Déjà, pour commencer, dans l'ardeur qui m'enflamme, Je vais dire partout qu'il couche avec ma femme. SCÈNE XVIII. GORGIBUS, CÉLIE, LA SUIVANTE DE Célie. CLIE. Oui, je veux bien subir une si juste loi, Je prétends gourmander mes propres sentiments, LÉLIE. Avant que pour jamais je m'éloigne de vous, Je veux vous reprocher au moins en cette place... CÉLIE. Quoi! me parler encore! avez-vous cette audace? LÉLIE. Il est vrai qu'elle est grande; et votre choix est tel, Qu'à vous rien reprocher je serais criminel. Vivez, vivez contente, et bravez ma mémoire Avec le digne époux qui vous comble de gloire. CÉLIE. Oui, traître, j'y veux vivre, et mon plus grand désir Ce serait que ton cœur en eût du déplaisir. LELIE. Qui rend donc contre moi ce courroux légitime? CELIE. Quoi tu fais le surpris et demandes ton crime? SCÈNE XXI. Traître, de ce discours l'insolence cruelle. Là, hardi! tâche à faire un effort généreux En le tuant, tandis qu'il tourne le derrière. LÉLIE (faisant deux ou trois pas sans dessein, fait retourner Sganarelle, qui s'approchait pour le tuer). Puisqu'un pareil discours émeut votre colère, Je dois de votre cœur me montrer satisfait, CÉLIE. Oui, oui, mon choix est tel qu'on n'y peut rien reprendre. SGANARELLE. Sans doute, elle fait bien de défendre mes droits. LELIE. D'où vous naît cette plainte? et quel chagrin brutal ?... Mais votre conscience et le soin de votre âme Vous devraient mettre aux yeux que ma femme est ma femme, Allez, dessus ce point n'ayez point de scrupule : SGANARELLE (à Célie). Vous me défendez mieux que je ne saurais faire ; SCÈNE XXII, CÉLIE, LÉLIE, SGANARELLE, LA FEMME DE SGANARELLE, LA SUIVANTE DE CÉLIE. LA FEMME DE SGANARELLE. Je ne suis point d'humeur à vouloir contre vous Faire éclater, madame, un esprit trop jaloux; Mais je ne suis point dupe, et vois ce qui se passe : Il est de certains feux de fort mauvaise grâce: Et votre âme devrait prendre un meilleur emploi, Que de séduire un cœur qui doit n'être qu'à moi. CÉLIE. La déclaration est assez ingénue. SGANARELLE (à sa femme). L'on ne demande pas, carogne, la venue. Et tu trembles de peur qu'on t'ôte ton galant. CÉLIE, LÉLIE, SGANARELLE, armé de pied en cap; LA SUIVANTE CÉLIE. Allez, ne croyez pas que l'on en ait envie. DE CÉLIE. SGANARELLE. Guerre, guerre mortelle à ce larron d'honneur Qui sans miséricorde a souillé notre bonneur. CÉLIE (à Lélie, lui montrant Sganarelle). Tourne, tourne les yeux sans me faire répondre. LELIE. Ah! je vois... CÉLIE. Cet objet suffit pour te confondre. LÉLIE. Mais pour vous obliger bien plutôt à rougir. SGANARELLE (à part). Ma colère à présent est en état d'agir. Dessus ses grands chevaux est monté mon courage; Et si je le rencontre on verra du carnage. Oui, j'ai juré sa mort; rien ne peut m'empêcher : Où je le trouverai, je le veux dépêcher. (Tirant sou épée à demi, il s'approche de Lélie.) Au beau milieu du cœur il faut que je lui donne... LÉLIE (se retournant). A qui donc en veux-tu ? SGANARELLE. LÉLIE. Pourquoi ces armes-là? SGANARELLE. (Se tournant vers Lélie.) Tu vois si c'est mensonge, et j'en suis fort ravie. LÉLIE. Que me veut-on conter? LA SUIVANTE. Ma foi, je ne sais pas (A Lélie.) Vous, qu'est-ce qu'à son cœur peut reprocher le vôtre? LELIE. Que l'infidèle a pu me quitter pour un antre; Que, lorsque, sur le bruit de son hymen fatal, Je n'en veux à personne. LA SUIVANTE. LÉLIE. Oui dà. C'est un habillement Que j'ai pris pour la pluie. (A part.) Ah! quel contentement J'aurais à le tuer! Prenons-en le courage. LÉLIE (se retournant encore). Eh? A lui. Comment! à lui? C'est lui-même aujourd'hui. Moi? j'ai dit que c'était à ma femme LA SUIVANTE (à Sganarelle). Est-il vrai? SGANAKELLE. Que j'étais marié. J'ai fait, dans sa faiblesse, entrer monsieur chez nous, Je n'ai pas reconnu les traits de sa peinture. CELIE. C'est moi qui du portrait ai causé l'aventure, Et je l'ai laissé choir en cette pâmoison (A Sganarelle.) Qui m'a fait par vos soins remettre à la maison. LA SUIVANTE. Vous le voyez, sans moi vous y seriez encore. Et vous aviez besoin de mon peu d'ellebore. SGANARELLE (à part). Prendrons-nous tout ceci pour de l'argent comptant? Mon front l'a, sur mon âme, eu bien chaude pourtant. LA FEMME DE SGANARELLE. Ma crainte toutefois n'est pas trop dissipée, SGANARELLE (à sa femme). Eh! mutuellement croyons-nous gens de bien. LA FEMME DE SGANARELLE. Soit. Mais gare le bois si j'apprends quelque chose! LÉLIE. Ah! dieux! s'il est ainsi, qu'est-ce done que j'ai fait? Je dois de mon courroux appréhender l'effet. Oui, vous croyant sans foi, j'ai pris pour ma vengeance Le malheureux secours de mon obéissance; Et depuis un moment mon cœur vient d'accepter Il me tiendra parole. SCÈNE XXIII. Gorgibus, célie, LÉLIE, SGANABELLE, LA FEMME DE SGANÁRELLE, LA SUIVANTE DE CÉLIE. LELIE. Monsieur, vous me voyez en ces lieux de retour, - Brûlant des mêmes feux; et mon ardente amour Verra, comme je crois, la promesse accomplie GORGIBUS. Monsieur, que je revois en ces lieux de retour, LÉLIE. Quoi! monsieur, est-ce ainsi qu'on trahit mon espoir! ER DE SOANARELE. LE DÉPIT AMOUREUX COMÉDIE EN CINQ ACTES. — 1654. ERASTE. Veux-que je te die? une atteinte secrète GROS-RENÉ. Pour moi, me soupçonner de quelque mauvais tour, Que c'est injustement blesser ma prud'homie, Et se connaitre mal en physionomie. Les gens de mon minois ne sont point accusés Cet honneur qu'on nous fait, je ne le démens guères. Montre depuis un temps trop de tranquillité; Et, si tu n'en crois rien, dis-moi, je t'en conjure, De ce qu'on a chéri la fatale présence Ne nous laisse jamais dedans l'indifférence; Notre amour est bien près de nous rentrer au sein. S'offrent le plus souvent, que je ne veux pas voir. Avec vous en amour je cours même fortune; La maîtresse ne peut abuser votre foi, A moins que la suivante en fasse autant pour moi; Je veux croire les gens quand on me dit : Je t'aime, Et ne vais point chercher, pour m'estimer heureux, Si Mascarille ou non s'arrache les cheveux. Mais je la vois qui passe. MARINETTE. Si je lui rapportais vos faiblesses d'esprit, ÉRASTE. Ah! cache-lui de gràce une peur passagère Est prête d'expier l'erreur de ce transport; MARINETTE. Ne parlons point de mort, ce n'en est pas le temps. Reconnaître dans peu, de la bonne manière, Les soins d'une si noble et si belle courrière. MARINETTE. A propos; savez-vous où je vous ai cherché Tantôt encore? Apprends-moi donc, de grâce, Quelqu'un, en vérité, Là... dans cette boutique Ah! j'entends. Qui pour vous n'a pas trop mauvaise volonté; Ma maîtresse, en un mot. GROS-RENÉ. Il est jaloux jusques en un tel point. MARINETTE. De Valère? Ah! vraiment la pensée est bien belle! Elle peut seulement naître en votre cervelle. Je vous croyais du sens, et jusqu'à ce moment GROS-RENE. Moi, jaloux! Dieu m'en garde, et d'être assez badin Le grand secret pourquoi je vous ai tant cherché. RASTE (lit). « Vous m'avez dit que votre amour « Il se couronnera lui-même dans ce jour « Faites parler les droits qu'on a dessus mon cœur, « Je vous en donne la licence; a Et, si c'est en votre faveur, « Je vous réponds de mon obéissance. » Ah! quel bonheur! O toi, qui me l'as apporté, MARINETTE. Où dès le mois passé votre cœur magnifique ÉRASTE. Il est vrai, j'ai tardé trop longtemps MARINETTE. Ce que j'en ai dit n'est pas que je vous presse. ÉRASTE (lui donne sa bague). Celle-ci peut-être aura de quoi Te plaire; accepte-la pour celle que je doi. MARINETTE. Monsieur, vous vous moquez; j'aurais honte à la prendre GROS-RENÉ. Pauvre honteuse, prends, sans davantage attendre; Refuser ce qu'on donne est bon à faire aux fous. MARINETTE. Ce sera pour garder quelque chose de vous. ÉRASTE. Quand puis-je rendre grâce à cet ange adorable? MARINETTE. Travaillez à vous rendre un père favorable. ERASTE. Mais s'il me rebutait, dois-je ?... MARINETTE. Alors comme alors: Pour vous on emploîra toutes sortes d'efforts. D'une façon ou d'autre il faut qu'elle soit vôtre. Faites votre pouvoir, et nous ferons le nôtre. ‚ÉRASTE. Adieu : nous en saurons le succès dans ce jour. (Éraste relit la lettre tout bas.) ÉRASTE. Ces mots sont doux. Vous connaissez la main? VALÈRE. Oui, de Lucile. Il est fou, le bon sire! Oui, je le vois paraître ; ÉRASTE. Vous nous fuyez bien vite eh quoi! vous fais-je peur? Nous devenons amis; et mes feux que j'éteins ÉRASTE. N'est pas pour en venir à grande extrémité. ERASTE. J'ai su qu'en ses amours ton maître était trop bien; MASCARILLE. Certes, vous me plaisez avec cette nouvelle : Vous tirez sagement votre épingle du jeu. N'eut pour témoins, la nuit, que deux autres et moi; MASCARILLE. Je dis que je suis interdit, Et ne sais pas, monsieur, qui peut vous avoir dit ÉRASTE. Vous en avez menti. ÉRASTE. Vous êtes un coquin. MASCARILLE. ERASTE. Monsieur, je le veux bien. D'accord. Et cette audace Veux-tu dire? Voici, Sans marchander, de quoi te délier la langue. MASCARILLE. Elle ira faire encor quelque sotte harangue. Eh! de grace, plutôt, si vous le trouvez bon, Donnez-moi vitement quelques coups de bâton, Et me laissez tirer mes chausses sans murmure. ÉRASTE. Tu mourras, ou je veux que la vérité pure S'exprime par ta bouche. MASCARILLE. : Hélas! je la dirai : Mais peut-être, monsieur, que je vous fàcherai. ÉRASTE. Parle mais prends bien garde à ce que tu vas faire. A ma juste fureur rien ne te peut soustraire, Si tu mens d'un seul mot en ce que tu diras. MASCARILLE. J'y consens, rompez-moi les jambes et les bras; Faites-moi pis encor, tuez-moi, si j'impose, En tout ce que j'ai dit ici, la moindre chose. ÉRASTE. Ce mariage est vrai? MASCARILLE. Ma langue en cet endroit Et je lui ferai voir, étant en sentinelle, Que nous avons dans l'ombre un libre accès chez elle. ÉRASTE. Ote-toi de mes yeux, maraud. MASCARILLE C'est ce que je demande. Eh! de grand cœur; |