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La plupart des piéges que les chasseurs tendent aux animaux reposent sur cette attraction irrésistible qui pousse les animaux vers le milieu où ils ont déjà éprouvé la satisfaction d'un besoin.

Tout le monde connaît les mouvements attractifs qui sont provoqués par les circonstances de la reproduction. Quant aux mouvements attractifs qui résultent des relations en commun des animaux d'une même espèce, ils attireront particulièrement notre attention à cause de leur ressemblance avec les mouvements analogues de l'être intelligent.

Tous les animaux appartenant à la même espèc éprouvent généralement une certaine attraction les uns vers les autres; ils peuvent ne pas se rendre compte de ce sentiment qui remplit toute la nature, mais ils l'éprouvent: la vie aime la vie, trop souvent pour en jouir et pour la détruire il est vrai; cependant l'attraction des êtres vivants est le sentiment le plus universel. Quand il n'est pas déparé par d'autres impulsions, ce sentiment est incontestablement le plus noble et le plus pur. L'attraction, exclusivement sensible chez les animaux, devient chez l'homme l'attraction intelligente de deux âmes l'une vers l'autre et donne naissance à l'amitié.

L'attraction chez les animaux est purement sensitive; c'est pourquoi, lorsqu'un sentiment plus fort qu'elle s'empare de l'animal, celui-ci sacrifie sans regret l'objet de son affection. Reposant sur cette base fragile, les liens de l'association, chez l'être exclusivement sensible, n'ont aucune solidité, et ce n'est pas sans quelque répugnance que nous appliquons les noms de société, sociabilité aux réunions intéressées de quelques espèces animales.

La formation de toute société suppose, de la part des individus, une détermination raisonnée librement. Rien de cela n'existe chez les animaux: leurs associations, rendues possibles par une impulsion native, par le sentiment immédiat de la solidarité non raisonnée, reposent en définitive sur un motif inconscient et égoïste.

Certaines espèces, grâce à l'abondance de nourriture que la nature a semée sous leurs pas, n'éprouvent jamais le besoin de se disputer l'élément de la vie. Aussi, les individus ne trouvent que des sensations agréables dans la vie en commun: voir, se nourrir, crier, manger comme lui est pour l'animal un spectacle réjouissant et un excitant continuel à se procurer les sensations agréables qui résultent de l'activité fonctionnelle des organes.

D'autres espèces, les loups, par exemple, ne se réunissent en bandes que lorsque l'absence de nourriture et l'aiguillon de la faim les y poussent.

Ce qui est l'exception pour les loups devient la règle pour d'autres espèces, les hyènes par exemple.

La plupart des espèces voyageuses vivent en bandes parce que, dans leurs aventureuses pérégrinations, un millier d'impressions visuelles éclaire davantage qu'une impression isolée, et que le sentiment de la défense possible se réveille chez ces animaux avec une intensité proportionnelle au nombre. Quant au mobile de l'émigration périodique, nous le trouvons dans un besoin propre à tous les individus de la même espèce.

D'autres espèces, appelées industrieuses, les abeilles, les fourmis, etc., mettent leur travail en commun, sollicitées par le besoin de le rendre utile et efficace. En général, on interprète fort mal les conditions de ces associations. On a comparé l'association des abeilles à nos monarchies; rien n'y manque les reines, les courtisans, les oisifs, les travailleurs et autres sujets. Tout, dans ce petit monde, serait dirigé par une véritable intelligence.

A notre avis, ces exagérations tiennent à ce que les observateurs n'ont pas suffisamment tenu compte de certaines harmonies préétablies; ils n'ont pas songé qu'une abeille, organisée pour faire du miel et de la cire, choses qu'elle ne pourrait pas ne pas faire, possède des sens qui la dirigent vers le pollen des fleurs, et des organes de préhension admirablement construits pour saisir et transporter cette poussière; ils n'ont pas pensé que, après son intro

duction dans l'estomac, le pollen, transformé en miel, est rejeté fatalement par une sorte de régurgitation; ils n'ont pas pensé enfin que la cire se forme malgré l'animal dans des glandes spéciales, et que les pattes sont ingénieusement disposées pour en saisir les petits brins et les réunir en gâteau. S'ils eussent songé à tous ces actes involontaires, résultant d'une organisation spéciale et d'un centre psychique en rapport avec cette organisation même, les observateurs enthousiastes n'auraient point accordé de l'intelligence à ces animaux.

En effet, à ces actes qui doivent nécessairement s'accomplir, ajoutez le sentiment agréable qui accompagne l'exercice régulier de toute fonction, et vous aurez une abeille en état d'activité fonctionnelle, mettant son travail individuel à côté de celui d'une autre abeille, parce que le sentiment de l'attraction ne sera dominé ici par aucun autre sentiment.

Dans l'harmonie de la vie, chaque individu a sa destinée particulière; pour remplir cette destinée, tout être a été muni d'instruments spéciaux, dirigés par un centre psychique spécial, et toujours en rapport de puissance et d'énergie avec les instruments qu'il met en jeu. Les abeilles, prises individuellement, ont une organisation spéciale et des fonctions spéciales, des instruments et un centre psychique; celui-ci dirige les instruments au moyen des sens, dans le but de donner satisfaction aux besoins qui proviennent d'une organisation spéciale.

Quant à la prétendue sympathie affectueuse qui réunit des milliers d'abeilles pour former un essaim, elle n'existe que dans l'imagination des êtres susceptibles d'avoir de l'affection; elle serait dans tous les cas étrange, l'affection qui pousse ces animaux à détruire les cinq ou six cents mâles qui composent l'essaim dès que la mère abeille a été fécondée.

Dans les mouvements attractifs qui réunissent les animaux de certaines espèces, il ne faut voir qu'un sentiment égoïste, passager ou permanent, mais toujours in

volontaire, et puisant son origine dans un besoin. Si les mouvements attractifs avaient un autre mobile, si l'intelligence et le cœur présidaient à leur exécution, les animaux se réuniraient bientôt, non plus pour avoir le plaisir de vivre en société, mais pour lutter avec avantage contre cette intelligence réelle, apanage exclusif de l'homme, qui abuse si souvent de leur faiblesse et de leur stupidité.

En étudiant ces questions, l'homme doit toujours se méfier de la folle du logis et être assez économe de sa raison pour ne pas en donner par mégarde à des êtres qui n'en ont pas et qui ne sauraient qu'en faire, organisés tels qu'ils le sont. L'animal (et l'homme aussi dans un autre ordre d'idées) se meut dans un cercle, limité, d'un côté, par les besoins auxquels la création l'a assujetti; de l'autre, par les instruments que cette même création lui a donnés pour les satisfaire.

Certaines espèces sont assujetties à des besoins qu'elles peuvent satisfaire facilement, sans que les individus se nuisent dans cette satisfaction; d'autres espèces sont assujetties à des besoins difficiles à satisfaire, et pour la satisfaction desquels les individus peuvent entrer en lutte et se nuire. Dans le premier cas, les animaux vivent volontiers en société; dans le second, ils paraissent faire bon marché du principe de l'association, qui n'existe chez eux qu'à l'état de sentiment indéfini, inconscient, et ils le sacrifient dès qu'un sentiment plus impérieux le demande.

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Mouvements répulsifs. Les mouvements répulsifs sont ceux qui succèdent à une impulsion désagréable. Après ce que nous avons dit des mouvements attractifs, le dénombrement des mouvements répulsifs n'est pas difficile à faire, car les motifs d'impressions désagréables sont aussi nombreux que les motifs d'impressions agréables, et c'est en cherchant ces dernières que l'on trouve le plus souvent les premières.

Dispersées à la surface de notre planète, les espèces

animales y cherchent la satisfaction de leurs besoins, mais elles n'arrivent pas du premier coup sur l'objet impressionnant qui répond à leurs désirs. L'animal qui flaire dans un champ, à la recherche du végétal capable de flatter son goût et de satisfaire sa faim, ne le trouve pas d'emblée; il se meut, il flaire, il tåte, il s'éloigne de ce qui l'impressionne désagréablement et s'approche de ce qui le flatte; se sont là des mouvements sucessifs de répulsion et d'attraction; mais s'il arrive dans un lieu où il n'a rencontré que des sensations désagréables, le sentiment pénible qui en résulte s'imprimera dans la mémoire, et, à l'avenir, il s'éloignera de ce lieu.

Les végétaux et les choses inanimées n'ont pas le monopole de provoquer les mouvements répulsifs, et, de même que nous avons vu des mouvements attractifs naitre des rapports des animaux entre eux, de même il existe des mouvements répulsifs provoqués par le contact réciproque des êtres vivants. Les poëtes ont chanté les abeilles comme symbole de l'ordre et du travail dans une association industrieuse; ils auraient pu symboliser aussi la sauvagerie, la répulsion instinctive de certains animaux pour leurs semblables et pour les animaux appartenant à d'autres espèces.

Les exemples des mouvements répulsifs ne manquent pas, mais ce serait perdre notre temps que de vouloir les énumérer. Nous pouvons, d'ailleurs, rendre ce soin trèsfacile aux curieux en disant que, partout où un mouvement attractif succède à une impression agréable, il peut être remplacé par un mouvement répulsif si, à la place d'une impression agréable, on met une impression désagréable. Néanmoins, pour sauvegarder les principes et conserver au mouvement répulsif le caractère que nous avons assigné aux mouvements de l'être sensible, nous devons ajouter que ces mouvements n'ont rien de libre ni de spontané, qu'ils sont involontaires, puisqu'ils succèdent toujours fatalement à une impression désagréable. Mouvements expressifs.-Dans un livre fort remar

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