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fera jamais défaut. Nous pourrons la consulter sans crainte et suivre ses inspirations.

Ce n'est point, en effet, une vérité spéculative qu'on cherche dans la morale, c'est une règle et une source de règles incontestables, éternelles... Et quelle est la philosophie qui nous les donne? Quelle est celle qui peut reconnaître un principe d'autorité irrécusable, supérieur à tout ce que pourrait imaginer l'intérêt temporel, et, par dessus tout, un exemple, un modèle? Il n'en existe pas. Les philosophes se sont épuisés à chercher, et leurs interminables recherches n'ont abouti qu'au chaos; ou, s'ils ont trouvé quelques parcelles de vérité, ils ont été forcés de reconnaître qu'elles appartenaient encore à ce livre divin qui se nomme Evangile. Pareils à ce savant qui, se trouvant au milieu d'une multitude altérée, au lieu d'utiliser sa science à trouver le fleuve ou la source qui pouvait la désaltérer, s'amuse à faire quelques gouttes d'eau par des procédés chimiques... Cette eau insuffisante, cette eau qui ne désaltère pas et dans laquelle on n'a pas foi, c'est la science humaine... La source c'est l'Evangile (4)! Le savant ne s'est pas avisé qu'il avait pris le chemin le plus long et risqué de s'empoisonner dans le trajet, pour arriver à elle, la goutte d'eau, la vérité obtenue avec tant de labeur, il l'eût trouvée dans le livre divin dont elle n'était qu'un fragment ou une conséquence.

Répétons-le en terminant la philosophie n'a pu nous donner un seul principe, une seule règle de conduite assurée, et la conscience, quand elle n'a pour base que cette science douteuse, qui change avec les siècles et les climats, risque à chaque instant de s'égarer.

Si vous admettez, au contraire, que la morale de l'Evangile vient de Dieu, si vous êtes profondément convaincu de son origine et de sa perfection, il faut admettre en même temps le devoir de s'y soumettre.

Alors seulement, la conscience aura une base, la vie un but et une route certaine pour l'atteindre.

(1) Simili a chi trovandosi con una moltitudine assetata, e sapendo di esser vicino ad un gran fiume si fermasse a fare, con dei processi chimici, qualche goccie di quell'acqua che non disseta, essi hanno consumate le loro cure nel cercare una teoria, etc. (Manzoni).

Considération.

La considération est la récompense

du bien que fait la vertu, c'est l'estime qui s'attache à une belle vie, la parure et la défense des hommes de bien.

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La considération fait plus d'heureux que la gloire.

(Duclos).

Ce qu'on gagne par le mensonge en réputation d'habileté, on le perd en considération.

(Châteaubriand).

Conversation. -« La conversation, dit, avec autant de vérité que d'esprit, un écrivain de nos jours, (4) est tout ce qui se dit et tout ce qu'on ne dit pas; tout ce qu'on sait et tout ce qu'on ignore; les bruits, les rumeurs, les craintes et les espérances du monde ; un peu de calomnie, beaucoup de médisance; un certain fonds de justice; la flatterie pour ceux qui écoutent, nulle pitié pour les absents... » voilà, en effet, comment on pourrait définir cette chose indéfinissable.

Ce qu'on appelait atticisme, en Grèce, c'était à la fois l'esprit, l'élégance et les grâces du monde civilisé. On se demandait alors ce qu'on pensait d'une tragédie d'Euripide, d'une comédie d'Aristophane ou d'une boutade de Diogène, on se demande aujourd'hui, non le succès d'une tragédie, la tragédie est à peu près morte, mais celui d'une comédie d'Augier ou d'une boutade des Diogène de notre époque, car cette race là ne meurt jamais.

Seulement, à Athènes, la conversation avait lieu partout: au forum, au Pirée, à l'air libre. En France, elle s'est réfugiée dans les salons. Au XVIIe siècle elle a presque été une gloire nationale. Elle date de l'hôtel Rambouillet où l'on jugeait qu'il y avait dans ce jeune écolier de seize ans, qui se nommait Bossuet, l'étoffe d'un grand homme. Puis ce fût Mme de Sévigné qui réunit les esprits d'élite, puis Mme Scarron qui, avant d'épouser Louis XIV, remplaçait par une anecdote amusante le rôti qui faisait défaut à sa table; puis, Mme Geoffrin chez qui se réunissaient les philosophes du XVIe siècle et où naissait cette opposition formidable au pouvoir absolu et au Christianisme. On peut dire avec quelque vérité que ces salons du XVIII° siècle ont préparé la première révolu

(1) Jules Janin.

tion. Au xixe les salons ont moins d'importance; cependant on retrouve tout l'esprit français dans ceux de Mmes de Staël, Récamier, Lebrun, de Liéven et la duchesse d'Abrantès, car il est à remarquer que ce sont presque toujours des femmes qui règnent dans les salons, les hommes sont sur le second plan.

La femme française du xvi° siècle est peut-être le modèle de la perfection féminine; ses qualités lui sont toutes particulières et l'on n'en trouverait peut-être point de semblable en aucun temps et dans aucun pays. Spirituelle, instruite et bonne, elle a des grâces infinies dans son esprit, dans sa personne et dans son cœur. C'est le fruit d'une éducation très complète et d'une civilisation perfectionnée. Mme de Sévigné en est le type.

Ce qui fait le charme des femmes de cette époque, c'est le naturel. Fières de leur empire, elles ne s'imposent aucune dissimulation, il ne leurs reste rien de l'afféterie un peu prétentieuse qui marque leurs premiers efforts pour arriver à l'élégance. Elles sont simples et vraies. Leur jeunesse, vive et confiante, a ses passions ardentes, ses chagrins profonds, ses consolations naïves, ses repentirs et ses expiations. Toute la vie de la femme s'y développe et reste dans des conditions vraies. C'est la nature ornée, mais sous la toilette, comme sous l'éducation, on retrouve la nature.

Comment expliquer cette espèce de relations entre un homme et une femme qui n'est ni de l'amour, ni de l'amitié, qui n'est que dans l'esprit et n'a rien d'immoral? Sentiment pur, vif, dévoué, qui unit deux âmes dans de mutuelles confidences, sentiment qui a ses susceptibilités, ses tendresses, ses jalousies, affection constante dont bien des exemples nous sont révélés parmi les plus grandes dames qui s'attachent aux hommes illustres de leur temps (1).

De nos jours, les femmes ont trop laissé le club se substituer au salon, et cette causerie spirituelle s'en va peu à peu, chassée par le Sport, les chevaux de courses, le lansquenet et la fumée du cigare.

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beaucoup qu'à en faire trouver aux autres... le plaisir le plus délicat est de faire celui d'autrui. (La Bruyère).

Nous avons des maîtres qui nous apprennent à parler et nous n'en avons pas qui nous apprennent à nous taire. Parler c'est dépenser, écouter, c'est acquérir.

Les conversations sont l'état populaire,

Nul n'y veut être dominé;

On y déplait en cherchant trop à plaire
Et qui veut régner seul est bientôt détrôné.

(Franklin).

(Delille).

Coran (ou Alcoran). Le Coran est le livre que révèrent les musulmans comme le recueil des lois divines promulguées par leur prophète Mahomet. Il renferme d'excellents préceptes sur la pratique des vertus; les musulmans se font un devoir d'en apprendre par cœur et d'en réciter souvent des versets et des chapitres. Sa morale a été utile à la civilisation de l'Orient et à l'humanité, en abolissant un grand nombre de pratiques superstitieuses et barbares que l'idolatrie avait naturalisées en Arabie.

Le Coran est un mélange des doctrines juives et chrétiennes, unies aux traditions orientales. Il fut mis en ordre et publié par un successeur de Mahomet, l'an XIII de l'hégyre (635 de J.-C.). Il est écrit en Arabe le plus pur et traduit en français par du Ryer en 1734 et par Savary en 1783.

Courage. Le courage est une disposition naturelle à agir d'une manière hardie, à braver les dangers et les obstacles. Outre cette disposition innée, l'influence des circonstances extérieures peut produire sur l'homme des résultats très grands, ses facultés peuvent être excitées moralement par l'ambition, physiquement par des boissons stimulantes. Il y a plusieurs genres de courage: le courage civil, le courage militaire, le courage moral de l'écrivain, etc.

« Le vrai courage, dit Labruyère, est une des qualités qui supposent le plus de grandeur d'âme. J'en remarque de beaucoup de sortes un courage contre la fortune, qui est philosophie; contre la misère, qui est patience; à la guerre, qui est valeur; dans les entreprises, qui est hardiesse; contre l'injustice, qui est fermeté; contre le vice, qui est sévérité. »

Il n'est pas ordinaire qu'un même homme réunisse toutes ces qualités, mais il faut surtout avoir le courage de son état ou de ses fonctions; cela est essentiel, non seulement comme vertu, mais comme la sauvegarde de toutes les autres vertus.

-Vif et impétueux, calme et froid, sombre et mélancolique, patient et opiniâtre, adroit et temporisateur, le courage se nuance et se modifie suivant le caractère des peuples divers : l'Espagnol est le peuple qui se bat le mieux à jeun - le Français est le seul qui se fasse tuer en riant et en plaisantant. (Massias). Le véritable courage est celui de l'âme n'être arrêté par aucune crainte dans l'exercice de son devoir, se tenir prêt à supporter ses maux, ne pas se rebuter des difficultés qui s'opposent à un projet honnête, c'est avoir le courage qui mérite seul le nom de vertu. Il faut travailler de bonne heure à s'armer de fermeté. On fait bien des fautes par faiblesse. Que d'hommes ont été criminels en détestant le crime! on manque à la vertu qu'on aime, pour ne savoir pas résister à de faux amis qu'on méprise. On se rend coupable pour complaire à des protecteurs, dont les vains services ne peuvent faire notre bonheur, et surtout ne nous donneront pas celui d'une conscience satisfaite. Celui qui saura borner ses désirs, se rendra plus rares les occasions de manquer de courage et s'épargnera de longues douleurs. (Lévesque).

Le courage sans la sagesse n'est que de la témérité. (Véran Sabran). -La raison supporte les disgrâces, le courage les combat, la patience et la religion les surmontent. (Me de Sévigné). - Le vrai courage est dans le sang-froid et la puissance de soi-même dans le danger. (V. Cousin).

Cousin, Professeur de philosophie, membre de l'Académiefrançaise, ancien ministre de l'instruction publique, né à Paris en 1792, mort en 1866.

La vie de Victor Cousin a été consacrée aux sciences philosophiques d'abord partisan de la doctrine de Condillac, il abandonna bientôt le sensualisme pour vulgariser en France la philosophie écossaise que les noms de Reid et Dugald-Stewart avaient

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