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est bien la nôtre. Ecrivain novice, mais vrai poëte, il a de nombreux amis, ce qui vaut mieux que de nombreux admirateurs. Le succès qu'a obtenu le recueil de ses vers le prouve assez. La troisième édition est, croyons-nous, près d'être épuisée.

Une bonne fortune attendait notre poëte. Un Anglais, le rév. Blomefield, passant l'été dans l'une des nombreuses retraites de nos Alpes vaudoises, s'est laissé séduire au charme de ces vers sortis du cœur, et les a traduits dans sa langue maternelle. Autant que nous en pouvons juger, les vers de M. Blomefield ont de la grâce et de l'harmonie, mérite d'autant plus grand que sa traduction est très-littérale.

Le succès de ce petit volume n'aura, sans doute, rien d'éclatant; mais il sera, nous l'espérons, réel et durable. Pourquoi n'arriverait-il pas en Angleterre ce qui est arrivé parmi nous? Les poésies de Henri Durand doivent, ce nous semble, lui valoir autant d'amis que de lecteurs. R.

Les Hirondelles, et DIVICON OU LA SUISSE PRIMITIVE'.

Un sentiment vrai de nature, un amour vif de son pays pour ce que celui-ci offre de beautés pittoresques dans son aspect et de grand dans son histoire, une exquise sensibilité de cœur et nulle illusion touchant la stabilité des choses humaines, mais une incessante aspiration vers cette félicité d'en haut qui est la source de toute poésie, telles sont les qualités de fond qui caractérisent ce volume. Elles sont de celles qui constituent un talent de poëte, et c'est à ces titres que M DE BONS peut être accueilli comme tel.

Quant à la forme, c'est autre chose.

Les conditions de la vie des poëtes sont pour beaucoup dans l'expression de leurs œuvres; aussi, ne doit-il pas être indifférent au lecteur de savoir que M. de Bons n'a commencé la composition de son volume qu'à l'âge de quarante ans. S'il avait moins tardé, il est probable qu'une trop vive affection d'auteur pour de premiers essais ne l'aurait point poussé à tout voir du même œil paternel, et qu'il aurait sacrifié un bon nombre de pièces dans les deux premières parties de son volume.

Les Hirondelles du printemps renferment en effet de nombreuses pro

'Les Hirondelles, poésies, et Divicon ou la Suisse primitive, poëme, par M. Ch.-L. de Bons. Un vol. in-12. Paris et Genève, 1858.

ductions toutes juvéniles, où l'idée påtit de la difficulté de l'expression, et dans lesquelles l'imitation rhythmique joue un rôle beaucoup trop important; telles sont la Mauresque, l'Espagnole, la Coquelle, etc.

Dans les Hirondelles d'été, on voit des efforts soutenus vers la perfection, et celle-ci se trouve atteinte à bien des égards dans la dernière partie du volume, celle qui a pour titre les Hirondelles d'automne. Au nombre des poésies contenues dans ces deux dernières parties, nous citerons comme faisant le plus regretter l'amour de l'auteur pour celles que nous venons d'indiquer, les Routes, le Réveil des hirondelles, Suprême désir, et enfin le Petit oiseau mort, une vraie merveille de sensibilité.

Quant à Divicon, il suffirait peut-être de dire que la classe de littérature de l'Institut national genevois a cru devoir le couronner au concours de 1855, si l'esprit de patriotisme vrai qui le domine d'un bout à l'autre ne nous faisait un devoir d'en féliciter M. de Bons. Ce qu'il y a encore de très remarquable dans ce poëme, c'est l'art avec lequel l'auteur a su conserver à toute son œuvre une allure poétique, tout en respectant les plus petits détails de l'histoire.

Mais, quelque louable que soit à nos yeux celui qui chante la force et la vertu des ancêtres, et quelque talent qu'il y mette, nous croyons qu'il y a encore à chanter mieux et autre chose que cela. La poésie ne borne pas son champ aux seules possessions du passé; elle n'est pas tout entière dans le culte des souvenirs; car que serait, ainsi bornée, ce qu'on appelle la mission du poëte? Tyrtée nous serait-il resté s'il n'eût excité ses soldats que par le récit de la valeur de ceux qui les avaient précédés sur le chemin de la victoire? et si l'œuvre du grand poëte de Florence dure encore, n'est-ce point parce qu'elle est la poésie de l'avenir?

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Nous insistons d'autant plus sur cette pensée que c'est, en Suisse, un travers commun de trop parler de nos plus vieux ancêtres; et c'est aussi contre ce travers que s'élève le poëte vaudois, Henri Durand, lorsqu'en parlant des héros de Næfels, il s'écrie:

Nul d'entre eux ne savait prêcher de longue haleine
L'amour de la patrie et de la liberté...........
C'étaient de pauvres gens, hien pauvres de paroles,
Mais riches d'actions et riches d'un grand coeur !
Ils ne se paraient pas, comme leurs races folles,
Du nom de leurs aïeux pour unique valear;
Ils n'avaient pas ces mots au son plein, grandiose,
Et dont notre faiblesse a soin de se couvrir;

Ils n'avaient pas les mots, mais ils avaient la chose,
Car ils savaient aimer, se défendre et mourir.

Quoi qu'il en soit et puisque dans le volume de M. Bons la forme est la seule partie faible, - empressons-nous de reconnaître qu'il y a lieu à s'applaudir de ce qu'un homme de cœur ait répondu chez nous à une vocation poétique. Et l'on s'en applaudira d'autant plus en ces temps-ci, que de semblables vocations deviennent de plus en plus rares, à mesure que les intérêts matériels étendent davantage leur empire sur les intelligences. PH. P.

PRÉCIS DE L'HISTOIRE DE L'ÉGLISE, par le Dr CLEMEN.

Le Précis de l'histoire de l'Eglise, par le docteur CLEMEN, professeur d'histoire à Cassel, traduit de l'allemand par M. COLONDRE, ancien pasteur du canton de Genève'; vient remplir pour les protestants de la langue française une lacune regrettable. N'ayant à leur disposition que des livres trop volumineux, comme celui de Mosheim, qui est déjà ancien, et celui de Matter, qui est plus moderne, on trop abrégés, comme celui de Barth, traduit par Descombaz, notre compatriote, ils connaissent peu l'histoire de l'Eglise. C'est à peine si un petit nombre d'entre eux se font quelque idée des événements les plus saillants de cette histoire, des débats qui agitèrent l'Eglise primitive, des persécutions qu'elle eut à subir, des altérations qui s'introduisirent peu à peu dans les dogmes et dans la pratique du christianisme, de la réformation, de ses résultats. Et toutefois, pour une communion qui prétend remettre la lumière sur le bois

il est essentiel de ne pas négliger Fhistoire des faits religieux, qui se sont accomplis durant ces dix-huit siècles. Ce genre de science forme le complément indispensable de toute bonne éducation religieuse. L'Allemagne l'a apprécié dès longtemps, et elle offre à cet égard une foule de travaux dont il serait bon de voir traduits quelques-uns dans notre langue.

Pour obvier à cette nécessité, M. l'ancien pasteur Colondre, parmi de nombreux manuels, en a choisi un qui nous paraît être une précieuse acquisition pour les lecteurs français. Peut-être aurions nous pu demander qu'il fût un peu plus développé en ce qui concerne la réformation de la France et de la Suisse française: mais c'est là le seul déficit que nous

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ayons à signaler, déficit bien compensé, du reste, soit par les nombreux ouvrages qui ont été publiés sur ce sujet, dans les dernières années, soit par les qualités de ce Précis. On y trouve, en effet, les caractères d'un livre destiné à devenir populaire : une exposition claire et concise des faits qu'il raconte; le désir de rendre familiers à chacun les noms qui ont pesé pour quelque chose dans les destinées de l'Eglise; une grande largeur d'idées et une impartialité qui n'exclut point cependant une prédilection évidente pour les doctrines évangéliques. Point de discussions inutiles, point de bagage scientifique par lequel le lecteur se trouve attardé, et cependant, sauf le point indiqué ci-dessus, tout s'y trouve, du moins tout ce qui est important. On s'en convaincra par ce fait que l'index alphabétique des matières, dans ce volume de 500 pages, en occupe quinze à lui seul. Disons aussi que la traduction, toujours fidèle, offre en même temps une lecture facile et fréquemment élégante, comme on en peut juger par les articles consacrés à Mahomet, au monachisme, à l'architecture du moyen âge, et au remarquable parallèle tracé entre Luther et Zwingle.

Nous devons remercier le traducteur d'avoir amené le récit jusqu'aux temps les plus modernes et de l'avoir fait dans le même esprit qui avait animé l'auteur pendant le cours de son ouvrage.

ERRATUM.

Page 322, ligne 24 du Bulletin, lisez : Les deux neveux, au lieu de : Les deux tuteurs.

M. TAINE

ET

LA CRITIQUE SYSTÉMATIQUE.

ESSAI SUR LES FABLES DE LA FONTAINE, 1853.
LIVE, 1856.

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LES PHILOSOPHES FRANÇAIS DU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE, ESSAIS DE CRITique et d'histOIRE, 1858.

Le nom de M. Taine n'est pas de ceux que la critique a le plaisir de révéler au public. L'auteur a fait son chemin rapidement et tout seul. Il y a deux ans à peine que ses premiers articles, insérés dans la Revue des Deux Mondes et dans le Journal des Débats, attirèrent l'attention sur lui. Les bons juges reconnurent vite qu'un nouvel écrivain venait de faire son apparition. Sur ces entrefaites parurent coup sur coup l'Essai sur Tite-Live et l'ouvrage sur les Philosophes français, l'un hérissé de paradoxes, l'autre armé en bataille contre beaucoup de réputations établies. Il n'en fallait pas tant pour achever un succès que le mérite avait si bien commencé. Aujourd'hui l'opinion tend de plus en plus à ranger M. Taine parmi les auteurs qui promettent, à cette seconde moitié de siècle dans laquelle nous sommes entrés, une littérature à elle, animée de son génie et marquée de son cachet.

Des divers ouvrages de M. Taine, le livre sur les Philosophes français est celui que je préfère. Il a peu des défauts de l'auteur et il réunit à peu près toutes ses qualités. L'écrivain s'y montre puissant et varié. On trouve de tout dans ce vo

Biblioth. Univ. T. I. Avril 1858.

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