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Ne cache point la vérité ;
Tu sais, dit-on, tout le mystère.
Rob.-Monsieur, c'est d'un de vos amis :
Bru.-De Sudmer?

Rob.-Oui, la chose est claire.

Sud.-De moi, Maraud, de moi ?

Rob.-(à part) Me voilà pris.

Sud. Je te surprends en menterie : C'est moi qui suis Sudmer.

Rob.-Monsieur, j'en suis charmé.

Comment vous portez-vous ?

Sud.Qui peut avoir tramé

Une pareille fourberie ?

Coquin! j'ai donc le bras cassé....

Oh! je te ferai voir.... (Il lève sa canne).

Rob.-Oh! Monsieur, je vous prie;

Quoi! ce n'est donc pas vous dont le cœur bien placé.. Sud.-Non, non, certainement.

Rob.-Hé bien! c'est donc un autre.

Sud.-Mais, qui a pris mon nom?

Rob.-Un nom tel que le vôtre

Doit faire honneur à l'amitié.

Bru.-De ce complot le traître est de moitié :
Déclare vite, où je t'assomme...

Rob.-Vous m'allez ruiner.

Bru.-Comment ?

Rob-Oui, c'est un fait,

De temps en temps je reçois quelque somme
Pour m'engager à garder le secret.

Bru.-Ah! tu connais donc ?

Rob.-Oui, c'est un fort honnête homme,

Qui veut vous obliger et sans être connu.
Vous savez bien, Monsieur, que je suis ingénu ;
Il m'a séduit; et pour lui plaire,
Robinson est fourbe et faussaire ;
Oui, c'est de moi que vient toute l'invention.
Mais c'était, je proteste, à bonne intention....
Bru.-En un mot, quel est-il ?

Rob.-Eh! bien, c'est.. c'est.. notre hôte.
-Darmant ?

Cla.-Darmant?

Ah! malheureux!

Bru.-L'auteur d'une telle action?

Rob.-Je reconnais ma faute.

Bru.-Tu mérites punition.

Ecoute, aimerait-il ma fille?

Rob.-Oh! point du tout, Monsieur, il n'oserait. C'est générosité toute pure qui brille

Dans ce que pour vous il a fait.

Bru.-Vous, Clarice, êtes-vous instruite ?
Cla.-Non, je vous jure, et je suis interdite..
Bru. Je ne comprends rien à cela:

En vérité son procédé m'étonne....

Sud.-Moi, point m'en étonner, je le reconnais-là :
Et d'avoir pris mon nom très-fort je lui pardonne.
Bru.-(à Rob.) Je te fais grâce ; et ne parle pas de rien...
Scène V-La Marquise, Darmant, Brumton, Clarice
et Sudmer.

La Mar.-La paix est sûre, elle est ratifiée.
Je me fais un plaisir de la voir publiée.
La paix! ce mot seul fait du bien :
Elle est de l'univers le plus tendre lien.
La foule avec transport inonde chaque rue.
Sans être coudoyé on ne peut faire un pas;
Sans se connaître on se salue:

On parle, on s'interrompt, on ne se répond pas.
La joie en tout lieu répandue,
En animant les cœurs égale les états.

Cla.-Ce spectacle est charmant, j'en serais attendrie.
La Mar.-Je viens vous chercher tout exprès,
Pour que vous et Sir John examiniez de près
Le pouvoir qu'à sur nous l'amour de la patrie,
Le vrai contentement déride tous les traits;
Et le plaisir de l'âme embellit les plus laids.

Bru.-Vous m'enchantez, Madame la Marquise,

Je sens que la gaîté qui vous caractérise

De tout esprit chagrin doit changer la couleur;
Et qu'elle annonce un très-bon cœur.

Darmant, nos nations sont réconciliées,

Par vos traits généreux vous m'avez corrigé,
Et l'amitié surmonte enfin tout préjugé :
Que par cette amitié nos maisons soient liées !
Vous êtes à mes yeux comme de la famille
Et pour vous témoigner combien vous m'êtes cher;
Vous signerez le contrat de ma fille,

Que dès ce soir je marie à Sudmer.

La Mar.-A cette faveur là mon frère est bien sensible. Bru.-(à part.) Darmant soupire et la Marquise rit; Mais cela n'est pourtant ni triste ni risible.

La M. C'est que Monsieur mon frère est sót,sans contredit. (à Sudmer.) Je m'y connais: admirez la statue. Dar.-Ma sœur......

Sud.-Mais en effet lui paraître interdit. La Mar.-C'est qu'il est amoureux de votre prétendue, Que grave, soupirant, discret, silencieux, Il n'a jamais parlé que par ses yeux. Sud.-Sir John, je pourrais faire une grande sottise D'épouser votre fille; elle est fort à ma guise; Mais Darmant pourrait bien être à la sienne aussi, Quoiqu'elle garde avec vous le silence.

De bonne foi, je vois qu'en tout ceci Mon rival doit avoir sur moi la préférence; Lui qui vient sous mon nom D'avoir pour vous, Sir John, un procédé si bon. B. Sudmer, je vous entends. Darmant, soyez mon gendre., ́ (Il lui tend la main que Darmant saisit.)

Cla.-Ah! mon père.....

Dar.-Ah! Monsieur, en cet heureux instant
Que j'ai de grâces à vous rendre!

Je suis de l'univers l'homme le plus content.
Sud.-Mon cher Darmant, voici la circonstance
Pour moi de m'acquitter de ma reconnaissance.

Je sens que je suis vieux.... Je me vois de grands biens,
Je n'ai point d'héritiers...... soyez tous deux les miens,
Et mes enfans......

(Tous ensemble en lui prenant la main.)

Quel trait de bienfaisance!

Sud.-Point de remercîmens; ce serait une offense

Si je vous sais heureux, mes amis, c'est assez;
C'est vous..... c'est vous qui me récompensez.

(On entend une symphonie et des acclamations qui annoncent une fête publique; la scène change et le théâtre représente le port de Bordeaux, on y voit des vaisseaux ornés de guirlandes et de banderoles; des Anglais, des Français, des Espagnols, des Portugais, caractérisés par des habits pittoresques, exécutent d'abord des danses à la mode de leurs pays, au bruit des salves d'artillerie. On chante des couplets sur la paix, et la fête se termine par un ballet général.)

Le Bonheur de la Solitude.... Stances, par Florian.
Dans cette aimable solitude,

Sous l'ombrage de ces ormeaux,
Exempts de soins, d'inquiétude,
Mes jours s'écoulent en repos.

Jouissant enfin de moi-même,
Ne formant plus de vains désirs,
J'éprouve que le bien suprême,
C'est la paix et non les plaisirs.

Ici rien ne manque à ma vie,
Mes fruits sont doux, mon lait est pur;
Sous mes pieds la terre est fleurie,
Le ciel sur ma tête est d'azur

Si quelquefois un noir orage
Me cause un moment de frayeur;
Elle passe avec le nuage:
L'arc-en-ciel me rend mon bonheur.

Dans le monde où tout inquiète,
L'homme est en proie à la douleur
A peine est-il dans la retraite,
Que le calme n'ait dans son cœur.

Le Lieu natal....Stances, par Florian.

Je vous salue, ô lieux charmans,
Quittés avec tant de tristesse !
Lieux chéris où de ma jeunesse
Je vois partout les monumens.

J'ai retrouvé, dans d'autres lieux,
Des eaux, des fleurs et de l'ombrage;
Mais ces fleurs, ces eaux, ce feuillage,
N'avaient point de charmes à mes yeux.
On n'est bien que dans sa patrie,
C'est-là que plaisent les ruisseaux :
C'est-là que les arbres plus beaux
Donnent une ombre plus chérie.

Qu'il est doux de finir ses jours
Aux lieux où commence la vie!
D'y vieillir près de son amie,
Sans changer de toit ni d'amours.

A ma Solitude. Stances, par Ducis.
O mon aimable solitude,
Reçois le tribut de mes chants.
Pourrais-je, sans ingratitude,
Oublier tes bienfaits touchans?

C'est toi qui me rends à moi-même,

Je te dois ma tranquillité;

Je trouve ici tout ce que j'aime,
Les champs, la paix, la liberté.

La nature, dans ces vallons,
A signalé sa bienfaisance;
Et la récolte de ses dons
N'en trompe jamais l'espérance,
A l'ombre du myrte fleuri
Qui s'arrondit sur ma cabane,
Mes jours coulent sans nul souci,
Loin d'un monde faux et profane.

Plaisirs trompeurs de ma jeunesse
Où se livrait mon cœur séduit:

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