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avec l'espérance, comme saint Paul l'ordonne, | pre s'est étendu et débordé dans le vide que puisque c'est le privilége spécial des Chrétiens. l'amour de Dieu a laissé; et ainsi il s'est aimé Ne considérons plus un corps comme une cha- seul, et toutes choses pour soi, c'est-à-dire rogne infecte, car la nature trompeuse nous le infiniment. représente de la sorte, mais comme le temple inviolable et éternel du Saint-Esprit, comme la foi l'apprend.

Car nous savons que les corps des saints sont habités par le Saint-Esprit jusques à la résurrection, qui se fera par la vertu de cet Esprit qui réside en eux pour cet effet. C'est le sentiment des Pères. C'est pour cette raison que nous honorons les reliques des morts, et c'est sur ce vrai principe que l'on donnoit autrefois l'Eucharistie dans la bouche des morts; parceque, comme on savoit qu'ils étoient le temple du Saint-Esprit, on croyoit qu'ils méritoient d'être aussi unis à ce saint sacrement. Mais l'Église a changé cette coutume; non pas qu'elle croie que ces corps ne soient pas saints, mais par cette raison, que l'Eucharistie étant le pain de vie et des vivants, il ne doit pas être donné aux morts.

Ne considérons plus les fidèles qui sont morts en la grace de Dieu comme ayant cessé de vivre, quoique la nature le suggère; mais comme commençant à vivre, comme la vérité l'assure. Ne considérons plus leurs ames comme péries et réduites au néant; mais comme vivifiées et unies au souverain vivant: et corrigeons ainsi, par l'attention à ces vérités, les sentiments d'erreur qui sont si empreints en nous-mêmes, et ces mouvements d'horreur qui sont si naturels à l'homme.

ΠΙ.

Dieu a créé l'homme avec deux amours, l'un pour Dieu, l'autre pour soi-même; mais avec cette loi, que l'amour pour Dieu seroit infini, c'est-à-dire sans aucune autre fin que Dieu même, et que l'amour pour soi-même seroit fini et rapportant à Dieu.

L'homme en cet état, non seulement s'aimoit sans péché, mais il ne pouvoit pas ne point s'aimer sans péché.

Depuis, le péché étant arrivé, l'homme a perdu le premier de ces amours; et l'amour pour soi-même étant resté seul dans cette grande ame capable d'un amour infini, cet amour-pro• Il faut sous-entendre se. (Note de l'édit. de 1822.)

Voilà l'origine de l'amour-propre. Il étoit naturel à Adam, et juste en son innocence; mais il est devenu et criminel et immodéré, ensuite de son péché. Voilà la source de cet amour, et la cause de sa défectuosité et de son excès.

Il en est de même du desir de dominer, de la paresse, et des autres vices. L'application en est aisée à faire au sujet de l'horreur que nous avons de la mort. Cette horreur étoit naturelle et juste dans Adam innocent, parceque sa vie étant très agréable à Dieu, elle devoit être agréable à l'homme et la mort eût été horrible, parcequ'elle eût fini une vie conforme à la volonté de Dieu. Depuis, l'homme ayant péché, sa vie est devenue corrompue, son corps et son ame ennemis l'un de l'autre, et tous deux de Dieu.

Ce changement ayant infecté une si sainte vie, l'amour de la vie est néanmoins demeuré; et l'horreur de la mort étant restée la même, ce qui étoit juste en Adam est injuste en nous.

Voilà l'origine de l'horreur de la mort, et la cause de sa défectuosité. Éclairons donc l'erreur de la nature par la lumière de la foi.

L'horreur de la mort est naturelle; mais c'est dans l'état d'innocence, parcequ'elle n'eût pu entrer dans le paradis qu'en finissant une vie toute pure. Il étoit juste de la haïr, quand elle n'eût pu arriver qu'en séparant une ame sainte d'un corps saint: mais il est juste de l'aimer, quand elle sépare une ame sainte d'un corps impur. Il étoit juste de la fuir, quand elle eût rompu la paix entre l'ame et le corps; mais non pas quand elle en calme la dissension irréconciliable. Enfin, quand elle eût affligé un corps innocent, quand elle eût ôté au corps la liberté d'honorer Dieu, quand elle eût séparé de l'ame un corps soumis et coopérateur à ses volontés, quand elle eût fini tous les biens dont l'homme est capable, il étoit juste de l'abhorrer: mais quand elle finit une vie impure, quand elle ôte au corps la liberté de pécher, quand elle délivre l'ame d'un rebelle très puissant, et contredisant tous les motifs de son salut, il est très injuste d'en conserver les mêmes sentiments.

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nous apprend, sur ce sujet, que Dieu en a disposé de la sorte, de peur que, si le corps de l'homme fût mort et ressuscité pour jamais dans le baptême, on ne fût entré dans l'obéissance de l'Evangile que par l'amour de la vie; au lieu que la grandeur de la foi éclate bien davantage lorsque l'on tend à l'immortalité par les ombres de la mort.

Ne quittons donc pas cet amour que la nature nous a donné pour la vie, puisque nous l'avons reçu de Dieu; mais que ce soit pour la même vie pour laquelle Dieu nous l'a donné, et non pas pour un objet contraire. Et en consentant à l'amour qu'Adam avoit pour sa vie innocente, et que Jésus-Christ même a eu pour la sienne, portons-nous à haïr une vie contraire à celle que Jésus-Christ a aimée, et à n'appréhender que la mort que Jésus-Christ a appréhendée, qui arrive à un corps agréable à Dieu; Il n'est pas juste que nous soyons sans resmais non pas à craindre une mort qui, punis- sentiment et sans douleur dans les afflictions et sant un corps coupable, et purgeant un corps les accidents fâcheux qui nous arrivent, comme vicieux, doit nous donner des sentiments tout des anges qui n'ont aucun sentiment de la nacontraires, si nous avons un peu de foi, d'es-ture: il n'est pas juste aussi que nous soyons pérance et de charité.

C'est un des grands principes du christianisme, que tout ce qui est arrivé à Jésus-Christ doit se passer et dans l'ame et dans le corps de chaque Chrétien; que comme Jésus-Christ a souffert durant sa vie mortelle, est mort à cette vie mortelle, et ressuscité d'une nouvelle vie, et est monté au ciel, où il est assis à la droite de Dieu son père, ainsi le corps et l'ame doivent souffrir, mourir, ressusciter, et monter au ciel.

Toutes ces choses s'accomplissent dans l'ame durant cette vie, mais non dans le corps.

L'ame souffre et meurt au péché dans la pénitence et dans le baptême; l'ame ressuscite à une nouvelle vie dans ces sacrements; et enfin l'ame quitte la terre et monte au ciel en menant une vie céleste; ce qui fait dire à saint Paul: Nostra conversatio in cœlis est. (Philipp., 5, 20.) Aucune de ces choses n'arrive dans le corps durant cette vie, mais les mêmes choses s'y passent ensuite. Car à la mort, le corps meurt à sa vie mortelle au jugement, il ressuscitera à une nouvelle vie : après le jugement, il montera au ciel, et y demeurera éternellement. Ainsi les mêmes choses arrivent au corps et à l'ame, mais en différents temps; et les changements du corps n'arrivent que quand ceux de l'ame sont accomplis, c'est-à-dire après la mort de sorte que la mort est le couronnement de la béatitude de l'ame, et le commencement de la béatitude du corps.

Voilà les admirables conduites de la sagesse de Dieu sur le salut des ames; et saint Augustin

IV.

sans consolation, comme des païens qui n'ont aucun sentiment de la grace: mais il est juste que nous soyons affligés et consolés comme Chrétiens, et que la consolation de la grace l'emporte par-dessus les sentiments de la nature, afin que la grace soit non seulement en nous, mais victorieuse en nous; qu'ainsi en sanctifiant le nom de notre père, sa volonté devienne la nôtre; que sa grace règne et domine sur la nature, et que nos afflictions soient comme la matière d'un sacrifice que sa grace consomme et anéantisse pour la gloire de Dieu, et que ces sacrifices particuliers honorent et préviennent le sacrifice universel où la nature entière doit être consommée par la puissance de Jésus-Christ.

Ainsi nous tirerons avantage de nos propres imperfections, puisqu'elles serviront de matière à cet holocauste : car c'est le but des vrais Chrétiens de profiter de leurs propres imperfections, parceque tout coopère en bien pour les élus.

Et si nous y prenons garde de près, nous trouverons de grands avantages pour notre édification, en considérant la chose dans la vérité ; car puisqu'il est véritable que la mort du corps n'est que l'image de celle de l'ame, et que nous bâtissons sur ce principe, que nous avons sujet d'espérer du salut de ceux dont nous pleurons la mort, il est certain que, si nous ne pouvons arrêter le cours de notre tristesse et de notre déplaisir, nous devons en tirer ce profit, que, puisque la mort du corps est si terrible, qu'elle nous cause de tels mouvements, celle de l'ame devroit nous en causer de plus inconsolables. Dieu a envoyé la première à ceux que nous re

grettons; mais nous espérons qu'il a détourné soit vainqueur, et qu'il règne éternellement la seconde. Considérons donc la grandeur de en nous.

nos biens dans la grandeur de nos maux, et que l'excès de notre douleur soit la mesure de celle de notre joie.

Il n'y a rien qui puisse la modérer, sinon la crainte que leurs ames ne languissent pour quelque temps dans les peines qui sont destinées à purger le reste des péchés de cette vie : et c'est pour fléchir la colère de Dieu sur eux, que nous devons soigneusement nous employer.

La prière et les sacrifices sont un souverain remède à leurs peines. Mais une des plus solides et des plus utiles charités envers les morts, est de faire les choses qu'ils nous ordonneroient, s'ils étoient encore au monde, et de nous mettre pour eux en l'état auquel ils nous souhaitent à présent.

Par cette pratique, nous les faisons revivre en nous en quelque sorte, puisque ce sont leurs conseils qui sont encore vivants et agissants en nous; et comme les hérésiarques sont punis en l'autre vie des péchés auxquels ils ont engagé leurs sectateurs, dans lesquels leur venin vit encore; ainsi les morts sont récompensés, outre leur propre mérite, pour ceux auxquels ils ont donné suite par leurs conseils et leur exemple.

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ARTICLE XIX.

Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies.

I.

Seigneur, dont l'esprit est si bon et si doux en toutes choses, et qui êtes tellement misémais les disgraces mêmes qui arrivent à vos ricordieux, que non seulement les prospérités, élus sont des effets de votre miséricorde; faites-moi la grace de ne pas agir en païen dans l'état où votre justice m'a réduit; que, comme un vrai Chrétien, je vous reconnoisse pour mon père et pour mon Dieu, en quelque état que je dition n'en apporte pas à la vôtre; que vous me trouve, puisque le changement de ma conêtes toujours le même, quoique je sois sujet au changement; et que vous n'êtes pas moins Dieu quand vous affligez et quand vous punissez, que quand vous consolez et que vous usez d'indulgence.

II.

Vous m'aviez donné la santé pour vous servir, et j'en ai fait un usage tout profane. Vous m'envoyez maintenant la maladie pour me corriger; ne permettez pas que j'en use pour vous irriter par mon impatience. J'ai mal usé de ma santé, et vous m'en avez justement puni. Ne souffrez pas que j'use mal de votre punition. Et puisque la corruption de ma nature est telle, qu'elle me rend vos faveurs pernicieuses, faites, ô mon Dieu! que votre grace toute-puissante me rende vos châtiments salutaires. Si j'ai eu le cœur plein de l'affection du monde pendant qu'il a eu quelque vigueur, anéantissez cette vigueur pour mon salut; et rendez-moi incapable de jouir du monde, soit par foiblesse de corps, soit par zèle de charité, pour ne jouir que de vous seul.

III.

O Dieu, devant qui je dois rendre un compte exact de toutes mes actions à la fin de ma vie et à la fin du monde! ô Dieu, qui ne lais

sez subsister le monde et toutes les choses du monde que pour exercer vos élus, ou pour punir les pécheurs! ô Dieu, qui laissez les pécheurs endurcis dans l'usage délicieux et criminel du monde! ô Dieu, qui faites mourir nos corps, et qui, à l'heure de la mort, détachez notre ame de tout ce qu'elle aimoit au monde! ô Dieu, qui m'arrachez, à ce dernier moment de ma vie, de toutes les choses auxquelles je me suis attaché, et où j'ai mis mon cœur! ô Dieu, qui devez consumer, au dernier jour, le ciel et la terre, et toutes les créatures qu'ils contiennent, pour montrer à tous les hommes que rien ne subsiste que vous, et qu'ainsi rien n'est digne d'amour que vous, puisque rien n'est durable que vous! ô Dieu, qui devez détruire toutes ces vaines idoles et tous ces funestes objets de nos passions! je vous loue, mon Dieu, et je vous bénirai tous les jours de ma vie, de ce qu'il vous a plu prévenir en ma faveur ce jour épouvantable, en détruisant à mon égard toutes choses, dans l'affoiblissement où vous m'avez réduit. Je vous loue, mon Dieu, et je vous bénirai tous les jours de ma vie, de ce qu'il vous a plu me réduire dans l'incapacité de jouir des douceurs de la santé et des plaisirs du monde; et de ce que vous avez anéanti en quelque sorte, pour mon avantage, les idoles trompeuses que vous anéantirez effectivement pour la confusion des méchants au jour de votre colère. Faites, Seigneur, que je me juge moi-même ensuite de cette destruction que vous avez faite à mon égard, afin que vous ne me jugiez pas vous-même ensuite de l'entière destruction que vous ferez de ma vie et du monde. Car, Seigneur, comme à l'instant de ma mort je me trouverai séparé du monde, dénué de toutes choses, seul en votre présence, pour répondre à votre justice de tous les mouvements de mon cœur ; faites que je me considère en cette maladie comme en une espèce de mort, séparé du monde, dénué de tous les objets de mes attachements, seul en votre présence, pour implorer de votre miséricorde la conversion de mon cœur; et qu'ainsi j'aie une extrême consolation de ce que vous m'envoyez maintenant une espèce de mort pour exercer votre miséricorde, avant que vous m'envoyicz effectivement la mort pour exercer vo

tre jugement. Faites donc, ô mon Dieu, que, comme vous avez prévenu ma mort, je prévienne la rigueur de votre sentence, et que je m'examine moi-même avant votre jugement, pour trouver miséricorde en votre présence.

IV.

Faites, ô mon Dieu! que j'adore en silence l'ordre de votre providence adorable sur la conduite de ma vie ; que votre fléau me console; et qu'ayant vécu dans l'amertume de mes péchés pendant la paix, je goûte les douceurs célestes de votre grace durant les maux salutaires dont vous m'affligez! Mais je reconnois, mon Dieu, que mon cœur est tellement endurci et plein des idées, des soins, des inquiétudes et des attachements du monde, que la maladie non plus que la santé, ni les discours, ni les livres, ni vos Écritures sacrées, ni votre Évangile, ni vos mystères les plus saints, ni les aumônes, ni les jeûnes, ni les mortifications, ni les miracles, ni l'usage des sacrements, ni le sacrifice de votre corps, ni tous vos efforts, ni ceux de tout le monde ensemble, ne peuvent rien du tout pour commencer ma conversion, si vous n'accompagnez toutes ces choses d'une assistance tout extraordinaire de votre grace. C'est pourquoi, mon Dieu, je m'adresse à vous, Dieu tout-puissant, pour vous demander un don que toutes les créatures ensemble ne peuvent m'accorder. Je n'aurois pas la hardiesse de vous adresser mes cris, si quelque autre pouvoit les exaucer. Mais, mon Dieu, comme la conversion de mon cœur que je vous demande est un ouvrage qui passe tous les efforts de la nature, je ne puis m'adresser qu'à l'auteur et au maître tout-puissant de la nature et de mon cœur. A qui crierai-je, Seigneur, à qui aurai-je recours, si ce n'est à vous? Tout ce qui n'est pas Dieu ne peut pas remplir mon attente. C'est Dieu même que je demande et que je cherche; et c'est à vous seul, mon Dieu, que je m'adresse pour vous obtenir. Ouvrez mon cœur, Seigneur, entrez dans cette place rebelle que les vices ont occupée. Ils la tiennent sujette. Entrez-y comme dans la maison du fort; mais liez auparavant le fort et puissant ennemi qui la maîtrise, et prenez ensuite les trésors qui y sont. Seigneur, prenez mes af

fections que le monde avoit volées; volez vous | Oui, mon Dieu, et bien loin de prétendre que

même ce trésor, ou plutôt reprenez-le, puisque c'est à vous qu'il appartient, comme un tribut que je vous dois, puisque votre image y est empreinte. Vous l'y aviez formée, Seigneur, au moment de mon baptême, qui est ma seconde naissance; mais elle est tout effacée. L'idée du monde y est tellement gravée, que la vôtre n'est plus connoissable. Vous seul avez pu créer mon ame, vous seul pouvez la créer de nouveau; vous seul avez pu y former votre image, vous seul pouvez la réformer, et y réimprimer votre portrait effacé; c'est-à-dire Jésus-Christ mon Sauveur, qui est votre image et le caractère de votre substance.

V.

O mon Dieu! qu'un cœur est heureux qui peut aimer un objet si charmant, qui ne le déshonore point, et dont l'attachement lui est si salutaire! Je sens que je ne puis aimer le monde sans vous déplaire, sans me nuire et sans me déshonorer; et néanmoins le monde est encore l'objet de mes délices. O mon Dieu! qu'une ame est heureuse dont vous êtes les délices, puisqu'elle peut s'abandonner à vous aimer, non seulement sans scrupule, mais encore avec mérite! Que son bonheur est ferme et durable, puisque son attente ne sera point frustrée, parceque vous ne serez jamais détruit, et que ni la vie ni la mort ne la sépareront jamais de l'objet de ses desirs; et que le même moment qui entraînera les méchants avec leurs idoles dans une ruine commune unira les justes avec vous dans une gloire commune; et que comme les uns périront avec les objets périssables auxquels ils se sont attachés, les autres subsisteront éternellement dans l'objet éternel et subsistant par soi-même auquel ils se sont étroitement unis! Oh! qu'heureux sont ceux qui, avec une liberté entière et une pente invincible de leur volonté, aiment parfaitement et librement ce qu'ils sont obligés d'aimer nécessairement !

VI.

Achevez, ô mon Dieu! les bons mouvements que vous me donnez. Soyez-en la fin comme vous en êtes le principe. Couronnez vos propres dons; car je reconnois que ce sont vos dons.

mes prières aient du mérite qui vous oblige de les accorder de nécessité, je reconnois très humblement qu'ayant donné aux créatures mon cœur, que vous n'aviez formé que pour vous, et non pas pour le monde, ni pour moi-même, je ne puis attendre aucune grace que de votre miséricorde, puisque je n'ai rien en moi qui puisse vous y engager, et que tous les mouvements naturels de mon cœur, se portant vers les créatures, ou vers moi-même, ne peuvent que vous irriter. Je vous rends donc graces, mon Dieu, des bons mouvements que vous me donnez, et de celui même que vous me donnez de vous en rendre grace.

VII.

Touchez mon cœur du repentir de mes fautes, puisque, sans cette douleur intérieure, les maux extérieurs dont vous touchez mon corps me seroient une nouvelle occasion de péché. Faites-moi bien connoître que les maux du corps ne sont autre chose que la punition et la figure tout ensemble des maux de l'ame. Mais, Seigneur, faites aussi qu'ils en soient le remède, en me faisant considérer dans les douleurs que je sens celle que je ne sentois pas dans mon ame, quoique toute malade et couverte d'ulcères. Car, Seigneur, la plus grande de ses maladies est cette insensibilité et cette extrême foiblesse qui lui avoit ôté tout sentiment de ses propres misères. Faites-les moi sentir vivement, et que ce qui me reste de vie soit une pénitence continuelle, pour laver les offenses que j'ai commises.

VIII.

Seigneur, bien que ma vie passée ait été exempte de grands crimes, dont vous avez éloigné de moi les occasions, elle vous a été néanmoins très odieuse par sa négligence continuelle, par le mauvais usage de vos plus augustes sacrements, par le mépris de votre parole et de vos inspirations, par l'oisiveté et l'inutilité totale de mes actions et de mes pensées, par la perte entière du temps que vous ne m'aviez donné que pour vous adorer, pour rechercher en toutes mes occupations les moyens de vous plaire, et pour faire pénitence des fautes qui se commettent tous les jours, et qui même sont ordi

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