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Ainsi que nous voyons, délicate et craintive,
Se flétrir sous nos mains la tendre sensitive.
Un mot, un geste, un rien alarme ses appas ;
Le cœur vole au-devant de son doux embarras :
Son silence nous plaît; sa froideur même enflamme,
Et la pudeur enfin est la grâce de l'âme.

Attraits de la Variété.

Vainement la nature en merveilles féconde Aurait de tant d'appas orné l'homme et le monde ; L'habitude bientôt eût flétri la beauté, Si le ciel n'eût créé la douce nouveauté. Voyez de l'univers la marche monotone ! Toujours l'été brûlant fait place au doux automne. Toujours après l'hiver le printemps a son cours: Les jours suivent les nuits, les nuits suivent les jours. Les cieux même au milieu de leurs pompeux spectacles, Aux yeux désenchantés ont perdu leurs miracles. La nouveauté paraît et son brillant pinceau Vient du vieil univers rajeunir le tableau. Cet uniforme Dieu, conduit par l'habitude

Qui n'a jamais qu'un ton, qu'un air, qu'une attitude,
L'ennui s'enfuit loin d'elle, et la Variété,

Un prisme dans la main, se joue à son côté.
De ses mouvans tableaux le monde est idolâtre :
Mais la France sur tout est son brillant théâtre.

Morceaux du Poëme descriptif-Les trois Règnes de la Nature....par Delille.

Décomposition des Rayons Solaires.

Avant que de Newton la science profonde
Eût surpris ce mystère et les secrets du monde,
La lumière en faisceaux se montrait à nos yeux :
Son art décomposa ce tissu radieux,

Et du prisme magique, armant sa main savante,
Développa d'Iris l'écharpe éblouissante.

Dans les mains d'un enfant un globe de savon
De long-temps précéda le prisme de Newton;
Et long-temps sans monter à sa source première,
G

Un enfant dans ses jeux disséqua la lumière :
Newton seul l'aperçut; tant le progrès de l'art
Est le fruit de l'étude et souvent du hasard.

Enfin de sept couleurs la brillante famille,
Prête à chaque rayon l'éclat dont elle brille :
Du mélange divers des diverses couleurs
Naît l'éclat des métaux, le coloris des fleurs,
L'or flottant des moissons, et le vert des feuillages,
Et le changeant émail qui peint les coquillages,
Le
pourpre des raisins, l'azur foncé des mers,

Et l'éclat varié de la voûte des airs.

Effets de la Lumière vers la Zône Torride.
Eh! qui ne connaît pas les dons de la lumière ?
Sans elle tout languit dans la nature entière:
Les végétaux flétris regrettent ses faveurs,

La fleur est sans éclat et les fruits sans saveurs......
Ainsi loin du soleil, dans nos celliers captive,
Pålit la chicorée et se blanchit l'endive:
Ainsi vers cette zône où le ciel plus vermeil
Epanche en fleuves d'or les rayons du soleil,
De ses plus riches dons la lumière suivie,
Prodigue les couleurs, les parfums, et la vie :
L'onctueux aromate y verse ses ruisseaux ;
De plus vives couleurs y parent les oiseaux ;
Les fleurs ont plus d'éclat; la superbe nature
Revêt pompeusement sa plus riche parure,
Tandis que, déployant son lugubre coup-d'œil
Le Nord décoloré languit dans un long-deuil.

Les Aurores Boréales.

Mais, que dis-je ? Le Nord, dans ses vastes domaines, Contient de la clarté les plus beaux phénomènes. Qui n'a point observé, dans ces climats glacés Ces feux par qui du jour les feux sont remplacés ? Là le pôle, entouré de montagnes de neige, Conserve de ses nuits le brillant privilège, Ces immenses clartés, ces feux éblouissans, Au sein de l'ombre obscure au loin resplendissans, Qui même avec les cieux où le jour prend naissance, Rivalisent de gloire et de magnificence;

Long-temps l'erreur les crut, dans ses âpres climats,
Le reflet des glaçons, des neiges, des frimats;
Des esprits sulfureux exhalés de la terre,

Qui présageaient la mort, la discorde et la guerre,
Et jusque sur leur trône épouvantaient les rois.
Enfin la vérité fit entendre sa voix,

Nous dit que le soleil enfante ces aurores,
Ces merveilles du ciel, ces pompeux météores;
Abaissés, élevés, l'air pur ou nébuleux
Refuse, admet, accroît ou tempère leurs feux;
Souvent l'épais brouillard tient leurs flammes captives,
Ou laisse pénétrer leurs clartés fugitives :
Ils glissent en reflets, s'échappent en lingots,
Ou d'une mer de feu roulent au loin les flots :
Ils forment quelquefois des colonnes superbes,
S'entassent en rocher, ou jaillissent en gerbes :
Et, variant le jeu de leurs rayons divers,
De leur pompe changeante étonnent ces déserts.

Description de l'Electricité.

Dans le temple des arts, asile où la science
Fait auprès du génie asseoir l'expérience,
Avançons, contemplons comment un art mortel
Ravit aux dieux la foudre et ses flêches au ciel.
Du coussin échauffé par le verre qui roule
La matière éthérée en longs ruisseaux s'écoule :
Le conducteur, empreint de ces légers courans,
Au cylindre enfermé fait passer ces torrens :
Soudain, de tous les points au loin rejaillissante
Eclate et resplendit la flamme éblouissante.

Tantôt dans un cristal, de minces feuillets d'or
Tout-à-coup animés semblent prendre l'essor;
Attirés, repoussés, s'approchent, se retirent;
Dans l'abri transparent tantôt nos yeux admirent
Ces papiers bondissans, pleins d'un feu passager,
Des Nymphes, des Sylvains, simulacre léger;
Leur être est d'un moment; mais l'éternel prodige
Varie en cent façons son étonnant prestige,

D'un air mêlé d'audace et de timidité, Souvent sur l'isolair une jeune beauté

Se place en rougissant, curieuse et tremblante;
A peine elle a touché la baguette puissante,
Autour d'elle le feu jaillit en longs éclairs ;
La flamme en pétillant s'élance dans les airs,
Se joue innocemment autour de sa parure,
Glisse autour de son cou, baise sa chevelure :
La belle voit sans peur ces flammes sans courroux
Qui semblent de son teint rendre l'éclat plus doux.
Soudain la scène change, et l'éther, ô merveille!
De Leyde vient remplir la magique bouteille,
Fond le métal ductile; et ses esprits brûlans
Se répandent dans l'air en flots étincelans;
L'acier la touche-t-il ? le coup part, le feu brille;
Je redouble, et l'éclair sort, éclate, pétille.
Tantôt au bout d'un fer voltigent à nos yeux
Et des globes de flamme et des langues de feu;
Ici les spectateurs forment de longues chaînes :
Soudain de mains en mains et de veines en veines,
Du fluide éthéré les torrens ont jailli,

Et dans tous leurs rameaux les nerfs ont tressailli....
Souvent la froide main de la paralysie

Dans un débile corps joint la mort à la vie :
On touche l'appareil; frappé de son pouvoir,
L'organe languissant apprend à se mouvoir.
Le sang revient au cœur, la fibre est ranimée,
Et la vie a reprise sa route accoutumée....

Description d'une Secheresse causée par le Vent du
Midi.

Les saisons, à leur tour, dans leur vicissitude Nous ramènent ou un air plus doux ou plus rude; Et les vents inconstans, en dépit des climats, Redoublent les chaleurs, augmentent les frimats. Tout-à-coup l'air s'embrase, et des vapeurs brûlantes Versent de toutes parts leurs flammes dévorantes:Des mines, des volcans, et des marais fangeux, L'air emporte avec lui le gaz contagieux; Il souffle, tout se fâne, et tout se décolore: La fleur craint de s'ouvrir et le germe d'éclore : Le midi de ses feux enflamme le matin;

La terre est sans rosée, et le ciel est d'airain.
Les monts sont dépouillés; dans la plaine béante
La soif implore en vain une eau rafraîchissante;
L'arbre perd sa vigueur; tari dans ses canaux,
Le suc arrive à peine jusques à ses rameaux;
Le lac est desseché; le fleuve aux mers profondes
Roule honteusement ses languissantes ondes.
La truite ne fend plus les rapides torrens ;
L'anguille avec lenteur traîne ses plis mourans:
La cascade se tait: dans sa marche plus lente,
Le pêcheur voit dormir la rivière indolente :
A peine le berger penché sur le ruisseau,
Du milieu de son cours tire une goutte d'eau.
Plus d'amour, plus de chant; le coursier moins superbe,
En vain d'un sol brûlé sollicite un brin d'herbe,
Et le cerf altéré hâlète dans les bois.

Partout l'air accablant pèse de tout son poids;
L'homme même succombe, et son âme affaissée,
Sent défaillir sa force et mourir sa pensée.

Frimats causés par le Vent du Nord.
Et toi, tyran du monde, inexorable Hiver,
De quel souffle piquant tu viens irriter l'air :
Pareil à la Gorgone autrefois si terrible,
Tout se change en rocher à ton aspect terrible;
L'Océan immobile, en suspendant ses flots,
N'offre plus qu'un cristal aux yeux des matelots.
Le lac porte des chars; jusqu'au fond de la terre,
Dans ses derniers canaux la sève se resserre.
Des élémens troublés l'hiver se fait un jeu,
Et le démon du froid insulte au dieu du feu.

Vents variables; Vents alizés.

Parmi les vents divers, despote peu durable,
L'un exerce un moment son règne variable,
S'empare en souverain de l'empire de l'air,
Il part comme la foudre, il meurt comme l'éclair,
Et calmant tout-à-coup ses fureurs passagères
Dans les airs, à leur tour, laisse régner ses frères ;

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