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plus elle s'élève, moins le corps a de besoins; il baisse avec l'âge, mais non pas l'âme, par laquelle nous aimons; elle n'a point d'âge.

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(Lacordaire.)

Tout tombe, disparaît et finit ici-bas.

A ces biens passagers ne nous attachons pas.

Tout vieillit et tout meurt, tout, excepté notre âme
Qui ne perdra jamais sa chaleur et sa flamme...

Ranime-toi, mon cœur, et que cette pensée
Soit un baume divin, une douce rosée :

Oui, nous retrouverons nos parents, nos amis;
Plus d'adieux! pour toujours nous serons réunis !
(Marie de Beauval).

Amitié.

Affection mêlée d'estime, attachement de deux

personnes, l'une pour l'autre.

Les facultés les plus précieuses de l'âme sont l'intelligence et l'amour. L'amour divin est le plus pur, le plus noble, mais il ne peut être le seul: l'homme est né sociable; de là la famille et ses devoirs; de là l'amour paternel, l'amour filial, qui lient l'homme à l'homme par des liens indissolubles.

Mais les liens de famille sont-ils les seuls permis?

Indépendamment de cette charité qui embrasse et confond tous nos semblables, est-il défendu à l'homme de choisir parmi les âmes d'élite une âme qui comprenne la sienne et devienne meilleure à son contact, comme il s'améliore au sien? Non, certes, une pareille idée serait impie. Le respect vient se placer entre le père et le fils, l'intérêt entre les frères, le choix est donc permis, et toute amitié, même celle qui existe entre les sexes différents, sera excellente, si elle a son lien en Dieu, si elle tend vers Dieu. C'est sans doute cette pensée qui excita saint François de Sales à s'écrier Oh! qu'il fait bon aymer en terre comme l'on ayme au ciel, d'apprendre à s'entrechérir en ce monde, comme nous ferons éternellement en l'autre ! Le baume délicieux de la piété distille de l'un des cœurs en l'autre par une continuelle participation, et l'on peut dire que Dieu a répandu sur cette amitié sa bénédiction et la vie, jusqu'aux siècles des siècles ! »

Tout ne meurt pas en effet avec nous et quand l'enveloppe des

sens est rompue, meilleure est l'amitié dégagée des liens terrestres. ◄ Plusieurs vous diront, ajoute ce saint, qui avait compris tout ce qu'il y a de pur et d'excellent dans cette liaison de deux âmes, et ce besoin de verser dans un cœur ami le trop plein d'affection dont le Créateur a doué les meilleures natures, plusieurs vous diront qu'il ne faut avoir aucune sorte de particulière affection, d'autant que cela occupe le cœur, distrait l'esprit, engendre les envies et les propos; mais ils se trompent en leurs conseils, sinon pour les habitants des monastères, qui ont des règles plus sévères, au moins pour les mondains. Il leur est nécessaire à eux de s'allier les uns aux autres par une sainte amitié; car, par icelle, ils s'animent, ils s'aydent, ils s'entreportent au bien, et si ceux qui cheminent en la plaine n'ont pas le soin de se prester la main, ceux qui sont és chemins scabreux et glissants s'entretiennent l'un l'autre pour cheminer plus sûrement... »

Quelle douce explication du plus doux des sentiments ! Le fort aime le faible et l'aide en son chemin, le faible s'appuie sur le bras du fort et le bénit de son appui.

C'est là l'amitié chrétienne, la seule qui, dégagée des sens, ennoblisse l'âme.

Sans elle nous languissons dans notre isolement, tourmentés par la conscience de ce que nous sommes et de ce qui nous manque empressés, dès que nous avons reconnu chez un être de notre espèce des sentiments semblables aux nôtres, de nous en rapprocher par l'amitié, d'unir à nous cette autre existence qui paraît nous appartenir, puisqu'elle nous est semblable. Aussitôt que deux individus se sont rencontrés dans une même pensée, en eux s'élève une disposition d'affection, légère, s'ils se tiennent par ce seul fil, mais toujours plus forte à mesure que se manifestent entre eux plus d'idées conformes et capables de les réunir dans une volonté commune. Il n'est personne qui, en aimant, ne se soit senti agité du besoin d'aimer d'avantage. L'énergie de notre affection s'irritait de son insuffisance et nous découvrait des immensités d'amour, auxquelles nous ne sentions que la force d'aspirer, et non la possibilité d'atteindre.

Placés à ce point de vue, l'amitié ne peut réellement exister qu'entre des êtres bons et purs.

L'intérêt qui unit les méchants, les désunit bientôt : un brigand

n'a pas d'amis, il n'a que des complices; l'homme bon et faible au contraire, a toujours besoin de ces paroles de vie, qui soutiennent un cœur prêt à défaillir dans les misères humaines.

Une amitié fausse flattera les passions, trouvera une excuse à le faiblesse; une amitié vraie montrera les écueils, fera voir le port et guidera la barque du pêcheur à travers les flots écumeux; et si, au lieu d'une mer agitée, c'est sur une eau belle et limpide que vogue la barque, d'autres charmes saisissent l'âme et la captivent.

Alors, comme le dit l'évêque d'Hippone : « C'est un échange de bienveillance et d'enjouement, dissentiments rares et sans aigreur, léger assaisonnement de contradiction qui relève la fadeur d'une trop constante uniformité, instruction réciproque; tout autant de foyers où les esprits se confondent et se réduisent à l'unité... >>

Que sont les joies du monde comparées à celles-là ? Que sont les plaisirs dévorants de l'ambition, les plaisirs de la table, qui nous assimilent à la brute, les plaisirs de l'imagination, qui s'évanouissent en fumée, les plaisirs de l'esprit, qui nous font des envieux... quand ils ne nous font pas des ennemis ?

En élevant ainsi l'amitié à la hauteur des plus nobles sentiments, est-ce à dire qu'elle n'a pas ses travers, ses exigences, ses jalousies, ses déceptions! Non, certes; et ce serait trop présumer de l'humaine créature. L'amitié peut avoir ses jalousies comme elle a ses préférences, car sans cela elle ne serait pas amitié, mais ses jalousies n'ont rien d'amer, rien de sombre, et si un repli de rose suffit pour la blesser, un sourire bienveillant la ramène.

C'est que, si l'amour est une passion, l'amitié est un sentiment; c'est que l'un naît du caprice, l'autre de la réflexion. On parle de ses déceptions! C'est, hélas ! qu'il n'y a de durable que ces amitiés, en présence desquelles Dieu nous aime.

Celles-là sont pures, délicieuses au souvenir, et ne s'effacent jamais. Aussi l'amitié, la véritable amitié ne peut exister qu'entre des âmes privilégiées, qui sachent et puissent faire abstraction du moi et des sens, et des petites passions qu'ils excitent, pour se dévouer en entier, et ne faire de deux vies qu'une vic. La mort est alors la seule séparation possible, et, sans le secours, sans l'idée de Dieu, elle est affreuse. Aussi Augustin disait-il avant sa

conversion, lorsqu'il perdit le compagnon de ses études et de ses plaisirs « Je ne trouvai de consolation que dans mes larmes, qui, ayant succédé à mon ami, étaient devenues les seules délices de ma vie! » S'il eût alors connu Dieu et ses joies ineffables, au lieu de dire à cet ami un éternel et désolant adieu, il lui eût tendu la main, avec ces mots si doux du christianisme : Au revoir dans le ciel.

Sans la vertu, point d'amitié : sommes-nous unis par l'intérêt? l'intérêt cesse, le contrat est rompu; par les plaisirs? l'âge arrive, le charme cesse, le contrat est rompu; par les opinions, les partis? la position change, l'opinion se divise, le contrat est rompu.

Un moraliste a dit que ce qui faisait l'amitié, c'était l'abnégation de rang, de fortune, de talent, c'était le consentement mutuel à effacer l'infériorité de son ami, ou à jouir de sa supériorité. Aussi, d'après lui, « l'amitié d'une femme pour un homme, est l'amitié parfaite, le plus grand des biens, le plus doux lien de la vie, le plus désintéressé, le plus exempt de rivalités et d'orages, s'il ne se transforme pas... >>

Cet aquiescement à une complète égalité, cet entier abandon d'amour-propre, est une grande difficulté entre deux hommes, et même entre deux femmes, bien qu'elles aient un cœur plus tendre, une jouissance réelle et un doux échange plutôt qu'un sacrifice entre un homme et une femme; et ces mots que j'ai soulignés, ces mots si vrais dans la bouche d'un moraliste païen, n'existent plus, si nous parlons d'une amitié vraiment chrétienne. Il est des mystères d'adorable chasteté, dont le paganisme et la philosophie railleuse de nos jours se rient, parce qu'ils ne peuvent les comprendre; mais demandez-le aux Pères de l'Église, à Massillon, à Fénelon, à François de Sales, et ils vous le diront dans le plus saint et le plus suave langage, dans un langage qui ira droit à votre cœur.

Après la Sagesse, je regarde l'amitié comme le plus riche présent que nous fassent les Dieux immortels. D'autres préfèrent l'opulence, d'autres la santé, d'autres la puissance, d'autres les honneurs et plusieurs même la volupté. Ce dernier est le partage des brutes, et à l'égard du reste, ce sont choses fragiles, inceraines et qui dépendent moins de notre prudence que de la fortune et de ses caprices.

Quant à ceux qui comptent la vertu pour le bien suprême, ils ont grande raison. Mais la vertu même est ce qui fait naître l'amitié; elle en est le soutien; et il ne peut y avoir d'amitié sans (Cicéron.)

vertu.

L'amour nait du caprice et l'amitié de la réflexion. C'est pour cela que l'amitié est un sentiment et l'amour une passion. (Saint Amand.)

En amitié, il y a deux biens principaux le premier c'est d'aimer, le second de se confier. Pour jouir de ces deux biens, il faut de la bonté pour aimer, de l'estime pour avoir confiance. Travaillez à être content de vous-même et vous trouverez un ami dont vous serez content; aimez et vous serez aimé. (De Ségur.) - Un bon livre est le meilleur des amis; il ne révèle pas vos secrets et il enseigne la sagesse. (Maximes des Orientaux.) Enlever l'amitié de la vie, c'est comme si l'on retirait le soleil de la terre.

(Cicéron.)

Dans toutes les tristesses, l'amitié est comme l'ange de la terre, qui essuie les larmes et relève l'âme abattue, en lui donnant le courage et la résignation.

(Wiseman.)

Les paroles affectueuses sont les bourgeons de la vraie amitié, les actes en sont les fruits.

(Saint Jure.)

Un véritable ami est un frère que nous nous sommes choisi.

(J. Droz.) L'amitié est le plus parfait des sentiments de l'homme parce qu'il est le plus libre, le plus pur et le plus profond. (Lacordaire.)

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Amour. L'amour est un mouvement sympathique qui nous porte vers une chose divine, idéale ou humaine.

Considéré dans toute l'étendue de sa signification, l'amour est cette puissance universelle et intime, mystérieuse et infinie, qui anime tous les êtres de la création, qui féconde et vivifie tous les germes de la nature et préside à l'harmonie des sociétés.

Tous les phénomènes de la vie organique, toutes les tendances. de la vie morale démontrent la prévoyance et la sagesse de Dieu; c'est l'amour qui relie les sociétés humaines, qui crée la famille, charme et embellit le foyer domestique. L'amour est la base de la religion. C'est ainsi qu'il faut comprendre ces simples et su

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