Page images
PDF
EPUB

l'âme intelligente, ainsi que la distinction fondamentale des facultés immatérielles.

Les critiques qui précèdent justifient le rôle immense. de la sensibilité dans les fonctions supérieures de l'âme; ce rôle, qu'on lui avait enlevé injustement, nous le lui rendons dans toute sa plénitude (1).

Le rôle de la sensibilité envahit l'âme tout entière, et, pour qu'on l'apprécie comme nous à sa juste valeur, on n'a qu'à ajouter au mot sensibilité l'épithète intelligente.

La sensibilité intelligente, en effet, est toute l'âme (l'àme humaine, bien entendu); c'est l'âme composée de deux attributs inséparables, indistincts; l'un ne va pas sans l'autre; on ne peut pas sentir sans intelligence, et on ne peut pas être intelligent sans sentir.

L'homme, en sentant avec intelligence, peut quelquefois être entraîné à des déterminations bêtes; mais, même en étant bête, plus bête que la brute, il sent avec intelli

gence.

Pour que la sensibilité intelligente représente l'âme tout entière, comme nous le disions plus haut, il est indispensable que nous mentionnions un mode inséparable de la sensibilité. Ce mode, caractérisé par le mouvement qu'elle provoque, nous montre la sensibilité comme une puissance active, jouant le rôle de moteur.

L'ame ne renferme pas un principe sensible et un principe actif distincts l'un de l'autre. Non; de même que l'âme est toute sensibilité intelligente, de même elle est toute principe de mouvement.

L'âme meut par ce qu'elle sent, et quand elle sent elle ne peut pas s'empêcher de mouvoir quelque chose, soit dans les organes, soit dans les fibres et les cellules cérébrales.

Nous ne développerons pas ici la question de l'activité motrice, qui trouvera mieux sa place dans le chapitre sui

(1) Locke et Condillac avaient attribué un grand rôle aux sensations; mais ceux qui ont lu les travaux de ces grands penseurs n'ont pas besoin que nous leur disions à quel point nos travaux different des leurs.

vant. Mais ce que nous venons d'en dire suffit pour qu'on comprenne l'importance, l'étendue du rôle de la sensibilité, et pour justifier notre pensée quand nous disions que la sensibilité est l'âme tout entière. L'âme n'est àme que parce qu'elle est sensible d'abord, parce qu'elle est intelligente ensuite, et enfin parce qu'elle est active. Or l'intelligence et l'activité supposent nécessairement la sensibilité sans cette dernière les autres ne sont pas.

Par conséquent, la sensibilité intelligente et active représente bien l'âme tout entière, mais sous un autre nom, c'est-à dire, sous le nom de ses attributs fondamentaux et inséparables. L'âme dans ses rapports avec le corps humain est un principe sensible, intelligent et actif.

Reste à savoir quel est le siége de la sensibilité intelligente dans le cerveau.

Nous avons déjà montré que le point où l'âme perçoit de toutes les façons est représenté par les cellules des couches optiques. Or, comme il ne nous est pas possible de percevoir autrement qu'avec intelligence, le siége de la sensibilité intelligente doit être là même où l'âme perçoit. Nous avons nommé les couches optiques.

Dans notre Physiologie du système nerveux, nous avons exprimé ce fait; mais nous ajoutions que, peut-être, on pourrait attribuer le caractère intelligent de la sensibilité chez l'homme à l'action plus étendue de l'âme sur certaines cellules cérébrales qui n'existent pas chez les animaux. Cette supposition a pour elle le fait incontestable d'un plus grand nombre d'éléments dans le cerveau humain; mais on a le droit d'observer que la nature ne fait rien inutilement, et qu'elle n'aurait pas donné aux animaux une âme supérieure, une âme humaine, pour la limiter dans ses manifestations en restreignant chez eux le nombre des cellules cérébrales. D'un autre côté, la matière des cellules étant la même chez l'animal et chez l'homme, nous sommes obligé d'attribuer à des manifestations différentes des causes différentes.

Ces observations nous paraissent très-justes, et nous

nous arrêtons à la conception, dans l'homme, d'une âme supérieure unie à des éléments dont le nombre est en proportion de la supériorité même de l'âme.

La sensibilité intelligente perçoit donc dans les couches optiques, soit les impressions qui viennent du dehors, soit les impressions qui proviennent de la périphérie corticale, c'est-à-dire les impressions qui provoquent les perceptions de souvenir et qui représentent les notions acquises.

§ III.

ACTIVITÉ MOTRICE.

Pour apprécier convenablement l'activité motrice de l'âme dans ses rapports avec la matière cérébrale, nous établirons d'abord les conditions de cette activité.

Si le développement de l'activité sensible est soumis à la loi de l'excitant fonctionnel, le développement de l'activité motrice dépend d'une loi non moins impérieuse que nous formulons en ces termes : Toute activité motrice de l'âme est précédée d'une perception qui motive ses agissements. Ajoutons, pour éviter les objections, que les notions acquises, perçues de nouveau, représentent pour nous des perceptions, au même titre que les perceptions extérieures. Cette loi est en opposition formelle avec l'opinion de la spontanéité de l'activité de l'âme, que les spiritualistes ont accréditée.

Trompés comme toujours par les exigences de l'entité ame, les psychologues n'ont pas cru devoir mettre des conditions à l'activité de l'esprit pur, et ils ont été confirmés dans cette opinion par l'apparente spontanéité de l'exercice de la volonté : « Je veux lever mon bras, disentils, et je le lève. » Il est évident que cette volition repose sur une perception ou sur un raisonnement contradictoire.

Non, il n'y a rien de spontané dans l'activité motrice

psychique. L'activité motrice est toujours précédée d'un phénomène de sensibilité, et il faut bien qu'il en soit ainsi, à moins qu'on n'admette qu'on peut agir sans but, sans motif, sans raison.

Dans le désœuvrement le plus complet, l'activité motrice de l'âme est toujours inspirée, dirigée par une perception; quelle qu'elle soit, il y en a toujours une et on ne nous prouvera pas le contraire.

Comme nous le verrons plus loin, l'exercice de la pensée est une succession de perceptions de souvenir mises en mouvement par la fonction-langage reproduite tacitement; mais c'est une perception déterminée qui dirige toujours les mouvements de la pensée dans un sens ou dans un autre.

L'activité motrice occupe la troisième place dans l'ordre de succession des phénomènes qui représentent toute fonction cérébrale. Ce mode d'activité se développe à la suite des causes impressionnantes, avec la même fatalité que nous avons signalée dans l'activité sensible.

Le cerveau constitue un admirable instrument trèscompliqué, mais dont toutes les parties se commandent les unes les autres comme les parties distinctes d'un même mécanisme. Or, lorsque l'excitant fonctionnel at réveillé l'action propre des couches optiques, le mouvement ne s'épuise pas en ce point, il continue sa route dans les autres régions dont il réveille successivement l'activité propre.

Le développement de l'activité motrice est aussi fatal et nécessaire que le développement de l'activité sensible après l'action des causes impressionnantes. A celle-ci succède nécessairement et toujours le développement de l'activité sensible d'abord, le développement de l'activité motrice ensuite.

Telles sont les conditions physiologiques qui ont été imposées aux manifestations de l'âme.

Ces démonstrations froisseront quelques opinions arrêtées; mais aussi elles détruisent un bien grand nombre

d'erreurs. Le premier mouvement leur sera peut-être hostile, mais nous avons toute confiance dans le second.

Siége de l'activité motrice. Le siége de l'activité motrice réside, comme nous l'avons vu, dans les corps striés, ou du moins c'est en ce point que vont aboutir toutes les fibres motrices qui transmettent le mouvement à toutes les parties du corps. C'est aussi en ce point que se rendent une grande partie des fibres qui proviennent de la périphérie corticale du cerveau.

Comme nous l'avons déjà observé, tout n'est pas dit sur cette grave question. Beaucoup de détails concernant les mouvements élémentaires qui s'accomplissent entre les corps striés et la couche corticale n'ont pas encore été déterminés; mais les principaux jalons sont posés, et ce que nous savons actuellement nous permet de traiter la question de l'activité fonctionnelle du cerveau avec des avantages et une certitude qu'on n'avait pas eus jusqu'à ce jour.

S IV.

DE L'ACTIVITÉ FONCTIONNELLE DE L'AME.

L'activité sensible et l'activité motrice, considérées isolément, sont de simples éléments fonctionnels dans lesquels certainement l'âme est active, mais cette activité élémentaire ne constitue pas l'activité fonctionnelle.

L'âme qui se bornerait à percevoir ne fonctionnerait pas, parce que percevoir, c'est tout simplement la mise en activité d'un attribut de l'âme. De même, l'âme qui se bornerait à provoquer un mouvement sans but ne fonctionnerait pas, parce que provoquer un mouvement sans but, c'est tout simplement montrer un autre attribut de l'âme. Pour fonctionner l'âme doit percevoir, et de plus provoquer un mouvement corrélatif à la manière dont elle a perçu.

Cette relation entre la perception et le mouvement est

« PreviousContinue »