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il n'y a sorte de vertus qu'on ne lui pardonne; | mencent à fuir, et que la victoire n'est plus il scroit un héros impunément.

Rien n'est bien d'un homme disgracié : vertus, mérite, tout est dédaigné, ou mal expliqué, ou imputé à vice : qu'il ait un grand cœur, qu'il ne craigne ni le fer ni le feu, qu'il aille d'aussi bonne grace à l'ennemi que BAYARD et MONTREVEL1; c'est une bravache, on en plaisante; il n'a plus de quoi être un héros.

Je me contredis, il est vrai : accusez-en les hommes, dont je ne fais que rapporter les jugements; je ne dis pas de différents hommes, je dis les mêmes, qui jugent si différemment. Il ne faut pas vingt années accomplies pour voir changer les hommes d'opinion sur les choses les plus sérieuses, comme sur celles qui leur ont paru les plus sûres et les plus vraies. Je ne hasarderai pas d'avancer que le feu en soi, et indépendamment de nos sensations, n'a aucune chaleur, c'est-à-dire rien de semblable à ce que nous éprouvons en nous-mêmes à son approche, de peur que quelque jour il ne devienne aussi chaud qu'il a jamais été. J'assurerai aussi qu'une ligne droite tombant sur une autre ligne droite fait deux angles droits, ou égaux à deux droits, de peur que, les hommes venant à y découvrir quelque chose de plus ou de moins, je ne sois raillé de ma proposition. Ainsi, dans un autre genre, je dirai à peine avec toute la France: VAUBAN est infaillible, on n'en appelle point : qui me garantiroit que dans peu de temps on n'insinuera pas que, même sur le siége, qui est son fort, et où il décide souverainement, il erre quelquefois, sujet aux fautes comme Antiphile?

douteuse, ou devant une ville après qu'elle a capitulé; vous aimez dans un combat ou pendant un siége à paroître en cent endroits pour n'être nulle part, à prévenir les ordres du général, de peur de les suivre, et à chercher les Occasions plutôt que de les attendre et de les recevoir : votre valeur seroit-elle fausse ?

Faites garder aux hommes quelque poste où ils puissent être tués, et où néanmoins ils ne soient pas tués : ils aiment l'honneur et la vie.

A voir comme les hommes aiment la vie, pourroit-on soupçonner qu'ils aimassent quelque autre chose plus que la vie, et que la gloire qu'ils préfèrent à la vie ne fût souvent qu'une certaine opinion d'eux-mêmes établie dans l'esprit de mille gens, ou qu'ils ne connoissent point ou qu'ils n'estiment point?

Ceux qui, ni guerriers ni courtisans, vont à la guerre et suivent la cour, qui ne font pas un siége, mais qui y assistent, ont bientôt épuisé leur curiosité sur une place de guerre, quelque surprenante qu'elle soit, sur la tranchée, sur l'effet des bombes et du canon, sur les coups de main, comme sur l'ordre et le succès d'une attaque qu'ils entrevoient : la résistance continue, les pluies surviennent, les fatigues croissent, on plonge dans la fange, on a à combattre les saisons et l'ennemi, on peut être forcé dans ses lignes, et enfermé entre une ville et une armée : quelles extrémités! on perd courage, on murmure: est-ce un si grand inconvénient que de lever un siége? le salut de l'état dépendil d'une citadelle de plus ou de moins? ne fautil pas, ajoutent-ils, fléchir sous les ordres du Si vous en croyez des personnes aigries l'une Ciel, qui semble se déclarer contre nous, et contre l'autre, et que la passion domine, l'hom- remettre la partie à un autre temps? Alors ils me docte est un savantasse, le magistrat un ne comprennent plus la fermeté, et, s'ils osoient bourgeois ou un praticien, le financier un mal-dire, l'opiniâtreté du général qui se roidit contre tôtier, et le gentilhomme un gentillâtre; mais il est étrange que de si mauvais noms, que la colère et la haine ont su inventer, deviennent familiers, et que le dédain, tout froid et tout paisible qu'il est, ose s'en servir.

Vous vous agitez, vous vous donnez un grand mouvement, sur-tout lorsque les ennemis com

Marquis de Montrevel, com. gén. d. 1. c. lieutenant-général. ( La Bruyère.)

les obstacles, qui s'anime par la difficulté de l'entreprise, qui veille la nuit et s'expose le jour pour la conduire à sa fin. A-t-on capitulé, ces hommes si découragés relèvent l'importance de cette conquête, en prédisent les suites, exagèrent la nécessité qu'il y avoit de la faire, le péril et la honte qui suivoient de s'en désister, prouvent que l'armée qui nous couvroit des ennemis étoit invincible: ils reviennent avec la cour, passent par les villes et les bourgades,

fiers d'être regardés de la bourgeoisie, qui est aux fenêtres, comme ceux mêmes qui ont pris la place; ils en triomphent par les chemins, ils se croient braves. Revenus chez eux, ils vous étourdissent de flancs, de redans, de ravelins, de fausse-braie, de courtines et de cheminscouverts: ils rendent compte des endroits où l'envie de voir les a portés, et où il ne laissoit pas d'y avoir du péril, des hasards qu'ils ont courus à leur retour d'être pris ou tués par l'ennemi ils taisent seulement qu'ils ont eu peur.

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Ceux qui emploient mal leur temps sont les premiers à se plaindre de sa brièveté. Comme ils le consument à s'habiller, à manger, à dormir, à de sots discours, à se résoudre sur ce qu'ils doivent faire, et souvent à ne rien faire, ils en manquent pour leurs affaires ou pour leurs plaisirs ceux au contraire qui en font un meilleur usage en ont de reste.

Il n'y a point de ministre si occupé qui ne sache perdre chaque jour deux heures de temps: cela va loin à la fin d'une longue vie; et si le mal est encore plus grand dans les autres conditions des hommes, quelle perte infinie ne se fait pas dans le monde d'une chose si précieuse, et dont l'on se plaint qu'on n'a point assez !

Il y a des créatures de Dieu, qu'on appelle des hommes, qui ont une ame qui est esprit, dont toute la vie est occupée et toute l'attention est réunie à scier du marbre: cela est bien simple, c'est bien peu de chose. Il y en a d'autres qui s'en étonnent, mais qui sont entièrement inutiles, et qui passent les jours à ne rien faire : c'est encore moins que de scier du marbre.

La plupart des hommes oublient si fort qu'ils ont une ame, et se répandent en tant d'actions et d'exercices où il semble qu'elle est inutile que l'on croit parler avantageusement de quelqu'un, en disant qu'il pense; cet éloge

même est devenu vulgaire, qui pourtant ne met cet homme qu'au-dessus du chien ou du cheval.

A quoi vous divertissez-vous? à quoi passezvous le temps? vous demandent les sots et les gens d'esprit. Si je réplique que c'est à ouvrir les yeux et à voir, à prêter l'oreille et à entendre, à avoir la santé, le repos, la liberté, ce n'est rien dire les solides biens, les grands biens, les seuls biens ne sont pas comptés, ne se font pas sentir. Jouez-vous? masquez-vous? il faut répondre.

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Est-ce un bien pour l'homme que la liberté, si elle peut être trop grande et trop étendue, telle enfin qu'elle ne serve qu'à lui faire desirer quelque chose, qui est d'avoir moins de liberté? La liberté n'est pas oisiveté : c'est un usage libre du temps, c'est le choix du travail et de l'exercice; ètre libre, en un mot, n'est pas ne rien faire, c'est être seul arbitre de ce qu'on fait ou de ce qu'on ne fait point: quel bien en ce sens que la liberté !

CÉSAR n'étoit point trop vieux pour penser à la conquête de l'univers 1 : il n'avoit point d'autre béatitude à se faire que le cours d'une belle vie, et un grand nom après sa mort : né fier, ambitieux, et se portant bien comme il faisoit, il ne pouvoit mieux employer son temps qu'à conquérir le monde. ALEXANDRE étoit bien jeune pour un dessein si sérieux : il est étonnant que dans ce premier àge les femmes ou le vin n'aient plus tôt rompu son entreprise.

Un jeune prince 2, d'une race auguste, l'amour et l'espérance des peuples, donné du Ciel pour prolonger la félicité de la terre, plus grand que ses aïeux, fils d'un héros qui est son modèle, a déja montré à l'univers, par ses divines qualités, et par une vertu anticipée, que les enfants des héros sont plus proches de l'être que les autres hommes 3.

Si le monde dure seulement cent millions d'années, il est encore dans toute sa fraîcheur, et ne fait presque que commencer : nous-mêmes nous touchons aux premiers hommes et

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aux patriarches: et qui pourra ne nous pas confondre avec eux dans des siècles si reculés? Mais si l'on juge par le passé de l'avenir, quelles choses nouvelles nous sont inconnues dans les arts, dans les sciences, dans la nature, et j'ose dire dans l'histoire! quelles découvertes ne ferat-on point! quelles différentes révolutions ne doivent point arriver sur toute la face de la terre, dans les états et dans les empires! quelle ignorance est la nôtre! et quelle légère expérience que celle de six ou sept mille ans!

Il n'y a point de chemin trop long à qui marche lentement et sans se presser: il n'y a point d'avantages trop éloignés à qui s'y prépare par la patience.

Ne faire sa cour à personne, ni attendre de quelqu'un qu'il vous fasse la sienne; douce situation, âge d'or, état de l'homme le plus naturel!

Le monde est pour ceux qui suivent les cours ou qui peuplent les villes : la nature n'est que pour ceux qui habitent la campagne; eux seuls vivent, eux seuls du moins connoissent qu'ils vivent.

Pourquoi me faire froid, et vous plaindre de ce qui m'est échappé sur quelques jeunes gens qui peuplent les cours? êtes-vous vicieux, ô Thrasille? je ne le savois pas, et vous me l'apprenez ce que je sais est que vous n'êtes plus jeune.

Et vous qui voulez être offensé personnellement de ce que j'ai dit de quelques grands, ne criez-vous point de la blessure d'un autre? êtesvous dédaigneux, malfaisant, mauvais plaisant, flatteur, hypocrite? je l'ignorois, et ne pensois pas à vous: j'ai parlé des grands.

L'esprit de modération, et une certaine sagesse dans la conduite, laissent les hommes dans l'obscurité : il leur faut de grandes vertus pour être connus et admirés, ou peut-être de grands vices.

Les hommes, sur la conduite des grands et des petits indifféremment, sont prévenus, charmés, enlevés par la réussite: il s'en faut peu que le crime heureux ne soit loué comme la vertu même, et que le bonheur ne tienne lieu de toutes les vertus. C'est un noir attentat, c'est une sale et odieuse entreprise que celle que le succès ne sauroit justifier.

Les hommes, séduits par de belles apparences et de spécieux prétextes, goûtent aisément un projet d'ambition que quelques grands ont médité; ils en parlent avec intérêt, il leur plaît même par la hardiesse ou par la nouveauté que l'on lui impute, ils y sont déja accoutumés, et n'en attendent que le succès, lorsque, venant au contraire à avorter, ils décident avec confiance, et sans nulle crainte de se tromper, qu'il étoit téméraire et ne pouvoit réussir.

Il y a de tels projets, d'un si grand éclat et d'une conséquence si vaste, qui font parler les hommes si long-temps, qui font tant espérer ou tant craindre, selon les divers intérêts des peuples, que toute la gloire et toute la fortune d'un homme y sont commises. Il ne peut pas avoir paru sur la scène avec un si bel appareil, pour se retirer sans rien dire; quelques affreux périls qu'il commence à prévoir dans la suite de son entreprise, il faut qu'il l'entame; le moindre mal pour lui est de la manquer.

Dans un méchant homme il n'y a pas de quoi faire un grand homme. Louez ses vues et ses projets, admirez sa conduite, exagérez son habileté à se servir des moyens les plus propres et les plus courts pour parvenir à ses fins: si ses fins sont mauvaises, la prudence n'y a aucune part; et, où manque la prudence, trouvez la grandeur, si vous le pouvez.

Un ennemi est mort, qui étoit à la tête d'une armée formidable, destinée à passer le Rhin; il savoit la guerre, et son expérience pouvoit être secondée de la fortune: quels feux de joie a-t-on vus? quelle fête publique? Il y a des hommes au contraire naturellement odieux, et dont l'aversion devient populaire : ce n'est point précisément par les progrès qu'ils font, ni par la crainte de ceux qu'ils peuvent faire, que la voix du peuple 3 éclate à leur mort, et que tout tressaille, jusqu'aux enfants, dès que l'on murmure dans les places que la terre enfin en est délivrée.

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heureux siècle! siècle rempli de mauvais exemples, où la vertu souffre, où le crime domine, où il triomphe! Je veux être un Lycaon, un Égisthe, l'occasion ne peut être meilleure, ni les conjonctures plus favorables, si je desire du moins de fleurir et de prospérer. Un homme dit: Je passerai la mer, je dépouillerai mon père de son patrimoine, je le chasserai, lui, sa femme, son héritier, de ses terres et de ses états; et, comme il l'a dit, il l'a fait. Ce qu'il devoit appréhender, c'étoit le ressentiment de plusieurs rois qu'il outrage en la personne d'un seul roi mais ils tiennent pour lui; ils lui ont presque dit: Passez la mer, dépouillez votre père, montrez à tout l'univers qu'on peut chasser un roi de son royaume, ainsi qu'un petit seigneur de son château, ou un fermier de sa métairie : qu'il n'y ait plus de différence entre de simples particuliers et nous, nous sommes las de ces distinctions: apprenez au monde que ces peuples que Dieu a mis sous nos pieds peuvent nous abandonner, nous trahir, nous livrer, se livrer eux-mêmes à un étranger, et qu'ils ont moins à craindre de nous que nous d'eux et de leur puissance. Qui pourroit voir des choses si tristes avec des yeux secs et une ame tranquille? Il n'y a point de charges qui n'aient leurs | priviléges : il n'y a aucun titulaire qui ne parle, qui ne plaide, qui ne s'agite pour les défendre: la dignité royale seule n'a plus de priviléges; les rois eux-mêmes y ont renoncé. Un seul, toujours bon3 et magnanime, ouvre ses bras à une famille malheureuse. Tous les autres se liguent comme pour se venger de lui, et de l'appui qu'il donne à une cause qui leur est commune: l'esprit de pique et de jalousie prévaut chez eux à l'intérêt de l'honneur, de la religion, et de leur état ; est-ce assez? à leur intérêt personnel et domestique; il y va, je ne dis pas de leur élection, mais de leur succession, de leurs droits comme héréditaires enfin, dans tout, l'homme l'emporte sur le souverain. Un prince délivroit l'Europe 4, se délivroit lui-même d'un fatal ennemi, alloit jouir de la gloire d'avoir détruit un grand empire5: il la néglige pour

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une guerre douteuse. Ceux qui sont nés1 arbitres et médiateurs temporisent; et lorsqu'ils pourroient avoir déja employé utilement leur médiation, ils la promettent. O pâtres ! continue Héraclite; ô rustres qui habitez sous le chaume et dans les cabanes! si les évènements ne vont point jusqu'à vous, si vous n'avez point le cœur percé par la malice des hommes, si on ne parle plus d'hommes dans vos contrées, mais seulement de renards et de loups cerviers, recevez-moi parmi vous à manger votre pain noir et à boire l'eau de vos citernes.

Petits hommes hauts de six pieds, tout au plus de sept, qui vous enfermez aux foires comme géants, et comme des pièces rares dont il faut acheter la vue, dès que vous allez jusqu'à huit pieds; qui vous donnez sans pudeur de la hautesse et de l'éminence, qui est tout ce que l'on pourroit accorder à ces montagnes voisines du ciel, et qui voient les nuages se former au-dessous d'elles; espèce d'animaux glorieux et superbes, qui méprisez toute autre espèce, qui ne faites pas même comparaison avec l'éléphant et la baleine, approchez, hommes, répondez un peu à Démocrite! Ne dites-vous pas en commun proverbe, des loups ravissants, des lions furieux, malicieux comme un singe? Et vous autres, qui êtes-vous? J'entends corner sans cesse à mes oreilles : L'homme est un animal raisonnable: qui vous a passé cette définition? sont-ce les loups, les singes et les lions, ou si vous vous l'êtes accordée à vous-mêmes? C'est déja une chose plaisante que vous donniez aux animaux, vos confrères, ce qu'il y a de pire, pour prendre pour vous ce qu'il y a de meilleur : laissez-les un peu se définir eux-mêmes, et vous verrez comme ils s'oublieront, et comme vous serez traités. Je ne parle point, ô hommes, de vos légèretés, de vos folies et de vos caprices, qui vous mettent au-dessous de la taupe et de la tortue, qui vont sagement leur petit train, et qui suivent, sans varier, l'instinct de la nature : mais écoutez-moi un moment. Vous dites d'un tiercelet de faucon qui est fort léger, et qui fait une belle descente sur la perdrix : Voilà un bon oiseau ; et d'un lévrier qui prend un lièvre corps

Innocent XI.

2 Les princes ligués en faveur du prince d'Orange contre Louis XIV.

|éventrent, sans compter ceux qui, tombant sur vos toits, enfoncent les planchers, vont du grenier à la cave, en enlèvent les voûtes, et font sauter en l'air, avec vos maisons, vos femmes qui sont en couche, l'enfant et la nourrice : et c'est là encore où gît la gloire; elle aime le remue-ménage, et elle est personne d'un grand fracas. Vous avez d'ailleurs des armes défensives, et dans les bonnes règles vous devez en guerre être habillés de fer, ce qui est sans mentir une jolie parure, et qui me fait souvenir de ces quatre puces célèbres que montroit autrefois un charlatan, subtil ouvrier, dans une fiole où il avoit trouvé le secret de les faire vivre : il leur avoit mis à chacune une salade en tête, leur avoit passé un corps de cuirasse, mis des brassards, des genouillères, la lance sur la cuisse; rien ne leur manquoit, et en cet équipage elles alloient par sauts et par bonds dans leur bouteille. Feignez un homme de la taille du mont Athos: pourquoi non? une ame seroit-elle embarrassée d'animer un tel corps? elle en seroit plus au

à corps : C'est un bon lévrier. Je consens aussi que vous disiez d'un homme qui court le sanglier, qui le met aux abois, qui l'atteint et qui le perce Voilà un brave homme. Mais si vous voyez deux chiens qui s'aboient, qui s'affrontent, qui se mordent et se déchirent, vous dites: Voilà de sots animaux ; et vous prenez un bâton pour les séparer. Que si l'on vous disoit que tous les chats d'un grand pays se sont assemblés par milliers dans une plaine, et qu'après avoir miaulé tout leur soul ils se sont jetés avec fureur les uns sur les autres, et ont joué ensemble de la dent et de la griffe; que de cette mêlée il est demeuré de part et d'autre neuf à dix mille chats sur la place, qui ont infecté l'air à dix lieues de là par leur puanteur; ne diriez-vous pas: Voilà le plus abominable sabbat dont on ait jamais ouï parler? Et si les loups en faisoient de même, quels hurlements! quelle boucherie! Et si les uns ou les autres vous disoient qu'ils aiment la gloire, concluriez-vous de ce discours qu'ils la mettent à se trouver à ce beau rendez-vous, à détruire ainsi et à anéan-large: si cet homme avoit la vue assez subtile tir leur propre espèce? ou, après l'avoir conclu, pour vous découvrir quelque part sur la terre ne ririez-vous pas de tout votre cœur de l'ingé- avec vos armes offensives et défensives, que nuité de ces pauvres bêtes? Vous avez déja, en croyez-vous qu'il penseroit de petits marmouanimaux raisonnables, et pour vous distinguer sets ainsi équipés, et de ce que vous appelez de ceux qui ne se servent que de leurs dents et guerre, cavalerie, infanterie, un mémorable de leurs ongles, imaginé les lances, les piques, siége, une fameuse journée? N'entendrai-je donc les dards, les sabres et les cimeterres, et à mon plus bourdonner d'autre chose parmi vous? le gré fort judicieusement; car avec vos seules monde ne se divise-t-il plus qu'en régiments et mains que pouviez-vous vous faire les uns aux en compagnies? tout est-il devenu bataillon ou autres, que vous arracher les cheveux, vous escadron? Il a pris une ville, il en a pris une égratigner au visage, ou tout au plus vous ar- seconde, puis une troisième; il a gagné une baracher les yeux de la tête? au lieu que vous taille, deux batailles; il chasse l'ennemi, il vaine voilà munis d'instruments commodes, qui vous sur mer, il vainc sur terre: est-ce de quelqu'un servent à vous faire réciproquement de larges de vous autres, est-ce d'un géant, d'un Athos, plaies d'où peut couler votre sang jusqu'à la que vous parlez? Vous avez sur-tout un homme dernière goutte, sans que vous puissiez craindre pâle et livide, qui n'a pas sur soi dix onces de d'en échapper. Mais comme vous devenez d'an- chair, et que l'on croiroit jeter à terre du moinnée à autre plus raisonnables, vous avez bien dre souffle. Il fait néanmoins plus de bruit que enchéri sur cette vieille manière de vous exter-quatre autres, et met tout en combustion; il vient miner: vous avez de petits globes qui vous tuent tout d'un coup, s'ils peuvent seulement vous atteindre à la tête ou à la poitrine; vous en avez d'autres plus pesants, et plus massifs, qui vous coupent en deux parts ou qui vous

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Les balles de mousquet. 2 Les boulets de canon.

de pêcher en eau trouble une île tout entière3; ailleurs, à la vérité, il est battu et poursuivi; mais il se sauve par les marais, et ne veut écouter ni paix ni trève. Il a montré de bonne heure ce qu'il savoit faire, il a mordu le sein de sa

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