QUATRIÈME ENTRÉE DE BALLET SUITE DE MOME. Danse de Polichinelles et de Matassins. MOME. Folâtrons, divertissons-nous, Raillons nous ne saurions micux faire; La raillerie est nécessaire Dans les jeux les plus doux. Sans la douceur que l'on goûte à médire, On trouve peu de plaisirs sans ennui: Rien n'est si plaisant que de rire Quand on rit aux dépens d'autrui. Plaisantons, ne pardonnons rien, Rions rien n'est plus à la niode; On court péril d'être incommode En disant trop de bien. Sans la douceur que l'on goûte à médire, On trouve peu de plaisirs sans ennui: Rien n'est si plaisant que de rire Quand on rit aux dépens d'autrui. L'ÉCOLE DES FEMMES COMÉDIE EN CINQ ACTES. - 1662. A MADAME. MADAME, je suis le plus embarrassé homme du monde lorsqu'il me faut dédier un livre; et je me trouve si peu fait au style d'épître dédicatoire, que je ne sais par où sortir de celle-ci. Un autre auteur qui serait à ma place trouverait d'abord cent belles choses à dire à Votre Altesse Royale sur ce titre de l'Ecole des Femmes et l'offre qu'il vous en ferait; mais, pour moi, Madame, je vous avoue mon faible je ne sais point cet art de trouver des rapports entre des choses si peu proportionnées; et, quelques belles lumières que mes confrères les auteurs me donnent tous les jours sur de pareils sujets, je ne vois point ce que Votre Altesse Royale pourrait avoir à démêler avec la comédie que je lui présente. On n'est pas en peine, sans doute, comme il faut Oui mais qui rit d'autrui Doit craindre qu'en revanche on rie aussi de lui. -ACTE I, SCÈNE I. faire pour vous louer; la matière, Madame, ne saute que trop aux yeux; et, de quelque côté qu'on vous regarde, on rencontre gloire sur gloire, et qualités sur qualités. Vous en avez, Madame, du côté du rang et de la naissance, qui vous font respecter de toute la terre. Vous en avez du côté des grâces et de l'esprit et du corps, qui vous font admirer de toutes les personnes qui vous voient. Vous en avez du côté de l'âme, qui, si l'on ose parler ainsi, vous font aimer de tous ceux qui ont l'honneur d'approcher de vous: je veux dire cette douceur pleine de charmes dont vous daignez tempérer la fierté des grands titres que vous portez, celle bonté toute obligeante, cette affabilité généreuse que vous faites paraître pour tout le monde. Et ce sont particulièrement ces dernières pour qui je suis, et dont je sens fort bien que je ne me pourrai taire quelque jour. Mais encore une fois, Madame, je ne sais point le biais de faire entrer ici des vérités si éclatantes; et ce sont choses, à mon avis, et d'une trop vaste étendue, et d'un mérite trop relevé, pour les vouloir ren fermer dans une épître et les mêler avec des bagatelles. Tout bien considéré, Madame, je ne vois rien à faire ici pour moi que de vous dédier 9 : PRÉFACE. Bien des gens ont frondé d'abord cette comédie; mais les rieurs ont été pour elle; et tout le mal qu'on en a pu dire n'a pu faire qu'elle n'ait eu un succès dont je me contente. Je sais qu'on attend de moi dans cette impression quelque préface qui réponde aux censeurs et rende raison de mon ouvrage et sans donte que je suis assez redevable à toutes les personnes qui lui ont donné leur approbation pour me croire obligé de défendre leur jugement contre ceini des autres: mais il se trouve qu'une grande partie des choses que j'aurais à dire sur ce sujet est déjà dans une dissertation que j'ai faite en dialogue, et dont je ne sais encore ce que je ferai L'idée de ce dialogue, ou, si l'on veut, de cette petite comédie, me vint après les deux ou trois premières représentations de ma pièce. Je la dis, cette idée, dans une maison où je me trouvai un soir et d'abord une personne de qualité, dont l'esprit est assez connu dans le monde et qui me fait l'honneur de m'aimer, trouva le projet a-sez à son gré. non-seulement pour me solliciter d'y mettre la main, mais encore pour l'y mettre lui-même; et je fus étonné que, deux jours après, il me moutra toute l'affaire exécutée d'une maniere, à la vési é, beaucoup plus galaute et plus spirituelle que je ne puis fair, mais où je trouvai des choses trop avantageuses pour moi, et j'eus peur que, si je produisais cet ouvrage sur note theatre, on ne m'accusat d'avoir mendié les loua ges qu'on m'y donuait. Cependant cela m'empêcha, par quelque considération, d'achever ce que j'avais commencé. Mais taut de gens me pressent tous les jours de le faire, que je ne sais ce qui en sera; et cette incertitude est cause que je ne mets point dans cette préface ce qu on verra dans la critique en cas que je me résolve à la faire paraitre. S il faut que cela soit, je le dis encore, ce sera seulement pour venger le public du chagrin délicat de certaines gens; car, pour moi, je m'en tiens assez vengé par la réussite de ma comédie; et je souhaite que toutes celles que je pourrai faire soient traitées par eux comme celle-ci, pourvu que le reste soit de même. ACTE PREMIER. SCÈNE PREMIÈRE. CHRYSALDE, ARNOLPHIE. CHOYSALDE. Vous venez. di'es-vous, pour lui donner la main? CHRYSALDE. Ce sont coups du hasard dout ou n est point garant; Car enfin vous savez qu'il n'est grauds ni petits Que de votre critique on ait vus garantis : Que vos plus grands plaisirs sont, partout où vous êtes, De faire cent éclats des intrigues secretes... ARNOLPHE. Fort bieu. Est-il au monde une autre ville aussi Où l'on ait des maris si patients qu'ici? Est-ce qu'on n'en voit pas de toutes les espèces, Qui sont accommodés chez eux de toutes pieces? L'un amasse du bien dont sa femme fait part A ceux qui prennent soin de le faire cornard; L'autre, un peu plus heureux, mais non pas moins infâme, Et d'aucun soin jaloux n'a l'esprit combattu, Parce qu'elle lui dit que c'est pour sa vertu. Et le plaint, ce galant, des soins qu'il ne perd pas; Ooi mais qui rit d'autrui Et peut-être qu'encor j'aurai cet avantage Que quelques bounes gens diront que c'est dommage. ARNOLPHE. Mon Dieu! notre ami, ne vous tourmentez point. Je sais les tours rusés et les subtiles trames Et celle que j'épouse a toute l'innocence Qui pent sauver mon front de maligne influence. CHRYSALDE. Eh! que prétendez-vous? qu'une sotte, en un mot?... ARNOLPHE. Epouser une solte est pour n'être point sot. Je crois, en bon chrétien, vote moitié fort sage : Mais une femme habile est un mauvais présage; Et je sais ce qu'il coûte à de certaines gens Pour avoir pris les leurs avec trop de talents. Moi, j'irais me charger d'une spirituelle Qui ne parlerait rien que cercle et que ruelle, Qui de prose et de vers ferait de doux écrits, Et que visiteraient marquis et beaux esprits, Tandis que, sous le nom de mari de madame, Je serais comme un saint que pas un ne réclame? Now, non, je ne veux point d un esprit qui soit haut; Et femme qui compose en sait plus qu'il ne faut. Je prétends que la mienne, en clartés peu sublime, Meine ne sache pas ce que c'est qu'une rime; Et, s'il faut qu'avec elle on joue au corbillon, Et qu'on viene lui dire à son tour: Qu'y met on? Je veux qu'elle réponde: Une tarte à la crême; En un moi qu'elle soit d'une ignorance extrème ; Et c'est assez pour elle, à vous en bien parler, De savoir prier Dieu, m'aimer, coudre et filer. CHRYSALDE Une femme stupide est donc votre marotte? ARNOLPHE. Tant, que j'aimerais mieux une laide bien sotte, Qu'une femme fort belle avec beaucoup d'esprit. CHRYSALDE. L'esprit et la beauté... ARNOLPHE. L'honnêteté suffit. CHRYSALDE. Mais comment voulez-vous, après tout qu'une bête D'avoir toute sa vie une bête avec soi, Pensez-vous le bien prendre, et que sur votre idée En femme, comme en tout, je veux suivre ma mode : Et de qui la soumise et pleine dépendance C'est-à-dire ordonnant quels soins on emploîrait Et, pour ne point gåter sa bonté naturelle, Je n'y tiens que des gens tout aussi simples qu'elle. Vous me direz: Pourquoi cette narration? C'est pour vous rendre instruit de ma précaution. Le résultat de tout est qu'en ami fidèle Ce soir je vous invite à souper avec elle: Je veux que vous puissiez un peu l'examiner, Me voulez-vous toujours appeler de ce nom? A quarante-deux ans de vous débaptiser, La Souche, plus qu'Arnolphe, à mes oreilles plaît. Qui, n'ayant pour tout bien qu'un seul quartier de terre, ARNOLPHE. Vous pourriez vous passer d'exemples de la sorte. HORACE. Vous voyez. ARNOLPHE. Mais de grace, Oronte, votre père, A tout ce qui le touche il sait que je prends part HORACE. Il est, seigneur Arnolphe, encor plus gai que nous : Et la raison encor ne m'en est pas connue. ПОВАСЕ. ARNOLPHIE. Non. HORACE. Enrique. Mon père m'en parle, et qu'il est revenu, Il faut pour les amis des lettres moing civiles, HORACE. Je suis homme à saisir les gens par leurs paroles, Gardez aussi la bourse. HORACE. ARNOLPHE. Il faut... Laissons ce style. On trouve d'humeur douce et la brune et la blonde, HORACE. A ne vous rien cacher de la vérité pure, J'ai d'amour en ces lieux eu certaine aventure, ARNOLPHE (à part). Bon. Voici de nouveau quelque conte gaillard; HORACE. Mais, de grâce, qu'au moins ces choses soient secrètes ЦСВАСЕ. Vous n'iguorez pas qu'en ces occasious Mes petits soins d'abord ont eu tant de succès, ARNOLPHE (en riant). Et c'est? HORACE (lui montrant le logis d'Agnès). Un jeunc objet qui loge en ce logis Dont vous voyez d'ici que les murs sont rougis; Simple, à la vérité, par l'erreur sans secondè D'un homme qui la cache au commerce du monde, Un air tout engageant, je ne sais quoi de tendre, HORACE. Ah! je crève! Pour l'homme, C'est, je crois, de la Zouze, ou Source qu'on le nomme, Je ne me suis point fort arrêté sur le nom : Riche, à ce qu'on m'a dit; mais des plus sensés, non : ARNOLPHE (à part). HORACE. Eh! Vous ne dites mot! ARNOLPHE. La fâcheuse pilule! Eh oui, je le connoi. Eh! HORACE. C'est un fou, n'est-ce pas ? ARNOLPIE. HORACE. Qu'en dites-vous? Quoi! Fût laissée au pouvoir de cet homme bizarre. Pour moi, tous mes efforts, tous mes vœux les plus doux Vont à m'en rendre maître en dépit des jaloux; Et l'argent que de vous j'emprunte avec franchise N'est que pour mettre à bout cette juste entreprise. Vous savez mieux que moi, quels que soient nos efforts, Que l'argent est la clef de tous les grands ressorts, Et que ce doux métal, qui frappe tant de têtes, En amour comme en guerre avance les conquêtes. Vous me semblez chagrin ! serait-ce qu'en effet Vous désapprouveriez le dessein que j'ai fait? ARNOLPHE. Non, c'est que je songeais... |