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TROISIÈME ACTIVITÉ FONDAMENTALE DE L'AME. 241

de l'élément fondamental de sa vie organique. Lui seul, en effet, est capable de percevoir toutes les impressions, et s'il se souvient, c'est-à-dire s'il perçoit le passé, c'est qu'il a perçu ce dernier en tant que présent.

Mais, pour percevoir présentement ce qu'il a perçu dans le passé, le cerveau doit tenir quelque part en réserve les causes impressionnantes qui l'ont déjà affecté, car, pour se souvenir, il ne va pas chercher au loin les objets mêmes du souvenir; il trouve tout cela en lui, et dès qu'il le veut.

Comment concilier ce fait avec le mouvement de composition et de décomposition qui modifie incessamment la constitution matérielle des organes de la vie? Comment expliquer Fexistence d'une réserve nécessaire dans le cerveau, alors que les éléments matériels changent sans cesse?

Telle est la première difficulté qui se présente à nous dans l'étude de la mémoire.

Le fait de la décomposition et de la recomposition des éléments organiques est indiscutable. Il est certain que si l'on cherche dans le cerveau les éléments matériels qui composaient sa substance il y a dix ans, on ne les y trouvera pas; mais on y trouvera néanmoins les mêmes appareils organiques, les mêmes cellules, les mêmes. fibres qui sont le siége du mouvement vital.

La matière qui a concouru aux actes cérébraux a pu changer; mais l'élément organique caractéristique, ce petit appareil qui, dans chaque organe, fait la vie, là de la bile, ici des fibres contractiles, là des cellules capables de percevoir; ce petit appareil, dis-je, ne change pas; il reste toujours identique à lui-même; sa matière change, mais ses propriétés spéciales restent invariables.

Il suit de là que nous trouvons dans le cerveau, sinon la même matière, du moins les mêmes éléments qui ont été le siége d'un phénomène vital déterminé dans le temps passé. La cellule cérébrale qui, il y a vingt ans, fut affectée par une image, conserve en puissance la mo

dification vitale dont elle fut le siége en percevant cette image, et nous avons la certitude que, si les nerfs de la transmettent aujourd'hui l'impression de cette image au cerveau, ce sera la même cellule qui présidera au développement de la perception.

vue

Le fait que nous venons d'établir a une importance trèsgrande du moment que les cellules cérébrales conservent l'aptitude à effectuer de nouveau le mouvement qui est la condition organique d'une perception déterminée, on entrevoit la possibilité de provoquer ce mouvement par une cause excitatrice quelconque, et on aurait ainsi, en l'absence de tout objet impressionnant, une perception qu'on pourrait désigner sous le nom de perception de souvenir, pour la distinguer des perceptions qui résultent de l'action des nerfs sensitifs sur les couches optiques.

Cette supposition est l'expression réelle de ce qui se passe.

Vers le centre du cerveau se trouve un organe, composé de cellules (couches optiques), dans lequel se développent toutes les perceptions. Ces cellules sont munies de prolongements, de filaments qui, accolés les uns aux autres, forment la substance blanche du cerveau, et vont aboutir à d'autres cellules disséminées à la surface extérieure du cerveau. Ces cellules revêtent l'encéphale d'une couche qui ne mesure pas plus de trois millimètres d'épaisseur (couche corticale ou substance grise des circonvolutions).

Grâce à ces fibres unissantes, le mouvement qui provoque la perception dans une cellule des couches optiques se propage jusqu'à une cellule de la couche corticale et la modifie d'une certaine façon. En quoi consiste cette modification? Nous l'ignorons; mais elle est réelle.

Cette modification reste un fait acquis, sous forme de modalité dynamique in posse, et l'on conçoit dès lors que, la cellule de la couche corticale venant à être réveillée par une cause excitatrice, son mouvement se propage de la périphérie vers le centre, et provoque le mouvement

propre de la cellule des couches optiques à laquelle elle est unie.

Le réveil de ce mouvement est nécessairement suivi d'une perception qui présente un caractère tout particulier au lieu de s'être développée sous l'influence d'une impression transmise par les nerfs sensitifs, elle a suc

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cédé à l'excitation spéciale des cellules de la couche corticale du cerveau.

La perception, développée dans ces dernières conditions, ne constitue pas la mémoire, mais nous lui donnons le nom de perception de souvenir, parce qu'en réalité elle est une des conditions fondamentales de la production de ce dernier.

Pour que l'on juge mieux du mécanisme de cette reproduction, nous mettons ici en regard une de nos figures qui représente les relations réciproques des diverses parties du cerveau.

Les faits que nous venons d'exposer ne se présentent pas sans doute avec la garantie d'une certitude absolue; mais les présomptions en leur faveur sont si grandes qu'elles équivalent pour nous à une certitude suffisante.

Qu'est-ce qui distingue, en effet, un dément d'un homme sain? L'association logique des idées. Les déments reçoivent comme nous l'influence des impressions; ils perçoivent tout; ce qui est troublé chez eux, c'est l'enchaînement logique des notions acquises.

Par conséquent, nous sommes autorisé à considérer la partie qui est toujours lésée chez eux comme le siége de la conservation des notions acquises et de leur classement. On ne saurait en effet placer ce siége dans les couches optiques, lieu où se développent les perceptions, puisque ce dernier phénomène n'est pas troublé chez les déments. On ne saurait non plus le placer dans les corps striés, puisque toutes les observations, toutes les expériences, nous permettent de placer en ce point l'origine des mouvements provoqués. La périphérie corticale du cerveau est le siége réel où les notions acquises sont conservées et classées.

C'est dans cette région que se trouve localisée, sous forme de modalité dynamique in posse, la réserve précieuse qui permet au cerveau d'élever l'édifice intellectuel par le classement des notions acquises, et d'être ainsi un instrument susceptible de progrès et de perfectionnement.

La représentation des perceptions acquises par un mouvement cellulaire in posse n'a rien qui doive nous surprendre. De même que l'âme, dans ses rapports avec les cellules des couches optiques, perçoit sous l'influence du mouvement impressionnant; de même, dans ses rapports avec les cellules de la couche corticale, elle

conserve la possibilité de provoquer le même mouvement qui l'a émue à l'occasion d'une perception. Il ne faut voir là qu'un exemple nouveau des lois physiologiques qui résultent de l'union de l'âme avec le corps. D'après ces lois chaque pouvoir de l'âme est soumis, dans ses manifestations, à certaines conditions matérielles qu'il appartient au physiologiste de déterminer.

Le pouvoir de l'âme, que nous venons de définir, nous rend compte de la possibilité où nous sommes de percevoir une seconde fois, en l'absence de la cause impressionnante, une impression déjà perçue.

Cette possibilité, considérée exclusivement dans les relations anatomiques, est la condition organique de la mémoire.

Nous demanderons à la méthode psychologique le secret des conditions psychiques qui président au développement même de la mémoire.

§ II.

CONDITIONS PSYCHIQUES DE LA MÉMOIRE.

1° Constitution des notions acquises;

2° Association et classement de ces notions;

3° Reproduction des acquisitions cérébrales dans le centre de perception.

La mémoire ne se produit pas d'emblée et en vertu d'un attribut spécial de l'âme. Cette activité ne se développe qu'à la faveur de certaines conditions, à la détermination desquelles nous devons d'autant plus nous appliquer qu'elles renferment en germe la notion fondamentale du souvenir.

Ces conditions sont au nombre de trois :

Premièrement, comme on ne peut reconnaître que ce

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