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blimes paroles de l'Évangile « Aimez Dieu par-dessus toute chose et votre prochain comme vous-même. »

L'homme est né pour aimer; sa nature l'y porte, et, s'il s'en écarte, il n'accomplit pas sa destinée. Mais, pour être dans le vrai, il faut l'accomplir dans de certaines limites et se garder de faire d'un sentiment licite une passion perfide qui ruine l'âme et

le corps.

Cet immense besoin d'aimer nous le ressentons tous, alors que la sève de la jeunesse coule rapide et brûlante dans nos veines, et s'il n'est retenu par l'éducation, par la réflexion, par la piété, il nous conduit au précipice.

S'il se laisse entraîner, c'en est fait de son repos, de son bonheur, car si la racine de l'amour est douce, le fruit est toujours

amer.

La radice ha soave, il frutto amaro...

Les anciens eux-mêmes l'ont avoué, aux siècles où l'on divinisait la passion sous toutes les formes et nous voyons Ovide s'écrier Principium dulce est, sed finis amoris amarus...

A bien plus forte raison quand on a reconnu que Dieu seul avait droit à ce culte et que seul il donnait en retour un bonheur sans mélange d'amertume.

C'est que l'égoïsme est la base de tout amour humain et le sacrifice, l'abnégation, le dévouement sont les bases de l'amour divin.

L'amour divin est la source de toutes les vertus, purement humain est une effervescence passagère.

l'amour

(Massillon.)

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Amour divin. La religion n'est guère autre chose que l'amour, son siège est dans le cœur (4). La plus grave des erreurs est de faire de la religion une affaire d'intelligence qui doit être décidée à force de raisonnement et de subtilités. Le raisonnement peut conduire au doute, car il s'arrête devant un mystère que l'esprit se sent impuissant à comprendre et plus encore à expliquer. Le cœur ne doute pas et surtout ne désespère jamais. Voilà

(1) Dieu est amour, et celui qui ne le voit pas ainsi ne le connaît pas. (S' Jean.)

pourquoi il y a plus de religion dans le sexe le plus faible et le plus aimant. Là où l'on trouve le plus d'amour, d'abnégation, de dévouement, on trouve aussi plus de religion.

Mais aimer Dieu, dira-t-on, est-ce aimer autre chose qu'une idée, une abstraction? Aimer Dieu, répondrai-je, c'est aussi aimer l'humanité, c'est se dévouer pour elle, c'est sacrifier les exigences de ses sens à cet amour immense et infini: Si Dieu était ce ciel parsemé d'étoiles, cette prairie émaillée de fleurs, s'il était ce frère, cet ami, cette beauté périssable et fragile, nous l'aimerions, et parce qu'il est la source infinie de toutes les perfections, parce que toute beauté n'est qu'un épanchement de ses rayons, notre cœur demeurerait froid et stérile ?... Non, pour être invisible à nos sens, Dieu n'en est pas moins visible au cœur: Partout où le fini nous trompe, l'infini nous console.

En naissant nous espérons ; la réalité nous échappe, nous nous réfugions dans le rêve, dans l'avenir. Le rêve s'accomplit, l'avenir arrive; il est terne, décoloré; l'illusion se dissipe et l'âme se prend à rêver de nouveau jusqu'au moment où, dégagée du corps, qui la tient captive, elle vit de sa seule vie et se confond dans l'amour immense qui l'a créée, sans perdre cependant le souvenir, dernier lien qu'elle conserve avec la terre où elle a vécu, lien que notre cœur nous demande et que l'Écriture nous promet.

L'amour qui a son siège dans les sens n'en mérite pas le nom; c'est du sensualisme et de l'égoïsme. Ce n'est pas de cet amour qu'il peut être question ici, mais de l'amour vrai qui nous porte au grand, au beau et au bien.

Mais celui-là encore, s'il a pour objet une créature, il s'amoindrit et s'éteint vite, comme tout ce qui est humain. Il s'agrandit au contraire en s'appliquant à Dieu. Au lieu de se plaire dans le fini, il se dilate dans l'infini. Pourquoi alors ne nous jetonsnous pas vers ce dernier amour? C'est qu'il faut subir les conséquences de notre nature. C'est aussi, pour nous servir de l'éloquente parole d'un écrivain que nous aimons à citer (4), c'est que nous ne le connaissons pas : Si Dieu se dévoilait à nos regards dans tout l'éclat de ses perfections, personne n'hésiterait à le

(1) Auguste Nicolas.

reconnaître; nous nous jetterions tous alors dans son sein comme dans l'Océan de la beauté et de la vie; mais parce qu'il est caché derrière ses œuvres, nous sommes portés à prendre le change, à borner aux créatures le mouvement d'amour qu'il nous a imprimé pour aller à lui et à éparpiller sur elles les immenses trésors de notre intelligence et de notre cœur. Et comme, de toutes les créatures, nous sommes les plus riches par nos facultés, c'est vers nous que nous commençons à tourner nos complaisances et nos idolâtries, d'où nous les prodiguons ensuite à tout ce qui peut nous charmer, seulement il s'égare en se laissant aller à l'attrait que Dieu a répandu sur ses ouvrages et qui est comme un rayon de sa beauté; au lieu de nous servir de cet attrait pour remonter à son principe et d'aller du rayon au foyer, des créatures au créateur, nous les lui substituons, nous en faisons les instruments de notre infidélité, qui ne tardent pas à devenir ceux de notre infortune, en ne nous laissant, après quelques rapides éclairs de jouissance, que l'indigence et le néant.

L'amour n'est pas cette violente aspiration vers un être créé c'est l'aspiration de la partie la plus éthérée de notre âme vers l'inconnu. Êtres bornés, nous cherchons sans cesse à donner le change à ces insatiables désirs qui nous consument; nous leur cherchons un but autour de nous et, pauvres prodigues que nous sommes, nous parons nos périssables idoles de toutes les beautés immatérielles aperçues dans nos rêves. Les émotions des sens ne nous suffisent pas. La nature n'a rien d'assez recherché pour apaiser la soif de bonheur qui est en nous; il nous faut le ciel et nous ne l'avons pas. C'est pourquoi nous le cherchons dans une créature semblable à nous et nous dépensons pour elle toute cette énergie qui nous avait été donnée pour un plus noble usage. Nous refusons à Dieu le sentiment de l'adoration, sentiment qui fut mis en nous pour retourner à Dieu seul; nous le reportons sur un être faible qui devient le Dieu de notre culte idolâtre... Aussi, quand tombe le voile et que la créature se montre chétive et imparfaite, derrière ces nuages d'encens, nous sommes effrayés de notre illusion, nous en rougissons, nous renversons l'idole... et puis nous en cherchons une autre ! car il nous faut aimer et nous nous trompons encore souvent, jusqu'au jour où, désabusés, éclairés,

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purifiés, nous abandonnons l'espoir d'une affection durable sur la terre, et nous élevons vers Dieu l'hommage enthousiaste et pur que nous n'aurions dû adresser qu'à lui seul. (S***)

Si nous n'aimions que Dieu, la pauvreté et les richesses, la santé et la maladie, la vie et la mort, toutes les vicissitudes de ce monde nous seraient indifférentes, parce que nous les verrions toutes en Dieu qui les ordonne ou les permet avec une infinie sagesse. (St Fr. de Sales).

Amour conjugal.

Ce sentiment est l'un des plus

doux de notre vie, mais pour le rendre tel il y a de grands devoirs à accomplir...

En contractant cette union qui doit durer autant que nous, il faut prendre la résolution de rendre heureuse la compagne qui nous donne son existence et abandonne sa famille et jusqu'à son nom pour le fondre avec le nôtre.

Mais hélas! cette loi est-elle toujours observée ? Un grand nombre de mariages, même ceux qu'une affection mutuelle a cimentés, ont des suites malheureuses et une fin déplorable. A quoi cela tient-il? A ce qu'aucun des deux époux n'a compris ses devoirs: les goûts, les passions, le caractère, l'intérêt, la différence des natures viennent apporter des obstacles et des chagrins là où semblait devoir régner le bonheur.

Disons-le toutefois la faute en est le plus souvent au chef de la communauté; la femme est naturellement douce, reconnaissante, disposée à aimer l'homme qui l'estime, la protège et l'entoure de son affection. Mais elle est aussi susceptible qu'aimante et pardonne difficilement des infidélités ou de graves défauts.

Pour ne pas perdre ses droits à l'amour et au respect de sa compagne, l'homme doit donc se respecter lui-même et mettre tous ses soins à rappeler à la femme qu'elle a près d'elle un ami, à lui faire oublier qu'elle a un maître. Il doit être pour elle un exemple et un soutien.

Mais la femme n'a-t-elle pas, de son côté, des devoirs sacrés à remplir? La fidélité, la chasteté sont-elles les seules vertus dont son mari puisse lui demander compte? Non certes! Les vertus secondaires qui font le bonheur du ménage sont souvent oubliées et la femme ne voit pas assez que c'est à cet oubli

qu'elles doivent la désunion et les chagrins de leur vie. Malheureusement, la société est le plus souvent complice de leur faute elle met au nombre des devoirs des usages qui les font presque toujours oublier.

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L'union conjugale, dit avec raison Cellerier, est la base de l'édifice social. Elle fait le bonheur des familles particulières dont se compose la grande famille de l'État; elle décide pour l'homme du sort de la vie présente et étend son influence jusque sur la vie future.

L'amitié est sans doute un des premiers biens, mais peut-on comparer ses douceurs à celles d'un heureux ménage? Où est l'ami qui soit là dans tous les moments, toujours à notre portée, de qui l'on soit le premier intérêt, la première pensée? A qui l'on puisse dévoiler toutes ses faiblesses et se montrer tout entier, sans craindre d'affaiblir l'estime, fondement de son affection? Où est l'ami de qui l'on puisse tout attendre et tout recevoir, sans être jamais retenu par la discrétion? Ce qui serait chez des amis vertu supérieure, dévouement extraordinaire, c'est ce que des époux font tous les jours, sans qu'on songe à s'en étonner.

L'union conjugale est la mieux faite pour l'homme, la mieux assortie à ses besoins. Pour la faire comprendre, envisageons-la en elle-même elle est la plus intime, la plus parfaite, la plus durable des associations. Elle met en commun tous les intérêts de fortune, d'amour-propre; la gloire ou l'humiliation de l'un rejaillit sur l'autre; les peines et les plaisirs sont de moitié, non seulement parce que la sympathie les fait partager, mais parce qu'on les éprouve ensemble. C'est une même vie dans laquelle deux êtres se trouvent réunis.

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L'amour, tel que le conçoivent les jeunes cœurs existe-t-il dans le mariage? Non certainement. L'amour conjugal n'est point cette passion impétueuse, mutine, subjugante, qui nait dans l'effervescence des sens, s'apaise avec eux et se consume par sa propre violence. L'expérience de la vie et ses devoirs ont pris la place de la passion. L'homme a appris à vaincre avec courage la mauvaise fortune et à s'imposer les travaux nécessaires pour assurer l'existence et le bien-être de sa compagne. L'amour conjugal apprendra à celle-ci l'art précieux et difficile de plaire tous

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