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est presque impossible d'obtenir tous les détails de configuration au moyen des mesures micrométriques, et beaucoup de particularités doivent être dessinées à la vue. L'ouvrage est alors très-laborieux, tandis que par la photographie perfectionnée on obtiendra la précision des détails, et on pourra aisément multiplier les images d'après nature et sous leurs divers aspects. Il est désirable d'obtenir un procédé aussi rapide que possible, non-seulement à cause des petites irrégularités existant encore dans les mouvements d'horlogerie, mais aussi à cause du mouvement de la Lune en déclinaison, et des changements atmosphériques qui peuvent déplacer sensiblement les images.

M. De la Rue, en présentant à la Société astronomique ses nouveaux échantillons de dessins photographiés, a dit avoir obtenu, dans les deux mois précédents, de 20 à 30 photographies satisfaisantes de la Lune, et environ 6 de Jupiter. Les photographies négatives ont été copiées par un temps brumeux et n'ont pas toute la netteté des originaux. On peut, cependant, à l'aide d'une loupe, y distinguer grand nombre de détails invisibles à l'œil nu. Il a remarqué que des points de la surface lunaire qui ont une égale intensité lumineuse ne produisent pas des impressions positives également brillantes, ni des impressions négatives également obscures, les rayons actiniques ne suivant évidemment pas toujours la même proportion que les rayons illuminants. Il a observé aussi que les portions de la surface de la Lune éclairée par un rayon du Soleil trèsoblique ne produisent pas un égal effet sur la plaque sensitive, lors même qu'ils sont également brillants pour l'œil. La Lune n'a pas d'atmosphère visible, et cependant, quelle qu'en soit la cause, la partie de la Lune éclairée par un rayon oblique ne produit pas sur la planche sensitive un effet correspondant à son action sur l'œil. La même observation s'applique aux photographies terrestres exécutées après midi, quand les rayons. du Soleil qui nous arrivent traversent l'atmosphère obliquement.

Applications de la photographie aux observations d'étoiles.

M. Airy a présenté aussi à la Société astronomique, dans sa séance du 13 novembre dernier, une photographie sur collodion de l'étoile double Mirza ou de la grande Ourse, avec son compagnon g ou Alcor, exécutée en Amérique par M. Bond avec la grande lunette de son observatoire. La même plaque de verre contient deux photographies complètes de cette étoile double. Le temps nécessaire pour former l'image des petites étoiles a été de 80 secondes, tandis que celle des grandes se forme

en deux ou trois secondes, et quelquefois presque instantanément. La représentation des étoiles est très-belle, l'image de l'étoile principale est un peu plus étendue qu'il ne serait à désirer pour la mesure de la distance et de l'angle de position du compagnon, mais elle est parfaitement circulaire. Elle prouve l'excellence de la lunette et la précision de son mouvement d'horlogerie actuel. M. Bond a constaté que le foyer chimique de cette lunette est situé à environ 1 1/2 pouce au delà du foyer optique. Ii a rapporté en détail (A. N. no 1105) les résultats de ses mesures des distances angulaires des deux étoiles, effectuées à l'aide du microscope sur 13 photographies obtenues du 27 avril au 8 mai 1857. Ces distances varient entre 14", 19 et 14",77; leur valeur moyenne est de 14",49. Or la moyenne des mesures de la même distance obtenues micrométriquement par M. Struve, de 1821 à 1848, est de 14",4. L'erreur probable d'une simple distance photographique est de ±0,12; elle est presque aussi faible que celle attribuée par M. Struve à une mesure directe. Quant aux angles de position, on les obtient en imprimant à la lunette, à l'aide d'une vis de rappel, un très-léger mouvement en ascension droite après qu'une impression a été obtenue, sans arrêter le mouvement d'horlogerie, et en prenant une seconde impression sur la même plaque. On peut ainsi obtenir aisément en quelques minutes sur une même plaque 20 ou 30 impressions d'une étoile aussi hrillante que Mirza; et la ligne passant par chacune d'elle représentera un arc du mouvement diurne, qui servira de point de départ à la mesure de l'angle de position. d'Alcor. Cette suite d'images est très-utile aussi comme moyen de s'assurer de l'identité des impressions des petites étoiles car si elles se rencontraient seules sur la plaque, elles pourraient sans cela échapper à l'attention. En mesurant les angles de position obtenus ainsi pour Mirza et Alcor, M. Bond a obtenu une valeur presque identique avec la moyenne de celles déterminées par M. Struve.

La limite de succès dans la photographie stellaire n'allait en 1850 que jusqu'aux étoiles de seconde grandeur, ainsi que nous l'avons vu plus haut; elle est étendue maintenant jusqu'à celles de sixième et de septième grandeurs. Le compagnon de e de la Lyre, qui est au-dessous de la sixième grandeur, est la plus faible étoile qui ait été photographiée par M. Bond; mais il ne voit pas de raison de douter que l'on parvienne plus tard à photographier jusqu'aux étoiles de dixième grandeur, si ce n'est avec les lunettes actuelles, du moins avec de plus puissantes encore.

M. Bond a appliqué aussi avec succès la photographie, pour obtenir

l'impression d'une étoile lorsqu'elle se trouve très-rapprochée de la Lune. Comme il devait y avoir le 2 juin 1857 une occultation de l'Epi de la Vierge par la Lune visible dans son observatoire, on fit les préparatifs nécessaires, et MM. Whipple et Black prêtèrent leur concours pour obtenir un grand nombre d'images photographiques de la Lune et de l'étoile, soit avant soit après l'éclipse de cette dernière. L'impression a été distincte même au moment de l'émersion, quand l'étoile se trouvait en contact apparent avec le bord éclairé de la Lune. L'image des montagnes Lunaires obtenue par le collodion sur les plaques de verre, en même temps que celle de l'étoile, a été d'une grande netteté et précision, ce qui a procuré d'excellents points de repère pour mesurer les distances et les angles de position de l'étoile. Il s'est présenté un fait curieux dans ces expériences, c'est que dans chaque cas l'impression de l'étoile a été plutôt trop forte, ou l'inverse de ce qu'on supposait. On n'a pas pu s'assurer encore du minimum de temps d'exposition de la plaque requis pour obtenir une impression visible de l'objet, mais l'indication est favorable, parce que plus le temps est court, plus le résultat est satisfaisant.

M. Airy, en rendant compte à la Société astronomique des observations photographiques de M. Bond sur les étoiles doubles, a exprimé l'opinion qu'un pas de grande importance avait été fait, sans qu'on puisse cependant encore en apprécier toute la valeur, soit pour la représentation par eux-mêmes des amas d'étoiles, des nébuleuses et des planètes, soit pour l'enregistrement des observations. Quant à ce dernier point, je dois rappeler qu'il y a déjà bien des années que les variations journalières des instruments magnétiques et météorologiques sont enregistrées à l'observatoire de Greenwich au moyen de procédés photographiques '.

Un autre exemple d'application scientifique de la photographie a été cité par M. Airy dans la même séance de la Société astronomique. Il a présenté des dessins photographiés de la monture d'un grand télescope a réflexion que M. Lassell se dispose à ériger. Le diamètre du miroir, lequel n'est pas encore exécuté, doit être de 4 pieds, comme ceux des plus grands de sir William Herschel, et son poids sera d'environ une tonne et demie ou 3000 livres. La monture est équatoriale, et semblable pour sa forme générale à celle des télescopes de moindres dimensions. déjà construits par M. Lassell, dont il a fait un usage si avantageux

Voyez Bibl. Univ., numéro de septembre 1850, tome XV, p. 42.

pour la science, soit près de Liverpool, soit à Malte. La partie la plus nouvelle de cette monture est la disposition du siége mobile de l'observaleur. Il paraît que l'intention de M. Lassell est de transporter à Malte ce grand télescope, quand il aura été construit.

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Je dois citer encore une application directe de la photographie à l'astronomie, qui est en voie d'exécution dans un observatoire des environs de Londres. Il s'agit d'une lunette achromatique équatoriale de Ross, d'environ 3 pouces d'ouverture et munie d'un mouvement d'horlogerie, qui a été établie à l'observatoire de Kew, situé dans le parc de Richmond, et dont le but spécial est d'obtenir des images photographiques journalières du disque du Soleil et de ses taches. J'ai déjà eu l'occasion de donner quelques détails à ce sujet dans le cahier de juillet 1855 de ce recueil (tome XXIX, p. 200). J'ai vu dès lors, le printemps dernier, cet instrument à l'observatoire de Kew, dont le directeur actuel esM. Welsch, mais il n'était pas encore tout à fait terminé, et on ne pouvait pas bien apprécier, par conséquent, si les résultats qu'il donnera répondront d'une manière entièrement satisfaisante au but principal de son érection 1.

P.S.M. De la Rue a donné, dans la séance de la Société astronomique du 11 décembre 1857, quelques détails insérés à la fin du compte rendu de cette séance (no 2 du tome XVIII des Monthly Notices, p. 54), sur de nouvelles expériences qu'il a faites de photographie appliquée à la comparaison des pouvoirs actiniques de divers astres, ou de leur faculté de fournir promptement des impression distinctes sur une légère couche de collodion sensitif. Nous avons vu plus haut qu'il avait constaté que la puissance actinique de différentes portions de la surface lunaire n'était pas proportionnelle à leur pouvoir illuminatif. L'occultation de Jupiter par la Lune, qui a eu lieu le 8 novembre 1856, lui avait aussi donné l'occasion de vérifier que la lumière pâle et verdâtre de Jupiter contrastait alors d'une manière frappante avec les teintes plus chaudes de

'Je dois rappeler, à cette occasion, que MM. Fizeau et Foucault ont déjà obten" en 1845 des images photographiques du Soleil, qui ont servi, entre autres, à confirmer les résultats des expériences photométriques de M. Arago, d'après lesquels la lumière du centre du Soleil est plus intense d'un 40me que celle du bord. La figure 163, insérée à la page 176 du tome II de l'Astronomie populaire d'Arago, représente l'image photographique du Soleil, obtenue en un 60me de seconde le 2 avril 1845, avec les deux groupes de taches que son disque présentait alors.

la Lune, d'un jaune rougeâtre. L'éclat de Jupiter n'atteignait pas seulement celui du cratère Pluton, l'un des moins lumineux de la Lune et de couleur brune. D'autres observateurs ont fait la même remarque, M. Grove a trouvé l'intensité lumineuse de Jupiter à peine égale à la moitié de celle de la Lune. M. De la Rue estime la Lune trois fois plus brillante que Jupiter.

Quant aux pouvoirs actiniques de ces deux astres, les expériences récentes de M. De la Rue lui ont fait voir que Jupiter, comparativement à sa faculté lumineuse, en possède plus que la Lune. Le 7 décembre, la Lure et Jupiter se trouvan' presque à la même hauteur pendant une partie de la nuit, M. De la Rue, en dirigeant attentivement son télescope sur l'un et l'autre de ces deux corps célestes, a obtenu ainsi six photographies de chacun d'eux, exécutées dans des conditions presque identiques. Il a suffi généralement de 9 à 10 secondes pour les images de la Lune, et de 12 pour celles de Jupiter, ce qui montre que le pouvoir actinique de la Lune ne surpasse celui de Jupiter que dans le rapport de 6 à 5 ou de 6 à 4. Quand Jupiter a atteint une plus grande hauteur au-dessus de l'horizon, M. De la Rue a fait des comparaisons analogues entre cette planète et Saturne; il a trouvé que, pour produire des images d'intensité égale, il fallait une exposition de 5 secondes pour Jupiter et de 60 pour Saturne, ce qui indiquerait que les rayons chimiques provenant de Jupiter ont 12 fois plus d'énergie que ceux de Saturne. M. De la Rue ne croit pas que cela tienne uniquement au plus grand éclat de la première de ces planètes.

Les photographies de ces planètes donnent de belies espérances pour les services futurs qu'on peut attendre de ce procédé. Mais elles sont très-loin de peindre tous les détails représentés dans des dessins faits à la main, et il est probable qu'il s'écoulera encore un long espace de temps avant que la photographie surpasse le crayon.

M. De la Rue, d'après quelques épreuves qu'il a obtenues dans la même nuit de a des Gémeaux, épreuves qui lui ont présenté, avec une loupe, les deux étoiles avec des disques ronds bien distincts et séparés, croit que 2 ou 3 secondes suffiront pour obtenir des images d'étoiles doubles de ce degré d'éclat. L'instrument dont il fait usage en photographie est un

Il paraît que le P. Secchi a fait récemment à Rome des essais photographiques comparatifs sur la Lune et sur Jupiter, qui lui ont donné des résultats analogues. Voyez Comptes rendus de l'Acad. des Sc. de Paris, séance du 1er février 1858.)

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