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les créer eux-mêmes. Dans ce but, ils percent un trou pour chaque gland qu'ils ont à cacher, et, après l'avoir percé, ils logent le gland au centre même de la moelle, dans laquelle ils ont pratiqué une cavité suffisante pour le recevoir. C'est ainsi qu'on trouve nombre de tiges où les glands ne sont pas entassés dans un vide central, mais logés chacun au fond d'un de ces trous, dont la surface de la hampe est criblée.

Ce travail est rude, et occasionne à l'oiseau beaucoup de sueurs; il lui faut une grande industrie pour faire de telles provisions, mais il est vrai de dire que l'exploitation des magasins est ensuite d'autant plus facile. Le pic n'a plus à rechercher sa nourriture sous des couches de bois qu'il faut laborieusement briser; il lui suffit de plonger son bec effilé dans un des orifices tout pratiqués pour en extraire son diner. Il semble, dans ce cas, que la nature a pourvu notre oiseau de son bec solide, non plus pour aller chercher sa nourriture à travers le bois, mais pour l'y cacher.

Les mœurs du Colaptes rubricatus, quoique bien différentes de celles des autres pics, exigent cependant un bec identique au leur, parce que le bois périphérique des hampes d'aloës est d'une grande dureté, et ne se laisse entamer qu'avec un instrument solide. Mais la patience que nos oiseaux déploient à remplir leurs magasins n'est pas seule à remarquer. La persévérance qu'il leur faut pour se procurer les glands est peutêtre plus étonnante encore. En effet, le Pizarro s'élève au milieu d'un désert de sable et de coulées de laves qui ne nourrissent aucun chêne. Je ne puis comprendre de quel endroit nos oiseaux avaient apporté leurs provisions; il faut qu'ils aient été les chercher à plusieurs lieues de distance, peut-être sur le versant de la Cordillère! Tel est l'ingénieux procédé qu'emploie la nature pour mettre les pics à l'abri des horreurs de la famine dans un pays aride pendant les six mois d'hiver, et qu'un ciel toujours serein dessèche à outrance. La sécheresse amène alors la mort de la vie végétale, comme chez nous

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le froid, et les plantes coriaces des savanes, qui sont la sécheresse même, ne nourrissent plus les insectes nécessaires à la subsistance des pics. Sans cette ressource, nos oiseaux n'auraient plus qu'à émigrer ou à mourir de faim.

Nous étions alors en avril, c'est-à-dire dans le cinquième ou le sixième mois de la saison morte, et les pics s'occupaient à retirer les glands de leurs greniers. Tout me porte à croire que c'est bien les glands même qui leur servent de nourriture, non les larves chétives que ceux-ci peuvent renfermer, et la manière dont ils s'y prennent est aussi digne de remarque que ce qui précède. Le gland lisse et arrondi ne peut être saisi facilement par les pieds trop grands du pic. Alors, afin de le fixer suffisamment pour que le bec puisse l'entamer, l'oiseau a recours à un procédé des plus ingénieux. Il pratique dans l'espèce d'écorce qui entoure les troncs desséchés des yuccas un trou juste. assez grand pour y engager le gland par son petit bout, mais pas assez pour lui permettre de le traverser. Il l'engage dans ce trou et l'y enfonce avec son bec comme un coin dans une mortaise. Le fruit ainsi fixé, notre oiseau l'attaque à coups de bec, et le met en morceaux avec la plus grande facilité, car chaque coup tend à l'enfoncer de plus en plus, et à le fixer davantage. Les troncs de bien des yuccas se trouvaient, pour cette raison, criblés de trous, comme les hampes des agaves. Lorsque ces arbres périssent, l'écorce qui les recouvre se détache du tronc, et son écartement laisse entre elle et le bois de l'arbre un interstice très-étendu qui, luimême, peut servir de magasin, comme le vide central des hampes d'agaves. Nos oiseaux, habiles à profiter de cette circonstance, criblent de trous les écorces mortes, et introduisent aussi des glands entre elles et le bois. Mais cette ressource ne paraît pas leur convenir beaucoup, ce qui se comprend facilement, parce que, le magasin étant trop vaste, les glands tombent au fond de cette poche naturelle, et les pics ne savent plus ensuite comment les en retirer. Aussi, en soulevant les

écorces trouées, je n'y ai, en général, rencontré que des débris de glands tombés le long du bois lorsque les pics les mettaient en pièces dans les trous pratiqués de l'extérieur. Les glands intacts y étaient très-rares.

Les procédés qui viennent d'être décrits sont remarquables. Voilà donc un oiseau qui fait des provisions d'hiver! Il va chercher au loin une nourriture qui ne semble pas appropriée à sa race, et il la transporte dans d'autres régions où croît la plante qui lui sert de magasin. Il ne la recèle ni dans le creux des arbres, ni dans les fentes des rochers, ni dans des cavités pratiquées en terre, ni dans aucun lieu qui semble s'offrir tout naturellement à ses recherches. Un instinct puissant lui révèle l'existence d'une cavité exiguë et cachée au centre de la tige d'une plante; il y pénètre en rompant le bois qui l'enferme de toute part, il y accumule ses provisions avec un ordre parfait, et il les loge ainsi à l'abri de l'humidité, dans les conditions les plus favorables pour leur conservation, à l'abri des rats et des oiseaux frugivores, dont les moyens mécaniques ne suffisent pas pour entamer le bois qui les protége.

Je ne doute pas que ces faits ne soient jugés dignes d'attirer l'attention des ornithologistes, et je recommande aux voyageurs de les vérifier et d'en compléter l'observation. Il faudrait se rendre compte de la localité où les pics vont récolter les glands. Il ne croît guère de chênes que sur le versant de la Cordillère. Or, il y a près de dix lieues de ce versant au Pizarro, et j'ai peine à croire que nos oiseaux aillent faire leurs provisions à une distance aussi prodigieuse. Il faudrait assister au remplissage du magasin; il faudrait ensuite suivre l'oiseau, et tâcher de se rendre compte si chaque pic conserve la propriété des aloës qu'il a préparés, ou si des larcins mutuels amènent des rixes entre leurs propriétaires respectifs. Plusieurs pics appartenant à des espèces plus faibles habitent

Archives. T. I. Avril 1858.

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aussi la savane de Pizarro, mais je n'ai pu vérifier s'ils usaient du même procédé. Dans une partie de la montagne, les innombrables hampes d'agaves sèches étaient toutes transformées en magasin. C'est à ce dépôt général qu'était due l'affluence des pics dans cette localité. Il est probable que pendant la saison sèche ces oiseaux se rassemblent dans les lieux très-fournis d'agaves, où leur nourriture est toute préparée, et qu'à l'entrée des pluies de l'été ils se dispersent dans les campagnes pour y chercher les insectes que la nature leur offre alors en abondance.

Explication de la planche.

Fig. 1. Tronçon d'une hampe d'aloës que les pics ont criblée de trous qui communiquent avec la cavité centrale et qui servent pour l'introduction des glands dans cette cavité.

Fig. 2. Coupe verticale de ce tronçon, montrant le vide central avec l'arrangement des glands qui y sont emmagasinés et les trous latéraux par lesquels ils y ont été introduits.

Fig. 3. Coupe verticale d'une portion de hampe dépourvue de cavité centrale et dans laquelle les glands sont simplement logés au fond des trous que les pics ont pratiqués dans la substance même de la tige.

Fig. 4. Gland dont le Colaptus rubricatus remplit ses magasins, représenté de grandeur naturelle.

SUR L'ACTION ÉLECTRO-MAGNÉTIQUE

DES COURANTS VOLTAIQUES

PROVENANT DE SOURCES DIFFÉRENTES

Par M. W. BEETZ.

(Extrait des Annales de Poggendorff, tome CII, p. 557, décembre 1857.)

M. Hipp' a appelé l'attention des physiciens sur le fait que deux courants d'égale intensité, dont l'un est produit par un seul couple, et l'autre par une pile composée de plusieurs éléments, n'exercent pas une action identique sur un barreau de fer doux; l'aimantation paraît se développer plus rapidement quand on emploie le courant à forte tension.

Ce phénomène avait été constaté de deux manières différentes. En premier lieu, M. Hipp avait reconnu que, dans le même temps, un appareil de Morse ne pouvait tracer que 16 signes télégraphiques quand on le mettait en mouvement à l'aide d'un seul couple, tandis qu'il en traçait 26 lorsqu'on se servait de 12 éléments; et cependant les deux courants produisaient la même déviation au galvanomètre, parce que la résistance était différente dans les deux cas. En second lieu, en mesurant directement, au moyen du chronoscope, le temps qui s'écoulait depuis le moment de la fermeture du courant jusqu'à ce que l'ancre d'un relais télégraphique fut attirée, on voyait qu'il fallait de seconde quand on employait un seul couple, et 36 de seconde seulement avec la pile de

12 éléments.

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M. Beetz a repris l'étude de ce phénomène intéressant. Il a constaté d'abord sa réalité par une nouvelle méthode. Il dis

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Mittheilungen der Naturforschenden Gesellschaft in Bern, 1855, page 90.

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