Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons, Que m'avaient-ils fait? nulle offense; Je me dévoûrai donc, s'il le faut : mais je pense Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi; Et quant au berger, l'on peut dire Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances, La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue; 1. Ce petit vers escamote, comme on l'a remarqué, le plus gros des métaits de sa majesté le lion. 2. On voit avec quel art le poëte a multiplié les circonstances atténuantes dans cette confession : c'était un pré de moines, gens riches et charitables; il passait donc point de préméditation. La faim, l'occasion, l'herbe tendre, comment résister à une tentation si forte? d'ailleurs le diable s'en est mêlé. La peccadille de l'àne conservée par un vague souvenir, j'ai souvenance, est encore amvin drie par la franchise de l'aveu, 1 A ces mots, on cria haro sur le baudet. Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. D'expier son forfait. On le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou misérable, 1. La clameur de haro (mot dont l'étymologie est douteuse) se poussait en Normandie avant de courir sus aux malfaiteurs. 2. Clerc, savant. II. Le Rat qui s'est retiré du monde 1. Les Levantins 2 en leur légende Se retira loin du tracas. Notre ermite nouveau subsistait là-dedans. Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage Un jour, au dévot personnage Des députés du peuple rat S'en vinrent demander quelque aumône légère : 1. Nic. de Pergame. 2. Les Levantins, les peuples du Levant ou les Orientaux. gende, récit qu'on doit lire (legendus, a, um.) Ils allaient en terre étrangère Chercher quelque secours contre le peuple chat; On les avait contraints de partir sans argent, De la république attaquée. Ils demandaient fort peu, certains que le secours Les choses d'ici-bas ne me regardent plus: Vous assister? que peut-il faire Le nouveau saint ferma sa porte. 1. Mot composé, qui signifie ville des Rats. III. Le Héron. Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où, Il côtoyait une rivière. : L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours, Ma commère la carpe y faisait mille tours Avec le brochet son compère. Le héron en eût fait aisément son profit: Tous approchaient du bord; l'oiseau n'avait qu'à prendre. Mais il crut mieux faire d'attendre Qu'il eût un peu plus d'appétit : fl vivait de régime, et mangeait à ses heures. . Ce signalement du héron est aussi exact que poétique ; c'est une description et un tableau. On n'aurait pas à faire cette remarque, si Voltaire n'eût compris ces deux vers dans ses critiques sur Fontaine. Après quelques moments l'appétit vint: l'erseau, Des tanches qui sortaient du fond de ces demeures. Comme le rat. du bon Horace. Moi, des tanches! dit-il; moi, héron, que je fasse La faim le prit: il fut tout heureux et tout aise Ne soyons pas si difficiles : Les plus accommodants, ce sont les plus habiles, 1. Tangens male singula dente superbo. (HORACE.) IV. Les Souhaits1. Il est au Mogol des follets Tiennent la maison propre, ont soin de l'équipage, Et quelquefois du jardinage. Si vous touchez à leur ouvrage, 2 Vous gâtez tout. Un d'eux près du Gange autrefois Cultivait le jardin d'un assez bon bourgeois. Il travaillait sans bruit, avait beaucoup d'adresse, 1. Le fond de cet apologue est tiré d'un ancien conte arabe. 2. Fleuve des Indes. Aimait le maître et la maîtresse, Et le jardin surtout. Dieu sait si les Zéphyrs, Pour plus de marques de son zèle, A ses pareils si naturelle; Mais ses confrères les esprits Le changea bientôt de logis. En tout temps couverte de neige; Je ne sais pas pour quelles fautes: Qu'un temps fort court, un mois, peut-être une semaine : Trois, sans plus. Souhaiter ce n'est pas une peine Ceux-ci, pour premier væu, demandent l'Abondance; Verse en leur coffre la finance, En leurs greniers le blé, dans leurs caves les vins : Les voleurs contre eux complotèrent; Les grands seigneurs leur empruntèrent *; Le prince les taxa. Voilà les pauvres gens 1. Ces biens. On disait plus anciennement chevissance. 2. Sous Louis XIV les grands seigeurs empruntaient beaucoup, surtout pour entrer en campagne. |