne vous en sera que plus tôt rendue. J'y ajoute que la reine veut vous lire, qu'elle en a l'empressement que vous devez inspirer, et que, si vous avez un exemplaire que vous vouliez bien m'envoyer, il lui sera rendu demain matin de votre part. Je ne doute pas qu'ayant lu l'ouvrage, elle n'ait autant d'envie de connoître l'auteur, que j'en ai d'être honoré de son amitié.

LETTRE VI.

VOLTAIRE.

Versailles, mar 1746.

J'ai usé, mon très aimable philosophe, de la permission que vous m'avez donnée. J'ai crayonné un des meilleurs livres que nous ayons en notre langue, après l'avoir relu avec un extrême recueillement. J'y ai admiré de nouveau cette belle ame, si sublime, si éloquente et si vraie; cette foule d'idées neuves ou rendues d'une manière si hardie, si précise; ces coups de pinceau si fiers et si tendres. Il ne tient qu'à vous de séparer cette profusion de diamants de quelques pierres fausses ou enchâssées d'une manière étrangère à notre langue. Il faut que ce livre soit excellent d'un bout à l'autre. Je vous conjure de faire cet honneur à notre nation et à vous-même, et de rendre ce service à l'esprit humain. Je me garde bien d'insister sur mes critiques; je les soumets à votre raison, à votre goût, et j'exclus l'amour-propre de notre tribunal. J'ai la plus grande impatience de vous embrasser. Je vous supplie de dire à notre ami Marmontel qu'il m'envoie sur-lechamp ce qu'il sait bien; il n'a qu'à l'adresser par la poste chez M. d'Argenson, ministre des Affaires-Étrangères, à Versailles. Il faut deux enveloppes, la première à moi, la dernière à M. d'Argenson.

Adieu, belle ame et beau génie.

VOLTAIRE.

1 Introduction à la connoissance de l'esprit humain, imprimé pour la première fois en 1746.

LETTRE VII.

Ce samedi, mai 1746.

Je ne sais où trouver M. de Marmontel et son Pylade; mais je m'adresse au héros de l'amitié, pour faire passer jusqu'à eux le chagrin que me cause la petite tribulation arrivée à leurs feuilles, et l'empressement que j'aurai à les ser vir. Les recherches qu'on a faites par ordre de la Cour chez tous les libraires, au sujet du libelle de Roy, sont cause de ce malheur. On cherchoit des poisons, et on a saisi de bons remèdes. Voilà le train de ce monde. Ce misérable Roy n'est né que pour faire du mal; mais je me flatte que cette aventure pourra servir à faire discerner ceux qui méritent la protection du Gouvernement et du public: c'est à quoi je vais travailler avec plus de chaleur qu'à mon discours de l'Académie.

J'embrasse tendrement celui dont je voudrois avoir les pensées et le style, et dont j'ai les sentiments, et je prie le plus aimable des hommes de m'aimer un peu.

VOLTAIRE.

LETTRE VIII.

Mai 1746.

Quoi! la maladie m'empêche d'aller voir le plus aimable de tous les hommes, et ne m'empêche pas d'aller à Versailles! Je rougis et je gémis de cette cruelle contradiction, et je ne peux me consoler qu'en me plaignant à vous de moi-même. Vous m'avez laissé des choses admirables dans lesquelles je vois que vous m'aimez. Je vous jure que je vous le rends bien : je sens combien il est doux d'être aimé d'un génie tel que le vôtre. Je vous supplie, monsieur, si vous voyez MM. les observateurs 1, de leur dire que je viens de m'apercevoir d'une faute énorme du copiste dans la petite lettre au roi de Prusse. Comme un carré long est une contradiction; il faut : Comme un carré plus long que large est une contradiction.

Adieu. Que j'ai de choses à vous dire et à entendre!

VOLTAIRE.

Voltaire désigne l'Observateur littéraire, journal qui parut en 1746, et dont les auteurs étoient Marmontel et Bauvin.

LETTRE IX.

Paris, samedi, 26 mai 1746.

gnes de votre ame et du petit nombre d'hommes de goût et de génie qui restent encore dans

Nos amis, monsieur, peuvent continuer leurs Paris, et qui méritent de vous lire. Mais plus feuilles. M. de Boze fermera les yeux; mais il ment qui domine en yous, plus je suis affligé j'admire cet esprit de profondeur et de sentifaut les fermer aussi avec lui, et ignorer qu'il que vous me refusiez vos lumières. Vous avez veut ignorer cette contrebande de journal. Le lu superficiellement une tragédie pleine de chevalier de Quinsonas a abandonné son Specta-fautes de copiste, sans daigner même vous inteur. Il ne s'agit plus pour les observateurs que de trouver un libraire accommodant et honnête homme: ce qui est plus difficile que de faire un bon journal. Qu'ils se conduisent avec prudence, et tout ira bien. Je vous attends à deux heures et demie.

LETTRE X.

VOLTAIRE.

Ce lundi, 28 mai 1746.

former de ce qui pouvoit être à la place de vingt sottises inintelligibles qui étoient dans le manuscrit. Vous ne m'avez fait aucune critique. J'en suis d'autant plus fâché contre vous, que je le suis contre moi-même, et je crains d'avoir fait un ouvrage indigne d'être jugé par vous. Cependant je méritois vos avis, et par le cas infini que j'en fais, et par mon amour pour la vérité, et par une envie de me corriger qui ne craint

pour vous.

VOLTAIRE.

J'ai peur d'être né dans le temps de la déca-jamais le travail, et enfin par ma tendre amitié dence des lettres et du goût; mais vous êtes venu empêcher la prescription, et vous me tiendrez lieu du siècle qui me manque. Bonjour, homme aimable et homme de génie. Vous me ranimez, et je vous en ai bien de l'obligation. Je vous soumettrai mes sentiments et mes ouvra

ges. Votre société m'est aussi chère que votre goût m'est précieux.

LETTRE XI.

VOLTAIRE.

Mai 1746.

LETTRE XII.

Mai 1746.

Je vais lire vos portraits. Si jamais je veux faire celui du génie le plus naturel, de l'homme du plus grand goût, de l'ame la plus haute et la plus simple, je mettrai votre nom au bas. Je vous embrasse tendrement.

VOLTAIRE.

1 Sémiramis, représentée deux ans plus tard, le 29 septem

La plupart de vos pensées me paroissent di- | bre 1748.

[ocr errors][merged small]

TABLE ANALYTIQUE

DES PENSÉES DE PASCAL.

A.

Abaissement de l'homme dans la religion ne le rend pas

incapable du bien. Page 95.

ABEL et CAÏN. 121.

Abjection de l'homme. 150.

ABRAHAM: promesse que Dieu lui fit. 89.

[ocr errors]

Pourquoi Dieu fit naître de lui le peuple juif. 99.

Fausses idées des Juifs sur ce patriarche. Ibid. Absurdités où se jette l'esprit de l'homme. 142. Académiciens anciens, stoïciens, épicuriens, dogmatistes: origine de leurs écarts. 94.

Acceptation que Dieu fait du sacrifice, couronne l'oblation de l'hostie. 145.

est plutôt une action de Dieu vers la créature que de la créature vers Dieu. Ibid. et suir.

Acte. le dernier de la vie est toujours sanglant. 138. Action dans la grace, la moindre action importe, pour les suites, à tout. 142.

Actions les belles actions cachées sont les plus estimables. 60.

- Le peu par où elles ont paru diminue leur mérite. Ibid. Deux sources des actions purement humaines. 159. ADAM, témoin et dépositaire de la promesse du Messie. 88. Sa tradition transmise par Noé et par Moïse. 89. Nous ne pouvons comprendre la transmission de son péché. 94.

-Par lui nous sommes misérables, mais rachetés par Jésus-Christ. Ibid.

Admirateurs: goujat, marmiton et philosophe, chacun veut en avoir. 42.

Affection ou haine, sources d'erreur. 47.
Afflictions: le temps les amortit. 63.

-

[ocr errors]
[ocr errors]

temporelles couvrent les biens éternels où elles conduisent. 123.

Il faut tâcher de ne s'affliger de rien. 131.

Peu de chose nous console, parceque peu de chose nous afflige. 61.

Sentiments qu'il faut avoir dans les afflictions. 148. Agitations: l'homme cherche le repos par l'agitation. 52. - de l'esprit ne font pas notre mérite. 131. Agréer (méthode d'), difficile à démontrer. 34. Agrément. Voyez Beauté.

Aimable nul n'est aimable comme un vrai chrétien. Voyez Amour. 95.

Alcoran. Parallèle entre l'Alcoran et les divines Écritures. 114.

ALEXANDRE LE GRAND agit, sans le savoir, pour la gloire de l'Evangile. Page 115.

On imite plutôt ses vices que ses vertus. 61.
Parallèle entre lui et César. 63.

Alliance ancienne de Dieu avec les Juifs. 105.

Elle figuroit la nouvelle alliance de Jésus-Christ avec les hommes. Ibid.

Ame: l'esprit et le cœur sont les portes par où elle reçoit les vérités. 33.

est jetée dans le corps pour y faire un séjour de peu de durée. 50.

ne trouve rien en elle qui la contente. Ibid.

- ne s'offre jamais simple à aucun sujet; ses diverses inclinations. 62.

- Rien n'est simple de ce qui s'offre à l'ame. Ibid. ne se tient pas aux grands efforts de l'esprit. 67. Son immortalité difficile à prouver par des raisons naturelles. 85.

chrétienne, sa sainteté, sa hauteur, son humilité. 91. Duplicité de l'homme en a fait admettre deux. 94.

Il importe à toute la vie de savoir si elle est mortelle ou immortelle. 81, 130.

Indubitable qu'elle est mortelle ou immortelle. 138. Incompréhensible qu'elle soit avec le corps; que nous n'en ayons pas. 144.

- Il n'est point parfaitement clair qu'elle soit matérielle. Ibid.

souffre et meurt au péché dans la pénitence et le baptême. 148.

quitte la terre et monte au ciel en menant une vie céleste. Ibid.

Parallèle de la mort du corps avec la mort de l'ame. Ibid.

Amis utilité des vrais amis; importance de leur choix. 64. Combien ils sont rares. Ibid.

Amitiés peu subsisteroient, si chacun savoit ce que son ami dit de lui en son absence. 44.

Combien est fragile l'amitié des hommes, et même des grands. 62.

Amour les effets en sont effroyables. 63.

[ocr errors]

Nous ne sommes pas dignes d'ètre aimés. 1535, 157.
Objet légitime de l'amour, ses désordres. 157.
La comédie fait naître l'amour. 159.

Sa violence plait à notre amour-propre. Ibid. Amour-propre et Moi humain sa nature est de n'aimer que soi. 42.

est opposé à la vérité et à la justice. 137.

« PreviousContinue »