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n'aie pas grande connoissance là-dessus, je ne puis du tout y souscrire.

CCXL.

CCXLIV.

Quelque service que l'on rende aux hommes, on ne leur fait jamais autant de bien qu'ils croient en mériter.

CCXLV.

La familiarité et l'amitié font beaucoup d'ingrats. CCXLVI.

Les grandes vertus excitent les grandes ja

Tous ceux qui ont l'esprit conséquent ne l'ont pas juste. Ils savent bien tirer des conclusions d'un seul principe, mais ils n'aperçoivent pas toujours tous les principes et toutes les faces des choses. Ainsi ils ne raisonnent que sur un côté, et ils se trompent. Pour avoir l'esprit toujours juste, il ne suffit pas de l'avoir droit, il faut encore l'avoir étendu. Mais il y a peu d'es-lousies. Les grandes générosités produisent les prits qui voient en grand, et qui en même temps sachent conclure: aussi n'y a-t-il rien de plus rare que la véritable justesse. Les uns ont l'esprit conséquent, mais étroit; ceux-là se trompent sur toutes les choses qui demandent de grandes vues. Les autres embrassent beaucoup, mais ils ne tirent pas si bien des consé quences; et tout ce qui demande un esprit droit, les met en danger de se perdre.

CCXLI.

Nous ne savons pas beaucoup de gré à nos amis d'estimer nos bonnes qualités, s'ils osent seulement s'apercevoir de nos défauts. Nous voudrions sottement des hommes qui fussent clairvoyants sur nos vertus et aveugles sur nos foiblesses.

CCXLII.

475. On peut penser beaucoup de mal d'un homme, et être tout-à-fait de ses amis: car on sait bien que les plus honnêtes gens ont leurs défauts, quoiqu'on suppose tout haut le contraire; et nous ne sommes pas si délicats que nous ne puissions aimer que la perfection. On peut aussi beaucoup médire de l'espèce humaine, sans être en aucune manière misanthrope, parcequ'il y a des vices que l'on aime, même dans autrui.

CCXLIII.

179. Si nos amis nous rendent de bons offices, nous pensons qu'à titre d'amis ils nous les doivent, et nous ne pensons point du tout qu'ils ne nous doivent pas leur amitié.

grandes ingratitudes. Il en coûte trop d'être juste envers le mérite éminent.

CCXLVII.

ni la richesse ne peut élever les ames basses. Ni la pauvreté ne peut avilir les ames fortes, On cultive la gloire dans l'obscurité; on souffre l'opprobre dans la grandeur. La fortune, qu'on croit si souveraine, ne peut presque rien sans la nature.

CCXLVIII.

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202. O pompe des cieux! qu'êtes-vous? Nous avons surpris le secret et l'ordre de vos mouvements. Dans la main d'un roi invisible, esclaves soumis et ressorts peut-être insensibles, le monde sur qui vous régnez mériteroit-il nos hommages? Les révolutions des empires, la diverse face des temps, les nations qui ont dominé, et les hommes qui ont fait la destinée de ces nations mêmes, les principales opinions et les coutumes qui ont partagé la créance des

462. Socrate savoit beaucoup moins que F.... peuples dans la religion, les arts, la morale et Il y a peu de sciences utiles.

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les sciences, tout cela que peut-il paroître? Un homme, du creux d'un rocher, et comme un atome invisible sur la terre, embrasse en quelque sorte d'un coup d'oeil le spectacle de l'univers dans tous les âges.

CCLXIV.

211. J'aime un écrivain qui embrasse tous les temps et tous les pays, et rapporte beaucoup d'effets à peu de causes ; qui compare les préjugés et les mœurs de différents siècles; qui, par des exemples tirés de la musique et de la peinture, me fait connoître les beautés de l'é

La science des mœurs ne donne pas celle des loquence et l'étroite liaison des arts. Je dis d'un hommes.

CCLIX.

L'esprit enveloppe les simplicités de la nature pour s'en attribuer l'honneur.

CCLX.

487. La présence d'esprit est plus nécessaire à un négociateur qu'à un ministre. Les grandes places dispensent quelquefois des moindres

talents.

CCLXI.

488. Quelque mérite qu'il puisse y avoir à négliger les grandes places, il est pourtant vrai qu'elles passent notre esprit.

CCLXII.

197. Le dégoût est un témoignage d'indigestion et de foiblesse.

homme qui rapproche ainsi les choses humaines, qu'il les voit en grand, si les conséquences sont justes; car, s'il conclut mal, il voit mal et n'a pas l'esprit étendu.

CCLXV.

215. Savoir bien rapprocher les choses, voilà l'esprit juste. Le don de rapprocher beaucoup de choses et de grandes choses, c'est l'esprit

étendu : de-là l'exclusion naturelle de tout esprit faux.

CCLXVI.

216. Un homme qui digère mal et qui est vorace, c'est l'image de beaucoup d'esprits.

CCLXVII.

Chaque condition a ses erreurs et ses lumières; chaque peuple a ses mœurs et son génie selon sa fortune. Les Grecs, que nous avons

• Fontenelle. — Vauvenargues a dit la même chose de Bayle. passés en délicatesse, nous passoient en sim

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CCLXVIII.

495. Tout ce que nous prenons pour des défauts n'est pas tel.

CCLXIX.

La raison et le sentiment se conseillent et se

suppléent tour-à-tour. Quiconque ne consulte qu'un des deux et renonce à l'autre, s'affoiblit lui-même, et trompe par son imprudence les sages précautions de la nature.

CCLXX.

498. L'intérêt d'une seule passion souvent malheureuse tient quelquefois toutes les autres en captivité; et notre raison enchaînée porte ses fers sans pouvoir les rompre..

CCLXXI.

CCLXXVII.

N'avoir nulle vertu ou nul défaut est également sans exemple.

CCLXXVIII.

293. On suppose que ceux qui servent la vertu par intérêt la trahiroient pour le vice utile. Point du tout l'intérêt d'un esprit bien fait ne se trouve guère dans le vice, et son inclination ou sa raison y répugnent trop for

tement.

CCLXXIX.

Si la vertu se suffisoit à elle-même, elle ne seroit plus une qualité humaine, mais surnaturelle.

CCLXXX.

262. Des auteurs sublimes n'ont pas négligé de primer encore par les agréments, flattés de

Il n'y a point de gloire achevée sans celle des remplir l'intervalle qui sépare les extrémités,

armes.

CCLXXII.

La gloire embellit les héros.

CCLXXIII.

et de contenter tous les goûts. Le public, au lieu d'applaudir à l'universalité de leurs talents, a cru qu'ils étoient incapables de se soutenir dans l'héroïque, et on n'ose les égaler à ces grands hommes qui, soigneux de conserver dans tous leurs écrits un caractère plein de di

On est encore bien éloigné de plaire, quand gnité et de noblesse, paroissent avoir dédaigné on n'a que de l'esprit.

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265. Je n'ôte rien à l'illustre Racine, le plus sage et le plus éloquent des poëtes, pour n'avoir pas traité beaucoup de choses qu'il eût embellies; content d'avoir montré dans un seul genre la richesse et la sublimité de son esprit. hardi et fécond, élevé, pénétrant, facile, plein Mais je me sens forcé de respecter un génie de force; aussi vif et ingénieux dans les petites choses que vrai et pathétique dans les grandes ; toujours clair, concis et brillant; philosophe et poëte illustre au sortir de l'enfance; répandant sur tous ses écrits l'éclatante et forte lumière de son jugement; instruit dans la fleur de son âge de toutes les connoissances utiles au genre humain; amateur et juge éclairé de tous les arts; savant à imiter toutes sortes de beautés par la

CCLXC.

grande étendue de son génie, et maître dans | modération, qui n'est que paresse et vanité. les genres les plus opposés. J'admire la vivacité de son esprit, sa délicatesse, son érudition et cette vaste intelligence qui comprend si distinctement tant de faits et d'objets divers. Bien loin de critiquer ses endroits foibles ou ses fautes, je m'étonne qu'ayant osé se montrer sous tant de faces, on ait si peu de choses à lui reprocher.

CCLXXXII.

Ceux qui ne nous proposent que des paradoxes et des contradictions imaginaires sont les charlatans de la morale.

CCLXXXIII.

274. Qui a le plus a, dit-on, le moins. Cela est faux. Le roi d'Espagne, tout puissant qu'il est, ne peut rien à Lucques. Les bornes des talents sont encore plus inébranlables que celles des empires, et on usurperoit plutôt toute la terre que la moindre vertu.

CCLXXXIV.

253. Les chagrins et les joies de la fortune se taisent à la voix de la nature, qui la passe en rigueur comme en bonté.

CCLXXXV.

599. La solitude est à l'esprit ce que la diète est au corps, mortelle lorsqu'elle est trop longue, quoique nécessaire.

CCLXXXVI.

Il y a peu de situations désespérées pour un esprit ferme qui combat à force inégale, mais avec courage, la nécessité.

CCLXXXVII.

595. Nous sied-il de braver la mort, nous qu'on voit inquiets et tremblants pour les plus petits intérêts?

CCLXXXVIII.

Nous louons souvent les hommes de leur foiblesse, et nous les blâmons de leur force.

CCLXXXIX.

73. Le foible s'applaudit lui-même de sa

Les siècles savants ne l'emportent guère sur les autres, qu'en ce que leurs erreurs sont plus utiles. CCXCI.

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CCXCVIII.

551. Osons l'avouer, la raison fait des philosophes, la gloire fait des héros; la seule vertu fait des sages.

ÉLOGE DE LOUIS XV.

ractère, n'a eu la destinée du vôtre. Il étoit réservé à ce siècle de voir un roi né dans la pourpre, rassemblant dans une jeunesse si exposée à la séduction, avec toutes les qualités du trône, les vertus d'un particulier, et un particulier blanchi dans les conditions ordinaires possédant les talents d'un roi dans la plus extrême vieillesse. Pardonnez-moi, Louis, de mêler vos louanges à celles d'un sujet honoré par vousmême d'une si constante affection et d'une si pleine confiance. Vous avez fait paroître aux yeux de l'univers ce que d'autres ont déja dit : que la sagesse sait rapprocher sans effort toutes les conditions et tous les âges, et que le coeur d'un jeune et magnanime prince ne peut

Rien ne caractérise un mauvais règne comme la flatterie portée à l'excès, et je n'ai jamais lu la vie de Louis XIV sans être étonné qu'un si grand roi ait été loué comme un tyran. Il n'y a point de louanges qu'on n'ait employées et en quelque sorte épuisées pour flatter son ameambi-être fixé que par les avantages et les graces de, tieuse; et après cet emportement qui ne fait que farder sa gloire, il semble qu'il ne soit resté que le silence aux vertus de son successeur; mais un silence si respectueux marquera peutêtre mieux la force de son caractère supérieur à l'adulation, que les plus pompeuses paroles. Oui, j'ose dire que les louanges les plus recherchées seroient moins assorties au caractère de ses sentiments; il falloit que sa modestie incorruptible reçût ce témoignage singulier, et ce nouvel hommage attendoit sa vertu.

Toutefois je ne dois pas craindre, dans l'obscurité qui me cache, d'épancher mon cœur sur sa vie, et ma foible voix de si loin n'offensera pas son oreille. Grand roi, permettez-moi, du moins, d'admirer cette modestie qui mérite à si juste titre les louanges qu'elle refuse, cette haute modération qui ne s'est jamais démentie, cette inépuisable sagesse.... Je n'entreprendrai pas de marquer tous les dons que le Ciel a versés sur vous; détourné d'un travail si noble par d'autres devoirs, je laisse à des mains plus savantes ce vaste sujet.

Un roi révéré de ses peuples, protecteur sévère des lois et de l'innocence opprimée, montra, dans un siècle barbare, la mème sagesse sur le même trône. Aidé d'un ministre fidèle, partageant avec lui les soins de son Etat et l'amour de la paix, et l'ardeur du travail, et le zèle du bien public, son règne semble avoir été le glorieux modèle du vôtre. Mais ni ce sage roi n'étoit né sur le trône, ni son heureux ministre, élevé de bonne heure à cet éminent ca

la vertu. Vous l'aviez rencontrée dans ce sage vieillard avec ses immortels attraits, et vos mains royales décoroient de tous les dons de la fortune sa vie défaillante. Maintenant ce puissant génie veille dans le sein de la mort sur les destinées de l'État, et ses månes, pleins des désordres et des troubles de l'univers, se conseillent dans le silence et l'obscurité du tombeau. N'appréhendez rien, ombre illustre, du cours inconstant des affaires; quoi que la fortune entreprenne, votre place est marquée chez la postérité, et vous aurez le sort de ces deux grands ministres accusés en mourant par la haine publique et depuis toujours admirés. La gloire du roi votre maître vous assure cette haute et immortelle destinée. Que ne pouvez-vous du cercueil, affranchi des lois de la mort, lui rendre à lui-même témoignage! Oh! si vous étiez à ma place, que n'aurions-nous pas lieu d'attendre? Vous avez été le témoin des prodiges de son enfance. Quel prince fut jamais dans la force de l'âge, ou plus ferme ou plus juste, ou plus impénétrable ou plus attaché aux devoirs et aux bienséances du trône? Quel céda jamais moins à l'importunité et aux cabales, ou mème à ses propres penchants? Vous diriez qu'il n'est pas le maître de ses graces : la raison dispose de tout; et cette foule d'hommes inutiles, mais avides, qui assiégent éternellement les princes foibles, s'éloigne de lui. Louis XIV s'étoit piqué d'avoir une cour magnifique, et la gloire du roi

Richelieu, Mazarin.

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