Un mourant, qui comptait plus de cent ans de vie, Sans l'avertir au moins. Est-il juste qu'on meure J'aurais trouvé ton testament tout fait, Quand les esprits, le sentiment, Quand tout faillit en toi? Plus de goût, plus d'ouïe; Ou morts, ou mourants, ou malades: Que tu fasses ton testament. La Mort avait raison: je voudrais qu'à cet age 1. Souvenir d'Horace. Ut conviva satur. Et de Lucrèce quí a dit : Cur non ut vitæ plenus conviva recedit? Remerciant son hôte; et qu'on fit son paquet': 2 A des morts, il est vrai, glorieuses et belles,⚫ 1. Son paquet. Cette trivialité est là pour rimer. Maudite rime? 2. Jeunes, adjectif, est ici pris substantivement. II. Le Savetier et le Financier 1. Un savetier chantait du matin jusqu'au soir1 Merveilles de l'ouïr; il faisait des passages, Si sur le point du jour parfois il sommeillait, Que les soins de la Providence En son hôtel il fait venir Le chanteur, et lui dit : Or çà, sire Grégoire, 1. Bonaventure Des Periers. La farce des deux savetiers. 2. Jusqu'au soir. « Tout le long du jour il chantoit et réjouissoi tout le voisinage.» (DES PERIERS.) 3. L'infinitif est un substantif verbal, et peut s'employer substantivement. Cet emploi, très-commun chez les Grecs, où l'infinitif se prend avec l'article, et en latin où il se décline (les gérondifs sont des cas de l'infinitif), est plus rare en français. Dit avec un ton de rieur Le gaillard savetier, ce n'est point ma manière Chaque jour amène son pain. Eh bien ! que gagnez-vous, dites-moi, par journée ? Lui dit: Je vous veux mettre aujourd'hui sur le trône. Le savetier crut voir tout l'argent que la terre Il retourne chez lui: dans sa cave il enserre Plus de chant: il perdit la voix Du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines. Il eut pour hôtes les soucis, Les soupçons, les alarmes vaines. Tout le jour il avait l'œil au guet; et la nuit, Le chat prenait l'argent. A la fin le pauvre homme 1. Tantót moins. Ces réponses évasives sont bien dans les habitudes du peuple. 2. Plus de chant. « Lors il commença de devenir pensif. Il ne chantoit plus, il ne songeoit plus qu'en ce pot de quincaille. » (DES PERIERS.) 10 III. Le Lion, le Loup, et le Renard1. Un lion décrépit, goutteux, n'en pouvant plus, Manda des médecins : il en est de tous arts". Le renard se dispense, et se tient clos et coi". D'avoir différé cet hommage; Et m'acquittais d'un vou fait pour votre santé. Gens experts et savants; leur ai dit la langueur Le long âge en vous l'a détruite : 1. Esope. 2. Allèguer l'impossible. M. de Calonne a commenté ce vers en répondant à la reine, qui lui demandait un service : « Madame, si c'est possible, c'est fait; si c'est impossible, ça se fera. » 3. La Fontaine entend par là qu'il y a des médecins qui ont des secrets différents, des arts divers pour soigner les maladies; diversité suspecte, que le poëte signale avec une intention légèrement malicieuse contre la médecine. 4. Lui vient pour il lui vient. Sans cette ellipse il faudrait lui viennent. 5. Coe, tranquille, de quietus; on a d'abord écrit quoi. Toute chaude et toute fumante: Le secret sans doute en est beau S'il vous plaît, de robe de chambre1. On écorche, on taille, on démembre Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire; Où l'on ne se pardonne rien. 1. Cette plaisanterie peu charitable n'est pas à sa place. Si le renard l'a faite, il a dû attendre que son camarade fût écorché. Le poëte prend ici la place du personnage: distraction fort rare chez La Fontaine. 2. Mot heureusement créé, qui a prís place, grâce à La Fontaine, dans le dictionnaire de l'Académie française. IV. Le Pouvoir des Fables'. A M. DE BARILLON 2. La qualité d'ambassadeur Peut-elle s'abaisser à des contes vulgaires? 1. Ésope. 2. Ambassadeur on Angleterre, ami de notre poëte, de Mar de Sé. vigné, de Mme de Grignan et de Mm de Coulanges. 3. Seront-ils point. Cette tournure ancienne se retrouve à chaque instant dans La Fontaine, quoique l'usage de commencer les phrases de ce genre par une négation eût déjà prévalu. |