Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

MARINETTE. Gros-René, dis-moi donc quelle mouche le pique. GROS RENÉ. M'oses-tu bien encor parler? femelle inique, Crocodile trompeur, de qui le cœur félon

Est pire qu'un satrape ou bien qu'un Lestrigon! Va, va rendre réponse à ta bonne maîtresse ; Et lui dis bien et beau que, malgré sa souplesse, Nous ne sommes plus sots, ni mon maître, ni moi, Et désormais qu'elle aille au diable avecque toi. MARINETTE (seule). Ma pauvre Marinette, es-tu bien éveillée? De quel démon est donc leur àme travaillée ? Quoi faire un tel accueil à nos soins obligeants? Oh! que ceci chez nous va surprendre nos gens!

ACTE SECOND.

SCENE PREMIÈRE.

ASCAGNE, FROSINE.

FROSINE. Ascagne, je suis fille à secret, Dieu merci.
ASCAGNE. Mais, pour un tel discours, somines-nous bien ici?
Prenons garde qu'aucun ne nous vienne surprendre
Ou que de quelque endroit on ne nous puisse entendre.
FROSINE. Nous serions au logis beaucoup moins sûrement :
lei de tous côtés on découvre aisément,
Et nous pouvons parler avec toute assurance.
ASCAGNE. Hélas! que j'ai de peine à rompre mon silence!
FROSINE. Ouais! ceci doit donc être un important secret?
ascagne. Trop, puisque je le dis à vous-même à regret,
Et que, si je pouvais le cacher davantage,
Vous ne le sauriez point.

FROSINE.

Ah! c'est me faire outrage. Feindre à s'ouvrir à moi, dont vous avez connu Dans tous vos intérêts l'esprit si retenu!

Moi, nourrie avec vous, et qui tiens sous silence Des choses qui vous sont de si grande importance! Qui sais...

ASCAGNE.

Oui, vous savez la secrète raison

Qui cache aux yeux de tous mon sexe et ma maison:

Vous savez que dans celle où passa mon bas âge
Je suis pour y pouvoir retenir l'héritage
Que relâchait ailleurs le jeune Ascagne mort,
Dont mon déguisement fait revivre le sort;
Et c'est aussi pourquoi ma bouche se dispense
A vous ouvrir mon coeur avec plus d'assurance.
Mais avant que passer, Frosine, à ce discours,
Eclaircissez un doute où je tombe toujours.

Se pourrait-il qu'Albert ne sût rien du mystère
Qui masque ainsi mon sexe et l'a rendu mon père?
FROSINE. En bonne foi, ce point sur quoi vous me pressez
Est une affaire aussi qui m'embarrasse assez :
Le fond de cette intrigue est pour moi lettre close;
Et ma mère ne put m'éclaircir mieux la chose.
Quand il mourut, ce fils, l'objet de tant d'amour,
Au destin de qui même, avant qu'il vînt au jour,
Le testament d'un oncle abondant en richesses
D'un soin particulier avait fait des largesses;
Et que sa mère fit un secret de sa mort,
De son époux absent redoutant le transport
S'il voyait chez un autre aller tout l'héritage
Dont sa maison tirait un si grand avantage;
Quand, dis-je, pour cacher un tel événement,
La supposition fut de son sentiment,

Et qu'on vous prit chez nous où vous étiez nourrie
(Votre mère d'accord de cette tromperie
Qui remplaçait ce fils à sa garde commis),
En faveur des présents le secret fut promis.
Albert ne l'a point su de nous; et, pour sa femme,
L'ayant plus de douze ans conservé dans son ame,
Comme le mal fut prompt dont on la vit mourir,
Son trépas imprévu ne put rien découvrir.
Mais cependant je vois qu'il garde intelligence
Avec celle de qui vous tenez la naissance :
J'ai su qu'en secret même il lui faisait du bien
Et peut-être cela ne se fait pas pour rien.
D'autre part, il vous veut porter au mariage;
Et, comme il le prétend, c'est un mauvais langage.
Je ne sais s'il saurait la supposition

Sans le déguisement. Mais la digression

Tout insensiblement pourrait trop loin s'étendre :
Revenons au secret que je brûle d'apprendre.

ASCAGNE. Sachez donc que l'amour ne sait point s'abuser,
Que mon sexe à ses yeux n'a pu se déguiser,
Et que ses traits subtils, sous l'habit que je porte,
Ont su trouver le cœur d'une fille peu forte:
J'aime enfin.

[blocks in formation]

FROSINE. Ah! certes, celui-là l'emporte, et vient à bout
De toute ma raison.
ASCAGNE.

FROSINE. Encore! ASCAGNE.

Ce n'est pas encor tout. Je la suis, dis-je, sans qu'il le pense, Ni qu'il ait de mon sort la moindre connaissance. FROSINE. Oh! poussez; je le quitte, et ne raisonne plus, Tant mes sens coup sur coup se trouvent confondus. A ces énigmes-là je ne puis rien comprendre. ASCAGNE. Je vais vous l'expliquer, si vous voulez m'entendre. Valère, dans les fers de ma sœur arrêté,

Me semblait un amant digne d'être écouté ;

Je ne pouvais souffrir qu'on rebutât sa flamme,
Sans qu'un peu d'intérêt touchât pour lui mon âme;
Je voulais que Lucile aimât son entretien :

Je blamais ses rigueurs ; et les blàmai si bien,
Que moi-même j'entrai, sans pouvoir m'en défendre,
Dans tous les sentiments qu'elle ne pouvait prendre.
C'était, en lui parlaut, moi qu'il persuadait;
Je me laissais gagner aux soupirs qu'il perdait;
Et ses vœux, rejetés de l'objet qui l'enfiamme,

Etaient comme vainqueurs reçus dedans mon âme.
Ainsi mon cœur, Frosine, un peu trop faible, hélas !
Se rendit à des soins qu'on ne lui rendait pas,
Par un coup réfléchi reçut une blessure,
Et paya pour un autre avec beaucoup d'usure.
Enfin, ma chère, enfin l'amour que j'eus pour lui
Se voulut expliquer, mais sous le nom d'autrui.
Dans ma bouche, une nuit, cet amant trop aimable
Crut rencontrer Lucile à ses voeux favorable;
Et je sus ménager si bien cet entretien,
Que du déguisement il ne reconnut rien.
Sous ce voile trompeur, qui flattait sa pensée,
Je lui dis que pour lui mon âme était blessée;

Mais que, voyant mon père en d'autres sentiments,
Je devais une feinte à ses commandements;

[ocr errors][subsumed][merged small][ocr errors]

Qu'ainsi de notre amour nous ferions un mystère,
Dont la nuit seulement serait dépositaire;
Et qu'entre nous, de jour, de peur de rien gåter,
Tout entretien secret se devait éviter;
Qu'il me verrait alors la même indifférence
Qu'avant que nous eussions aucune intelligence;
Et que de son côté, de même que du mien,
Geste, parole, écrit, ne m'en dit jamais rien.
Enfin, sans m'arrêter sur toute l'industrie
Dont j'ai conduit le fil de cette tromperie,

J'ai poussé jusqu'au bout un projet si hardi,
Et me suis assuré l'époux que je vous di.

FROSINE. Ho, ho! les grands talents que votre esprit possède!
Dirait-on qu'elle y touche avec sa mine froide?
Cependant vous avez été bien vite ici;

Car, je veux que la chose ait d'abord réussi,

Ne jugez-vous pas bien, à regarder l'issue,

Qu'elle ne peut longtemps éviter d'être suc?

[blocks in formation]

ASCAGNE. Vous-même. VALERE.

ASCAGNE.

Et comment?

Je disais que Valère
Aurait, si j'étais fille, un peu trop su me plaire;
Et que, si je faisais tous les voeux de son cœur,
Je ne tarderais guère à faire son bonheur.
VALÈRE. Ces protestations ne coûtent pas grand'chose
Alors qu'à leur effet un pareil si s'oppose :

Mais vous seriez bien pris si quelque événement
Allait mettre à l'épreuve un si doux compliment.
ASCAGNE. Point du tout je vous dis que, régnant dans votre áme,
Je voudrais de bon cœur couronner votre flamme.
VALÈRE. Et si c'était quelqu'une où par votre secours

Vous pussiez être utile au bonheur de mes jours?
ASCAGNE. Je pourrais assez mal répondre à votre attente.
VALERE. Cette confession n'est pas fort obligeante.
ASCAGNE. Eh quoi! vous voudriez, Valère, injustement,

Qu'étant fille, et mon cœur vous aimant tendrement,
Je m'allasse engager avec une promesse

De servir vos ardeurs pour quelque autre maîtresse?
Un si pénible effort pour moi m'est interdit.
VALERE. Mais cela n'étant pas?

[graphic]

ASCAGNE.

Ce que je vous ai dit, Je l'ai dit comme fille, et vous le devez prendre Tout de même.

VALÈRE.

Ainsi donc il ne faut rien prétendre, Ascagne, à des bontés que vous auriez pour nous, A moins que le ciel fasse un grand miracle en vous, Bref, si vous n'êtes fille, adieu votre tendresse, Il ne vous reste rien qui pour nous s'intéresse. ASCAGNE. J'ai l'esprit délicat plus qu'on ne peut penser, Et le moindre scrupule a de quoi m'offenser Quand il s'agit d'aimer. Enfin, je suis sincère, Je ne m'engage point à vous servir, Valère, Si vous ne m'assurez, au moins, absolument, Que vous avez pour moi le même sentiment; Que pareille chaleur d'amitié vous transporte; Et que, si j'étais fille, une flamme plus forte N'outragerait point celle où je vivrais pour vous. VALERE. Je n'avais jamais vu ce scrupule jaloux ;

Mais, tout nouveau qu'il est, ce mouvement m'oblige, Et je vous fais ici tout l'aveu qu'il exige. ASCAGNE. Mais sans fard?

VALÈRE. ASCAGNE.

Oui, sans fard.

S'il est vrai, désormais
Vos intérêts seront les miens, je vous promets.
VALERE. J'ai bientôt à vous dire un important mystère
Où l'effet de ces mots me sera nécessaire.
ASCAGNE. Et j'ai quelque secret de même à vous ouvrir
Où votre cœur pour moi se pourra découvrir.
VALERE. Eh! de quelle façon cela pourrait-il être?
ASCAGNE. C'est que j'ai de l'amour qui n'oserait paraître,
Et vous pourriez avoir sur l'objet de mes vœux
Un empire à pouvoir rendre mon sort heureux.
VALERE. Expliquez-vous, Ascagne, et croyez par avance
Que votre heur est certain s'il est en ma puissance.
ASCAGNE. Vous promettez ici plus que vous ne croyez.
VALERE. Non, non : dites l'objet pour qui vous m'employez.
ASCAGNE. Il n'est pas encor temps; mais c'est une personne
Qui vous touche de près.

VALÈRE.
Votre discours m'étonne.
Plût à Dieu que ma sœur....

ASCAGNE.

Ce n'est pas la saison

De m'expliquer, vous dis-je.

[blocks in formation]

LUCILE (à Marinette les trois premiers vers).
C'en est fait, c'est ainsi que je puis me venger;
Et si cette action a de quoi l'affliger,

C'est toute la douceur que mon cœur s'y propose.
Mon frère, vous voyez une métamorphose:

Je veux chérir Valère après tant de fierté,

Et mes vœux maintenant tournent de son côté.

ASCAGNE. Que dites-vous, ma sœur? Comment, courir au change!
Cette inégalité me semble trop étrange.

LUCILE. La vôtre me surprend avec plus de sujet.
De vois soins autrefois Valère était l'objet ;
Je vous ai vu pour lui m'accuser de caprice,
D'aveugle cruauté, d'orgueil et d'injustice :

Et quand je veux l'aimer mon dessein vous déplait,
Et je vous vois parler contre son intérêt !

ASCAGNE. Je le quitte, ma sœur, pour embrasser le vôtre.
Je sais qu'il est rangé dessous les lois d'une autre ;
Et ce serait un trait honteux à vos appas
Si vous le rappeliez et qu'il ne revint pas.

LUCILE. Si ce n'est que cela, j'aurai soin de ma gloire;

Et je sais, pour son cœur, tout ce que j'en dois croire;

Il s'explique à mes yeux intelligiblement :

Ainsi découvrez-lui sans peur mon sentiment;

Ou, si vous refusez de le faire, ma bouche

Lui va faire savoir que son ardeur me touche...
Quoi! mon frère, à ces mots vous restez interdit?
ASCAGNE. Ah! ma sœur, si sur vous je puis avoir crédit;
Si vous êtes sensible aux prières d'un frère,
Quittez un tel dessein, et n'ôtez point Valère
Aux vœux d'un jeune objet dont l'intérêt m'est cher,
Et qui, sur ma parole, a droit de vous toucher.

La pauvre infortunée aime avec violence:

A moi seul de ses feux elle fait confidence,

Et je vois dans son coeur de tendres mouvements

A dompter la fierté des plus durs sentiments.

Oui, vous auriez pitié de l'état de son âme,

Connaissant de quel coup vous menacez sa flamme;
Et je ressens si bien la douleur qu'elle aura,
Que je suis assuré, ma sœur, qu'elle en mourra
Si vous lui dérobez l'amant qui peut lui plaire.
Eraste est un parti qui doit vous satisfaire;
Et des feux mutuels...

LUCILE.

Mon frère, c'est assez; Je ne sais point pour qui vous vous intéressez; Mais, de grâce, cessons ce discours, je vous prie, Et me laissez un peu dans quelque rêverie. ASCAGNE. Allez, cruelle sœur, vous me désespérez Si vous effectuez vos desseins déclarés.

Car enfin aux transports d'une bonne nouvelle
Jamais cœur ne s'ouvrit d'une façon plus belle:
De l'écrit obligeant le sien tout transporté
Ne me donnait pas moins que de la déité:
Et cependant jamais, à cet autre message,
Fille ne fut traitée avecque plus d'outrage.

Je ne sais, pour causer de si grands changements,
Ce qui s'est pu passer entre ces courts moments.
LUCILE. Rien ne s'est pu passer dont il faille être en peine,
Puisque rien ne le doit défendre de ma haine.
Quoi! tu voudrais chercher hors de sa lâcheté
La secrète raison de cette indignité ?

Cet écrit malheureux, dont mon âme s'accuse,
Peut-il à son transport souffrir la moindre excuse?
MARINETTE. En effet, je comprends que vous avez raison,
Et que cette querelle est pure trahison.

Nous en tenons, madame: et puis prêtons l'oreille
Aux bons chiens de pendards qui nous chantent merveille,
Qui pour nous accrocher feignent tant de langueur;
Laissons à leurs beaux mots fondre notre rigueur;
Rendons-nous à leurs vœux, trop faibles que nous sommes !
Foin de notre sottise, et peste soit des hommes !

[graphic][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][subsumed][ocr errors][ocr errors][merged small]

SCÈNE IV.

LUCILE, MARINETTE.

MARINETTE. La résolution, madame, est assez prompte.
LUCILE. Un cœur ne pèse rien alors que l'on l'affronte;
Il court à sa vengeance, et saisit promptement
Tout ce qu'il croit servir à son ressentiment.
Le traître! faire voir cette insolence extrême!

MARINETTE. Vous m'en voyez encor toute hors de moi-même;
Et quoique là-dessus je rumine sans fin,
L'aventure me passe, et j'y perds mon latin.

LUCILE. Eh bien! bien qu'il s'en vante et rie à nos dépens,
Il n'aura pas sujet d'en triompher longtemps;
Et je lui ferai voir qu'en une âme bien faite
Le mépris suit de près la faveur qu'on rejette.
MARINETTE. Au moins en pareil cas est-ce un bonheur bien doux
Quand on sait qu'on n'a point d'avantage sur nous.
Marinette eut bon nez, quoi qu'on en puisse dire,
De ne permettre rien un soir qu'on voulait rire.
Quelque autre, sous l'espoir du matrimonion,
Aurait ouvert l'oreille à la tentation;

Mais moi, nescio vos.

[blocks in formation]

Et choisis mal ton temps pour de telles saillies! Enfin, je suis touchée au cœur sensiblement;

Et si jamais celui de ce perfide amant,

Par un coup de bonheur, dont j'aurais tort, je pense,
De vouloir à présent concevoir l'espérance

(Car le ciel a trop pris plaisir de m'affliger,
Pour me donner celui de me pouvoir venger);
Quand, dis-je, par un sort à mes désirs propice,
Il reviendrait m'offrir sa vie en sacrifice,
Détester à mes pieds l'action d'aujourd'hui,
Je te défends, surtout, de me parler pour lui.
Au contraire, je veux que ton zèle s'exprime

A me bien mettre aux yeux la grandeur de son crime;

Et même, si mon cœur était pour lui tenté

De descendre jamais à quelque làcheté,

Que ton affection me soit alors sévère,

Et tienne, comme il faut, la main à ma colère.

MARINETTE. Vraiment, n'ayez point peur, et laissez faire à nous.
J'ai pour le moins autant de colère que vous ;
Et je serais plutôt fille toute ma vie,

Que mon gros traître aussi me redonnat envie...
S'il vient...

[blocks in formation]

En quel gouffre de soins et de perplexité
Nous jette une action faite sans équité!
D'un enfant supposé par mon trop d'avarice,

Mon cœur depuis longtemps souffre bien le supplice,

Et, quand je vois les maux où je m'étais plongé,
Je voudrais à ce bien n'avoir jamais songé.
Tantôt je crains de voir, par la fourbe éventée,
Ma famille en opprobre et misère jetée :
Tantôt pour ce fils-là qu'il me faut conserver,
Je crains cent accidents qui peuvent arriver.
S'il advient que dehors quelque affaire m'appelle,
J'appréhende au retour cette triste nouvelle :

Las! vous ne savez pas ? Vous l'a-t-on annoncé ?
Votre fils a la fièvre, ou jambe, ou bras cassé. »
Enfin, à tous moments, sur quoi que je m'arrête,
Cent sortes de chagrins me roulent par la tête.
Ah!

[blocks in formation]

METAPHRASTE. Il est vrai filio non potest præferri Nisi filius.

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

Maître, en discourant ensemble, Ce jargon n'est pas fort nécessaire, me semble. Je vous crois grand latin et grand docteur juré ; Je m'en rapporte à ceux qui m'en ont assuré : Mais, dans un entretien qu'avec vous je destine, N'allez point déployer toute votre doctrine, Faire le pédagogue, et cent mots me cracher, Comme si vous étiez en chaire pour prêcher. Mon père, quoiqu'il eût la tête des meilleures, Ne m'a jamais rien fait apprendre que mes heures. Qui, depuis cinquante ans dites journellement, Ne sont encor pour moi que du haut allemand. Laissez donc en repos votre science auguste, Et que votre langage à mon faible s'ajuste. METAPHRASTE. Soit.

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

A mon fils l'hymen me paraît faire peur;
Et,sur quelque parti que je sonde son cœur,
Pour un pareil lien il est froid et recule.

METAPHRASTE. Peut-être a-t-il l'humeur du frère de Marc-Tulle,
Dont avec Atticus le même fait sermon,

Et comme aussi les Grecs disent, Athanaton...

ALBERT. Mon Dieu! maître éternel, laissez là, je vous prie,
Les Grecs, les Albanais, avec l'Esclavonie,

Et tous ces autres gens dont vous voulez parler;
Eux et mon fils n'ont rien ensemble à démêler.
METAPHRASTE. Eh bien donc, votre fils?

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

Je ne sais si dans l'âme Il ne sentirait point une secrète flamme; Quelque chose le trouble, ou je suis fort décu; Et je l'aperçus hier, sans en être aperçu. Dans un recoin du bois où nul ne se retire. METAPHRASTE. Dans un lieu reculé du bois, voulez-vous dire, Un endroit écarté, latinè, secessus; Virgile l'a dit: Est in secessu... locus.

ALBERT. Comment aurait-il pu l'avoir dit, ce Virgile,

Puisque je suis certain que, dans ce lieu tranquille,
Ame du monde enfin n'était lors que nous deux?
METAPHRASTE. Virgile est nommé là comme un auteur fameux
D'un terme plus choisi que le mot que vous dites,
Et non comme témoin de ce qu'hier vous vites.
ALBERT. Et moi je vous dis, moi, que je n'ai pas besoin
De terme plus choisi, d'auteur ni de témoin,
Et qu'il suffit ici de mon seul témoignage.
METAPHRASTE. Il faut choisir pourtant les mots mis en usage
Par les meilleurs auteurs: Tu vivendo bonos,
Comme on dit, scribendo sequare peritos.

ALBERT. Homme ou démon, veux-tu m'entendre sans conteste?
METAPHRASTE. Quintilien en fait le précepte...
La peste

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

Soit du causeur. MÉTAPHRASTE. Et dit là-dessus doctement Un mot que vous serez bien aise assurément D'entendre.

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

Je serai le diable qui t'emporte,
Chien d'homme! Oh! que je suis tenté d'étrange sorte
De faire sur ce mufle une application!

METAPHRASTE. Mais qui cause, seigneur, votre inflammation?
Que voulez-vous de moi?

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

Je veux que l'on m'écoute, Vous ai-je dit vingt fois, quand je parle. MÉTAPHRASTE. Ah! sans doute⚫ Vous serez satisfait s'il ne tient qu'à cela : Je me tais.

[blocks in formation]

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

Je meure Si je savais cela. Mais soit, à la bonne heure. Maître, donc...

METAPHRASTE. ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

Poursuivez.

Je veux poursuivre aussi : Mais ne poursuivez point, vous, d'interrompre ainsi. Donc, encore une fois, maître, e'est la troisième, Mon fils me rend chagrin : vous savez que je l'aime, Et que soigneusement je l'ai toujours nourri.

ALBERT. Je le crois.

METAPHRASTE.

ALBERT. Suffit.

METAPHRASTE.

ALBERT.

J'ai promis que je ne dirai rien.

Dès à présent je suis muet.

Fort bien.

METAPHRASTE. Parlez; courage, au moins! je vous donne audience.

LE DÉPIT AMOUREUX.

[blocks in formation]

C'est de pousser ma pointe, et dire en diligence
A notre vieux patron toute la manigance.
Son fils, qui m'embarrasse, est un évaporé :
L'autre, diable! disant ce que j'ai déclaré,
Gare une irruption sur notre friperie.
Au moins, avant qu'on puisse échauffer sa furie,
Quelque chose de bon nous pourra succéder,
Et les vieillards entre eux se pourront accorder.
C'est ce qu'on va tenter: et, de la part du nôtre,
Sans perdre un seul moment, je m'en vais trouver l'autre.
(Il frappe à la porte d'Albert.)

[blocks in formation]

Parbleu ! tu te tairas.

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

Oh! oh! qui te peut amener,

[blocks in formation]

SCÈNE VIIL

MÉTAPHRASTE.

D'où vient fort à propos cette sentence expresse
D'un philosophe : Parle, afin qu'on te connaisse.
Doncques, si de parler le pouvoir m'est ôté,
Pour moi, j'aime autant perdre aussi l'humanité,
Et changer mon essence en celle d'une bête.
Me voilà pour huit jours avec un mal de tête...
Oh! que les grands parleurs sout par moi détestés!
Mais quoi! si les savants ne sont pas écoutés,
Si l'on veut que toujours ils aient la bouche close,
Il faut donc renverser l'ordre de chaque chose;
Que les poules dans peu dévorent les renards;
Que les jeunes enfants remontrent aux vieillards;
Qu'à poursuivre les loups les agnelets s'ébattent ;
Qu'un fou fasse les lois; que les femmes combattent;
Que par les criminels les juges soient jugés,
Et par les écoliers les maitres fustiges;

Que le malade au sain présente le remède;
Que le lièvre craintif...

[blocks in formation]

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ . MASCARILLE.

(Il heurte.)

[blocks in formation]

Encor?

Vous n'avez pas ouï,

[blocks in formation]

MASCARILLE. Cet homme est ennemi de la cérémonie.
Je n'ai pas achevé, monsieur, son compliment:
Il voudrait vous prier d'une chose instamment.
ALBERT. Eh bien! quand il voudra, je suis à son service.
MASCARILLE (l'arrêtant). Attendez, et souffrez qu'en deux mots je finisse.
Il souhaite un moment pour vous entretenir
D'une affaire importante, et doit ici venir.

ALBERT. Eh! quelle est-elle encor l'affaire qui l'oblige
A me vouloir parler?

MASCARILLE.

Un grand secret, vous dis-je, Qu'il vient de découvrir en ce même moment, Et qui, sans doute, importe à tous deux grandement. Voilà mon ambassade.

SCÈNE III.

ACTE TROISIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

MASCARILLE.

Le ciel parfois seconde un dessein téméraire,
Et l'on sort comme on peut d'une méchante affaire.
Pour moi, qu'une imprudence a trop fait discourir,
Le remède plus prompt où j'ai su recourir,

ALBERT.

O juste ciel! je tremble:

Car enfin nous avons peu de commerce ensemble.
Quelque tempête va renverser mes desseins,
Et ce secret, sans doute, est celui que je crains.
L'espoir de l'intérêt m'a fait quelque infidèle,
Et voilà sur ma vie une tache éternelle.

Ma fourbe est découverte. Oh! que la vérité
Se peut cacher longtemps avec difficulté!

Et qu'il eût mieux valu pour moi, pour mon estime,
Suivre les mouvements d'une peur légitime,
Par qui je me suis vu tenté plus de vingt fois
De rendre à Polidore un bien que je lui dois;
De prévenir l'éclat où ce coup-ci m'expose,
Et faire qu'en douceur passât toute la chose!
Mais, hélas! c'en est fait, il n'est plus de saison:

« PreviousContinue »