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M. de Humboldt ne l'a pas même tenté. Cette étude, du reste, est remplie de difficultés. - L'uranologie ne s'inquiète que de la masse et de la distance des corps célestes; la physique du globe a un champ singulièrement plus complexe. Pour l'astronomie, les corps célestes ne sont que des masses mobiles dans lesquelles la nature chimique des corps n'est d'aucune importance. Les deux grandeurs de masse et d'éloignement sont les seules qui interviennent. A la surface de la terre, il n'en est point ainsi. Diverses forces de la matière sont en jeu, et aux notions de distance et de densité se joint celle d'hétérogénéité. Les phénomènes sont beaucoup plus compliqués, parce qu'ils résultent toujours de l'action simultanée de plusieurs causes; plusieurs propriétés des corps concourent à produire un certain résultat. La simultanéité dans l'action des forces a pour conséquence de voiler la part de chacune d'elles, et il est le plus souvent très-difficile de démêler leur influence spéciale au milieu de la complication de l'ensemble. On éprouve ordinairement une transition pénible, une vraie déception, lorsqu'on passe des phénomènes astronomiques à ceux de la physique du globe. Dans la première de ces sciences, la simplicité des faits a permis de découvrir, il y a plus de deux siècles déjà, les lois qui les régissent, et, par suite, la cause qui les provoque. Dans la physique du globe, où l'effet de chaque force est dissimulé par l'action des autres, la nature ne montre que peu ou point de lois simples et facilement accessibles à l'observation.

M. de Humboldt n'a abordé qu'un certain nombre de questions relatives à la physique terrestre. Il a choisi de préférence trois catégories de faits dont l'importance ne saurait être mise en doute. Dans un premier chapitre, l'auteur, après avoir donné rapidement quelques renseignements sur la forme, la dimension et la densité de la terre, étudie la température du sol, entre la surface et les profondeurs où l'observation a pu atteindre. Dans un second chapitre, il examine avec détail les

phénomènes magnétiques dont la surface de notre planète est le théâtre, et, résumant les principaux travaux et les principaux résultats anciens et modernes sur cet important sujet, il précise, en quelque sorte, l'état de nos connaissances à cet égard. Dans un troisième chapitre enfin, le savant naturaliste étudie tout ce qui se rattache à la réaction que l'intérieur du globe exerce contre la surface, tout ce qu'il appelle d'une manière générale la vulcanicité.

Chacun sait que la température du sol augmente dès qu'on pénètre plus profondément dans son intérieur Dès qu'on a dépassé la limite à laquelle s'arrête l'influence des variations des saisons, on observe partout un accroissement de chaleur qui, dans de certaines limites au moins, paraît proportionnel à l'enfoncement. Dans les mines de Freyberg, dans les puits de charbon, en Angleterre, où l'on travaille maintenant à 1404 pieds plus bas que le niveau de la mer, dans les mines d'argent du Mexique, on a constaté une augmentation trèsconsidérable de la température. Les puits artésiens qui fournissent une eau provenant d'une profondeur souvent trèsgrande, montrent également cette chaleur intérieure. Les eaux du puits de Grenelle, à Paris, viennent d'une couche située à 1572 pieds au-dessous du niveau de l'Océan, et leur température est de 27°,75. En réunissant les observations les plus importantes et les plus exactes que l'on possède, M. de Humboldt estime que l'augmentation de la chaleur est très-sensiblement de 1o pour des accroissements de profondeur variant de 91 à 99 pieds. - Il est très-probable qu'en descendant plus bas, on trouverait une chaleur capable de produire l'ébullition de l'eau; il ne faudrait pas une lieue pour atteindre ce point-là, c'est-à-dire une profondeur moindre que la hauteur du Mont-Blanc. Si cet accroissement de la chaleur se poursuit, à 8 ou 10 lieues comptées sur la verticale, toutes les substances connues, le granit comme les métaux,

doivent être à l'état de fusion. L'intérieur même du globe se trouve donc à un état de liquidité provenant de cette haute température. La portion solide n'est qu'une mince pellicule (le diamètre de la terre est de 2870 lieues) sur ce noyau immense, incandescent et fondu.

Lorsqu'on suit les températures du sol en s'enfonçant peu audessous de la surface, on observe que l'influence de la variation de température pendant le jour ou pendant l'année se fait de moins en moins sentir. M. Quételet, à Bruxelles, a trouvé qu'à 3/ pieds la variation journalière n'est plus appréciable. En Allemagne, il suffit de creuser, en moyenne, de 2 pieds pour trouver une couche qui ne varie plus pendant les vingt-quatre heures. Les terrains plus profonds suivent encore les vicissitudes de l'année, mais à un faible degré; grâce à la lenteur avec laquelle la chaleur se propage à travers le sol, les minima et les maxima ne correspondent nullement à ceux de l'air. A Bruxelles, à 24 pieds de profondeur, la plus grande chaleur arrive le 10 décembre, et le plus grand froid le 15 juin. A Edimbourg, à 23 pieds, le maximum s'est produit le 8 janvier. Plus profondément, enfin, on trouve une limite qui demeure constante toute l'année; la couche terrestre qui la sépare de l'air est trop épaisse et trop mauvais conducteur pour que les changements des saisons puissent se manifester. A l'observatoire de Paris, par exemple, un thermomètre placé en 1783, dans les caves, profondes de 83 pieds, indiqua une température de 11°,83, et il n'a cessé d'être au même point à de degré près. -La température de cette couche constante est très-sensiblement la moyenne des températures de l'air au lieu où l'on fait l'observation.

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La profondeur à laquelle les vicissitudes des saisons ne se font plus sentir varie notablement d'un endroit à un autre. Elle dépend de la plus ou moins grande conductibilité du terrain et des écarts de la température entre l'hiver et l'été. Sous les tropiques, où la température durant l'année varie peu, il suffit

de s'enfoncer de un ou deux pieds, parfois même de quelques pouces, pour trouver une couche dont la chaleur demeure parfaitement invariable. MM. de Humboldt et Boussingault ont établi ce fait curieux par de nombreuses observations.

Dans les latitudes supérieures, dans le nord de l'Amérique et de la Sibérie surtout, l'état thermométrique du sol présente des circonstances remarquables. Il y a longtemps que Pallas, puis Gmelin avaient annoncé que, à une certaine profondeur, le terrain demeure gelé toute l'année: on avait révoqué en doute ces assertions. Les recherches et les travaux ultérieurs de MM. de Humboldt, Erman, Middendorf, etc., ne laissent aucun doute à cet égard.-Dans le nord de la Sibérie, pendant la courte durée d'un été souvent très-chaud, une abondante végétation se développe sur le sol. Jusque vers l'embouchure des grands fleuves qui arrosent ce vaste pays, on trouve des arbres de grande dimension et un remarquable développement de la vie organique. Mais si on creuse, on arrive bientôt à une couche où le terrain est dur, gelé et où la douce température qui fait prospérer les plantes ne se fait jamais sentir. Rien n'est plus curieux, dans cet ordre de faits, que les observations recueillies à Jakutsk par 620,2, de latitude boréale. On a creusé jusqu'à 358 pieds sans trouver la limite de cette couche glacée; à cette grande profondeur le thermomètre était à 2o,4 (centigrades) au-dessous de 0. La température moyenne de Jakutsk est de 10°,15 au-dessous de 0; l'été y est parfois aussi chaud qu'à Rome, qu'à Naples; souvent, pendant quinze jours consécutifs, en juillet et août, le thermomètre demeure à 25 et même à 29o; puis, en hiver, on traverse des séries de cent jours et même davantage, pendant lesquels la température est toujours au plus à 30° au-dessous de 0. Le froid y est toutes les années assez vif pour geler le mercure des thermomètres. — Jakutsk possède le climat peutêtre le plus excessif de la surface du globe. Au Kamtschatka, Schrenk a également trouvé le sol gelé à 5 pieds de

Biblioth. Univ. T. I. Mars 1858.

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profondeur et cette croûte glacée n'était pas traversée à 63 pieds. - Dans le nord de l'Amérique, Franklin a vu le terrain glacé à 16 pouces déjà, et Richardson a signalé une région, sur la côte occidentale, par 71o de latitude, où, en plein juillet, sous un sol richement couvert de verdure, le terrain était gelé à partir d'une profondeur de 3 pieds.

C'est assurément un fait remarquable que cette couche éternellement solide et glacée au-dessous d'une surface qui, à certaines époques de l'année, réunit toutes les conditions nécessaires pour qu'une belle végétation puisse s'y développer.

En fait de magnétisme terrestre, la science du grand public ́ne dépasse guère la connaissance de la boussole. On sait qu'une aiguille aimantée, librement suspendue à un fil ou fixée sur un pivot, se dirige à peu près vers le nord; on sait que cette propriété est utilisée dans la navigation; mais on ignore généralement les nombreux et intéressants détails qui se rattachent à ce précieux appareil.

Les peuples occidentaux n'ont connu, dans l'antiquité, qu'une faible portion des phénomènes du magnétisme. Ils savaient que la pierre d'aimant attire le fer, qu'elle communique cette propriété au fer lui-même pendant qu'il y a contact, que le bois et les autres substances n'éprouvent aucune attraction; mais tous, Grecs, Romains, Phéniciens, ont ignoré qu'un barreau aimanté, libre de se mouvoir à la surface du globe, prend une direction déterminée. La connaissance de cette force directrice que semble exercer la terre sur l'aiguille magnétique apparaît, chez les peuples de l'Occident, vers le onzième ou le douzième siècle seulement, tandis qu'on la trouve, chez les nations de l'extrême Orient, 1100 ans avant l'ère chrétienne. Cette connaissance était destinée à exercer une influence puissante sur la navigation, le commerce et par suite sur tout le mouvement de la civilisation.

Chez les Chinois, on paraît avoir, dans l'origine, utilisé

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