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son timbre et son diapason à la nature des impressions. qu'elle sert à traduire par des signes sonores: le parler doux, le parler sévère, le parler affectueux, le parler colère, sont autant d'expressions différentes de l'organe de la voix et nullement du langage, car on peut parler doux et faire dire au langage des choses très-dures, parler affectueusement et tenir un langage de haine, parler calme et dire des choses que la colère seule peut inventer. Il faut donc distinguer dans le langage ce qui est réellement langage et ce qui est mouvement expressif de l'organe de la voix. Les accents particuliers qui caractérisent si bien le parler de certains provinciaux sont des mouvements expressifs de l'organe de la voix.

La mélodie de la voix parlée, si riche, si étendue (un orateur peut parcourir quelquefois trois octaves dans un discours) et si rapide que les détails nous échappent, est également constituée par les mouvements expressifs de l'organe de la voix.

Bien que congénères, les mouvements expressifs de la voix et les signes du langage sont, comme nous l'avons déjà dit, deux choses tout à fait distinctes; d'ailleurs les signes du langage pourraient se passer des mouvements expressifs, car il est dans leur nature de ne dire, si la malignité ne s'en mêle pas, que cela seul qu'on a voulu leur faire signifier quand on les a inventés.

Ainsi que nous

Mouvements imitatifs et représentatifs. l'avons déjà vu, certains animaux exécutent imitativement les actes dont ils sont témoins; mais cette aptitude, réduite à l'état d'ébauche imparfaite, ne leur est guère profitable et, dans tous les cas, elle n'est pas perfectible: la pseudo-parole du perroquet, les grimaces du singe, sont des mouvements imitatifs sans doute, mais ils manquent de but déterminé. Ils n'ont pas cette spontanéité, cette perfectibilité qui, chez l'homme, sont tout à fait caractéristiques:

Représenter est un acte essentiellement intelligent qui consiste à reproduire la forme des choses inanimees, soit avec les

organes, soit en la fixant sur un corps qui en conserve la

trace.

Imiter, c'est l'acte par lequel l'intelligence provoque la reproduction des actes des êtres animés.

L'aptitude de l'intelligence à imiter et à reproduire conduit naturellement à l'invention; c'est cette aptitude, en effet, qui, fécondée par l'étude et le travail, donne naissance aux œuvres d'art et à la plupart des conceptions humaines dans les sciences appliquées.

S'il n'y avait d'autres mouvements intelligents que les mouvements de la vie de relation perfectionnés, l'homme serait, par ce fait, bien au-dessus des autres êtres de la création; mais il est une autre classe de mouvements intelligents dont les analogues ne se trouvent pas dans l'animalité, et qui séparent par une barrière infranchissable l'être instinctif de l'être intelligent, l'animal de l'homme. Ces mouvements, exécutés comme les autres par les organes de la vie de relation, sont déjà des mouvements perfectionnés; mais ils présentent un caractère bien autrement important que nous allons faire connaître.

Mouvements-signes. Dans tous les mouvements perfectionnés de la vie de relation, l'intelligence intervient, soit pour adapter ces mouvements à un but nouveau, c'est-à-dire dont la nécessité ne ressort point des besoins de la vie organique, soit pour exprimer sa manière d'être quand elle est impressionnée, soit pour reproduire, par des gestes, les objets de son impression, sans signification intentionnelle.

Dans les mouvements-signes, elle intervient avec une aptitude nouvelle; entre la chose que le mouvementsigne représente, et l'exécution du signe, elle établit un rapport intentionnel dans le but de rendre supplémentaires l'un de l'autre l'objet et le signe effectué. Les mouvements-signes n'ont rien de fatal ou de nécessaire, organiquement parlant; l'intelligence qui les dirige peut les provoquer où bon lui semble, dans les pieds, dans les mains, dans la langue, dans le larynx; la nature du

mouvement est tout à fait secondaire, l'élément essentiel, c'est la convention, établie par l'intelligence, entre l'impression reçue et les signes qui sont destinés à la représenter.

Les mouvements-signes sont la base et l'élément essentiel de tous les langages; ils ont donc une importance de premier ordre que nous devons nous borner à signaler ici parce que le développement que ce sujet comporte, se trouve mieux à sa place dans la description de la fonction-langage.

Il nous suffira de dire que ces mouvements sont nonseulement des mouvements instinctifs perfectionnés (car tous les organes du corps peuvent les exécuter), mais encore des mouvements spéciaux à l'intelligence de l'homme l'intelligence seule établit un rapport significatif entre les mouvements de ses organes et les causes impressionnantes.

Personne jusqu'ici n'avait parlé des mouvements-signes que l'on confondait généralement avec les mouvements. expressifs. Cette confusion, cette méconnaissance expliquent bien des choses et en particulier l'impossibilité où l'on s'est trouvé jusqu'à présent d'expliquer le mécanisme de la pensée.

Les particularités que nous venons de signaler dans les mouvements de l'homme, et à propos de la classification des mouvements intelligents, complètent ce que nous avons dit touchant les éléments psychiques de l'être intelligent. Nous sommes, par conséquent, en mesure d'établir les caractères formels qui distinguent les mouvements de l'être exclusivement sensible, des mouvements de l'être à la fois sensible et intelligent.

S V.

PARALLÈLE ENTRE LES MOUVEMENTS INSTINCTIFS DE L'ÊTRE SENSIBLE ET LES MOUVEMENTS DE L'ÊTRE INTELLIGENT.

Caractères distinctifs de ces deux ordres de mouvements.

Les faits précédemment exposés renferment une vérité fondamentale qu'il est utile de faire ressortir tout d'abord.

On ne saurait s'inspirer ni de la nature ni de la forme. des organes qui exécutent les mouvements pour établir entre ces derniers une distinction formelle. Les organes de l'homme et de l'animal sont à peu près les mêmes. Il y a d'ailleurs, chez ce dernier, des organes dont les analogues, chez l'homme, sont beaucoup moins parfaits.

Sur quoi donc baser cette distinction? Sera-ce sur le mouvement exécuté? Pas davantage. L'industrie de certains animaux produit des œuvres qui sont des merveilles à côté des œuvres de l'intelligence humaine l'homme ferait très-imparfaitement une ruche d'abeille, ou unc toile d'araignée. D'un autre côté, les animaux sont incapables de réaliser certains produits de l'industrie humaine.

L'exécution des mouvements ne peut donc nous fournir aucun caractère formel pour établir la distinction que nous cherchons. Cependant cette distinction existe; elle a été pressentie de tout temps par les philosophes et les physiologistes, sans que jamais on ait pu la démontrer. Nous espérons être plus heureux.

S'il nous a été impossible de découvrir, dans la nature. des instruments, et dans le mouvement exécuté un seul caractère formel qui permette de distinguer les mouvements de l'être sensible des mouvements de l'être in

telligent, il n'en est plus de même quand nous considérons les éléments psychiques qui, dans les deux cas, concourent inévitablement à l'exécution du mouvement. Ici, tout est distinct, caractéristique, et il n'est pas un des éléments psychiques de l'animal qui ne soit séparé par un abîme de l'élément analogue de l'homme.

Nous soumettrons ces distinctions caractéristiques à une analyse raisonnée, afin de montrer clairement les caractères essentiels qui distinguent l'homme de la bête, au point de vue des mouvements.

Sollicité à se mouvoir par l'excitant fonctionnel, l'animal trouve à sa disposition des organes de mouvement prêts à lui obéir. L'homme est dans le même cas. Mais, tandis que le premier ne se préoccupe jamais de choisir et de déterminer le mouvement qu'il va exécuter, le second au contraire conçoit, prépare, invente le mouvement qui doit succéder à l'impression reçue.

L'animal sent l'excitant fonctionnel, il sent les notions acquises réveillées dans le souvenir; il sent l'agréable ou le désagréable qui doit exciter le mouvement correspondant, et, dirigé par le but à atteindre, il se meut, éclairant son activité par les sens.

L'homme sent aussi l'excitant fonctionnel, il sent la notion acquise, réveillée dans le souvenir, il sent également l'agréable et le désagréable; mais, au lieu de soumettre la détermination de ses mouvements à l'un ou l'autre de ces sentiments, il s'arrête pour examiner librement le vrai, le bon, le juste, le mieux, le nombre, l'étendue, le mouvement, la cause et l'effet; il compare entre elles ces diverses notions de rapports, et il provoque des mouvements corrélatifs, non plus au sentiment agréable ou désagréable, mais à l'une des notions intelligentes que nous venons d'énumérer. Or l'intervention de la notion intelligente, dans l'examen qui précède la détermination du mouvement à exécuter, est suivie des conséquences les plus graves et les plus caractéristiques,

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