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Au besoin de sentir correspond la passion des peintures, des sculptures, des spectacles en musique et au

tres.

Au besoin de connaître correspond la passion de l'étude au point de vue de l'acquisition des connaissances. Cette passion principale se décompose en autant de passions secondaires qui s'appliquent aux divers groupes des connaissances humaines.

Au besoin d'expression correspond la passion de manifester au dehors sa manière de sentir.

Au besoin du langage correspond la passion de parler ou d'écrire.

Après avoir passé en revue chacun des besoins et chacune des passions qui prennent naissance dans les divers organes de la vie, notre tâche est terminée.

Assurément nous avons laissé dans l'ombre une foule de besoins et de passions qui jouent dans la vie de l'homme un rôle très-important: nous n'avons pas parlé du besoin de vivre en soi, ni du besoin de relation avec nos semblables; nous avons totalement négligé le besoin de relation avec Dieu, ainsi que les passions les plus vives et les plus répandues, telles que l'égoïsme, l'orgueil, etc. Nous avons commis toutes ces omissions, mais par la raison bien simple qu'on ne saurait localiser aucun de ces besoins, aucune de ces passions dans un organe déterminé.

Tous ces besoins, il est vrai, sont perçus dans le cerveau; il est vrai encore que dans nos relations avec Dieu, avec nous-mêmes, avec nos semblables, c'est le cerveau qui, poussé par ses propres besoins, sent, connaît, prend la parole. Mais en vérité, dans toutes ces circonstances, le cerveau n'est qu'un leader habile. Grâce à ses nobles prérogatives, il prend en main les intérêts des autres organes avec une délicatesse, une convenance que nul ne saurait atteindre, et tout en parlant de lui il ne cesse de sous-entendre les autres. Les besoins dont nous parlons sont des besoins généraux qu'il n'est pas possible

de localiser dans le cerveau ou ailleurs; ils sont la résultante de tous les autres, et cette résultante se traduit en nous, dans le cerveau, par le sentiment de notre individualité. Ce sentiment, qui n'avait jamais été analysé jusqu'ici, et auquel nous avons assigné la place qu'il doit occuper dans toute classification physiologique et psychologique, est le résultat de l'expérience acquise par le centre de perception dans ses rapports avec les causes impressionnantes de toute provenance (1).

Après cette explication, on comprendra mieux les motifs qui nous ont déterminé à borner notre énumération aux besoins et aux passions propres à chaque organe en particulier. Pour parler convenablement des passions et des besoins généraux qui appartiennent à l'individualité, nous aurions été obligé de mêler à notre exposition des considérations nécessaires sur la vie fonctionnelle que nous ne connaissons pas encore, et qui va nous occuper dans le chapitre suivant. Il était donc plus avantageux de réserver notre description pour le moment où nous aurons à nous occuper du sentiment de l'individualité.

(1) Voir plus loin. Voir aussi Physiologie du système nerveux, p. 297 et suiv.

CHAPITRE III.

Perceptions qui accompagnent l'activité de la vie fonctionnelle ou qui en sont le résultat.

Nous venons de voir que les besoins et les passions sont un appel adressé par les organes à l'intervention du moi.

L'activité fonctionnelle est la réponse à cet appel. Les fonctions, en effet, n'ont d'autre destinée que celle de donner satisfaction aux besoins de l'organisme.

Aux besoins nutritifs correspondent les fonctions successives qui ont pour but de prendre l'aliment, de l'incorporer, de le transformer en chyle et en sang.

Aux besoins génésiques correspondent les fonctions de la génération.

Aux besoins du cerveau, de l'appareil des sens et du système musculaire correspondent les fonctions appelées par nous cérébro-motrices, sensorielles et musculaires (1).

Sans entrer ici dans des détails, qui ne nous paraissent pas utiles, sur les divers modes fonctionnels, nous aborderons immédiatement notre sujet en déterminant les perceptions qui accompagnent l'activité fonctionnelle ou qui en sont le résultat.

Nous établirons d'abord une division particulièrement

(1) La détermination des fonctions du cerveau n'avait pas été établie jusqu'ici. Ce n'est qu'après avoir formulé les vrais principes de la physiologie générale que nous avons été conduit à faire cette détermination. Voir notre Physiologie du système nerveux, p. 141 et suiv.

essentielle en affirmant qu'il y a des perceptions communes qui accompagnent toutes les fonctions, et des perceptions spéciales qui sont le résultat de certaines fonctions.

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Toutes les fonctions sans exception sont accompagnées dans leur accomplissement d'un sentiment qui est caractérisé par une des mille nuances que l'on trouve entre le plaisir et la douleur.

Le sentiment qui accompagne l'accomplissement des fonctions de nutrition est asssez vague pour chaque fonction particulière; mais l'ensemble de ces sentiments donne une résultante qui est un sentiment de bien-être et de satisfaction.

Si ces fonctions sont troublées par une cause quelconque, le sentiment de bien-être est remplacé par un sentiment de douleur quelquefois très-vif. Les douleurs de la gastralgie, de l'indigestion, du passage des calculs dans la vésicule biliaire ou dans l'uretère donnent une idée des sentiments qui accompagnent l'accomplissement anormal des fonctions de la digestion.

Tout le monde connaît la douce satisfaction que procurent en pleine campagne une circulation calme et une respiration facile, après une nuit de repos. Moins nombreux heureusement sont ceux qui connaissent les terribles angoisses que produisent les troubles de la circulation et de la respiration.

Nous ne faisons que mentionner le plaisir, la volupté, ou la douleur qui accompagnent l'accomplissement des fonctions de la génération.

L'accomplissement des fonctions de relation donne. naissance à des sentiments de plaisir qu'on désigne à bon

droit sous le nom de plaisirs nobles, élevés. Les fonctions cérébro-sensorielles nous procurent le plaisir des yeux, des oreilles, du goût, du toucher, de l'odorat. Les fonctions cérébro-musculaires nous offrent le plaisir de la promenade, de la gymnastique, de l'équitation, des armes, de la chasse, et celui de la peinture, de la musique, quand elles se joignent aux fonctions cérébro-sensorielles. Les fonctions cérébro-motrices nous donnent les plaisirs purs de l'étude sous toutes ses formes. Par contre, lorsque ces fonctions s'accomplissent mal, elles sont la source des douleurs les plus vives. Le rhumatisme, les névralgies, les hallucinations, les vésanies, sont accompagnés de sentiments douloureux qui caractérisent tout fonctionnement anormal.

Lorsque nous nous occuperons plus loin du sentiment de l'individualité, nous verrons que le plaisir et la douleur, sous les noms de joie et tristesse, accompagnent tous les fonctionnements de l'individualité. Nous pouvons dire, par conséquent, que le plaisir et la douleur sont des perceptions particulières spéciales, et qui ne se développent que pendant l'exercice des fonctions. Telle est leur place dans le classement physiologique des perceptions.

Le plaisir et la douleur ont été très-diversement interprétés; mais il y a toute une série de philosophes qui, depuis Aristote, ont professé à cet égard, sinon la vérité tout entière, du moins une grande partie de la vérité.

Pour Aristote, le plaisir est le complément de l'acte (1); il ne se joint pas à l'activité comme une sorte d'appendice, mais l'activité le porte en elle-même. Cette opinion. est celle de saint Thomas, Malebranche, Bossuet, Vauvevargues, Lévêque de Pouilly, Reid, Hamilton, etc., etc. M. F. Bouillier, dans son remarquable traité du Plaisir et de la Douleur, s'est rangé dans cette catégorie de penseurs. La pensée la plus saillante chez tous ces philosophes, c'est que le plaisir et la douleur sont les compagnons in

(1) Aristote, Morale à Nicomaque, chap. IV, liv. x, traduction de Barthélemy Saint-Hilaire.

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