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Celui devant qui le superbe
Enflé d'une vaine splendeur,
Paraît plus bas dans sa grandeur
Que l'insecte caché sous l'herbe ;
Qui bravant du méchant le faste couronné,
Honore la vertu du juste infortuné.

Celui, dis-je, dont les promesses
Sont un gage toujours certain;
Celui qui d'un infâme gain,

Ne sait point grossir ses richesses :
Celui qui, sur les dons du coupable puissant,
N'a jamais décidé du sort de l'innocent.

Qui marchera dans cette voie,
Comblé d'un éternel bonheur,
Un jour, des élus du Seigneur
Partagera la sainte joie,

Et les frémissemens de l'enfer irrité
Ne pourront faire obstacle à sa félicité.

Ode Tirée du Pseaume 48....J. B. Rousseau.

Qu'aux accens de ma voix la terre se réveille! Rois, soyez attentifs; peuples, ouvrez l'oreille! Que l'univers se taise, et m'écoute parler! Mes chants vont seconder les accords de ma lyre; L'esprit saint me pénètre, il m'échauffe, il m'inspire Les grandes vérités que je vais révéler

L'homme en sa propre force a mis sa confiance. Ivre de sa grandeur et de son opulence,

L'éclat de sa fortune enfle sa vanité;

Mais, ô moment terrible, ô jour épouvantable,
Où la mort saisira ce fortuné coupable,

Tout chargé des liens de son iniquité !

Que deviendront alors, répondez, Grands du monde Que deviendront ces biens où votre espoir se fonde, Et dont vous étalez l'orgueilleuse moisson? -Sujets, amis, parens, tout deviendra stérile; Et dans ce jour fatal, l'homme à l'homme inutile Ne paiera point à Dieu le prix de sa rançon.

Vous avez vu tomber les plus illustres têtes;
Et vous pourriez encore, insensés que vous êtes,
Ignorer le tribut que l'on doit à la mort.

Non, non; tout doit franchir ce terrible passage:
Le riche et l'indigent, l'imprudent et le sage,
Sujets à même loi, subissent même sort,

D'avides étrangers transportés d'allégresse,
Engloutissent déjà toute cette richesse,

Ces terres, ces palais de vos noms ennoblis:
Et que vous reste-t-il en ces momens suprêmes ?
Un sépulchre funèbre où vos noms, où vous-mêmes,
Dans l'éternelle nuit serez ensevelis.

A un Père sur la Mort de sa Fille...par Malherbe.
Ta douleur, Dupérier, sera donc éternelle
Et les tristes discours

Que te met en l'esprit l'amitié paternelle,
L'augmenteront toujours ?

Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,
Est-ce un dédale obscur où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?

Elle était de ce monde où les plus belles choses
Ont le pire destin;

Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses,

L'espace d'un matin.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ;
On a beau la prier,

La cruelle, qu'elle est, se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.

Le pauvre en sa cabane où le chaume le couvre,
Est sujet à ses lois ;

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend pas nos rois.

De murmurer contre elle et perdre patience,
Il est mal à propos;

Vouloir ce que Dieu veut est toute la science
Qui nous met en repos.

Ode à la Fortune....J. B. Rousseau.

Fortune, dont la main couronne
Les forfaits les plus inouïs;
Du faux éclat qui t'environne,
Serons-nous toujours éblouis?
Jusques à quand, trompeuse idole,
D'un culte honteux et frivole
Honorerons-nous tes autels?
Verra-t-on toujours tes caprices
Consacrés par les sacrifices
Et par l'hommage des mortels?

Le peuple, dans ton moindre ouvrage,
Adorant la prospérité,

Te nomme grandeur de courage,
Valeur, prudence, fermeté.
Du titre de vertu suprême
Il dépouille la vertu même,
Pour le vice que tu chéris,
Et toujours ses fausses maximes
Erigent en héros sublimes
Tes plus coupables favoris.

Mais de quelque superbe titre
Que ces héros soient revêtus ;
Prenons la raison pour arbitre,
Et cherchons en eux leurs vertus.
Je n'y trouve qu'extravagance,
Faiblesse, injustice arrogance,
Trahisons, fureurs, cruautés,
Etrange vertu qui se forme
Souvent de l'assemblage énorme
Des vices les plus détestés.

Apprends que la seule sagesse
Peut faire les héros parfaits,
Qu'elle voit toute la bassesse
De ceux que ta faveur a faits;
Qu'elle n'adopte point la gloire
Qui naît d'une injuste victoire

E

Que le sort remporte pour eux ;
Et
que devant ses yeux stoïques
Leurs vertus les plus héroïques
Ne sont que des crimes heureux......
Quels traits me présentent vos fastes,
Impitoyables conquérans ?

Des vœux outrés, des projets vastes,
Des rois vaincus par des tyrans ;
Des murs que la flamme ravage,
Des vainqueurs fumans de carnage,
Un peuple au fer abandonné,
Des mères pâles et sanglantes
Arrachant leurs filles tremblantes
Des bras d'un soldat effréné.

Juges insensés que nous sommes,
Nous admirons de tels exploits,
Est-ce donc le malheur des hommes,
Qui fait la vertu des grands Rois ?
Leur gloire féconde en ruines
Sans les meurtres et sans les rapines
Ne saurait-elle subsister?

Est-ce par des coups de tonnerre
Que leur grandeur doit éclater?

Quel est donc le héros solide
Dont la gloire ne soit qu'à lui ?
C'est un roi que l'équité guide
Et dont les vertus sont l'appui,
Qui prenant Titus pour modèle
Du bonheur d'un peuple fidèle
Fait le plus cher de ses souhaits;
Qui fuit la basse flatterie
Et qui, père de sa patrie,
Compte ses jours par ses bienfaits.
Le nouvel An.... J. B. Rousseau.
L'astre qui partage les jours,

Et qui nous prête sa lumière,
Vient de terminer sa carrière,
Et recommence un nouveau cours.

La plus brillante des journées
Passe pour ne plus revenir;
La plus fertile des années
N'a commencé que pour finir.

La même loi partout suivie
Nous soumet tous au même sort ;
Le premier moment de la vie
Est le premier pas vers la mort.

Pourquoi donc en si peu d'espace
De tant de soins s'embarrasser?
Pourquoi perdre le jour qui passe
Pour un autre qui doit passer

?

Si tel est le destin des hommes
Qu'un instant peut les voir finir,
Vivons pour l'instant où nous sommes,
Et non pour l'instant à venir.

Insensés, votre âme se livre
A de tumultueux projets ;
Vous mourez sans avoir jamais
Pu trouver le moment de vivre.

Ne laissons point évanouir
Les biens mis en notre puissance;
Et que l'attente d'en jouir

N'étouffe point la jouissance.

Le moment passé n'est plus rien,

L'avenir ne peut jamais être,

Le présent est l'unique bien

Dont l'homme soit vraiment le maître.

Triste Condition de l'Homme....J.B. Rousseau.

Que l'homme est bien durant sa vie

Un parfait miroir de douleurs!
Dès qu'il respire, il pleure, il crie,
Et semble prévoir ses malheurs.

Dans l'enfance toujours des pleurs;
Un pédant porteur de tristesse,
Des livres de toutes couleurs,
Des châtiments de toute espèce,

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