Page images
PDF
EPUB

contradictions. Il est vrai qu'elle laisse des obs- | losophes, d'accord sur ce point, s'en rapportent

curités; mais elle n'établit point d'absurdités, elle ne se contredit pas. Cependant je sais le respect que l'on doit aux explications adoptées par l'Église; et si l'on peut me faire voir que les miennes leur sont contraires, ou même qu'elles s'en éloignent, quelque vraies qu'elles me paroissent, j'y renonce de tout mon cœur; sachant combien notre esprit, sur de semblables matières, est sujet à l'illusion, et que la vérité ne peut pas se trouver hors de l'Église catholique, et du pape qui en est le chef.

DISCOURS SUR LA LIBERTÉ.

Notre vie ne seroit qu'une suite de caprices, si notre volonté se déterminoit d'elle-même et sans motifs. Nous n'avons point de volonté qui | ne soit produite par quelque réflexion ou par quelque passion. Lorsque je lève la main, c'est pour faire un essai de ma liberté, ou par quelque autre raison. Lorsqu'on me propose au jeu de choisir pair ou impair, pendant que les idées de l'un et de l'autre se succèdent dans mon esprit avec vitesse, mêlées d'espérance et de crainte, si je choisis pair, c'est parceque la nécessité de faire un choix s'offre à ma pensée au moment que pair y est présent. Qu'on propose tel exemple qu'on voudra, je démontrerai à un homme de bonne foi que nous n'avons aucune volonté qui ne soit précédée par quelque sentiment ou par quelque raisonnement qui la font naître. Il est vrai que la volonté a aussi le pouvoir d'exciter nos idées; mais il faut qu'ellemême soit déterminée auparavant par quelque cause. La volonté n'est jamais le premier principe de nos actions, elle est le dernier ressort; c'est l'aiguille qui marque les heures sur une pendule et qui la pousse à sonner. Ce qui dérobe à notre esprit le mobile de ses volontés, c'est la fuite précipitée de nos idées ou la complication des sentiments qui nous agitent. Le motif qui nous fait agir a souvent disparu lorsque nous agissons, et nous n'en trouvons plus la trace. Tantôt la vérité et tantôt l'opinion nous déterminent, tantôt la passion; et tous les phi

à l'expérience. Mais, disent les sages, puisque la réflexion est aussi capable de nous déterminer que le sentiment, opposons donc la raison aux passions lorsque les passions nous attaquent. Ils ne font pas attention que nous ne pouvons même avoir la volonté d'appeler à notre aide la raison, lorsque la passion nous conseille et nous préoccupe de son objet. Pour résister à la passion, il faudroit au moins vouloir lui résister. Mais la passion vous fera-t-elle naître le desir de combattre la passion, dans l'absence de la raison vaincue et dissipée? Le plus grand bien connu, dit-on, détermine nécessairement notre ame. Oui, s'il est senti tel et présent à notre esprit; mais si le sentiment de ce prétendu bien est affoibli, ou que le souvenir de ses promesses sommeille dans le sein de la mémoire, le sentiment actuel et dominant l'emporte sans peine entre deux puissances rivales, la plus foible est nécessairement vaincue. Le plus grand bien connu parmi les hommes, c'est sans difficulté le paradis. Mais lorsqu'un homme amoureux se trouve vis-à-vis de sa maîtresse, ou l'idée de ce bien suprême ne se présente pas à son esprit, quoiqu'elle y soitempreinte, ou elle se présente si foiblement que le sentiment actuel et passionné d'un plaisir volage prévaut sur l'image effacée d'une éternité de bonheur; de sorte qu'à parler exactement, ce n'est pas le plus grand bien connu qui nous détermine, mais le bien dont le sentiment agit avec le plus de force sur notre ame, et dont l'idée nous est plus présente. Et de tout cela je conclus que nous ne faisons ordinairement que ce que nous voulons, mais que nous ne voulons jamais que ce que nos passions ou nos réflexions nous font vouloir; que par conséquent toutes nos fautes sont des erreurs de notre esprit ou de notre cœur. Nous nous figurons plaisamment que lorsque la passion nous porte à quelque mal, et que la raison nous en détourne, il y a encore en nous un tiers auquel il appartient de décider. Mais ce tiers, quel est-il? je le demande. Je ne connois dans l'homme que des sentiments et des pensées; quand les passions lui donnent un mauvais conseil, à qui aura-t-il recours? A sa raison? mais si la raison lui dit elle-même d'obéir cette fois à ses passions, qui

RÉPONSE

AUX

CONSÉQUENCES DE LA NÉCESSITÉ.

le sauvera de l'erreur? Y a-t-il dans son esprit | philosophes, de dire quelquefois obscurement un autre tribunal qui puisse infirmer les arrêts en un volume ce que la poésie et l'éloquence et les résolutions de celui-ci? Approfondissons peignent beaucoup mieux d'un seul trait. davantage. Tout être créé dépend nécessaireFait à Besançon, au mois de juillet 1757. ment des lois de sa création; l'homme est visiblement dans cette dépendance; ses actions pourroient-elles lui appartenir lorsque son être même ne lui est pas propre? Dieu même ne pourroit suspendre ses lois absolues sur notre ame, sans anéantir en elle toute action. Un être qui a tout reçu ne peut agir que par ce qui lui a été donné; et toute la puissance divine, qui est infinie, ne sauroit le rendre indépendant. Toutefois en suivant ces lois primitives dont je parle, nous suivons nos propres desirs. Ges lois sont l'essence de notre être, et ne sont point distinctes de nous-mêmes, puisque nous n'existons qu'en elles. Nous nommons liberté avec raison la puissance d'agir par elles, et nécessité la violence qu'elles souffrent des objets extérieurs, comme lorsque nous sommes en prison ou dans quelque autre dépendance involontaire. Ce qui fait illusion aux partisans du libre arbitre, c'est le sentiment qu'ils en trouvent dans leur conscience. Ce sentiment-là n'est point faux. Soit que nos passions ou nos réflexions nous déterminent, il est vrai que c'est nous qui nous déterminons; car il y auroit de la folie à distinguer nos sentiments ou nos pensées de nous-mêmes. Ainsi la liberté et la nécessité subsistent ensemble. Ainsi le raisonnement et l'expérience justifient la foi qui les admet. C'est ce que M. de Voltaire a parfaitement bien exprimé

dans ces beaux vers:

Sur un autel de fer, un livre inexplicable
Contient de l'avenir l'histoire irrévocable.
La main de l'Éternel y marqua nos desirs,
Et nos chagrins cruels, et nos foibles plaisirs.
On voit la Liberté, cette esclave si fière,
Par d'invincibles nœuds en ces lieux prisonnière.
Sous un joug inconnu, que rien ne peut briser.
Dieu sait l'assujettir, sans la tyranniser;
A ses suprêmes lois, d'autant mieux attachée
Que sa chaîne à ses yeux pour jamais est cachée;
Qu'en obéissant même elle agit par son choix,
Et souvent au destin pense donner des lois.

HENRIADE, chant VII, v. 283–96.

J'aimerois mieux avoir fait ces douze vers que le long chapitre de la puissance de M. Locke. C'est le propre des philosophes qui ne sont que

On dit : Si tout est nécessaire, il n'y a plus de vice. Je réponds qu'une chose est bonne ou mauvaise en elle-même, et nullement parcequ'elle est nécessaire ou ne l'est pas. Qu'un homme soit malade parcequ'il le veut, ou qu'il soit malade sans le vouloir, cela ne revient-il pas au même? Celui qui s'est blessé lui-même à la chasse n'est-il pas aussi réellement blessé que celui qui a reçu à la guerre un coup de fusil? et celui qui est en délire pour avoir trop bu n'est-il pas aussi réellement fou, pendant quelques heures, que celui qui l'est devenu par maladie ? Dira-t-on que Dieu n'est point parfait, parcequ'il est nécessairement parfait? Ne fautil pas dire, au contraire, qu'il est d'autant plus parfait, qu'il ne peut être imparfait ? S'il n'étoit pas nécessairement parfait, il pourroit déchoir de sa perfection à laquelle il manqueroit un plus haut degré d'excellence, et qui dès lors ne mériteroit plus ce nom. Il en est de même du vice plus il est nécessaire, plus il est vice; rien n'est plus vicieux dans le monde que ce qui, par son fond, est incapable d'être bien. Mais, dira quelqu'un, si le vice est une maladie de notre ame, il ne faut donc pas traiter les vicieux autrement que des malades. Sans difficulté: rien n'est si juste, rien n'est plus humain. Il ne faut pas traiter un scélérat autrement qu'un malade; mais il faut le traiter comme un malade. Or, comment en use-t-on avec un malade? par exemple, avec un blessé qui a la gangrène dans le bras? si on peut sauver le bras sans risquer le corps, on sauve le bras; mais si on ne peut sauver le bras qu'au péril du corps, on le coupe, n'est-il pas vrai? Il faut donc en user de même avec un scélérat : si on

RÉPONSE AUX CONSÉQUENCES DE LA NÉCESSITÉ.

629

ou de plus terrible que ses coups? Mais, poursuivez-vous, malgré cela je ne puis m'empêcher d'excuser un homme que la nature seule a fait méchant. Eh bien! mon ami, excusez-le ; pourquoi vous défendre de la pitié? La nature a rempli le cœur des bons de l'horreur du vice; mais elle y a mis aussi la compassion pour tempérer cette haine trop fière, et les rendre plus indulgents. Si la créance de la nécessité augmente encore ces sentiments d'humanité, si elle rappelle plus fortement les hommes à la clémence, quel plus beau système? O mortels, tout est nécessaire : le rien ne peut rien engendrer; il faut donc que le premier principe de toutes choses soit éternel; il faut que les êtres créés, qui ne sont point éternels, tiennent tout ce qui est en eux de l'Être éternel qui les a faits. Or, s'il y avoit dans l'esprit de l'homme quelque chose de véritablement indépendant; s'il y avoit, par exemple, une volonté qui ne dépendit pas du sentiment et de la réflexion qui la précèdent, il s'ensuivroit que cette volonté seroit à elle-même son principe. Ainsi il faudroit dire qu'une chose qui a commencé a pu se donner l'ètre avant que d'être ; il faudroit dire que cette volonté, qui hier n'étoit point, s'est pourtant donné l'existence qu'elle a aujourd'hui: effet impossible et contradictoire. Ce que je dis de la volonté, il est aisé de l'appliquer à toute autre chose; il est, dis-je, aisé de sentir que c'est une loi générale à laquelle est soumise toute la nature. En un mot, je me trompe fort, ou c'est une contradiction de dire qu'une chose est, et qu'elle n'est pas nécessairement. Ce principe est beau et fécond, et je crois qu'on en peut tirer les conséquences les plus lumineuses sur les matières les plus difficiles; mais le malheur veut que les philosophes ne fassent qu'entrevoir la vérité, et qu'il y en ait peu de capables de la mettre dans un beau jour.

peut l'épargner sans faire tort à la société dont | sa rigueur? Quoi de plus aimable que ses dons, il est membre, il faut l'épargner; mais si le salut de la société dépend de sa perte, il faut qu'il meure: cela est dans l'ordre. Mais Dieu punirat-il aussi ce misérable dans l'autre monde, qui a été puni dans celui-ci, et qui n'a vécu d'ailleurs que selon les lois de son être? Cette question ne regarde pas les philosophes, c'est aux théologiens à la décider. Ah! du moins, continue-t-on, en punissant le criminel qui nuit à la société, vous ne direz pas que c'est un homme foible et méprisable, un homme odieux. Et pourquoi ne le dirois-je pas? Ne dites-vous pas vous-même d'un homme qui manque d'esprit, que c'est un sot? et de celui qui n'a qu'un œil, ne dites-vous pas qu'il est borgne? Assurément, ce n'est pas leur faute s'ils sont ainsi faits. Cela est tout différent, répondez-vous je dis d'un homme qui manque d'esprit, que c'est un sot; mais je ne le méprise point. Tant mieux; vous faites fort bien: car si cet homme qui manque d'esprit a l'ame grande, vous vous tromperiez en disant que c'est un homme méprisable; mais de celui qui manque en même temps d'esprit et de cœur, vous ne pouvez pas vous tromper en disant qu'il est méprisable, parceque dire qu'un homme est méprisable, c'est dire qu'il manque d'esprit et de cœur. Or, on n'est point injuste quand on ne pense en cela que ce qui est vrai et ce qu'il est très impossible de ne pas penser. A l'égard de ceux que la nature a favorisés des beautés du génie ou de la vertu, il faudroit être bien peu raisonnable pour se défendre de les aimer, par cette raison qu'ils tiennent tous ces biens de la nature. Quelle absurdité! quoi, parceque M. de Voltaire est né poëte, j'estimerois moins ses poésies? parcequ'il est né humain, j'honorerois moins son humanité? parcequ'il est né grand et sociable, je n'aimerois pas tendrement toutes ses vertus? C'est parceque toutes ces choses se trouvent en lui invinciblement, que je l'en aime et l'en estime davantage; et comme il ne dépend pas de lui de n'être pas le plus beau génie de son siècle, il ne dépend pas de moi de n'être pas le plus passionné de ses admirateurs et de ses amis. Il est bon nécessairement, je l'aime de même. Qu'y a-t-il de beau et de grand que ce que la nature a fait ? Qu'y a-t-il de difforme et de foible que ce qu'elle a produit dans

Sur la justice.

La justice est le sentiment d'une ame amoureuse de l'ordre, et qui se contente du sien. Elle est le fondement des sociétés; nulle vertu n'est plus utile au genre humain; nulle n'est consacrée à meilleur titre. Le potier ne doit rien à

l'argile qu'il a pétrie, dit saint Paul; Dieu ne | ports, une forme et des proportions, c'est-àpeut être injuste. Cela est visible; mais nous en concluons qu'il est donc juste, et nous nous étonnons qu'il juge tous les hommes par la même loi, quoiqu'il ne donne pas à tous la même grace; et quand on nous démontre que cette conduite est formellement opposée aux principes de l'équité, nous disons que la justice divine n'est point semblable à la justice humaine: qu'on définisse donc cette justice contraire à la nôtre. Il n'est pas raisonnable d'attacher deux idées différentes au même terme, pour lui donner tantôt un sens, tantôt un autre, selon nos besoins ; et il faudroit ôter toute équivoque sur une matière de cette importance.

Sur la providence.

Les inondations ou la sécheresse font périr Les inondations ou la sécheresse font périr les fruits; le froid excessif dépeuple la terre des animaux qui n'ont point d'abri; les maladies épidémiques ravagent en tous lieux l'espèce épidémiques ravagent en tous lieux l'espèce humaine et changent de vastes royaumes en déserts; les hommes se détruisent eux-mêmes par les guerres, et le foible est la proie du fort. Celui qui ne possède rien, s'il ne peut travailler, qu'il meure: c'est la loi du sort; il diminue et s'évanouit à la face du soleil, délaissé

de toute la terre. Les bêtes se dévorent aussi

entre elles : le loup, l'épervier, le faucon, si les animaux plus foibles leur échappent, périssent

eux-mêmes; rivaux de la barbare cruauté des hommes, ils se partagent ses restes sanglants et ne vivent que de carnage. O terre! ô terre, tu n'es qu'un tombeau et un champ couvert de dépouilles ; tu n'enfantes que pour la mort. Qui t'a donné l'être? Ton ame paroît endormie dans ses fers. Qui préside à tes mouvements? Te faut-il admirer dans ta constante et invariable imperfection? Ainsi s'exhale le chagrin d'un philosophe qui ne connoît que la raison et la nature sans révélation.

Sur l'économie de l'univers.

dire un ordre, et cet ordre subsistera tant qu'un agent supérieur s'abstiendra de le déranger. Il ne faut donc pas s'étonner que l'univers ait ses lois et une certaine économie. Je vous défie de concevoir un seul atome sans cet attribut. Mais, dit-on, ce qui vous étonne, ce n'est pas que l'univers ait un ordre immuable et nécessaire, mais c'est la beauté, la grandeur et la magnificence de son ordre. Foibles philosophes! entendez-vous bien ce que vous dites? Savez-vous que vous n'admirez que les choses qui passent vos forces ou vos connoissances? Savez-vous que si vous compreniez bien l'univers, et qu'il ne s'y rencontrât rien qui passât les limites de votre pouvoir, vous cesseriez aussitôt de l'admirer. C'est donc votre très grande petitesse qui fait un colosse de l'univers. C'est votre foiblesse infinie qui vous le représente dans votre poussière, animé d'un esprit si vaste, si puissant et si prodigieux. Cependant tout petits, tout bornés que vous êtes, vous ne laissez pas d'apercevoir de grands défauts dans cet infini, et il vous est impossible de justifier tous les maux moraux et physiques que vous y éprouvez. Vous dites que c'est la foiblesse de votre esprit qui vous empêche de voir l'utilité et la bienséance de ces désordres apparents. Mais pourquoi ne croyez-vous pas tout aussi bien que c'est cette même foiblesse de vos lumières qui vous empêche de saisir le vice des beautés appal'univers a la meilleure forme possible, puisque rentes que vous admirez 1? Vous répondez que Dieu l'a fait tel qu'il est. Cette solution est d'un

1 Mais pourquoi ne croyez-vous pas aussi bien que c'est cette même foiblesse de vos lumières qui vous empêche de sentir le vice de ces beautés apparentes que vous admirez?

Cette idée paroît absolument fausse; car la beauté de l'ordre qui régit l'univers est dans l'univers même. Ce que nous admirons, c'est que l'univers subsiste; car nous ne pouvons douter

qu'il subsiste. Qu'il puisse subsister autrement, mieux si l'on veut, à la bonne heure ; il n'en est pas moins vrai qu'il subsiste. Je puis voir plus loin, mais il n'en est pas moins admirable que je voie. Je puis avoir un sens de plus, mes sens n'en sont pas moins une machine admirable. Ces résultats que je ne puis nier, sont ce que j'appelle les beautés de l'ordre de l'univers. Ces

Tout ce qui a l'être a un ordre, c'est-à-dire beautés ne peuvent donc être simplement apparentes, puisque une certaine manière d'exister qui lui est aussi essentielle que son être même pétrissez au hasard un morceau d'argile; en quelque état que vous le laissiez, cette argile aura des rap

nous n'en jugeons que par les résultats de cet ordre. Cet ordre ne peut avoir de vices caches, puisque ces vices le contrarieroient et empêcheroient les résultats que nous admirons. Au lieu que ce que nous prenons pour des défauts peut conduire à des résultats que nous ne connoissons pas; car on peut croire à ce qu'on ignore, et non pas nier ce que l'on connoît. S.

théologien, non d'un philosophe. Or, c'est par | vérité. Ainsi la vraie religion n'est pas seulement obligée de se démontrer, mais il faut encore qu'elle fasse voir qu'il n'y a de démonstration que de son côté. Aussi le fait-elle, et ce n'est pas sa faute si les théologiens, qui ne sont pas tous éclairés, ne choisissent pas bien leurs preuves.

cet endroit qu'elle me touche, et je m'y soumets sans réserve. Mais je suis bien aise de faire connoître que c'est par la théologie et non par la vanité de la philosophie, qu'on peut prouver les dogmes de la religion.

IMITATION DE PASCAL'.

La religion chrétienne, disent tous les théologiens, est au-dessus de la raison; mais elle ne peut être contre la raison : car si une chose pouvoit être vraie et être néanmoins contraire à la raison, il n'y auroit aucun signe certain de vérité.

Du stoïcisme et du christianisme.

Les stoïciens n'étoient pas prudents, car ils promettoient le bonheur dès cette vic, dont nous connoissons tous par experience les misères. Leur propre conscience devoit les accuser et les convaincre d'imposture.

Ce qui distingue notre sainte religion de cette secte, c'est qu'en nous proposant, comme ses philosophes, des vertus surnaturelles, elle nous donne des secours surnaturels. Les libertins

disent qu'ils ne croient pas à ces secours; et la

La vérité de la révélation est prouvée par les faits, continuent-ils : ce principe posé conformément à la raison, elle-même doit se soumet-preuve qu'ils donnent de leur fausseté, c'est qu'ils prétendent être aussi honnêtes gens que tre aux mystères révélés qui la passent. les vrais dévots, et qu'à leur avis un Socrate, Oui, répondent les libertins, les faits prou-un Trajan et un Marc-Aurèle valoient bien un vés par la raison prouveroient la religion, même David et un Moïse; mais ces raisons-là sont si dans ce qui passe la raison; mais quelle dé- foibles, qu'elles ne méritent pas qu'on les commonstration peut-on avoir sur des faits, et principalement sur des faits merveilleux que l'esprit de parti peut avoir altérés ou supposés en tant de manières?

Une seule démonstration, ajoutent-ils, doit prévaloir sur les plus fortes et les plus nombreuses apparences. Ainsi la plus grande probabilité de nos miracles ne contre-balanceroit pas une démonstration de la contradiction de nos mystères, supposé que l'on en eût une.

Il est donc question de savoir qui a pour soi la démonstration ou l'apparence. S'il n'y avoit que des apparences dans les deux partis, dès lors il n'y auroit plus de règle : car comment compter et peser toutes ces probabilités? S'il y avoit au contraire des démonstrations des deux côtés, on seroit dans la même peine, puisque alors la démonstration ne distingueroit plus la

Le titre Imitation de Pascal et la tournure de ces réflexions

pourroient les faire regarder comme une critique de la manière de Pascal, qui rapporte quelquefois des objections contre la religion sans se mettre en peine de les détruire, comme dans cette réflexion: Les impies qui font profession de suivre la raison, etc. IIe part., art. XVIII, des Pensées de B. Pascal; et cette autre : Par les partis, etc. B.

batte.

Illusions de l'impie.
I.

La religion chrétienne, qui est la dominante dans ce continent, y a rendu les Juifs odieux et les empêche de former des établissements. Ainsi les prophéties, dit l'insensé, s'accomplissent par la tyrannie de ceux qui les croient, et que leur religion oblige de les accomplir.

II.

Les Juifs, continue cet impie, ont été devant Jésus-Christ haïs et séparés de tous les peuples de la terre. Ils ont été dispersés et méprisés comme ils le sont. Cette dernière dispersion à la vérité est plus affreuse, car elle est plus longue, et elle n'est pas accompagnée des mêmes consolations; cependant, ajoute l'impie, leur état présent n'est pas assez différent de leurs calamités passées, pour leur paroître un motif indispensable de conversion.

« PreviousContinue »