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Sur les Rondeaux de Benserade.... par Chapelle.

A la fontaine où s'énivrent Boileau,
Le grand Corneille,' et le sacré troupeau
De ces auteurs que l'on ne trouve guère,
Un bon rimeur doit boire à pleine aiguière,
S'il veut donner un bon tour au rondeau.
Quoique j'en boive aussi peu qu'un moineau,
Cher Benserade, il faut te satisfaire,
T'en écrire un; mais c'est porter de l'eau

A la fontaine.

De tes refrains un livre tout nouveau
A bien des gens n'a pas eu l'art de plaire;
Mais quant à moi, j'en trouve tout fort beau,
Papier, dorure, images, caractère,

Hormis les vers qu'il fallait laisser faire

Triolets.

A la Fontaine.

(Le Triolet est une espèce de Rondeau. Sa beauté consiste dans le retour par trois fois d'une pensée pour faire partie d'une autre pensée. Son caractère est la douceur et la naïveté.)

Aimables sœurs, entre vous trois

A qui mon cœur doit-il se rendre?
Il n'a point encor fait de choix,
Aimables sœurs entre vous trois.
Mais il ne se rendra, je crois
Qu'à la moins fiere, à la plus tendre.
Aimables sœurs entre vous trois,
A qui mon cœur doit-il se rendre ?

Le premier jour du mois de Mai
Fut le plus heureux de ma vie ;
Je vous vis et je vous aimai
Le premier jour du mois de Mai:
Le beau dessein que je formai!
Si ce dessein vous plut, Silvie,
Le premier jour du mois de Mai,
Fut le plus heureux de ma vie.

Que vous montrez de jugement,
De prévoyance et de courage!
Vous allez au feu rarement,
Que vous montrez de jugement!
Mais l'on vous voit avidement
Courir des premiers au pillage:
Que vous montrez de jugement
De prévoyance et de courage!
Epigrammes, Bons mots, Plaisanteries, etc.
Epigramme....par Boileau.

Envain par mille et mille outrages,
Mes ennemis dans leurs ouvrages
Ont cru me rendre affreux aux yeux de l'univers.
Cottin, pour décrier mon style

A pris un chemin plus facile :
C'est de m'attribuer ses vers.

A

Autre.... par le même.

Ci-git justement regretté
Un savant homme sans science,
Un gentilhomme sans naissance,
Un très-bon homme sans bonté.

Autre.... par J. B. Rousseau.
Ci-git l'auteur d'un gros livre,
Plus embrouillé que savant:
Après sa mort il crut vivre
Et mourut de son vivant.

Autre.... par Linières.

Un jeune abbé me crut un sot
Pour n'avoir
pas dit un seul mot,
Ce fut une injustice extrême,
Dont tout autre aurait appelé :
Je le crus un grand sot lui-même,
Mais ce fut quand il eut parlé.

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Autre....par Maucroix.
Ami, je vois beaucoup de bien,
Dans le parti qu'on me propose;
Mais toutefois ne pressons rien :
Prendre femme est si grande chose
Qu'il faut y penser mûrement.
Gens sages en qui je me fie

M'ont dit que c'est fait prudemment
Que d'y songer toute la vie.

Quand je dis que les sots ont un bonheur extrême,
Tu me crois peu digne de foi:
Mais si tu ne veux pas t'en rapporter à moi,
Rapporte-t-en donc à toi-même.

A tes vertus, tes talens, ton génie,
Dans un cercle nombreux j'applaudissais tout haut,
Et l'on m'attribua bientôt

Un grand talent pour l'ironie.

Les amis de l'heure présente
Ont le naturel du melon;
Il faut en essayer cinquante
Avant que d'en trouver un bon.

Que fais-tu là seul et rêveur?
Je m'entretiens avec moi-même ;
Ah! prends garde au péril extrême
De causer avec un flatteur.

Quel est ce monstre que voilà,
Parmi ces jolis enfans-là ?
Hélas, Madame, c'est ma fille.
Ah! vraiment elle est bien gentille.

On passe par différens goûts
En passant par différens âges;
Plaisir est le bonheur des fous,
Bonheur est le plaisir des sages.

Aux lieux où règne la folie, Un jour la nouveauté parut : Aussitôt chacun accourut : Chacun disait qu'elle est jolie! Ah! Madame la nouveauté, Demeurez dans notre patrie. Plus que l'esprit et la beauté Vous y serez toujours chérie.

Lors la Déesse à tous ces fous, Répondit: "Messieurs, j'y demeure," Et leur donna un rendez-vous, Le lendemain à la même heure. Le jour vint; elle se montra Aussi brillante que la veille: Le premier qui la rencontra, S'écria, dieux, comme elle est vieille !

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Hier n'est plus rien à tes yeux,
Et Demain ne vaut guères mieux.
Demain est un jour qui fuit,
Lorsque nous croyons qu'il s'avance;
Au milieu de chaque nuit

Il perd son nom dès sa naissance :
Dès qu'on croit s'assurer de lui,
On trouve que c'est aujourd'hui :
Jamais encore aucun humain

N'a pu voir arriver demain.
Enigmes-Logogryphes, Charades*.

(Dans l'Enigme on propose un mot à deviner par des explications qui conviennent à divers objets; mais qui prises ensemble ne peuvent s'appliquer qu'au mot ou à la chose qu'on propose de deviner.)

L'ingénuité, la franchise

En moi ne sont pas des vertus ;
Si je me cache et me déguise,
On ne m'en estime que plus.
Mais si je me donne à connaître,
On ne s'occupe plus de moi;
Et dupe de ma bonne foi,
Je perds mon nom, je cesse d'être.

On a souvent besoin de moi,
Mais pour bien remplir mon emploi,

Et ne pas m'exposer à ce qu'on me rejette,
Je ne dois pas manquer de tête ;
Car sans tête, malgré ce que j'ai de piquant,
Je deviendrais moins attachant.

A la candeur qu'en moi tu vois,
S'unit le plus noir caractère :
Il n'est rien que je ne tolère,;
Mais je suis mauvais quand je bois.

C'est sur la vanité que mon pouvoir se fonde;
La beauté me cherche en tous lieux :
Sans moi il n'est personne au monde
Qui pût voir à son gré ce qu'il aime le mieux,
* Les mots se trouvent page 260.

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