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ordres, de corruption, que ces deux inventions du pape, le célibat des prêtres et la confession nommée auriculaire ! que de mal elles font? que de bien elles empêchent! Il le faut voir et admirer là où la famille du prêtre est le modèle de toutes les autres; où le pasteur n'enseigne rien qu'il ne puisse montrer en lui, et, parlant aux pères, aux époux, donne l'exemple avec le précepte. Là, les femmes n'ont point l'impudence de dire à un homme leurs péchés; le clergé n'est point hors du peuple, hors de l'état, hors de la loi; tous abus établis chez nous dans les temps de la plus stupide barbarie, de la plus crédule ignorance, difficiles à maintenir, aujourd'hui que le monde raisonne, que chacun sait compter ses doigts.

GAZETTE

DU VILLAGE.

(1823.)

Ce journal n'est ni littéraire, ni scientifique, mais rustique. A ce titre, il doit intéresser tous ceux que la terre fait vivre, ceux qui mangent du pain, soit avec un peu d'ail, soit avec d'autres mets moins simples. Les rédacteurs sont gens connus, demeurant la plupart entre le pont Clouet et le Chêne Fendu,laboureurs, vignerons, bûcherons, scieurs de long et botteleurs de foin, dont les opinions, les principes, n'ont jamais varié, incapables de feindre ou d'avoir d'autres vues que leur propre intérêt, qui, comme chacun sait, est celui de l'état; tranquilles sur le reste, et croyant qu'eux repus, tout le monde a dîné. Paul-Louis, quelque peu clerc, écoute leurs récits, recueille leurs propos, sentences, dits notables, qu'il couche par écrit, et en fait ces articles, sans y mettre du sien, sans y rien sous-entendre. Il ne faut point chercher ici tant de fi

nesse. Nous nommons par leur nom les choses et les gens. Quand nous disons un chou, des citrouilles, un concombre, ce n'est point de la cour ni des grands que nous parlons. Si gros Pierre bat sa femme, nous n'irons pas écrire : Le bruit courait hier que M. de G... P...,; ou dans certains salons, on se dit à l'oreille... Nous contons bonnement, comme on conte chez nous, et plaignons l'embarras de nos pauvres confrères, ayant à satisfaire à la fois les lecteurs qui demandent du vrai, le gouvernement qui prétend que nulle vérité n'est bonne à dire.

M. le maire a entendu la messe dans sa tribune. Après le service divin, M. le maire a travaillé dans son cabinet avec M. le brigadier de la gendarmerie; en suite de quoi, ces messieurs ont expédié leur messager, dit le Bossu, avec un paquet pour M. le préfet en main propre. Nous savons cela de bonne part, et que le porteur doit revenir avec la réponse ou le reçu; même on l'a vu passer près de la Ville-aux-Dames, où il a bu un coup. Quant au contenu de la dépêche, rien n'a transpiré. On soupçonne qu'il s'agit de quelques mauvais sujets qui veulent danser le dimanche et travailler le jour de Saint-Gilles.

Madame, femme de M. le maire, est accouchée d'un gentilhomme, au son des cloches de la paroisse.

--Les rossignols chantent, et l'hirondelle arrive.

Voilà la nouvelle des champs. Après un rude hiver et trois mois de fâcheux temps, pendant lesquels on n'a pu faire charrois ni labours, l'année s'ouvre enfin, les travaux reprennent leur

cours.

--Charles Avenet est en prison pour avoir parlé aux soldats. Revenant hier de Sainte-Maure, il rencontra quelques soldats et les mena au cabaret. Ils furent bientôt bons amis; Avenet a servi long-temps. Il est membre, non chevalier de la Légion-d'honneur. En buvant bouteille : Camarades, leur dit-il, qu'il ne vous déplaise, où allez-vous le sac au dos? A l'armée, dirent ces jeunes gens. Fort bien; et demandant une seconde bouteille: Qu'allez-vous faire? Eh! mais, la guerre apparemment. Fort bien, répond Avenet. A la troisième bouteille : Çà, dites-moi, pour qui allez-vous faire la guerre? Ils se mirent à rire. On parla des affaires. Deux gendarmes étaient là qui, connaissant Avenet, l'appellent et lui disent: Va-t'en, Avenet ; va-t'en. Il les crut, s'en alla, les gendarmes aussi. Mais il revint bientôt, rejoignit ses convives et reprit son propos. Alors on l'arrêta. C'étaient d'autres gendarmes. On l'a mis au cachot. Le cas est grave. Il a dit ce qui se dit entre soldats après trois bouteilles bues.

-Les vaches ne se vendent point. Les filles étaient chères à l'assemblée de Véretz, les garçons hors de prix. On n'en saurait avoir. Tous et

toutes se marient à cause de la conscription. Deux cents francs un garçon ! sans le denier à Dieu, sabots, blouse et chapeau pour la première année. Une fille vingt-cinq écus. La petite Madelon les refuse de Jean Bedout, encore ne sait-elle boulanger ni traire.

-On voit dans nos campagnes des gens qui, ne gagnant rien, dépensent gros, étrangers, inconnus. L'un, marchand d'allumettes, l'autre, venu pour vendre un cheval qui vaut vingt francs, s'établissent à l'auberge et mangent dix francs par jour. Ils font des connaissances, jouent et paient à boire les dimanches, les jours de fête ou d'assemblée. Ils parlent des Bourbons, de la guerre d'Espagne, causent et font causer. C'est leur état. Pour cela ils vont par les villages, non pour aucun négoce. On appelle ces gens, à la ville, des mouchards; à l'armée, des espions; à la cour, des agens secrets; aux champs, ils n'ont point de nom encore, n'étant connus que depuis peu. Ils s'étendent, se répandent à mesure que la morale publique s'organise.

M. le maire est le télégraphe de notre commune; en le voyant on sait tous les évènemens. Lorsqu'il nous salue, c'est que l'armée de la Foi a reçu quelque échec; bonjour de lui veut dire une défaite là-bas. Passe-t-il droit et fier? la bataille est gagnée; il marche sur Madrid, enfonce son chapeau pour entrer dans la ville capitale

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