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Ne concevez-vous point ce que, dès qu'on l'entend,
Un tel mot à l'esprit offre de dégoûtant,

De quelle étrange image on est par lui blessée,
Sur quelle sale vue il traîne la pensée ?

N'en frissonnez-vous point, et pouvez-vous, ma sœur,
Aux suites de ce mot résoudre votre cœur?
HENRIETTE. Les suites de ce mot, quand je les envisage,
Me font voir un mari, des enfants, un ménage;
Et je ne vois rien là, si j'en puis raisonner,
Qui blesse la pensée, et fasse frissonner.
ARMANDE. De tels attachements, ô ciel, sont pour vous plaire
HENRIETTE. Et qu'est-ce qu'à mon âge on a de mieux à faire
Que d'attacher à soi, par le titre d'époux,

Un homme qui vous aime et soit aimé de vous;
Et de cette union de tendresse suivie

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Se faire les douceurs d'une innocente vie?
Ce noeud bien assorti n'a-t-il pas des appas?
ARMANDE. Mon Dieu ! que votre esprit est d'un étage bas!
Que vous jouez au monde un petit personnage,
De vous claquemurer aux choses du ménage,
Et de n'entrevoir point de plaisirs plus touchants
Qu'une idole d'époux et des marmots d'enfants!
Laissez aux gens grossiers, aux personnes vulgaires,
Les bas amusements de ces sortes d'affaires.
A de plus hauts objets élevez vos désirs.
Songez à prendre un goût des plus nobles plaisirs,
Et, traitant de mépris les sens et la matière,
A l'esprit, comme nous, donnez-vous tout entière.
Vous avez notre mère en exemple à vos yeux,
Que du nom de savante on honore en tous lieux :
Tachez, ainsi que moi, de vous montrer sa fille :
Aspirez aux clartés qui sont dans la famille,

Et vous rendez sensible aux charmantes douceurs
Que l'amour de l'étude épanche dans les cœurs.
Loin d'être aux lois d'un homme en esclave asservic.
Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie,

Qui nous monte au-dessus de tout le genre humain,
Et donne à la raison l'empire souverain,
Soumettant à ses lois la partie animale,
Dont l'appétit grossier aux bêtes nous ravale.
Ce sont là les beaux feux, les doux attachements

Qui doivent de la vie occuper les moments;

Et les soins où je vois tant de femmes sensibles
Me paraissent aux yeux des pauvretés horribles.

HENRIETTE. Le ciel, dont nous voyons que l'ordre est tout-puissant,
Pour différents emplois nous fabrique en naissant ;
Et tout esprit n'est pas composé d'une étoffe
Qui se trouve taillée à faire un philosophe.
Si le vôtre est né propre aux élévations
Où montent des savants les spéculations,

Le mien est fait, ma sœur, pour aller terre à terre,
Et dans les petits soins son faible se resserre.
Ne troublons point du ciel les justes règlements,
Et de nos deux instincts suivons les mouvements.
Habitez, par l'essor d'un grand et beau génie.
Les hautes régions de la philosophie;
Tandis que mon esprit, se tenant ici-bas,
Goûtera de l'bymen les terrestres appas.

Ainsi, dans nos desseins l'une à l'autre contraire,
Nous saurons toutes deux imiter notre mère :
Vous, du côté de l'âme et des nobles désirs,
Moi, du côté des sens et des grossiers plaisirs :
Vous, aux productions d'esprit et de lumière,
Moi, dans celles, ma sœur, qui sont de la matière.
ARMANDE. Quand sur une personne on prétend se régler,
C'est par les beaux côtés qu'il lui faut ressembler;
Et ce n'est point du tout la prendre pour modèle,
Ma soeur, que de tousser et de cracher comme elle.
HENRIETTE. Mais vous ne seriez pas ce dont vous vous vantez,
Si ma mère n'eût eu que de ces beaux côtés;

Et bien vous prend, ma sœur, que son noble génie

N'ait pas vaqué toujours à la philosophie.

De grâce, souffrez-moi, par un peu de bonté,

Des bassesses à qui vous devez la clarté ;

Et ne supprimez point, voulant qu'on vous secoude,
Quelque petit savant qui veut venir au monde.
ARMANDE. Je vois que votre esprit ne peut être guéri
Du fol entêtement de vous faire un mari:

Mais sachons, s'il vous plaît, qui vous songez à prendre.
Votre visée au moins n'est pas mise à Clitandre?
HENRIETTE. Et par quelle raison n'y serait-elle pas?

Manque-t-il de mérite? Est-ce un choix qui soit bas?
ARMANDE. Non; mais c'est un dessein qui serait malhonnête,
Que de vouloir d'une autre enlever la conquête;
Et ce n'est pas un fait dans le monde ignoré

Que Clitandre ait pour moi hautement soupiré. HENRIETTE. Oui: mais tous ces soupirs chez vous sont choses vaincs, Et vous ne tombez point aux bassesses humaines; Votre esprit à l'hymen renonce pour toujours,

Et la philosophie a toutes vos amours.

Ainsi, n'ayant au coeur nul dessein pour Clitandre,
Que vous importe-t-il qu'on y puisse prétendre?
ARMANDE. Cet empire que tient la raison sur les sens
Ne fait pas renoncer aux douceurs des encens;
Et l'on peut pour époux refuser un mérite
Que pour adorateur on veut bien à sa suite.
HENRIETTE. Je n'ai pas empêché qu'à vos perfections
Il n'ait continué ses adorations;

Et je n'ai fait que prendre au refus de votre âme
Ce qu'est venu m'offrir l'hommage de sa flamme.
ARMANDE. Mais à l'offre des voeux d'un amant dépité
Trouvez-vous, je vous prie, entière sûreté?
Croyez-vous pour vos yeux sa passion bien forte,
Et qu'en son cœur pour moi toute flamme soit morte!
HET Ne soyez pas, ma sœur, d'une si bonne foi:
me le dit, ma sœur; et, pour moi, je le croi.

Et croyez, quand il dit qu'il me quitte et vous aime, Qu'il n'y songe pas bien et se trompe lui-même. HENRIETTE. Je ne sais; mais enfin, si c'est votre plaisir, Il nous est bien aisé de nous en éclaircir; Je l'aperçois qui vient; et sur cette matière Il pourra nous donner une pleine lumière.

SCÈNE II.

CLITANDRE, ARMANDE, HENRIETTE.

HENRIETTE. Pour me tirer d'un doute où me jette ma sœur,
Entre elle et moi, Clitandre, expliquez votre cœur ;
Découvrez-en le fond, et nous daignez apprendre
Qui de nous à vos vœux est en droit de prétendre.
ARMANDE. Non, non, je ne veux point à votre passion
Imposer la rigueur d'une explication :

Je ménage les gens, et sais comme embarrasse
Le contraignant effort de ces aveux en face.
CLITANDRE. Non, madame, mon cœur, qui dissimule peu,
Ne sent nulle contrainte à faire un libre aveu.
Dans aucun embarras un tel pas ne me jette;
Et j'avourai tout haut, d'une âme franche et nette,
Que les tendres liens où je suis arrêté,

Mon amour et mes vœux sont tous (montrant Henriette) de ce côté.
Qu'à nulle émotion cet aveu ne vous porte;

Vous avez bien voulu les choses de la sorte.

Vos attraits m'avaient pris ; et mes tendres soupirs

Vous ont assez prouvé l'ardeur de mes désirs;
Mon cœur vous consacrait une flamme immortelle :
Mais vos yeux n'ont pas cru leur conquête assez belle.
J'ai souffert sous leur joug cent mépris différents;
Ils régnaient sur mon âme en superbes tyrans ;

Et je me suis cherché, lassé de tant de peines,

Des vainqueurs plus humains et de moins rudes chaînes.

Je les ai rencontrés, madame (montrant Henriette), dans ces yeux,

Et leurs traits à jamais me seront précieux;

D'un regard pitoyable ils ont séché mes larines,
Et n'ont pas dédaigné le rebut de vos charmes.
De si rares bontés m'ont si bien su toucher,
Qu'il n'est rien qui me puisse à mes fers arracher:
Et j'ose maintenant vous conjurer, madame,
De ne vouloir tenter nul effort sur ma flamme,
De ne point essayer à rappeler un cœur
Résolu de mourir dans cette douce ardeur.
ARMANDE. Eh! qui vous dit, monsieur, que l'on ait cette envie,
Et que de vous enfin si fort on se soucie?

Je vous trouve plaisant de vous le figurer,
Et bien impertinent de me le déclarer.

HENRIETTE. Eh! doucement, ma sœur. Où donc est la morale
Qui sait si bien régir la partie animale,

Et retenir la bride aux efforts du courroux?
ARMANDE. Mais vous, qui m'en parlez, où la pratiquez-vous,
De répondre à l'amour que l'on vous fait paraître,
Sans le congé de ceux qui vous ont donné l'être?
Sachez que le devoir vous soumet à leurs lois,
Qu'il ne vous est permis d'aimer que par leur choix;
Qu'ils ont sur votre cœur l'autorité suprême,
Et qu'il est criminel d'en disposer vous-même.

HENRIETTE. Je rends grâce aux bontés que vous me faites voir
De m'enseigner si bien les choses du devoir.
Mon cœur sur vos leçons veut régler sa conduite;
Et, pour vous faire voir, ma sœur, que j'en profite,

Clitaudre, prenez soin d'appuyer votre amour
De l'agrément de ceux dont j'ai reçu le jour.
Faites-vous sur mes vœux un pouvoir légitime,
Et me donnez moyen de vous aimer sans crime.
CLITANDRE. J'y vais de tous mes soins travailler hautement,
Et j'attendais de vous ce doux consentement.
ARMANDE. Vous triomphez, ma sœur, et faites une mine
A vous imaginer que cela me chagrine.

henriette. Moi, ma sœur! point du tout. Je sais que sur vos sens
I es droits de la raison sont toujours tout-puissants;
Et que, par les leçons qu'on prend dans la sagesse,
Vous êtes au-dessus d'une telle faiblesse.
Loin de vous soupçonner d'aucun chagrin, je croi
Qu'ici vous daignerez vous employer pour moi,
Appuyer sa demande, et de votre suffrage
Presser l'heureux moment de notre mariage.
Je vous en sollicite; et, pour y travailler...

ARMANDE. Votre petit esprit se mêle de railler,

Et d'un cœur qu'on vous jette on vous voit toute fière. HENRIETTE. Tout jeté qu'est ce cœur, il ne vous déplait guère; Et, si vos yeux sur moi le pouvaient ramasser, Ils prendraient aisément le soin de se baisser.

ARMANDE. A répondre à cela je ne daigne descendre ;

Et ce sont sots discours qu'il ne faut pas entendre. HENRIETTE. C'est fort bien fait à vous; et vous nous faites voir Des modérations qu'on ne peut concevoir.

SCÈNE III.

CLITANDRE, HENRIETTE.

HENRIETTE. Votre sincère aveu ne l'a pas peu surprise.
CLITANDRE. Elle mérite assez une telle franchise;

Et toutes les hauteurs de sa folle fierté
Sont dignes tout au moins de ma sincérité.
Mais, puisqu'il m'est permis, je vais à votre père,
Madame...

HENRIETTE. Le plus sûr est de gagner ma mère.
Mon père est d'une humeur à consentir à tout,
Mais il met peu de poids aux choses qu'il résout
Il a reçu du ciel certaine bonté d'ame"

Qui le soumet d'abord à ce que veut sa femme.
C'est elle qui gouverne et, d'un ton absolu,

Elle dicte pour loi ce qu'elle a résolu.

Je voudrais bien vous voir pour elle et pour ma tante
Une âme, je l'avoue, un peu plus complaisante,
Un esprit qui, flattant les visions du leur,
Vous pût de leur estime attirer la chaleur.
CLITANDRE. Mon cœur n'a jamais pu, tant il est né sincère,
Même dans votre sœur flatter leur caractère;

Et les femmes docteurs ne sout point de mon goût.
Je consens qu'une femme ait des clartés de tout;
Mais je ne lui veux point la passion choquante
De se rendre savante afin d'être savante:
Et j'aime que souvent, aux questions qu'on fait,
Elle sache ignorer les choses qu'elle sait :
De son étude enfin je veux qu'elle se cache,

Et qu'elle ait du savoir sans vouloir qu'on le sache,
Sans citer les auteurs, sans dire de grands mots,
Et clouer de l'esprit à ses moindres propos.
Je respecte beaucoup madame votre mère;
Mais je ne puis du tout approuver sa chimère,
Et me rendre l'écho des choses qu'elle dit,
Aux encens qu'elle donne à son héros d'esprit.
Son monsieur Trissotin me chagrine, m'assomme,
Et j'enrage de voir qu'elle estime un tel homme;
Qu'elle nous mette au rang des grands et beaux esprits
Un benêt dont partout on siffle les écrits,
Un pédant dont on voit la plume libérale
D'officieux papiers fournir toute la Halle.

HENRIETTE. Ses écrits, ses discours, tout m'en semble ennuyeux,
Et je me trouve assez votre goût et vos yeux;
Mais, comme sur ma mère il a grande puissance,
Vous devez vous forcer à quelque complaisance.

Un amant fait sa cour où s'attache son cœur,

Il veut de tout le monde y gagner la faveur;
Et, pour n'avoir personne à sa flamme contraire,
Jusqu'au chien du logis il s'efforce de plaire.
CLITANDRE. Oui, vous avez raison; mais monsieur Trissotin
M'inspire au fond de l'âme un dominant chagrin.
Je ne puis consentir, pour gagner ses suffrages,

A me déshonorer en prisant ses ouvrages;

C'est par eux qu'à mes yeux il a d'abord paru,

Et je le connaissais avant que l'avoir vu.

Je vis, dans le fatras des écrits qu'il nous donne,
Ce qu'étale en tous lieux sa pédante personne,
La constante hauteur de sa présomption,

Cette intrépidité de bonne opinion,

Cet indolent état de confiance extrême

Qui le rend en tout temps si content de soi-même,

Qui fait qu'à son mérite incessamment il rit,

Qu'il se sait si bon gré de tout ce qu'il écrit,

Et qu'il ne voudrait pas changer sa renommée Contre tous les honneurs d'un général d'armée. HENRIETTE. C'est avoir de bons yeux que de voir tout cela. CLITANDRE. Jusques à sa figure encor la chose alla,

Et je vis par les vers qu'à la tête il nous jette,
De quel air il fallait que fut fait le poëte :

Et j'en avais si bien deviné tous les traits

Que, rencontrant un homme un jour dans le Palais
Je gageai que c'était Trissotin en personne,

Et je vis qu'en effet la gageure était bonne.
HENRIETTE. Quel conte!

CLITANDRE.

Non; je dis la chose comme elle est. Mais je vois votre tante: agréez, s'il vous plaît, Que mon cœur lui déclare ici notre mystère, Et gagne sa faveur auprès de votre mère.

SCÈNE IV.

BELISE, CLITANDRE.

clitandre. Souffrez, pour vous parler, madame, qu'un amant Prenne l'occasion de cet heureux moment,

Et se découvre à vous de la sincère flamme...

BELISE. Ah! tout beau! Gardez-vous de m'ouvrir trop votre âme.
Si je vous ai su mettre au rang de mes amants,
Contentez-vous des yeux pour vos seuls truchements;
Et ne m'expliquez point par un autre langage
Des désirs qui, chez moi, passent pour un outrage.
Aimez-moi, soupi: ez, brûlez pour mes appas;
Mais qu'il me soit permis de ne le savoir pas.

Je puis fermer les yeux sur vos flammes secrètes,
Tant que vous vous tiendrez aux muets interprètes:
Mais si la bouche vient à s'en vouloir mêler,
Pour jamais de ma vue il vous faut exiler.

CLITANDRE. Des projets de mon cœur ne prenez point d'alarme:
Henriette, madame, est l'objet qui me charme;
Et je viens ardemment conjurer vos bontés
De seconder l'amour que j'ai pour ses beautés.
BÉLISE Ah! certes, le détour est d'esprit, je l'avoue;
Ce subtil faux-fuyant mérite qu'on le loue,
Et, dans tous les romans où j'ai jeté les yeux,
Je n'ai rien rencontré de plus ingénieux.

CLITANDRE. Ceci n'est point du tout un trait d'esprit, madame,
Et c'est un pur aveu de ce que j'ai dans l'âme.
Les cieux, par les liens d'une immuable ardeur,
Aux beautés d'Henriette ont attaché mon cœur;
Henriette me tient sous son aimable empire,
Et l'hymen d'Henriette est le bien où j'aspire.
Vous y pouvez beaucoup; et tout ce que je veux,
C'est que vous y daigniez favoriser mes vœux.
BELISE. Je vois où doucement veut aller la demande,

Et je sais sous ce nom ce qu'il faut que j'entende.
La figure est adroite; et, pour n'en point sortir,
Aux choses que mon cœur m'offre à vous repartir,
Je dirai qu'llenriette à l'hymen est rebelle,
Et que, sans rien prétendre, il faut brûler pour elle.
CLITANDRE. Eh! madame! à quoi bon un pareil embarras?
Et pourquoi voulez-vous penser ce qui n'est pas?
BELISE. Mon Dieu! point de façons. Cessez de vous défendre
De ce que vos regards m'out souvent fait entendre.
Il suffit que l'on est contente du détour
Dont s'est adroitement avisé votre amour,
Et que, sous la figure où le respect l'engage,
On veut bien se résoudre à souffrir son hommage,
Pourvu que ses transports, par l'honneur éclairés,
N'offrent à mes autels que des vœux épurés.
CLITANDRE. Mais...
BELISE.

Adieu. Pour ce coup, ceci doit vous
Et je vous ai plus dit que je ne voulais dire.
CLITANDRE. Mais votre erreur...

BÉLISE.

Laissez. Je rougis Et ma pudeur s'est fait un effort surprenaut. CLITANDRE. Je veux être pendu si je vous aime : BÉLISE. Non, non, je ne veux rien entendre day

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CHRYSALE. Non; mais, si vous voulez, je suis prêt à l'apprendre. ARISTE. Depuis assez longtemps vous connaissez Clitandre? CHRYSALE. Sans doute, et je le vois qui fréquente chez nous. ARISTE. En quelle estime est-il, mon frère, auprès de vous?

CHRYSALE. D'homme d'honneur, d'esprit, de coeur et de conduite; Et je vois peu de gens qui soient de son mérite.

ARISTE. Certain désir qu'il a conduit ici mes pas;

Et je me réjouis que vous en fassiez cas.

CHRYSALE. Je connus feu son père en mon voyage à Rome.
ARISTE. Fort bien.

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Je vis de bonne soupe et non de beau langage. - ACTE II, SCÈNE VH.

ARISTE. Ces gens vous aiment? BÉLISE.

ARISTE. Ils vous l'ont dit?

BÉLISE.

Oui, de toute leur puissance. Aucun n'a pris cette licence; Ils m'ont su révérer si fort jusqu'à ce jour, Qu'ils ne m'ont jamais dit un mot de leur amour. Mais, pour m'offrir leur cœur et vouer leur service, Les muets truchements ont tous fait leur office. ARISTE. On ne voit presque point céans venir Damis. BELISE. C'est pour me faire voir un respect plus soumis. ARISTE. De mots piquants partout Dorante vous outrage. BÉLISE. Ce sont emportements d'une jalouse rage. ARISTE. Cléonte et Lycidas ont pris femme tous deux. BÉLISE. C'est par un désespoir où j'ai réduit leurs feux. ARISTE. Ma foi, ma chère sœur, vision toute claire. CHRYSALE (à Bélise). De ces chimères-là vous devez vous défaire. BELISE. Ah! chimères! Ce sont des chimères, dit-on.

Chimères, moi! Vraiment, chimères est fort bon!

Je me réjouis fort de chimères, mes frères; Et je ne savais pas que j'eusse des chimères.

SCÈNE IV.

CHRYSALE, ARISTE.

CHRYSALE. Notre sœur est folle, oui.

ARISTE.

Cela croit tous les jours.
Mais, encore une fois, reprenons le discours.
Cli andre vous demande Henriette pour femme :
Voyez quelle réponse on doit faire à sa flamme.
CHRYSALE. Faut-il le demander? J'y consens de bon cœur,
Et tiens sou alliance à singulier honneur.
ARISTE. Vous savez que de biens il n'a pas l'abondance,
Que...

CHRYSALE. C'est un intérêt qui n'est pas d'importance :
Il est riche en vertus, cela vaut des trésors:

Et puis, son père et moi n'étions qu'un en deux corps. ARISTE. Parlons à votre femme, et voyons à la rendre Favorable...

CHRYSALE.

Il suffit, je l'accepte pour gendre. ARISTE. Oui; mais pour appuyer votre consentement, Mon frère, il n'est pas mal d'avoir son agrément. Allons...

CHRYSALE. Vous moquez-vous? il n'est pas nécessaire.

Je réponds de ma femme, et prends sur moi l'affaire. ARISTE. Mais...

CHRYSALE. Laissez faire, dis-je, et n'appréhendez pas.
Je la vais disposer aux choses, de ce pas.
ARISTE. Soit. Je vais là-dessus sonder votre Henriette,
Et reviendrai savoir...

CHRYSALE.

C'est une affaire faite :

Et je vais à ma femme en parler sans délai.

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(A Martine.)

Pis que tout cela?

Pis.

(A Philaminte.)

CHRYSALE. Comment! diantre, friponne! Euh! a-t-elle commis?.. PHILAMINTE. Elle a, d'une insolence à nulle autre pareille,

Après trente leçons, insulté mon oreille Par l'impropriété d'un mot sauvage et bas Qu'en termes décisifs condamne Vaugelas. CHRYSALE. Est-ce là ?... PHILAMINTE. Quoi! Dujours, malgré nos remontrances, Heurter le fondement de toutes les sciences, La grammaire, qui sait régenter jusqu'aux rois, Et les fait, la main haute, obéir à ses lois ! CHRYSALE. Du plus grand des forfaits je la croyais coupable. PHILAMINTE. Quoi! vous ne trouvez pas ce crime impardonnable? CHRYSALE. Si fait.

PHILAMINTE.

Je voudrais bien que vous l'excusassiez! CHRYSALE. Je n'ai garde. BÉLISE.

Il est vrai que ce sont des pitiés; Toute construction est par elle détruite;

Et des lois du langage on l'a cent fois instruite.
MARTINE. Tout ce que vous prêchez est, je crois, bel et bon;
Mais je ne saurais, moi, parler votre jargon.
PHILAMINTE. L'impudente! Appeler un jargon le langage
Fondé sur la raison et sur le bel usage!

MARTINE. Quand on se fait entendre, on parle tonjours bien,
Et tous vos biaux dictons ne servent pas de rien.
Eh bien! ne voilà pas encore de son style?
Ne servent pas de rien.

PHILAMINTE.

BELISE.

O cervelle indocile !
Faut-il qu'avec les soins qu'on prend incessamment
On ne te puisse apprendre à parler congrûment!
De pas, mis avec rien, tu fais la récidive;

Et c'est, comme on t'a dit, trop d'une négative.
MARTINE. Mon Dieu! je n'avons pas étugué comme vous,
Et je parlons tout droit comme on parle cheux nous.
PHILAMINTE. Ah! peut-on y tenir?

BÉLISE.

Quel solécisme horrible! PHILAMINTE. En voilà pour tuer une oreille sensible. BÉLISE. Ton esprit, je l'avoue, est bien matériel: Je n'est qu'un singulier, avons est un pluriel. Veux-tu toute ta vie offenser la grammaire? MARTINE. Qui parle d'offenser grand'mère ni grand-père? PHILAMINTE. Oh! ciel.

BÉLISE.

Grammaire est prise à contre-sens par toi; Et je t'ai dit déjà d'où vient ce mot. Ma foi! Qu'il vienne de Chaillot, d'Auteuil ou de Pontoise, Cela ne me fait rien.

MARTINE.

Hé!

BÉLISE.

Je veux qu'elle sorte.

CHRYSALE. Mais qu'a-t-elle commis pour vouloir de la sorte?... PHILAMINTE. Quoi! vous la soutenez ?

CHRYSALE.

Quelle âme villageoise! La grammaire, du verbe et du nominatif, Comme de l'adjectif avec le substantif,

Nous enseigne les lois.

MARTINE.

Mon Dieu, non :

En aucune façon. PHILAMINTE. Prenez-vous son parti contre moi?

CHRYSALE.

Je ne fais seulement que demander son crime. PHILAMINTE. Suis-je pour la chasser sans cause légitime? CHRYSALE. Je ne dis pas cela; mais il faut de nos gens... PHILAMINTE. Non, elle sortira, vous dis-je, de céans. CHRYSALE. Eh bien! oui. Vous dit-on quelque chose là-contre? PHILAMINTE. Je ne veux point d'obstacle aux désirs que je montre. CHRYSALE. D'accord. PHILAMINTE.

Et vous devez, en raisonnable époux,

J'ai, madame, à vous dire Que je ne connais point ces gens-là.

PHILAMINTE.

Quel martyre! BELISE. Ce sont les noms des mots; et l'on doit regarder En quoi c'est qu'il les faut faire ensemble accorder., MARTINE Qu'ils s'accordent entre eux, ou se gourment, qu'importe? PHILAMINTE (à Bélise). Eh! mon Dieu! finissez un discours de la sorte. (A Chrysale.) Vous ne voulez pas, vous, me la faire sortir? CHRYSALE. Si fait. (A part.) A son caprice il me faut consentir. Va, ne l'irrite point; retire-toi, Martine.

PHILAMINTE. Comment! vous avez peur d'offenser la coquine!

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